La Chef est parano

Super woman "The Economist" consacrait son numéro de début d'année à un évènement pour 2010 : D'ici quelques mois, plus de la moitié des travailleurs actifs américains seront....des femmes.

 Bien sûr, cette proportion n'est pas la même à tous les postes : il n'y a que 2% de femmes à la tête des plus grandes entreprises américaines, et 5% en Grande-Bretagne.

En fait, le dossier de "The Economist" ne manque pas de relever les ambiguïtés de cette situation, car, pour pouvoir conquérir les places dans les entreprises et organisations, ces femmes doivent appliquer les règles et les critères qui s'appliquent...aux hommes.

Ainsi, les carrières idéales pour progresser dans les entreprises sont celles, à l'heure de la mondialisation, où l'on est passé d'un poste fonctionnel à un autre, si possible dans plusieurs pays. Sans parler de la règle du "up our out", que l'on connaît dans les entreprises de services professionnels (mais pas seulement). Alors, pour une femme, ce type de parcours n'est pas toujours compatible avec la possibilité d'avoir et d"élever des enfants. Ainsi en Suisse, 40% des femmes professionnelles n'ont pas d'enfant. Et celles qui en ont les ont de plus en plus tard, et enrichissent de plus en plus l'industrie florissante pour traiter les problèmes de fertilité.

Alors, certains pays encouragent les femmes à pouvoir avoir des enfants,recevoir des compensations et prises en charge pendant des pèriodes parfois longues, et reprendre ensuite leur travail. Mais là encore, il y a des effets indirects sur la motivation des employeurs à employer des femmes dans ces conditions : ainsi, en Suède, particulièrement remarquée par cette politique, les trois quarts des femmes qui travaillent sont employés dans le secteur public, alors que les trois quarts des hommes travaillent, eux, dans le secteur privé.

Mais le dossier fait aussi référence à tous les avantages que les femmes apportent au travail. Un courant féministe met en évidence que, dans des modes d'organisation qui deviennent moins hiérarchiques, plus consensuels, les femmes ont précisément les qualités pour y réussir. Ainsi, une certaine Judy Rosener, de l'Université de Californie Irvine, considère que les femmes excellent particulièrement dans le management "transformational" et le management " interactive". Etc..

Bon, alors, pour avoir un cas d'application, il suffisait de lire Le Figaro ce week-end, où l'on parlait d'une femme précisément, UNE chef.

Asseyez-vous bien :

" Enfermée dans sa tour d'ivoire. Faisant le vide autour d'elle. Jouant perso. Ne supportant pas la contradiction. Parano. Manipulatrice. Voulant tout décider mais incapable de trancher".

Ce sont, dixit le Figaro, ses "meilleurs ennemis du monde patronal" qui la décrivent ainsi, bien sûr en gardant l'anonymat...

Elle, c'est Laurence Parisot, présidente du MEDEF, qui a bien du mal en ce moment avec ces critiques...

Judy Rosener devrait s'occuper d'elle...ou l'inverse.


Le monde merveilleux de l'impatience

Salade2 Dans le premier chapitre du "Meilleur des mondes", classique d'Aldous Huxley de 1932, le Directeur de l'Incubation et du Conditionnement (le D.I.C) fait visiter ce fameux "Centre d'Incubation et de Conditionnement" à des étudiants. C'est un centre où se fabriquent les clones de ce que l'on n'ose plus appeler des 'humains', pour les conditionner et les préparer à la meilleure vie sociale stable. C'est ça le meilleur des mondes, celui où tout est prévisible, programmé.

Alors, comme on peut tout modifier et programmer, le Directeur présente les ateliers où l'on programme, et se prend à réfléchir tout haut à une "technique pour réduire la durée de maturation, quel bienfait ce serait pour la société !".

Et en effet, il trouve ça long le degré de maturation :

" Considérez le cheval.

Mûr à six ans; l'éléphant à dix. Alors qu'à treize ans un homme n'est pas encore mûr sexuellement et n'est adulte qu'à vingt ans".

