La pépiniériste et l'intelligence artificielle

PepinieristeSophie de Menthon recevait pour une conférence-déjeuner des membres d’ETHIC, au cercle de l’Interallié, Laurent Alexandre. Enarque, chirurgien , fondateur de Doctissimo, il est surtout connu aujourd’hui pour ses livres et conférences dédiés à l’intelligence artificielle. LaurentAlexandre

Il vient de faire paraître un nouvel opus de circonstance, « La guerre des intelligences à l’heure de ChatGPT ». Son message à l’assistance de ce déjeuner, conforme à son style provocateur, est simple et direct : Si vous ne vous mettez pas à ChatGPT et à l’Intelligence Artificielle dès ce soir, il ne faudra pas longtemps avant que vous ne serviez plus à rien. Dans cette assistance, comprenant de nombreux entrepreneurs et dirigeants plutôt seniors, ça fait mouche. Même Sophie de Menthon a dû dire, comme un aveu, «oui, oui, moi aussi je vais m’y mettre ».

Derrière la provocation, Laurent Alexandre met le projecteur sur un sujet qui nous concerne tous, et concerne toutes les entreprises : les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle ont pénétré notre monde et nos façons de vivre, et ne vont plus nous lâcher. La guerre des intelligences, c’est celle entre les cerveaux des machines et les cerveaux des humains. Fabriquer une intelligence humaine avec l’éducation, l’école, les études, prend un temps fou et coûte cher (avec des ratés, tout le monde n’arrivant pas aux mêmes niveaux), alors que fabriquer une intelligence artificielle, avec de bons programmeurs, un bon jeu de données, et les bons outils, se fait aujourd’hui très rapidement, et progresse chaque jour pour être toujours plus performant et plus intelligent. Sans parler de la différence de rémunération entre celui qui développe les intelligences artificielles et le prof du collège ou du lycée.

Alors, nous devons nous habituer très vite à cohabiter et co-construire aves l’intelligence artificielle et ChatGPT 4.

Mais voilà, les dirigeants ont aussi parfois du mal à imaginer comment s’y prendre, voire en ont peur. Ma voisine lors de cette conférence, dirigeante d'entreprise  pépiniériste, me le disait : « Mais moi, je ne vois pas bien ce que l’intelligence artificielle peut vraiment m’apporter « .

Cet échange avec Laurent Alexandre, dans le style « Dépêchez-vous, sinon... », était utile (Merci Ethic, Merci Sophie), et le nombre de participants montrait bien que ça intéresse beaucoup de monde. Intéressant de constater aussi que nombreux ne sont pas très familiers du sujet, ni des implications concrètes pour eux. Et puis il ne suffit pas de les haranguer, il va falloir aussi convaincre, et aller un peu plus loin que la lecture du livre de Laurent Alexandre (qui a l’avantage d’être très accessible, pas du tout technique, mais avec l’inconvénient de ne pas donner toutes les réponses aux questions de ma voisine pépiniériste, qui risque de rester sur sa faim).

Alors comment devons-nous nous y prendre pour acquérir ce que Tsedal Neeley, un professeur d’Harvard, appelle un « digital mindset » ?

Ce qui bloque certains, c’est cette peur diffuse que ces technologies vont faire remplacer les hommes par les machines, et, comme le répète Laurent Alexandre, inspiré par Yuval Noah Harari et « Homo Deus », séparer la société entre les dieux et les plus nombreux, les « inutiles ». Ce qu’il appelle le vrai « grand remplacement », celui du grand remplacement cognitif de l’homme par l’IA.

Ce n’est pas ce que croit Laurent Alexandre, qui voit plutôt un scénario optimiste où l’homme va maîtriser ces technologies et saura collaborer avec elles. Reste à bosser, et pas que les jeunes.

Ce qui va bouger, et bouge déjà, avec les technologies, et qui est nécessaire pour avoir le « digital mindset » concerne trois domaines selon Tsedal Neeley :

  • La collaboration entre les hommes et entre les hommes et les machines. De nouvelles formes de collaboration sont à inventer et à mettre en œuvre. Ce qu’on appelle l’intelligence collective va devoir inviter un nouveau participant, la machine et l’IA.
  • Le traitement des données : comment exploiter les données, les collecter, les trier et leur faire dire les prévisions et analyses, voilà un champ entier de progrès et d’idées ( même pour les pépiniéristes) ;
  • Le changement : changer, transformer, améliorer, les projets ne manquent pas. Mais les technologies nous permettent d’aller plus vite, d’expérimenter, d’essayer et de recommencer ; toutes ces nouvelles façons font partie du « digital mindset ».

Dans les entreprises, le risque pour les dirigeants est de laisser les initiatives à leurs collaborateurs et de rester « au-dessus de la mêlée ». De quoi freiner les impulsions.

Au contraire, la première initiative est d’abord de se frotter aux nouvelles technologies personnellement, en allant directement au contact. Se prendre une journée en comité de direction, pour imaginer les impacts des technologies sur les métiers de l’entreprise, et échanger, entre générations, avec des start-up et entrepreneurs qui savent nager et inventer dans ce nouveau monde, ainsi que quelques experts bien choisis, voilà de quoi s’ouvrir et inventer des futurs inspirants.

Autre approche : imaginer les scénarios du futur dans un monde de technologies exponentielles et y tester notre stratégie, comme un tunnel pour tester la résistance d’un avion.

La plupart des dirigeants ont bien progressé avec les confinements, en découvrant comment utiliser Teams ou Zoom, dont ils n’avaient jamais entendu parlé, et qui sont devenus des habitudes courantes.

Avoir le « digital mindset » c’est continuer à apprendre et à expérimenter, régulièrement, dans un monde des données qui sont de plus en plus nombreuses à notre disposition.

Même les pépiniéristes…


Discernement technologique et Low Tech : Et si c'était vrai ?

LowTechL’entreprise aujourd’hui qui veut parler de sa stratégie, aux clients, au collaborateurs, aux actionnaires, aux médias, elle ne peut plus oublier les sujets de climat.

C’est particulièrement visible en ce moment dans les assemblées générales, comme le raconte Le Figaro de ce mercredi 26 avril : «Cette année, le principal cheval de bataille des actionnaires, petits porteurs et fonds, est le « Say on Climate », c’est-à-dire toutes les résolutions concernant le climat ».

Ces résolutions, en France, ne sont que consultatives, mais envoient quand même un signal fort et très observé.

Le Figaro, dans le même article, rappelle que selon un sondage de Scalens, la question du climat est devenue la première préoccupation des actionnaires individuels (20%).

Forcément, il y a encore des couacs. Ainsi, TotalEnergies a ainsi décidé, l’année dernière, d’écarter de son AG de mai 2022, l’examen d’une résolution climatique externe déposée par onze actionnaires, qui lui demandaient d’atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique fixés par l'Accord de Paris. Leur résolution visait à inscrire dans ses statuts une obligation de consulter annuellement ses actionnaires sur le plan climat, en fixant ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et ses moyens pour y parvenir. Patrick Pouyanné avait répondu que c’était au Conseil d’Administration de fixer ces objectifs, et non à l’AG.

Cette coalition d’actionnaires entend renouveler cette demande pour l’AG de 2023.

Pour les plus vertueux, les initiatives se multiplient, comme celle de Getlink qui a entrepris de publier un nouvel indicateur, sa « marge décarbonnée », en soustrayant une « facture carbone » théorique à sa marge opérationnelle.

Mais on a aussi des initiatives plus étonnantes, comme celle de Danone qui vient de confirmer un partenariat avec la marque de luxe Balmain pour lancer une collection « capsule » de vêtements à partir de bouteilles plastiques recyclées, et une collection de bouteilles d’eau (série limitée !) estampillées Balmain. De quoi susciter un gros buzz et beaucoup d’émoi écologique.

Si l’on veut faire un peu de prospective pour anticiper l’évolution plausible de l’environnement de nos entreprises le sujet de la technologie n’est pas très éloigné de celui du climat.

