Le manager, dans l’entreprise, c’est le bon soldat : celui qui applique la stratégie, la fait redescendre vers les opérationnels et le terrain, qui contrôle, qui atteint les objectifs.
Et puis, le leader, c’est celui qui entraîne les autres, espèce plus rare, apparemment, qu’on recherche et que l’on aimerait bien développer plus.
Car une entreprise avec trop peu de leaders, elle stagne, elle a du mal à motiver ses employés, elle ne marche pas au maximum de son potentiel, quelle que soit la qualité de sa stratégie ou de ses produits.
C’est une vieille histoire, mais, confronté à une situation concrète de management et de direction d’entreprise, on y revient toujours.
Ce sujet est difficilement abordé, pour ceux qui ont des références, sans appeler Zaleznik pour témoigner.
Zaleznik est un professeur de Harvard, également psychanalyste, qui a commis un article pour HBR, il y a déjà 30 ans, mais toujours considéré comme une référence : « Managers and leaders : Are they different ? ».
La réponse est bien sûr : OUI.
Je viens de relire cet article ; la leçon est intacte.
Pour faire court, selon Zaleznik, le manager, c’est celui qui fait perdurer l’ordre existant, qui pérennise ce qui existe, qui fait se déployer la bureaucratie et les habitudes.
Le leader, c’est celui qui vient mettre le chaos, ouvrir des nouveaux chemins, qui s’intéresse aux personnes avant les process, qui challenge les objectifs, qui cherche toujours ailleurs.
Ce qui différencie le manager du leader, c’est une question d’attitude.
D’attitude envers les objectifs, d’attitude envers le travail, d’attitude dans la relation aux autres.
Attitudes envers les objectifs
Les managers : Pour eux, les objectifs, ça ne se discute pas. Ils ont une attitude impersonnelle, voire passive, avec les objectifs. Les objectifs émergent comme des nécessités, imposées par la compétitivité, l’obligation de performance. Traiter les objectifs, c'est répondre à des idées (évolution du marché, évolutions des consommateurs,...).
Les leaders sont différents: ils vont avoir une attitude plus active, où ils vont mettre de leur personnalité, moins réactive, face aux objectifs. Ils vont s’approprier les buts en cherchant des idées nouvelles, différentes, pour les atteindre. Pour déterminer où un business doit aller, ils vont parler de désir, d’espoirs, ils vont influencer les autres et leur faire voir autrement le futur, entre ce qui est désirable, ce qui est possible, ce qui est nécessaire. Pour eux, les objectifs émergent comme des désirs. Ils donnent formes à des idées (influencer le marché, les consommateurs,...).
Attitudes envers le travail
Les managers tendent à voir le travail comme un process où il s’agit de combiner au mieux les personnes et les idées, pour arriver aux résultats avec la meilleure efficacité. Ils vont considérer que leur job est d’arbitrer, de résoudre les conflits entre les uns et les autres, de régler les divergences, pour arriver à la solution la meilleure dans l’intérêt de l’entreprise. Ils vont mettre en place les systèmes de récompenses et de sanctions qui permettront d’influer sur les comportements pour arriver à ce résultat idéal visé. Le bon manager, c’est celui qui sait toujours être ce médiateur, diplomate, qui tire la meilleure orientation des intérêts divergents en présence, toujours en faveur de l’intérêt suprême de l’entreprise qu’il représente.
Les leaders font exactement l’inverse. Alors que les managers cherchent à limiter les choix, les leaders développent des approches nouvelles pour des problèmes anciens, et ouvrent les possibilités de nouvelles options. Ils projettent constamment leurs idées dans des images, et ont besoin de projeter ces idées en images qui provoquent des émotions fortes chez les gens. Ils développent ensuite les choix qui donnent de la substance à ces images.
Les leaders ont un tempérament à rechercher le risque et le danger, spécialement quand la chance d’opportunité ou de récompense est prometteuse.