Ce que nous évoque ces quelques réflexions, c'est l'impatience.

Cette impatience qui fait que pour voir grandir les autres, ceux que l'on a envie de faire grandir, à qui on a envie d'apprendre et de transmettre, les bonnes pratiques, les expériences, les compétences, on a l'impatience que ça se fasse vite.

Je vais t'expliquer comment faire, mais, vite, quoi, dépêche toi d'apprendre et d'être au niveau; si tu ne l'est pas assez vite, mon impatience va me dire que tu n'as vraiment pas le niveau, que tu ne comprend rien, que tu n'es vraiment bon à rien, ...Et ma générosité originelle, celle qui voulait faire de toi quelqu'un de compétent et de capable, va laisser la place à mon impatience qui va avoir vite fait de te prendre pour un crétin.

Alors, ce "Centre d'Incubation et de Conditionnement", j'aimerais bien en connaître l'adresse, pour t'y envoyer vite fait; comme ça tu serais mûr et à mon niveau beaucoup plus vite, et, oui, je suis d'accord avec le Directeur, "Quel bienfait ce serait pour la société !". Et quel bienfait aussi pour le bon fonctionnement de mon projet, de mon équipe, etc..

Dans ce monde merveilleux qui satisferait tous les impatients, on pourrait faire pousser les salades en tirant sur les feuilles; on pourrait se transporter plus vite à la fin d'un projet difficile pour tout de suite jouir de la réussite du résultat; dès qu'on lancerait un nouveau produit, on pourrait tout de suite avoir le maximum de clients qui en deviendraient amoureux et n'arrêteraient pas de l'acheter.

C'est le monde où, dès qu'une décision est prise par le Comité de Direction, l'éxécution arrive toute seule, les résultats sont là dès qu'on a commencé à les imaginer. Tout se passe comme prévu, et vite. C'est merveilleux.

Pourquoi il existe pas ce monde merveilleux de l'impatience,ce meilleur des mondes ?

En fait, le monde de l'impatience, dans la vraie vie, c'est l'enfer...

C'est le monde des collaborateurs qui veulent bien qu'on les aide, qu'on leur transmette nos savoirs, mais vont trouver insupportable l'impatience qui les agresse.

C'est le monde où l'on se décourage de ne pas avoir réussi tout de suite ce que l'on a entrepris;

C'est le monde où l'on se désespère de changer ces comportements et attitudes que l'ont regrette a posteriori;

c'est le monde où l'on en veut aux autres, à à tous ces coupables qui ne sont pas comme on voudrait qu'ils soient, à toutes ces erreurs qu'ils ont faites, alors "qu'on leur avait pourtant dit et expliqué", "qu'on a tout fait, les meilleurs efforts"...Et où l'on dit "tant pis pour toi", et, encore pire, "tant pis pour moi, je suis un incapable".

Le monde de la patience, c'est, à l'inverse, celui où l'on croit que ce que l'on n'a pas réussi cette année, on le réussira l'année prochaine. Celui où l'on regarde avec optimisme vers le futur. C'est un peu le monde du Père Noël..

En 2009, ils sont nombreux, certainement, ceux qui n'ont pas fait, qui n'ont pas eu, ce qu'ils désiraient (les résultats financiers fantastiques, des collaborateurs compétents et brillants, qui n'arrêtent pas de progresser, des clients sympas qui passent plein de commandes,..).

En 2010, la construction du "Centre d'Incubation et de Conditionnement" n'est toujours pas prévue.

Alors, il nous reste la patience...Le temps de voir pousser les salades, en les encourageant avec le sourire et la générosité....


"Enabler" chorégraphe

HeadQu'est-ce qu'un manager transmet à ses collaborateurs?

Si l'on pense à l'artisan, on voit sa main, son art de bien faire qu'il apprend patiemment à son apprenti. Regardes-moi faire, apprend les gestes, fais comme moi...