On peut en effet imaginer que les solutions se trouvent dans ce que l’on appelle le « solutionnisme technologique », expression surtout utilisée par ses détracteurs.

 Il s’agit de l’idée selon laquelle l’innovation technologique sera capable de résoudre les problèmes écologiques. C’est une idée répandue qui a aussi inspiré le plan France 2030, qui prévoit de dépenser 30 milliards d’euros d’argent public sur dix technologies clé, en vue de faire face à nos « besoins croissants ». C’est faire l’hypothèse que nos besoins vont croître et que ce sont ces solutions technologiques qui sont la réponse. : mini centrales nucléaires, électrolyseurs géants, solutions numériques, et bien sûr l’intelligence artificielle.

Mais un autre scénario est développé, et souhaité, par les tenants des « Low Tech » : partant du constat que nos ressources sont menacées, et sans nier les avantages de la technologie, ils prônent plutôt ce que Philippe Bihouix appelle dans son livre référence « L’âge des Low Tech » (mis à jour en 2021 dans une version en Poche), le « discernement technologique ». Le Low Tech, c’est de s’orienter vers plus de frugalité et de préservation des ressources naturelles.

A ceux qui penseraient que cette tendance « Low Tech » va nous faire reculer en innovation, Franck Aggeri, professeur à Mines Paris PSL, et auteur de « L’innovation, mais pour quoi faire » et co-auteur de « L’économie circulaire », répond dans une interview parue dans L'Obs cette semaine. Le titre : « Innover, mais différemment ».Pour lui, innover différemment, c’est adopter une démarche générale de simplification, et développer la circularité, c’est-à-dire le bouclage des flux de matières, de produits, et d’énergie, afin de réduire la pression sur les ressources et l’environnement. Comme il l’indique dans cet entretien, « Le problème n’est pas tant que les ressources vont disparaître, mais que plus on les exploite plus elles sont coûteuses à extraire, de moins en moins riches et de plus en plus polluantes ».

Alors, cette économie des ressources et le quotidien des comportements « Low Tech », dans un scénario de basses technologies, on commence à connaître, et, bien qu’il y ait toujours des râleurs et des résistances, on s’y est presque habitués, crise de l’énergie et de l’Ukraine aidant : suppression des sacs plastiques, des couverts en plastique chez Mac Do et partout, suppression de l’impression des tickets de caisse (là ça râle encore, et la mesure a été repoussée), suppression des prospectus papiers des promos de la grande distribution, extinction de l’éclairage des boutiques la nuit. Certains élus ont aussi proposé d’interdire les jets privés, mais là ça coince trop.

Pourtant, avec Philippe Bihouix, on n’en est qu’au début, et son livre nous fait vivre la vie quotidienne au temps des basses technologies, à une intensité beaucoup plus forte. Accrochez-vous !

Tout y passe.

Si l’on prend les services, il y voit une occasion de les « démachiniser » en posant la question : Pourquoi remplacer les humains par des machines partout ? Et ne pourrions-nous pas « revoir à la baisse la quantité de technologie et de machines que nous utilisons, comme ces bornes utilisées par les serveurs dans les restaurants qui permettent de gagner quelques points de productivité sur la main d’œuvre et d’éviter toute erreur de facturation » ? ( certains vont crier au retour des luddites en lisant de telles propositions).Et que dire de ces machines pour acheter et imprimer nos billets de trains SNCF, machines et écrans bourrés d’électronique, donc de métaux rares , branchés en permanence, machines qui aggravent le déficit commercial, car l’essentiel du contenu de ces machines est fabriqué à l’étranger, et leur énergie achetée à l’extérieur. Et puis ces machines sont aussi à l’origine de ce que Philipe Bihouix appelle le « néo-prolétariat », « chargé des tournées en camionnette pour approvisionner les distributeurs de café et de confiseries dans les stations de métro, changer les bonbonnes d’eau dans les entreprises, assurer la maintenance de toutes ces machines compliquées, fragiles et capricieuses-car sans maintenance tout cela tombe rapidement en panne ».

Le Low Tech, c’est aussi réduire les besoins à la source. Et nous sommes dans un pays où les stocks en place sont énormes dans des domaines aussi variés que les outils, le matériel de bricolage, les livres, les jouets. Quelques évidences relevées par Philippe Bihouix : « Il se vend chaque année des milliers d’exemplaires du Petit Prince, de L’écume des jours, ou des Misérables, alors que le nombre déjà imprimé et disponible doit largement permettre à chacun de les découvrir ou de s’y replonger à l’envi, sans créer des listes d’attente dans les bibliothèques municipales ». Autre chiffre : On a fabriqué plus de 6 milliards de figurines Playmobil depuis leur création en 1974, soit trois ou quatre par enfant, et sans doute bien peu ont atterri dans les pays pauvres.

C’est aussi prendre conscience des arbitrages peut-être nécessaires sur la consommation des ressources rares ? Prenez l’hélium, qui est nécessaire en grande quantité pour les appareils IRM, qui peuvent sauver des vies. Or, l’hélium est un gaz non renouvelable, car « il s’échappe de l’atmosphère, étant trop léger pour être retenu par la gravité terrestre, et il est donc récupéré dans certains gisements de gaz naturel, où il s’est accumulé à travers les âges géologiques par la radioactivité naturelle de l’uranium et du thorium ». Et Philippe Bihouix de poser la question (en anticipant notre réponse) : Est-il raisonnable d’utiliser l’hélium aussi dans des ballons Mickey pour les fêtes d’anniversaire ?

L’auteur s’attaque même à l’amour. Il cite Cecil Rhodes, fondateur de la compagnie De Beers, encore aujourd’hui dominante sur le marché du diamant, qui disait que l’avenir de son empire était assuré « tant que les hommes et les femmes tomberont amoureux ». Et il se prend à imaginer un avenir différent : « Renoncer à l’or et aux pierres précieuses au profit du collier de coquillages, ou à tout le moins faire avec l’énorme stock existant. N’offrir que des bouquets de fleurs des champs lorsqu’elles poussent, au printemps et en été, et abandonner ces affreuses fleurs coupées qui arrivent d’Equateur ou du Kenya par avions entiers ». Et pourquoi ne pas s’attaquer aussi à la consommation ostentatoire, du maquillage à la voiture de sport, sur laquelle se base désormais, en grande partie, la compétition sexuelle. Car, rappelons-nous, « En chantant sous le balcon, en s’accompagnant de sa guitare, Roméo avait bien su séduire Juliette avec une activité totalement neutre en carbone ».

On peut y croire, ou pas, mais pour l’entreprise aujourd’hui qui imagine les scénarios pour demain , et les impacts possibles, ces tendances Low Tech, dont les proportions sont encore incertaines, méritent d’être interrogées.

Et Philippe Bihouix est une bonne référence pour nous prévenir, car il est certain que «La prise de conscience et l’envie d’agir concrètement progressent, et que le « monde d’avant » se craquèle un peu partout ».

Ce sont les syndicats, mais aussi les employés et les candidats qui interpellent les dirigeants d’entreprises, et aussi les actionnaires, y compris dans les AG. Ce sont ces élèves des grandes écoles qui exigent de l’entreprise des engagements « écolos ». Ce sont les clients qui bousculent les fournisseurs et les marques. Ce sont les citoyens qui demandent aux gouvernants et aux candidats aux élections, de moins en moins poliment, de prendre en compte les enjeux environnementaux, de façon de plus en plus sérieuse.

Pour l’entreprise, il ne s’agit plus de se contenter de parler d’efficacité technologique, mais de parler de réduction à la source, dans la sobriété. Cela concerne les comportements, les nouveaux usages, et les choix d’organisation, politiques, règlementaires, ainsi que les évolutions culturelles et morales de nos environnements.

Alors, il est sûrement nécessaire de s’y préparer.

Qui est prêt ?


Expériences : du nouveau

LuxeQuand on veut faire un peu de prospective sur la consommation, on peut observer ce qui se passe dans l’univers du luxe.