Le manager, surtout celui qui vient d’être nommé manager, considère comme un instinct de survie de dominer les risques, et c’est pourquoi il tolère le travail de routine qu’il peut être amené à prendre en charge, qu’il considère comme une protection. A l’inverse, le leader ressentira parfois le travail de routine comme une calamité.
Attitudes envers les autres
C’est sur ce terrain que les différences d’attitudes sont les plus flagrantes.
Les managers aiment travailler avec les autres.Is évitent les activités solitaires car elles les rendent anxieux. Ils se concentrent sur le « comment » les choses doivent se faire. Pour eux, les collaborateurs, ce sont ceux qui ont pour rôle de s’inscrire dans les objectifs qu’ils ont fixés eux, en tant que manager. C’est pourquoi ils vont exercer, avec des styles plus ou moins autoritaires, les contrôles qui vont bien pour que le travail soit mené correctement et aboutisse au résultat tel que le manager l’a imaginé.
Quand il communique à ses subordonnés, le manager envoie des signaux : pas toujours très explicites, qu’il pourra ainsi modifier et corriger en fonction de l’accueil de ces signaux par les subordonnés.
Le but du manager c’est de rechercher avec les autres les situations gagnant-gagnant, car tout le management est pour lui un jeu avec des gagnants et des perdants.
C’est parfois pour cette raison que les managers sont suspectés par leurs subordonnés d’être un peu trop manipulateurs, détachés des considérations humaines, trop obnubilés par les objectifs et les process.
Les leaders, par contraste, sont évoqués avec des adjectifs au contenu émotionnel. Ils ont la capacité à saisir les signaux émotionnels et de leur donner du sens à propos d'une personne en particulier. Les leaders attirent des sentiments forts d’identité et de différence, des réactions d’amour ou de haine. Ils ont une compréhension d'eux mêmes qu'ils peuvent utiliser dans leurs relations avec les autres. Ils sont concernés par les idées, et entrent en relation avec les autres de façon plus intuitive et empathique. Ils sont attentifs à ce que les évènements et les décisions signifient pour les gens.
Les relations humaines dans les organisations dominées par les leaders sont souvent turbulentes, intenses, et parfois désorganisées. Une telle atmosphère intensifie la motivation individuelle et produit souvent des résultats inattendus.
Les leaders, dans cette conception, sont plus proches des artistes que des managers.
Ce qui les distingue fondamentalement des managers, dans leur attitude, c’est une forme d’empathie envers les autres et envers les situations. Ils ne sont pas les relais d’un système, qui peut être le leur, dont ils assurent le service après-vente, contre vents et marées, mais un catalyseur de la créativité et des aspirations des autres, autant que d’eux-mêmes.
Face à un collaborateur, ils ne vont pas se limiter, comme un manager, à essayer de lui faire faire ce qu’il convient de faire pour atteindre les résultats, mais aussi se préoccuper de ce qui est bien et des objectifs pour leurs collaborateurs, à titre personnel.
Alors la question qui revient tout le temps, c’est : ce genre d’attitude, est-ce inné ou bien est-ce que cela s’apprend ?
Zaleznik ne donne pas de conclusion définitive sur le sujet. Et l’on trouvera toujours des personnes plus douées que d’autres. Cependant, une partie du chemin s’apprend, et c’est ce qui motive les entreprises, et leurs dirigeants, à rechercher les moyens de formation, de coaching, de mentoring, et les consultants, pour y arriver. Celui qui veut sincèrement développer des leaders autour de lui doit se voir , finalement, comme le premier assistant de son subordonné, vu comme son adjoint, plutôt que comme son chef. Il va devoir s'exercer pour acquérir les qualités d'écoute, de pédagogie, de démocratie (manager avec le consentement de son managé), de tolérance envers les échanges émotionnels, qui ne manqueront pas de se produire, d'ouverture à la remise en cause de ses idées et de son autorité.
C'est sûr, il est plus facile d'acquérir des compétences que des attitudes.
Raison de plus pour y investir plus...