Si l'on pense au manager de l'entreprise avec ses collaborateurs, on voit sa tête : le manager, le boss, c'est celui qui sait tout (c'est du moins ce que croient ces types de managers); si tu as une question, quelque chose que tu ne sais pas, ne comprend pas, pas de problème, j'ai la réponse (normal, je suis le chef). Et je t'explique, je t'explique...

Alors, on peut aussi apprendre aux collaborateurs des techniques, des comportments, du "management", et là, bizarrement, pour de nombreuses entreprises, cela consiste à envoyer en formation à l'extérieur de l'entreprise, dans des modules préfabriqués qui vont apprendre ce qu'il faut faire pour être un bon manager..

Comme si cette capacité à manager dans une entreprise, c'était finalement toujours pareil dans toutes les entreprises.

Oui, c'est sûr qu'il y a des techniques communes, des bonnes pratiques, mais ça fait un peu peur d'imaginer qu'il existe une usine quelque part qui forme tous les managers de la même façon..Sans parler des écoles..

En fait, pour l'entreprise qui veut affirmer sa différence, son côté "unique", ses valeurs, son sens, sa vision, cette transmission de manager d'aujourd'hui à manager en devenir, ça ne devrait pas s'outsourcer totalement. Et les dirigeants qui l'ont compris passent beaucoup de temps dans des formations internes "maison" animées par les managers de l'entreprise eux-mêmes. Et ceux qui ne le font jamais manquent sûrement quelque chose.

Oui, mais le manager, il doit transmettre quoi finalement ?

La main (fais comme moi) ?

La tête (je vais t'expliquer, mon p'tit gars) ?

Dans leur ouvrage dont j'ai parlé, Anja Foerster et Peter Kreuz évoquent les talents d'"enabler" du manager.

Le temps où c'était la main ou la tête qui faisaient le chef, pour eux, c'est terminé, ou presque. On est maintenant dans ce temps du coeur, de l"enabler". C'est le manager du futur.

Ce temps, c'est celui de l'émotion, de la passion, celle qui nous donne envie de nous dépasser et d'exceller dans notre travail.

Pour Anja et Peter, on risque de ne plus trouver assez de personnes pour travailler dans l'excellence dans nos entreprises, non pas parce qu'il manquerait de monde (non, il y a plein de personnes qui sont candidates à tous les postes), mais par manque de passion et d'enthousiasme.

Les managers dont ont besoin les entreprises pour innover et se dépasser, ce ne sont pas les artisans qui reproduisent les gestes ancestraux, ni les instituteurs un peu scolaires, ce sont ces "enablers" qui sont capables de créer un environnement où les meilleurs ont envie de donner le meilleur d'eux-mêmes. Cela ne veut pas dire que tout le monde sera au top; le manager doit aussi identifier ceux qui font partie de ces "top performers" en puissance, et parfois il se trompera, en laissant trop d'autonomie à ceux qui ne savent pas trop s'en servir. Et il faudra parfois corriger les erreurs, challenger la confiance accordée.

Mais, malgré ces difficultés et erreurs, c'est en essayant toujours, en transmettant cette passion, que l'on détectera et aidera les meilleurs talents. Sinon, on s'entoure progressivement de collaborateurs médiocres, qui fuient le risque et les responsabilités, qui se plaignent et revendiquent. Et qui font fuir les idées nouvelles.

Pour parvenir à créer cet environnement, l'"enabler" a besoin de trois choses : la confiance (réciproque), la volonté de déléguer les responsabilités (au risque de se tromper parfois), et une direction claire (celle qui fera qu'on aura envie de le suivre).

Pour ces "enablers", pas besoin d'artifices matérialisant son pouvoir (taille de son bureau, procédures, autorisations, ..); le pouvoir vient de l'intérieur, du respect, de cet alignement sur la stratégie, la vision, les priorités, la direction. Ce n'est pas facile. Imaginez de prendre au hasard dix personnes dans une entreprise pour leur demander de parler de cette stratégie, cette vision, ces priorités. Parfois, on a l'impression qu'ils ne sont pas dans la même entreprise. On peut être trés surpris par les divergences exprimées.