Une étude récente de Bain nous indique que les très jeunes consommateurs de la génération Z, et ceux de la génération Y, ont fait leurs premiers achats de luxe entre 18 et 20 ans, et que ceux de la génération Alpha (nés après 2010) devraient s’y mettre encore plus tôt, vers l’âge de 15 ans.

Les groupes de luxe ont bien compris que ce sont ces jeunes générations qui vont tirer le secteur du luxe, et faire les tendances. D’où cette compétition pour les séduire, à laquelle Magali Moulinet consacre un article dans le numéro de L’Obs de cette semaine.

Et ce qui a profondément transformé le luxe, c’est le digital. Ce mélange de digital et de jeunes générations oblige à repenser totalement les expériences clients, de quoi inspirer d’autres secteurs et dirigeants qui ne voient pas forcément venir ces transformations.

Et c’est précisément le digital qui a permis au luxe de se renforcer pendant la crise Covid.

Et ce qui est en train de transformer le luxe et le digital, c’est bien sûr le Web 3 (metaverse, NFT, blockchain), tout ce que certains continuent à prendre pour des trucs inutiles de gamins geeks, alors que le luxe n’est qu’un précurseur de ce que vont connaître tous les secteurs.

Et ce qui compte pour les marques, c’est de capter l’attention du public, dans un monde où c’est de plus en plus difficile, tous le observateurs le constatent, tant notre attention est constamment sollicitée, et pour cela la réponse est de pouvoir faire partie de la vie quotidienne des clients. L’ambition est d’être une extension de l’identité des clients pour mieux capturer leur attention.

Magali Moulinet cite dans son article des exemples d’initiatives, comme des grandes messes populaires organisées par les marques. Le but est de créer des expériences ludiques et immersives pour impressionner les jeunes générations le plus tôt possible et les rendre moins intimidés face au luxe. Ce ne sont pas des expériences qui reproduisent les achats comme dans un magasin ou un site de e-commerce, mais des choses complètement nouvelles, grâce aux possibilités du web 3 (et donc il y faut un peu plus d’imagination et de créativité).

Ainsi le couturier français Jacquemus s’est installé en mars dernier aux galeries Lafayette Haussmann en exposant à l’entrée un grille-pain géant et son toast animé, et aussi un sac Bambino géant dans lequel on peut se glisser pour acheter les modèles de la marque.

L’idée est aussi de créer des expériences que les jeunes peuvent relayer sur Tik Tok et les réseaux sociaux. Ainsi, juste avant l’ouverture de la boutique éphémère Jacquemus avenue Montaigne, à l’occasion de la Fashion Week, la marque a envoyé une petite boîte renfermant un seul pop-corn à certains influenceurs, avec justement pour but de surprendre et d’avoir un relais sur les réseaux sociaux, et aussi d’attirer les jeunes dans le magasin pour venir chercher les friandises qui leur seraient offertes. C’est gratuit, pas besoin d’acheter. Ces expériences qui se diffusent via Tik Tok apportent plus de notoriété que le coût d’acquisition d’une publicité traditionnelle.


Toutes les marques s’y mettent, comme Chanel qui avait organisé une exposition immersive au Grand Palais éphémère fin 2022, en affichant l’ambition de « rendre l’ordinaire extraordinaire ».

L’objectif de ces expériences est aussi de détacher les jeunes de leurs écrans pour acheter des NFT, et de les attirer dans les lieux et magasins pour s’y amuser avec des histoires et des mises en scène dont ils pourront parler.

Et cela n’empêche pas de proposer aussi des NFT, comme le font de plus en plus de marques, toujours avec l’idée d’attirer les acheteurs et influenceurs dans des communautés privilégiées. Créer et vendre des NFT, pour une marque, c'est aussi une manière de donner aux clients l'envie d'en posséder et donc de fidéliser encore plus la relation avec les clients. C'est aussi pour le client la manière de faire partie d'une communauté exclusive.

On comprend, grâce à cet exemple, combien l’expérience des clients nécessite d’agir sur plusieurs dimensions, et de créer les évènements qui donneront ce sentiment d’appartenance communautaire, avec relais sur les réseaux sociaux. C'est une boucle de rétroaction permanente.

De quoi revoir pour 2023 les stratégies et investissements, en arbitrant par rapport aux moyens classiques comme la publicité, les mails, ou les actions dites de « fidélisation ». Les nouveaux consommateurs, surtout les plus jeunes, nécessitent un peu plus de créativité et d’imagination.

Certains pourront d'ailleurs aussi y trouver des inspirations pour fidéliser les collaborateurs, par des expériences au bureau ou en virtuel, car la marque employeur a, elle aussi, besoin d'imagination.


Internet des sens ou victoire de l’avachissement ?

CanapéAprès avoir été enfermés à cause du Covid, en 2020 et 2021, est-ce que l’on se remet à bouger et à voyager, ou bien préférons-nous rester chez soi ?

Et comment cela va-t-il évoluer dans les années à venir ?

Voilà une bonne question de prospective pour les entreprises de transports, de voyages et de tourisme. Et pour interroger nos comportements et envies.

Le Directeur de SNCF Voyageurs, Christophe Fanichet, indiquait au Figaro que « le 8 mars, jour de l’ouverture des ventes pour l’été, nous avons établi un record avec un million de billets vendus ».

Pour les vacances de février, c’était 11 millions de billets vendus, soit plus qu’en 2019, avant la crise sanitaire. Et globalement en 2022, la fréquentation a augmenté de 5% par rapport à 2019. Ce qui augmente le plus, dans les TGV, ce sont les voyages pour raison privée, qui compensent la baisse des voyages professionnels (le télétravail est passé par là).

Côté trafic aérien, même constat : Air France espère retrouver cet été son trafic de 2019.

Concernant le tourisme, Atout France indiquait dans sa note de conjoncture de février 2023 que les recettes du tourisme international vers la France en 2022 étaient de 58 milliards d’euros, soit un niveau supérieur à celui de 2019.

Mais tout cela va peut-être changer avec le développement de ce que l’on appelle déjà « The Internet of Senses (IoS) », popularisé par les enquêtes et recherches de la firme suédoise Ericsson.

Grâce aux technologies d’Intelligence Artificielle, de réalité virtuelle, et à la 5G, nous pourrions, d’ici 2030, avoir la possibilité d’ajouter les sens du toucher et de l’olfactif dans les expériences virtuelles. On envisage aussi de permettre de ressentir les poids et la vitesse d’objets digitaux.

On imagine bien les révolutions que cela apporterait dans les expériences d’achat en ligne (pouvoir toucher, sentir et goûter les produits), ainsi que pour le tourisme (pourquoi se déplacer si on peut vivre la même expérience avec un casque connecté ?).

Il y a même déjà un « Institut de l’Internet des sens » 

Des expériences existent aussi pour combiner le physique et le virtuel pour améliorer l’expérience du touriste, et faire revivre l’histoire (« History Tourism »). Ainsi l’office du tourisme de Singapour prépare une expérience dans un fort de la 2ème guerre mondiale pour faire revivre en virtuel la défense de ce fort par les troupes britanniques.

Les technologies de réalité virtuelle sont aussi utilisées pour améliorer la visite des villes.

L’Ukraine a ainsi entrepris de digitaliser ses monuments et lieux historiques de Kiev pour garder son patrimoine et sauver son histoire avant que les Russes ne la détruisent complètement. On peut voir les lieux et objets en ligne ou vie des QR codes.

Les start-up font aussi partie du jeu pour faire émerger cet internet des sens.

 Ainsi la société grenobloise Aryballe développe depuis 2018 un nez artificiel permettant de capter et analyser les odeurs.  