Anja et Peter comparent à ce propos la manager à un chorégraphe qui essaye de faire fonctionner une troupe de danse. Il n'est pas un guru zen dans son coin, mais au contraire se met parfois à sauter, à crier, tout à sa passion de délivrer une performance exceptionnelle lorsque le rideau se lèvera devant le public. Et cette passion se communique comme de l'électricité aux danseurs de la troupe.

Je ne sais pas trop comment on traduirait "enabler" ...Celui qui rend possible ? Le facilitateur ?

Le chorégraphe, c'est pas mal...Belle image de l'harmonie.


Les Mini-Me ne font pas grandir

MiniMe On connaît ce personnage d'Austin Powels, parodie de James Bond. Et le personnage du Docteur Evil, le méchant. Il est toujours accompagné d'un nain qui est la parfaite reproduction de lui-même, en plus petit. Il l'appelle Mini-Me; c'est le parfait subordonné, le parfait cnadidat pour accompgner le Docteur Evil.

Oui, c'est du cinéma, mais combien de managers ressemblent à ce Docteur Evil et son Mini-Me, qui embauchent et entretiennent une équipe de subordonnés qui leur ressemble, en plus petit.

Voilà la parfaite image pour parler des managers qui ne font pas grandir leurs collaborateurs (et qui eux-mêmes ne grandissent pas), et des autres.

Je retrouve ces réflexions dans le livre de Anja Foerster et Peter Kreuz, "Anything but ordinary - A crash course in lateral thinking". Ce sont des autrichiens, pas des américains pour une fois. Le livre est parfait pour nous pousser à penser autrement le leadership et l'innovation. Quelle bonne lecture pour terminer l'année.

Anja et Peter nous rappellent une vieille règle qui se révèle toujours valable : les managers de troisième catégorie embauchent des personnes qui sont moins bonnes qu'eux; les managers de deuxième catégorie embauchent des personnes qui sont aussi bonnes qu'eux; les managers de première catégorie embauchent des personnes qui sont meilleures qu'eux.

Meilleures, cela ne veut pas dire, bien sûr, qu'elles pourraient être manager à leur place; cela veut dire qu'elles peuvent être plus créatives, plus volontaires, plus originales, plus intéressantes, plus cultivées, ou ont une culture différente, de leur chef, et c'est précisément pour ça qu'elles ont été embauchées et promues.

Car pour que l'entreprise soit innovante et créative, il ne s'agit pas pour le manager ou le dirigeant d'être lui-même et tout seul celui qui innove, mais de créer et développer une organisation capable de produire continuellement des idées nouvelles, de la créativité, et de se réinventer en permanence. Et cela signifie que le manager et le dirigeant doit tout faire pour créer cet environnement où les collaborateurs peuvent exprimer le maximum de leurs talents.

Et pourtant, combien de managers sont obsédés par la peur de se voir déposséder du pouvoir par ces collaborateurs trop brillants, qui ne sont pas leur Mini-Me ? Qui considèrent que leur raison d'être c'est de faire comprendre à leurs collaborateurs qu'ils sont comme un Dieu tout puissant par rapport à eux, qu'il convient d'honorer et de respecter.

C'est vrai qu'il est difficile d'avoir autour de soi des collaborateurs meilleurs que soi, qui ne soient pas des Mini-Me.

Ce sont des collaborateurs qui n'acceptent pas qu'on leur dise ce qu'il faut faire ou ne pas faire sans qu'on leur explique pourquoi. Ce sont des collaborateurs qui ne pensent pas comme nous. Ce sont des collaborateurs qui veulent progresser vite, et bientôt remplacer les managers. Ce sont des collaborateurs différents. Bien sûr, on nous dira que ce genre d'individus originaux, dans notre entreprise "tolérante", on les accepte, mais, quand même, faut pas exagérer, on ne va quand même pas les promouvoir...