Mais ces promesses ne convainquent pas tout le monde. Pascal Bruckner vient de publier un livre qui condamne ce « sacre des pantoufles » qu’il assimile à un « renoncement du monde ». Avec ces outils digitaux, on serait condamnés à rester chez soi, sortir dehors dans le vrai monde étant assimilé à un danger. C’est comme si on avait pris l’habitude d’être enfermés à cause du Covid, et qu’on en redemandait encore après. Pascal Bruckner n’est pas très sensible à la « féérie digitale » et y voit plutôt la « victoire de l’avachissement », avec une question : Qu’apprenons-nous avec la réalité virtuelle ? La réponse : « à rester assis ou allongés. Nous y prenons des leçons de siège. Il faut des corps rassis pour une société elle-même rassie qui vise à faire tenir les gens tranquilles, chez eux, pour mieux les livrer aux hold-up des cerveaux. L’écran, quel qu’il soit, est vraiment la tisane des yeux ; il n’interdit ni ne commande rien mais rend inutile tout ce qui n’est pas lui, il nous divertit de tout, y compris de lui-même ».

« Aujourd’hui, se ramasser chez soi, c’est aussi se déployer à la façon d’un radar qui reçoit les émissions du monde entier, les deux mains pianotant sur le clavier, la télécommande, le smartphone ». C’est ce que l’auteur appelle la « vita virtualis » : « Bien au chaud dans la Caverne, loin des intempéries, on regarde ce qui vient du lointain non comme la lumière des Idées mais comme les ténèbres de l’aléa ».

Et cet enfermement volontaire devient le mode de vie normal : « Même une activité aussi simple que d’aller au cinéma est devenue problématique : Pourquoi sortir de chez soi, s’enfermer dans une salle obscure avec des inconnus, voir un film, peut-être médiocre, alors que j’ai un choix illimité de spectacles sur mon écran (en France, la fréquentation des théâtres et cinémas a déjà chuté de presque 40% en 2022) ? ».

On comprendrait alors que ce besoin de loisirs par écran fasse sortir pour manifester contre l’allongement du temps de travail et la réforme des retraites même les plus jeunes.

Pascal Bruckner affiche son pessimisme sur notre temps : « Nous sommes entrés depuis la fin du XXème siècle dans un temps stérile et trop de camps rêvent de soumettre l’humanité à un impératif de régression ».

Et tout concoure à nous faire peur de sortir et de bouger, le changement climatique, les épidémies, le terrorisme, les guerres.

« Comment s’étonner que les jeunes générations soient hantées par des cauchemars, ne croient plus à l’avenir et courent se jeter dans le terrier, tête la première, en attendant la fin du monde ? Le besoin de sécurité absolue peut étouffer jusqu’au goût des autres. La fin du monde, c’est d’abord la fin du monde extérieur, c’est le manque d’attirance pour la vie commune. ».

Le livre se termine quand même par une note d’espoir en espérant que le clan des « partisans de la résistance » (les jeunes générations montantes, et les moins jeunes, qui veulent encore forger l’avenir et y contribuer activement), et le clan des « apôtres de la capitulation », ceux pour qui « le chez-soi est un empire qui annexe tout le dehors et l’avale sans ménagement ».

Alors, quoi choisir : l’internet des sens ou la victoire de l’avachissement ? Capituler dans son canapé ou agir et innover ? 

La quatrième révolution industrielle a besoin de nous.

 


Carcasses abandonnées ?

CarcasseCela fait quelque temps que ce concept d’ « homo oeconomicus » inventé par les économistes du XVIIIème siècle n’a plus la côte qu’il avait à l’origine. Il est construit sur l’hypothèse que les comportements humains sont guidés par des intérêts économiques, considérant que l’individu est un être rationnel qui cherche toujours à maximiser son bien-être économique, une sorte de calculette sur deux pattes.

On considère aujourd’hui que les comportements humains sont plus complexes, et font intervenir, outre les intérêts économiques, les émotions, les valeurs ou les croyances, qui viennent nous faire prendre des décisions qui peuvent être contraires à nos intérêts purement économiques. Les sciences comportementales et les neurosciences sont passées par là pour remettre en perspective des motivations humaines comme l’altruisme, le don ou la coopération, qui n’étaient pas perçues par les économistes d’hier.

Mais, au-delà de ces inflexions, ce qui a profondément changé nos comportements, ce sont les nouvelles technologies. C’est l’objet du livre de Diana Filippova, « Techno Pouvoir ».

Ce livre n’est pas une critique des technologies, mais une analyse fine de la manière dont la technologie influence notre vie quotidienne et notre société, de manière non consciente parfois, d’où ce concept de « Techno Pouvoir » qui décrit le pouvoir de la technologie sur nos modes de vie, et la façon dont nous nous connectons et interagissons avec le monde et avec les autres.

Son hypothèse est que, avec les technologies, l’homo oeconomicus est devenu ce qu’elle appelle un « homme sans qualités », c’est-à-dire un individu qui a perdu toutes ses caractéristiques distinctives, qui se fond dans la masse, devenant interchangeable avec n’importe quelle autre personne. En étant connectés aux mêmes outils technologiques, aux mêmes réseaux sociaux, aux mêmes algorithmes, nous deviendrions quasiment interchangeables, classés dans des « catégories » fabriquées par les nouvelles technologies, qui permettent aux « influenceurs » de déployer toutes les stratégies pour chasser les «vues » et les « like », ainsi que les « abonnés » et « amis ». Et nous suivons comme des moutons tous les "like" des autres sans réfléchir. 

Au point de se demander si nous avons encore la possibilité de se distinguer et de cultiver nos passions dans un monde de plus en plus uniformisé par la technologie qui nous dit ce qu’il faut penser et « liker » pour être dans le coup et suivre les tendances. Dans ce monde, l’intelligence humaine se dégrade pour devenir une « intelligence mécanique », d’où, d’ailleurs, la facilité avec laquelle se développe l’intelligence artificielle, puisque l’intelligence humaine elle-même ressemble de plus en plus à une intelligence artificielle. Diana Filippova reprend une formule de Shoshana Zuboff qui décrit l’homme moderne comme « une carcasse abandonnée ». L’homme est devenu « des données, plus une carcasse. Ni corps, ni âme, ni conscience ».

Bien sûr, tout n’est pas foutu, et Diana Filippova nous encourage aussi à essayer de s’en sortir, en ayant une réflexion plus critique sur les technologies, et comment nous les utilisons.

Peut-être va-t-on voir le retour de ces notions de conscience. Prendre conscience de ces effets intrusifs des technologies sur nos vies, c’est aussi le moyen de cultiver notre identité. Certains ont déjà choisi de se déconnecter, de s’éloigner un peu plus des réseaux sociaux, de prendre le temps de penser par soi-même, même différemment des masses. Plutôt que de courir après les « like » et ces centaines de milliers d’ « amis » que nous ne connaissons pas, développer un cercle de relations qui partagent nos valeurs, et nous permettent de nous affirmer« uniques ».

La fin de l’ouvrage de Diana Filippova nous y encourage :

«  Triste horizon que celui de ces « spécialistes sans vision et voluptueux sans cœur » qui peuplent la société devenue cage d’acier. Il y a en elle des cachettes et des fissures que le techno-pouvoir n’est pas en mesure d’atteindre ou de museler. C’est celui que des quidams de tout bord et de toutes fonctions dégagent des obstacles qui l’encombrent lorsqu’ils opposent, dans l’intimité de leur foyer ou dans les espaces publics, la puissance de leur volonté et les merveilles de leur imagination, individuelle et collective.

Laissons éclore ces imaginaires dans l’ombre, hors d’atteinte des instruments du technopouvoir. Mais n’oublions pas que viendra un moment où il faudra quitter le confort douillet des interstices et enjamber les quelques marches qui nous séparent de l’arène où se font les jeux et se livrent les batailles ».

Un bon conseil pour terminer 2022 et aborder 2023, forts de la puissance de la volonté et des merveilles de l’imagination pour enjamber les prochaines marches.


Huit milliards de vendeurs qui nous aiment

VendeursDans le roman « Control », de PW. Singer et August Cole, l’un des protagonistes commercialise des données très chères qu’il a obtenu gratuitement, comme il le dit :

« Nous en savons plus sur les Américains que leur propre gouvernement. Des capteurs dans Ieurs Viz Glass (des lunettes connectées). Des capteurs dans leurs médicaments contre les brûlures d’estomac. Des implants dans leurs maisons. Des implants dans leurs reins. Des puces dans leurs chats. Des puces dans leurs puces. Le tout analysant ces données au sein d’un réseau en expansion constante et rendant compte de tout et n’importe quoi sur le cloud. Nous pouvons alors recouper et exploiter ces informations quasi infinies jusqu’à acquérir une connaissance que les gens n’imaginent pas dans leurs rêves les plus fous. Dans leurs rêves les plus dérangeants, même, des révélations sur leur profil psychologique, leur personnalité, à tel point que l’algorithme en sait davantage sur eux qu’ils n’en savent eux-mêmes. Et si nous facturons aux entreprises les fruits de cette récolte, les gens nous donnent tout cela gratuitement. Non seulement ce qu’ils font et pensent, mais les moyens de changer ce qu’ils font et pensent. Ils nous donnent le contrôle de leur vie, sans réserve, en échange d’un libre accès à des services et à des biens que nous leur faisons payer au prix fort… ».

Roman de science-fiction ?  

Oui, et non, car ces technologies et ce qu’elles permettent, ainsi que les comportements des consommateurs, cela existe déjà aujourd’hui ; le meilleur exemple est la prolifération de ces « assistants personnels » tels Alexa (Amazon) ou Google Assistant. Les analystes prévisionnistes de Juniper Research prévoient que ces assistants seront 8 milliards d’ici 2023, soit plus nombreux que la population sur Terre !

Cette prévision n'est peut-être pas totalement réaliste. Un expert que j'ai consulté m'a indiqué que l'équipement est de 35 millions aux Etats-Unis aujourd'hui, et devrait être à 200 millions en 2023.

Indépendamment du chiffre, l’étude prévoit que le développement de ces assistants personnels affectera négativement le marché des applications mobiles, car les interactions que nous avons avec les applications mobiles seront remplacées par des conversations avec les assistants vocaux, et feront donc diminuer notre temps d’écran.

Et certains y voient déjà, et le roman de PW Singer et August Cole met bien le doigt dessus, une forme de conflit d’intérêt.

En effet, est-ce que cet assistant vocal est là pour nous assister dans notre vie quotidienne, ou bien pour nous pousser à acheter, avec des méthodes très persuasives, grâce aux données collectées et achetées par les vendeurs. Hello, il fait froid aujourd’hui, que dirais-tu de t’acheter un joli pull à col roulé ; veux tu que je t’en propose quelques-uns ? Le même que tu as regardé hier sur le site de cette marque. Ou le même que Bruno le Maire dans ce tweet que tu as « liké ».

Pour l’instant, les assistants personnels sont encore utilisés pour des tâches très simples (une étude a révélé que 20% des utilisateurs faisaient usage de leur assistant vocal pour faire bouillir un œuf); mais on les utilise aussi pour consulter la météo ou écouter de la musique.

Les usages vont se multiplier avec leur développement, pour se distraire et pour acheter, un voyage, un service, une voiture. 8 milliards d’assistants personnels, ce seraient en fait 8 milliards (ou peut-être moins) de vendeurs qui vous harcèlent sans que vous vous en rendiez compte.

Alors, pour répondre à ces conflits d’intérêts, les prévisionnistes imaginent plusieurs scénarios.

On peut imaginer une auto-régulation par les entreprises comme Amazon ou Google qui décident de séparer les activités d’assistant vocal de e-commerce, en créant des filiales séparées pour ces deux activités. Ou bien au contraire la prolifération des vendeurs( ayant acheté les données des assistants vocaux) pour pousser de plus en plus d’offres de produits et services dans ces 8 milliards d’appareils à des consommateurs sous influence, sans qu’ils s’en aperçoivent.

On peut aussi croire que les régulateurs et les gouvernements vont agir. Mais la question demeure : Quand et comment ? Les premières régulations concernent la protection des enfants, avec les systèmes de contrôle parental sur certains services et streaming. Mais pour le reste, il va falloir encore inventer, et peut-être même que les consommateurs ne voudront pas être ainsi contrôlés, trop contents de pouvoir se voir proposer des tas de trucs utiles ou inutiles dont ils seront convaincus d’avoir vraiment besoin, grâce à la gentille Alexia.

Les auteurs du roman disent avoir écrit cette fiction pour nous aider à réfléchir et à affronter les enjeux de ces nouvelles technologies dans ce qu’ils appellent « la vraie vie ».

Mais peut-être demanderons-nous aussi à Alexa ou Google Assistant ce que nous devons en penser et quoi faire.


La guerre des mondes 3.0 dans le Metaverse

GuerredesmondesAujourd’hui encore, la perception du Metaverse par le public ce sont des jeux vidéo, des expériences de réalité virtuelle, des technologies encore naissantes, des applications sociales pour y faire des réunions avec des lunettes et un casque sur la tête. Mais pour ceux qui en imaginent des perspectives de business plus vastes, c’est un nouvel eldorado pour demain ; et on imagine aussi y vendre des services financiers.

Mais on commence aussi à imaginer une vision à plus long terme du Metaverse, comme un nouveau monde virtuel, qui convergera avec le monde réel que nous connaissons, pour forger un tout nouveau monde qui nous transformera tous.

C’est l’exercice auquel se sont livré les équipes de Deloitte China, dans un rapport aux accents de science-fiction.

Ce nouveau monde comprend quatre dimensions.

Première dimension : le Metaverse, miroir qui simule le monde réel

Ils modélisent le monde réel en dix éléments : l’environnement, les personnes, les objets, les institutions, la société, ainsi que les systèmes économiques, de production d’entreprises, de production individuelle, de civilisation, et de gouvernance.

Dans le monde virtuel du metaverse on retrouvera ces mêmes dix éléments.

Mais cela va plus loin, car le Metaverse permet aussi de créer un monde virtuel avec les mêmes dix éléments, mais complètement nouveaux.

C’est la deuxième dimension.

Deuxième dimension : Un monde virtuel natif

En effet, le Metaverse va permettre de créer des personnes, des objets, des environnements, qui seront complètement virtuels. Et aussi de nouvelles régulations et modes de gouvernance.

On rencontrera dans le Metaverse des avatars de personnes du monde réel, mais aussi des personnes complètement virtuelles, sans correspondant dans le monde réel. Idem pour les objets : les NFT sont des objets virtuels originaux.

Pour les organisations, on trouvera les DAO ( Decentralized autonomous organizations), des modèles décentralisés, sans chef unique, qui sont régis par des règles inscrites dans la blockchain, et complètement différentes des modèles d’organisation du monde réel qui, eux, fonctionnent encore avec des modèles plus centralisés.

Troisième dimension : Le monde réel

Le monde réel sera, finalement, partie intégrante du monde Metaverse, puisqu’il y disposera de facsimiles des éléments du monde réel : nos avatars, par exemple. Et ce qui crée la valeur dans le Metaverse est généré par les interactions entre le monde réel et le monde virtuel : on peut acheter dans le Metaverse et obtenir les objets et produits dans le monde réel. Et inversement.

Quatrième dimension : La convergence et les interactions entre les mondes réels et virtuels

En donnant la possibilité de passer d’un monde à l’autre, on se crée un nouveau monde.

C’est le degré de convergence et d’interactions entre ces deux mondes qui sera critique, et d’autant plus au moment, que certains imaginent pour très bientôt, où l’on aura plus d’interactions dans le monde virtuel que dans le monde réel.

Au premier niveau, le monde virtuel répliquera le monde réel, avec des règles identiques.

Mais on peut ensuite imaginer que de nouvelles règles de gouvernance vont émerger dans ce nouveau monde. Avec la question non résolue : qui gouvernera le Metaverse ? Les humains ou l’intelligence artificielle ? Les Etats ou les entreprises ? Pas si évident à l’heure où les entreprises technologiques, déjà aujourd’hui, possèdent plus de données sur les populations que les Etats.