Alors que dans l'entreprise innovante et créative, avec les managers de première catégorie, ce sont précisément ces personnes différentes qui seront promues...

Dans certaines entreprises, on se soucie fort de "l'intégration" des nouvelles recrues, c'est à dire de leur capacité à se fondre dans les Mini-Me des managers.

Dans les plus créatives et innovantes, à l'inverse, il s'agit plutôt de vérifier que ces nouvelles recrues s'étonnent de quelque chose, sont surprises du fonctionnement, des comportements, et proposent des idées nouvelles, des pratiques différentes..

Oui, pour éviter les Mini-Me qui nous empêchent de grandir, écoutons et promouvons dans nos entreprises et nos équipes ceux et celles qui bouleverseront ce qui est stable, qui innoveront, qui apporteront les idées qui feront grandir.

Et encourageons les managers qui osent ne pas s'entourer de Mini-Me dociles.


Plante folle

Plantefolle On connaît, ou on imagine, ces entreprises où il semble que tous les collaborateurs se ressemblent. Ils ont le même "dress code", les mêmes façons de s'exprimer (dans certains cabinets de conseil, cela se traduit par un charabia de mélange d'anglais et de français épouvantable), c'est ce qu'on appelle "une culture forte".

Cette caractéristique, qui est parfois présentée comme un point fort, est-ce vraiment un atout ?

Ce qui est sûr, c'est que si vous ne collez pas parfaitement à ces usages et "culture", vous risquez d'être bien malheureux dans de telles entreprises, vous vous y ferez peu d'amis, vous serez le marginal qui finira probablement par se faire éjecter (soit on vous le fera savoir, soit vous craquerez un jour).

Est-ce que c'est immuable cette histoire ? Est-ce qu'une telle "culture" peut changer ? Car on peut se poser la question si il n'est pas dangereux de conserver des caractéristiques des "tics" qui deviennent inadaptés aux évolutions de l'environnement, et si les nouvelles générations qui arrivent se plieront aussi facilement que leurs aînés à des usages et codes qu'ils ne comprennnent pas.

Le Monde offrait (pour un euro supplémentaire) la semaine dernière un exemplaire du livre célèbre de Charles Darwin, " L'origine des espèces", et je tombe sur ça en le feuilletant :

" On pourrait aisément donner une liste de plantes que les jardiniers appellent des "plantes folles", c'est à dire des plantes chez lesquelles on voit surgir tout à coup un bourgeon ou une pousse présentant un caractère nouveau et parfois trés différent de celui du reste de la plante. (...) De tels cas prouvent également que la variabilité n'est pas nécessairement liée, comme certains auteurs l'ont supposé, à l'acte générateur. Les jeunes plans d'un même fruit, et les petits d'une même portée, sont parfois considérablement différents les uns des autres, quoique les parents et leur progéniture aient été apparemment soumis aux mêmes conditions de vie, et cela montre le peu d'importance des effets directs des conditions de vie en comparaison avec les lois de reproduction, de croissance, et d'hérédité; car en cas d'action directe des conditions de vie, si l'un des jeunes avait varié, tous auraient probablement varié de la même manière. En cas de variation, il est trés difficile d'estimer ce qu'il faut attribuer à l'action directe de la chaleur, de l'humidité, de la lumière, de la nourriture; j'ai l'impression que ces agents n'ont que trés peu d'effets directs sur les animaux".

Et parmi nos entreprises, existe-t-il de telles "plantes folles" ? Voir tout d'un coup apparaître dans celles-ci quelqu'un de différent, qui va être le signe d'une rupture, d'une adaptation , comme une espèce qui s'adapte observée par Darwin. Cette thèse nous dit que ce ne sont pas les conditions de vie et de travail de l'entreprise qui vont changer quelque chose de significatif, c'est plutôt le mélange, la diversité.