De nouvelles communautés, des sociétés même, vont se créer avec le Metaverse, qui seront complètement indépendantes des Etats. Avec des avatars, des règles et des monnaies nouvelles. 

Ceux qui rêvent d’un nouveau monde « Metaverse » l’imaginent comme un monde où le privilège du pouvoir centralisé va s’affaiblir, ou disparaître. Avec les DAO et les nouvelles communautés hybrides, aucune entité d’Etat, aucun pays, ne pourra plus exercer le contrôle. Pas simple pour la fiscalité. 

Mais les interactions vont encore plus loin et posent de nouvelles questions : qui va contrôler la sécurité des informations, des données, et l’intégrité, ainsi que la vie privée ?

Ce Metaverse consommera aussi beaucoup de réseaux et de stockage de données, ainsi que de l’énergie. Qui va réguler tout cela, et comment sera-ce compatible avec la recherche de neutralité carbone ? Comment seront construites et exploitées les infrastructures nécessaires ?

Il est assez paradoxal que ce soient les équipes chinoises de Deloitte qui se posent toutes ces questions.

Ce nouveau monde sera-t-il inventé à l’Est ?

Encore un aspect de la guerre géopolitique, dont nous n’avons pas encore mesuré toutes les dimensions.

La guerre des mondes version 3.0 ?


Services financiers dans le Metaverse : la chasse est ouverte

ChasseouverteDans ce qu’on a appelé le Web 2.0, c’est-à-dire internet, les services financiers et les banques ont utilisé ces technologies essentiellement pour la formation des employés, pour créer des espaces d’interactions avec les clients ou pour les employés, des offres de « banque en ligne », ainsi que des services virtuels de conseil en investissements. Ces offres et services sont aujourd’hui plutôt matures et proposés par toutes les entreprises. Mais, en fait, cela n’ a pas fondamentalement changé leur business model, qui est resté identique à celui du monde physique. C’est comme dans une agence, mais en ligne. C’est comme dans une classe de formation, mais en ligne, devant son ordinateur.

Mais tout va être différent avec le Metaverse, qui offre des perspectives plus importantes, et peut bouleverser les modèles plus profondément.

On peut déjà observer les initiatives des pionniers, rapportées notamment dans ce récent rapport (juin 2022) de Mac Kinsey qui analyse les impacts actuels et potentiels du Metaverse par secteur d’activité.

En 2022, les initiatives se sont multipliées, et peuvent inspirer les autres. Cela concerne les communautés et les paiements dans le metaverse.

En mars 2022, la banque HSBC a annoncé un partenariat avec The Sandbox, pour y acheter un terrain virtuel destiné à créer une communauté avec les fans de e-sports. Le Directeur Marketing de HSBC Asia-Pacific a déclaré à cette occasion : « Le métavers est la façon dont les gens vont vivre le Web3, la prochaine génération d'Internet, en utilisant des technologies immersives comme la réalité augmentée, la réalité virtuelle et la réalité étendue. Chez HSBC, nous voyons un grand potentiel pour créer de nouvelles expériences par le biais de plateformes émergentes, ouvrant un monde d'opportunités pour nos clients actuels et futurs et pour les communautés que nous servons. Grâce à notre partenariat avec The Sandbox, nous faisons une incursion dans le métavers, ce qui nous permet de créer des expériences de marque innovantes pour nos clients actuels et futurs. Nous sommes ravis de travailler avec nos partenaires sportifs, les ambassadeurs de nos marques et The Sandbox pour cocréer des expériences qui sont éducatives, inclusives et accessibles ».

La FinTech Sokin, à Londres, a annoncé en février 2022 qu’elle va lancer sa propre communauté métaverse, conçue pour traiter des transactions de commerce électronique complètes. Le monde métavers de Sokin hébergera une communauté en 3D de marques et de détaillants - du sport à la mode et au-delà - et permettra aux consommateurs de se rencontrer, de communiquer, de faire des transactions, d'investir et d'acheter dans un écosystème et une économie virtuelle globaux. Les consommateurs effectueront leurs achats par le biais de l'application mobile peer-to-peer accessible de Sokin au sein du métavers.

Le monde métaversé de Sokin accueillera ainsi différentes marques et entreprises auxquelles les visiteurs pourront accéder (chaque pièce est dédiée à une marque, où le visiteur peut accéder pour ses achats), par exemple un club de football, une marque de divertissement ou de mode.

La néobanque Zelf, qui se veut la banque du Metaverse, a lancé un service de banque pour le metaverse, le MetaPass, accessible via la messagerie Discord, pour les gamers ( on notera le super design du site !), permettant notamment d’acheter et échanger des NFT aussi simplement que d’acheter du pain dans une boulangerie (mais les gamers vont-ils encore dans les boulangeries ?).

La banque TerraZero s’est, elle, spécialisée dans les prêts hypothécaires dans le Metaverse, pour justement y acheter des terrains ou y monter des projets d’investissements.

Pour les services financiers, on prévoit une extension des catégories de clients, qui ne se limiteront plus aux seuls gamers ou à des interactions de communautés spécialisées comme les fans de sport. Les services proposés vont également s’étendre.

La rapport de Mac Kinsey cite notamment :

  • Le Marketing : les institutions financières sont prêtes à créer des Branches « Digital » dans le Metaverse, pour y implanter leur marque et asseoir leur crédibilité, permettant au client d’avoir des interactions avec sa banque de manière hybride, tant dans le monde physique ou digital que dans le monde du metaverse ;
  • Les infrastructures : ceci correspond aux services d’identité numérique, de paiements digitaux, détention des NFT, des cryptomonnaies ou autres actifs digitaux ;
  • Les nouveaux produits et services associés au Metaverse : Par exemple les « cyber assurances ».

Mais plus les usages et les clients vont se développer, plus de nouveaux services vont apparaître, qui correspondent à autant d’opportunités pour les services financiers :

  • Des services pour les propriétaires de « wallets » dans le metaverse, tels que le « multicash management »,
  • Des prêts hypothécaires et montages de financement de projets pour le metaverse,
  • Des services de crédit consommation,
  • Des programmes de fidélisation, de paiement différé,
  • La financiarisation de tout, à mesure que de plus en plus d'actifs numériques sont créés et ont une utilité dans un contexte de metaverse, par exemple en étant utilisés comme garantie pour des prêts.

Bien sûr, la montée en puissance de ces services va dépendre de la montée en puissance des usages et de l’adoption du metaverse par les consommateurs de toutes sortes. Et les banques et services financiers peuvent décider de ne pas trop s’y intéresser pour le moment. Mais, le moment venu, il leur faudra aussi s’être équipé des talents et compétences nécessaires pour s’y développer et y prendre une place intéressante. Cela vaut la peine d’anticiper un peu dans les Départements des Ressources Humaines.

Car là encore, ce qui bloquera, ce ne sera pas la technologie, mais la capacité humaine à s’y adapter.

De quoi susciter la naissance de nouvelles start-up et licornes sur le marché des services financiers.

La chasse est ouverte dans le metaverse.


Rendez-vous sur Mars

MarsJ’avais déjà prédit ICI l’arrivée des Metaverse-consultants et des Metaverse-coachs, à la suite du développement des technologies Metaverse. Eh bien, ça y est, ils sont là, et en grand nombre.

On ne compte plus les plaquettes, les offres, les articles, et maintenant les livres avec les méthodologies pour s’y retrouver et s’y plonger. Ainsi que les annonces des entreprises par les PDG qui y mettent un pied, ou plus.

Alexandre Bompard a lui-même déclaré récemment avoir investi dans le Metaverse pour Carrefour, en achetant un terrain dans The Sandbox, sans trop savoir lui-même ce qu’il va en faire, mais, juste « pour ne pas rater une innovation ».Il a déjà commencé à y passer des entretiens de recrutement pour des data scientists.

Forcément, cela attire aussi les experts et tous ceux qui se présentent comme les meilleurs prospectivistes sur le sujet.