On peut aussi se demander si certaines entreprises favorisent cette naissance de bourgeons et de pousses nouvelles, ou bien au contraire les empêche d'émerger, ou les rejette. J'étais encore cette semaine dans une entreprise où mon interlocuteur s'est présenté en me précisant qu'il était dans cette entreprise depuis 35 ans (c'est vrai que c'est une expérience qui marque) ...La question alors c'est : est-ce qu'il laisse les bourgeons nouveaux sortir ou non ?

Et puis, il ne suffit pas d'être une "plante folle", comment on fait pour faire sortir ces bourgeons nouveaux ? Les activités, le droit à l'expression, à l'erreur, la possibilité qu'il se passe dans l'entreprise des choses imprévues et inhabituelles, ça doit jouer aussi, non ?

Et inversement, les entreprises qui ne sont pas de telles "plantes folles", où tout est pareil et toujours, elles vont mourir quand ?

Bon, je vais poursuivre Darwin pour trouver, peut-être, des réponses....."folles"..


Managers en vrai

Manager1 J'avais, il y a quelque temps, publié le "rapport d'étonnement" d'Arnaud, qui découvrait horrifié la vraie vie du manager dans ce qu'il appelait sa GBQPB.

C'est vrai que l'on trouve souvent dans ces témoignages des réalités qui nous éloignent des discours convenus sur le management.

C'est précisément le sujet d'un livre que m'a envoyé Tannguy Le Dantec, éditeur des Editions COOPIL, qu'il vient de publier : "La vraie vie des managers". (Oui, maintenant, mon blog me fait "trendseter" des livres de management).

L'ouvrage est original. Il présente des situations du quotidien des managers qu'on appelle "de terrain", c'est à dire ces managers qui sont confrontés aux clients, aux petits problèmes dont les dirigeants n'entendent jamais parler, et qui, dans des situations parfois difficiles, doivent se débrouiller tous seuls. Ces situations sont racontées par les managers eux-mêmes; c'est pas de la grande littérature; comme on dit, "ça sent le vécu".

En préambule de ces récits témoignages, une citation d'un dirigeant (qui ressemble souvent à une belle langue de bois), et en commentaire, un "expert", Jacky Chollet, qui ajoute sa perception au récit.

C'est donc à une série de "brèves" de "vécus", racontés par d'illustres inconnus, que nous convie ce "livre".

Les sujets sont assez banals : Donner du sens, anticiper, motiver un collaborateur, déléguer, écouter son équipe,...Mais correspondent à des situations habituelles (on dirait Caméra Café, en plus dramatique, car c'est Caméra Café en vrai, et on rigole moins). Car ils montrent souvent des situations où un dirigeant ou un super manager incompétent, vient casser la motivation du manager de terrain.

Jacky Chollet fait remarquer, dans l'introduction, que l'approche trés anglo-saxonne qui conçoit le management comme une série de techniques et de procédures qu'il suffirait d'apprendre dans les livres ou les formations, est un véritable danger, qui tend à réduire l'homme à une série de mécanismes élémentaires. Alors que ce qui fait la qualité du management c'est souvent le bon sens. Et ce bon sens, on a l'impression que les entreprises en manquent souvent.

Un des récits est particulièrement cruel; c'est celui de Sabrina. Jeune manager dans son entreprise, elle subit les injures et grossièretés d'un de ses collègues "manager". Elle l'entend parler d'elle dans son dos "quelle conne; quelle emmerdeuse"...et par contre, devant le Directeur, il est muet et respectueux.Elle essaye de se débattre; elle envoie finalement un mail pour se plaindre de ce collègue; et elle est licenciée..Cela rappelle le témoignage de Marie Pezé dont j'avais parlé.

Ce qui frappe, c'est que le Directeur de ces managers est complètement absent; idem toute Direction des Ressources Humaines. Sabrina est toute seule avec son horrible histoire.Et cet odieux collègue peut agir comme il le veut.

Autre histoire incroyable, celle de Laurence, qui travaille dans une entreprise où la situation économique se dégrade. Les perspectives ne sont pas bonnes. Elle fait de son mieux, tente de tenir face à ses collaborateurs. Un soir, alors que la Direction est partie, elle quitte l'entreprise et se retrouve face à un de ses collaborateurs, excédé, se plaignant de son salaire, qui la menace de violences. Là encore, comme on la sent seule Laurence.

Il y aussi des récits plus heureux, ceux de managers qui s'en tirent plutôt pas mal dans des situations où ils doivent faire prendre une décision par leur équipe, ou mener des entretiens d'évaluations.

Mais là encore,c'est souvent la grosse débrouille, le manager face aux décisions est seul.

Est-ce que ce livre servira les managers qui le liront ? Pas sûr car il ne fournit aucune méthodologie, ou recettes pour s'en sortir. Par contre il permettra à certains de se reconnaître dans Laurence, Sabrina ou Cyprien, et se sentiront donc moins isolés, peut-être.

Ce que nous dit ce livre, c'est aussi que que l'état et la qualité du management, à tous les niveaux, est clé pour la performance de l'entreprise, et qu'ils sont souvent défaillants. Quand on parle de performance on pense tout de suite aux process, à l'organisation, à la stratégie, mais l'état du management, on fait comme si cela allait de soi. Le simple fait qu'il existe des managers et des Directeurs suffit, pour certains, pour croire qu'il n'y a plus de problèmes. Pourtant, ce n'est pas parce que tel individu s'appelle "Directeur" ou "manager" que son comportement, sa capacité à motiver les collaborateurs qu'il encadre,sont au top.

Le livre présente un autre cas d'un Big Boss d'une entreprise de 120.000 personnes qui visite un Département Système d'Information et qui, répondant à une question, explique que les SI, c'est pas stratégique, par rapport aux produits de l'entreprise..Ambiance ! Tous les collaborateurs démotivés, affolés, et leur manager, qui avait préparé cette visite avec excitation, qui n'en peut mais. On me racontait cette semaine une histoire identique d'un Directeur visitant un des centres d'appels sous sa responsabilité, et se contentant d'y passer quelques minutes au pas de charge, sans parler à personne...Là, encore, motivation assurée des équipes.

Et l'on pense aussi, en lisant ce livre, aux futurs managers : un collaborateur cadre qui entre dans l'entreprise a souvent un bagage scolaire, acquis dans de grandes écoles; il va apprendre les techniques, un métier, dans l'entreprise qu'il rejoint. Mais qui va lui apprendre le management ? Et comment ?

Ce management, c'est d'abord le management de soi-même : identifier dans quelles situations il trouve les réponses, et dans quels cas il doit changer son style, ses manières.

La responsabilité de l'entreprise, de ses dirigeants, de ses managers, c'est aussi celle-là. Les collaborateurs ne seront les managers de demain qui feront gagner l'entreprise que si l'acquisition et la transmission de ces compétences et savoir-faires sont prises au sérieux.

Et pour le candidat dans une entreprise, vérifier qu'il trouvera bien, chez son futur employeur, cette formation et cette transmission, est vital, au sens propre; sans qualités de management, aucune carrière ne sera possible pour lui. L'entreprise, et ses dirigeants, vus ainsi, sont les offreurs de talent de management; C'est leur responsabilité.

Le manager qui s'en sortira sera celui qui s'occupera de son projet personnel de développement avec attention, et qui le confrontera en permanence à ce que lui apporte l'entreprise dans l'acquisition des compétences vitales de management. Et l'entreprise qui dépassera les autres le devra notamment à l'attention qu'elle portera à ces sujets de développement des qualités de management de ses collaborateurs.

On l'a compris, la lecture de ces vraies vies de managers ne peut que sensibiliser ceux qui pourraient encore en douter.



 


Forces ou opportunités ?

SWOT

Cette matrice est connue : SWOT. Ce sont les quatre dimensions d'une analyse stratégique : les forces, les faiblesses, les opportunités, les menaces.