KPMG Australie donne la parole, dans une plaquette étonnante sur la réalité augmentée ( «  Future of extended reality ») à une dizaine de ces « experts », notamment des entrepreneurs qui ont créé des équipements pour s’immerger dans la réalité virtuelle (dans la VR virtual reality) ou des plateformes avec la technologie de réalité augmentée (dans la AR augmented reality).  Ce ne sont pas seulement des prévisions, mais aussi des produits et services qui existent déjà. Il y a de quoi en avoir la tête qui tourne, et susciter envies ou frayeurs, selon notre état d’esprit.

Prêt pour le plongeon ?

Alvin Graylin, Président HTC Chine (fabricant de téléphones, mais aussi plus récemment d’équipements de casques pour réalité augmentée), annonce la (sa) couleur : « D’ici 10 ans, vous passerez 12 à 15 heures par jour sur des écrans de réalité augmentée, à partir d’un équipement sur votre tête ». HTC a annoncé bruyamment qu’ils lançaient un smartphone spécial Metaverse, le HTC Viverse. Il ne sera disponible qu’à Taiwan, et si ça marche, dans le reste du monde ensuite.

Avec ces équipements sur la tête, toujours selon Alvin Graylin, la réalité augmentée (XR), avec l’intelligence artificielle, fera de nous un génie, car n’importe quelle donnée que nous souhaitons connaître est instantanément disponible devant nos yeux. Plus besoin d’utiliser notre cerveau pour aller chercher les données, il sera entièrement disponible pour prendre les décisions, sans avoir besoin de recourir à la mémoire. Je n’oublierai plus jamais le visage d’une personne, car j’aurai son nom sur le haut de son visage lorsqu’elle viendra vers moi lors d’une réunion ou d’une conférence. Et cette possibilité d’avoir cette information instantanée va bien sûr, « changer nos vies ».

Et puis, taper un texte sur son ordinateur ou son smartphone est particulièrement inefficace, alors que nous parlons à une vitesse de deux cents mots par minute, que nous pouvons écouter environ cinq cents mots par minute, et nous pouvons penser en images qui représentent des millions de bits par minute. Conclusion : dans ce mode de réalité augmentée, nous seront beaucoup plus productifs en communication et pour aller chercher les informations dans notre cerveau et les partager avec le monde.

David Whelan, lui, est le CEO de ENGAGE, une plateforme spatiale en 3D, où nous pouvons déjà organiser des réunions et des évènements. Lui aussi a sa prévision : « Dans les 3 à 5 prochaines années, plus de 50% des employés qui travaillent dans des bureaux travailleront en total télétravail sur des plateformes comme ENGAGE ». Il y aura aussi des emplois à plein temps dans les mondes virtuels, et nous allons très bientôt embaucher pour ces emplois. Ces emplois seront des emplois d’accueil du public dans la plateforme virtuelle, pour leur montrer les lieux et leur proposer des services. Ainsi, si je veux réserver un hôtel pour mes vacances d’été, je pourrai visiter cet hôtel et regarder par la fenêtre pour vérifier la vue que j’aurai. Mais je pourrai aussi aller chez Nike pour choisir mes chaussures et voir comment ça rend sur mon avatar, et bien sûr en recevoir une version réelle dans le monde physique. Cette réalité virtuelle est déjà là aujourd’hui. La technologie est disponible.

David Whelan constate que cette industrie est encore aujourd’hui dominée par les hommes, car les casques s’adaptent moins bien aux petites têtes. Quand les équipements de casques seront remplacés par des lunettes, elles seront plus adaptées pour les femmes. Or, déjà aujourd’hui, le plus grand marché du gaming est dominé par les femmes, avec des jeux comme Candy Crush ou autres du même genre. Et donc David Whelan est certain que ce sont les femmes qui feront décoller le marché de la VR.

Et les perspectives le font rêver : Dès que l’on passera cinq minutes à se promener dans une route virtuelle de la plateforme, celle-ci va être capable de connaître votre préférence sexuelle, quelle est votre couleur favorite, quelles marques vous préférez, et tout ça sans avoir prononcé un mot, mais seulement en analysant les mouvements de vos yeux et les données biométriques. Car en effet, tout ce que vous faites à l'intérieur d'un environnement virtuel est tracé. Ce que vous regardez et combien de temps vous le regardez. De plus, ces comportements à l'intérieur de l'environnement virtuel ne sont pas (pas encore) considérés comme des données personnelles (encore une preuve que la régulation est en retard sur les technologies), et appartiennent donc à la plateforme.

Vous commencez à avoir peur? 

Mais ce qui fera vraiment décoller la VR, c’est un évènement majeur que David Whelan imagine d’ici cinq ans. En effet, ce qui avait fait décoller les ventes de téléviseurs, en 1969, c’est la marche sur la lune de Neil Armstrong. Imaginons que dans cinq ans quelqu’un marchera sur Mars. Une bonne façon de retransmettre l’évènement sera de le diffuser en réalité virtuelle, avec des caméras à 360° placées sur la surface de Mars. Et quand cette personne mettra le pied sur Mars, je vais vouloir, moi aussi, le vivre en réalité virtuelle, comme si j’étais à côté d’elle. Alors, tout le monde voudra vivre ça, et acquérir les casques ou lunettes qui le permettront. Autre prédiction de David Whelan : la première personne qui marchera sur Mars sera une femme.

Pour Ric Holland, fondateur de Extreme Digital (un fond de Venture dans les technologies AR/VR), être immergé dans un metaverse avec ses collègues va permettre des séances de travail plus engagées, avec moins de distractions externes, et la technologie de « spatial audio » permet de vraiment se sentir dans la pièce, permettant les interactions comme dans une vraie salle de réunion, et même les chuchotements avec son voisin, bien mieux que les micros dans Zoom. C’est tellement génial que Ric Holland nous le prédit : on disposera d’un équipement de réalité augmentée comme on a aujourd’hui un smartphone, et il y aura aux Etats-Unis 150 millions d’utilisateurs d’ici trois ans, de quoi faire disparaître les barrières et interfaces entre les humains et la technologie.

Alors, prêts pour le nouveau monde ?

Rendez-vous sur Mars ?


Panne de travail

PanneOn dit qu’ils ont toujours tort. Et pourtant, ils sont, paraît-il, de plus en plus nombreux, et on s’intéresse beaucoup à eux.

Ce sont les absents. Ceux qui sont en panne de travail, non pas des chômeurs, mais ceux qui volontairement ou pour une autre raison, ne veulent plus ou ne peuvent plus travailler momentanément, voire définitivement.

Oui, l’absentéisme est en progression, si l’on s’en réfère aux nombreux baromètres et études sur le sujet, produits par des entreprises d’assurances qui en profitent pour caser leurs offres de « bien-être au travail ». C’est le cas du baromètre de WTW (ex Gras Savoye), qui a calculé que le taux d’absentéisme en France a progressé de 37% de 2017 à2021, et même de 54% chez les jeunes. Il y a la même chose chez AG2R, avec des chiffres différents (car toutes ces études sont faites à partir d’échantillons et de questionnaires), mais qui dégagent des tendances et chiffres similaires.

Ces compagnies d’assurance proposent des diagnostics et des offres type « rémunération globale », ou des programmes d’avantages sociaux ( « Benefits ») pour les salariés.

Mais, vu le marché, des start-up et des solutions technologiques sont également apparues, pour anticiper et prévenir l’absentéisme et tenter de guérir le « mal être » dans l’entreprise. Car on considère souvent que les employés absents sont des malades, des vrais en arrêt maladie, mais aussi tous ceux qui sont en risque de santé mentale (burn-out, épuisement). Oui, ce sont souvent les entrepreneurs qui proposent les idées les plus innovantes, plutôt que les compagnies d’assurance institutionnelles. Certains sont aussi eux-mêmes des assureurs nouvelle génération Tech (comme Alan).

Deux sortes de technologies :

  • Celles qui permettent à l’employé d’auto-évaluer lui-même les risques le concernant personnellement, et l’aident à prendre les bonnes décisions et actions,
  • Celles qui recueillent des données, soit saisies directement par les employés, soit en analysant des données existantes (mails, postures), et permettent de piloter la « santé » de l’entreprise et de ses communautés, et ainsi de décider d’actions collectives.

L’objectif premier de plusieurs des applications proposées est de renforcer ce que l’on appelle « l’engagement » des employés, pour qu’ils restent en bonne santé et heureux dans l’entreprise, pour qu’ils ne s’absentent pas, voire, pire, qu’ils quittent l’entreprise.

Ainsi de Axel, racheté en mai 2022 par LumApps pour devenir « LumApps Journey » qui met en place des parcours collaborateurs personnalisés dans leurs contextes de travail. Ceci permet (peut-être) d’éviter les démissions de nouvelles recrues qui n’arrivent pas à s’intégrer correctement dans l’entreprise, et d’aider à s’y sentir bien.

Zest, dans le même registre, propose « des équipes plus engagées pour (beaucoup) plus de performance ». L’outil permet de réaliser des « enquêtes RH » et propose un « engageomètre » ( !). L’application permet aussi aux employés de déclarer leur « humeur » en ligne.

Comeet utilise l’intelligence artificielle pour connecter les profils selon leurs affinités pour leur permettre des déjeuners, des afterwork, des activités sportives ou culturelles (on imagine plus…mais le logiciel ne parle pas de cette possibilité de drague au bureau).

Bloomin, autre produit du marché, veut « instaurer une culture du feed-back » dans l’entreprise, pour améliorer les relations internes en mettant en place des enquêtes internes.

Un autre axe est celui du soin pour aider les collaborateurs qui vont mal ou vraiment mal, avant même d’être absents, mais qui n’en sont pas loin. On appelle ça la « PsyTech ». C’est l’objet de la plateforme "CHANCE" qui permet à chacun de mener sa propre introspection; ici c'est le salarié qui paye, pas l'entreprise (on peut tester en accès libre pendant trois heures). C'est aussi l'objectif annoncé de moka.care, créée en 2019, et qui a fait une levée de fonds de 15 millions d’euros en mai dernier.

Moka.care une plateforme qui aide les entreprises à favoriser le bien-être de leurs salariés en organisant des séances chez les praticiens (psychologues, coachs) en toute confidentialité, ou des formations thématiques.

Teale est une autre application du même type, fondée par deux jeunes diplômés de l’ESSEC, qui permet à l’employé de « cartographier sa santé mentale » et d’accéder à des contenus pour en prendre soin (podcasts, vidéos).

Autre axe d’application : pour être heureux et performant au travail, un point important est d’avoir de bons collègues et une équipe où l’on se sent bien. D’où les applications qui vous aident à diagnostiquer les profils qui s’entendent le mieux dans l’équipe, et qui sont complémentaires pour permettre la meilleure performance. Elles vont aussi aider, grâce à l’IA, à former des équipes qui fonctionnent efficacement, et à recruter des profils les plus complémentaires aux équipes qu’ils s’apprêtent à rejoindre, afin de recruter, non pas le profil le plus compétent dans l’absolu, mais celui qui permettra de rendre l’équipe meilleure.

C’est le cas de TeamScope, Wisnio ou Goshaba, grâce aux sciences cognitives et à la gamification. Ceci permet d’avoir une approche prédictive sur les comportements et le fonctionnement de l’équipe, plus pertinente que la seule utilisation du C.V. C’est aussi une aide pour concevoir les meilleurs parcours de mobilité des collaborateurs.

Avec ces outils et ces applications de PsyTech, voilà que l’on construit une sorte de « DRH augmenté », comme un docteur Frankenstein d’un nouveau genre.

Mais malgré tous ces outils, il reste des irréductibles, comme ceux qui témoignent dans le dossier du Figaro magazine du week end dernier, qui, eux, « ne veulent plus travailler », comme Victor Lora, 34 ans, en couverture du magazine avec chemise chic et baskets Red Laver de chez Adidas, à plat ventre dans l’herbe, avec son livre à la main, « La retraite à 40 ans, c’est possible ». Il fait partie des français qui estiment ne plus trouver dans leur travail le sens et l’intérêt qu’ils espéraient, la possibilité d’avoir un impact sur la société. C’est comme ça que Victor, qui était directeur de la stratégie dans une start-up, a fait une croix sur le salariat. Il a pu profiter des économies qu’il avait réalisées en suivant les conseils du mouvement « FIRE», mouvement américain ( Financial Independence, Retire Early). Ce mouvement, dont les membres s’appellent aussi « les frugalistes », consiste à vivre de façon frugale, c’est-à-dire à supprimer toutes dépenses jugées non essentielles afin d’épargner de façon drastique pendant plusieurs années, permettant d’amasser suffisamment de fonds pour les placer sur des supports rapportant un revenu régulier, permettant de vivre des placements le reste de sa vie (« la retraite à 40 ans »). Ces frugalistes se retrouvent régulièrement pour échanger leurs tuyaux dans des « Drink Fire ».

D’autres adeptes du « travailler moins » se retrouvent dans la communauté des « Paumé.e.s » de Makesense, qui rassemble 21.000 membres qui se déclarent « en quête de sens ». Ce sont, d’après leur site, « Ceux qui en ont marre de leur job dans une tour à la moquette grise. Celles qui ont envie de mettre du vert partout dans leur vie. Ceux qui veulent s’engager ou s’épanouir à côté de leur boulot mais qui ne savent pas par où commencer ». Le Figaro magazine recueille le témoignage de Justine, 30 ans, qui s’est investie dans cette communauté des « Paumé.e.s » car elle a « vite compris que le monde de l’entreprise n’était pas en phase avec mes idéaux sociaux, sociétaux et écologiques. Je ne crois pas à l’avenir du monde capitaliste qui précipite par ses excès la ruine de la planète ». Elle n'est pas comme Victor, à économiser pour vivre sans travailler. Non, elle, c'est juste ne pas travailler comme les autres qu'elle recherche.

Justine a déjà utilisé son temps libre pour écrire un livre (« surmonter le XXIème siècle avec des potes, des bières et des idées ») avec deux auteurs membres, eux, du « Collectif Travailler Moins » (CTM), qui a aussi son site, et prône « le détravail, dont l’objectif est de décentrer la place qu’occupe le travail dans nos vies et nos identités. C’est bien sûr sa forme dominante, l’emploi, que nous ciblons ». Dans une pétition, ce collectif propose trois mesures qu’il estime « urgentes » : le droit au temps partiel, la création d’un fonds de désinvestissement public (pour accompagner avec de l’argent public les individus au détravail), et la création d’un « revenu de base ».

Pour Justine et Victor, il semble que la PsyTech ne pourra plus grand-chose…quoique. Pour eux, la panne de travail, c'est carrément le moteur qui a lâché. Même si certains essayent encore de les raisonner, comme ce polytechnicien scientifique, Vincent Le Biez dans Le Figaro du 28 juin, qui tentait de répondre à ces jeunes diplômés de Polytechnique qui avaient déclaré refusé "le système" : " Tout subordonner à un hypothétique changement de "système", mal défini, c'est prendre le risque de ne rien faire de très utile pour la société pendant sa vie". Et il termine sa tribune par " Camarades ingénieurs, la société a besoin de vous et elle attend vos solutions, pas vos états d'âme". 

Pour les autres, qui n'ont parfois qu'une ou plusieurs roues de crevées, mais un moteur intact, ou  qui voudraient songer à s’absenter, ou à rejoindre Justine et Victor pour mettre du vert dans leurs vies, les docteurs Frankenstein des RH et de la Tech sont là pour les retenir ou les regonfler.

Restent les potes, les bières et les idées pour surmonter le XXIème siècle. C’est tentant quand il fait chaud, non ?

Et puis, les vacances arrivent; Les absents vont être plus nombreux. Les vacances, c'est une bonne PsyTech sans la Tech aussi pour regonfler les pneus de certains.