Elle s'applique aussi à la compréhension du fonctionnement des équipes et des managers.

Parler de forces et de faiblesses, c'est la tendance naturelle de ceux qui sont naturellement focalisés sur les moyens, l'Input de leur activité. Dans cette posture, la personne, l'équipe, considère que l'évaluation et l'amélioration de sa performance, c'est d'abord une histoire de moyens à allouer. L'attention est concentrée sur l'énergie à fournir, sur les moyens à allouer (du temps, de l'argent) pour réussir un projet.

Ainsi, cette semaine, discutant avec un jeune me parlant de l'entreprise où il a passé deux ans et qu'il a décidé de quitter : il parle de ce qu'il a appris, de ce qu'il sait faire maintenant qu'il ne savait pas avant. Il est déçu par cette entreprise parce qu'il n'a pas appris assez, il veut apprendre encore plus, etc...Ce qu'il ressent, ce sont ses forces (ce qu'il sait) et ses faiblesses( ce qu'il n'a pas eu comme moyens, ce qu'il n'a pas appris). Et changer, pour lui, c'est chercher de nouveaux moyens, de nouveaux apprentissages.

A l'inverse, parler d'opportunités, et de menaces, c'est la tendance de ceux qui se concentrent sur les résultats, l'output; ils sont concentrés sur les objectifs, sur une ambition. L'énergie est alors stimulée par la progression, les résultats. Les moyens semblent accessoires (on y arrivera toujours;  mon idéal me porte chance,...). Pour une équipe ou une personne, cette attitude est celle où toute situation est perçue avec optimisme comme une opportubité; toute menace est l'occasion de changer, d'inventer de nouvelles choses, de modifier sa vision; de se préparer à des changements.

Pour celui qui se projette ainsi, c'est parler de rêve, d'envie, de motivation, de désir. C'est sortir de ses analyses de besoins, de forces, de faiblesses; c'est parler de tout ce qui est possible. C'est tout le message de Napoleon Hill ("réfléchissez et devenez riche"), dont j'ai déjà parlé.

Parler de forces, c'est se limiter; Parler d'opportunités, c'est accéder à des ambitions illimitées. C'est écouter ses désirs.Intéressant avec cette grille d'écouter les comités de Direction et les discussions dans les réunions : parle-t-on d'abord de forces et faiblesses (de moyens), ou bien d'opportunités et de menaces (l'idéal, l'output). Avec lequel de ces deux axes est-on le plus à l'aise ? Et lors du prochain séminaire stratégique, de quoi va-t-on parler en priorité ? de forces et faiblesses (diagnostic), ou d'opportunités et menaces (vision, scénarios) ?

Voilà une application utile du modèle SWOT pour redonner envie de se dépasser.


Novae

Novae Observons un groupe, une équipe, en action. Chacun des membres a l'air différent de l'autre, rien n'est égal.

Pourtant, on peut considérer les êtres humains tous biologiquement égaux, comme une vérité triviale. Une des avancées modernes de la démocratie..

Et pourtant, combien ce concept d'égalité est insaisissable. Dans toute situation, il y en a toujours un qui s'en sort mieux que les autres, dont les arguments lors d'une réunion, d'un travail collectif, paraissent tellement au-dessus des contributions des autres. Cela vaut à l'école, dans le sport, dans l'art, la musique, mais bien sûr aussi dans nos entreprises. Et on peut aussi comparer les patrons, les directeurs de telle ou telle fonction, toujours, toujours, on classe, on élit inconsciemment le leader, le meilleur, et on juge les "moins bons". Et on se rappelle toujours de celui qui nous a marqué, et a marqué de nombreuses personnes, par son génie, comme une étoile dans le ciel de la multitude.

J'étais cette semaine avec les membres d'une équipe de Direction qui évoquaient ainsi à table le palmarès des grandes figures qui ont marqué leur entreprise, les génies reconnus qui ont permis les avancées les plus visibles, dans les fonctions les plus diverses, car ce n'est pas uniquement le Président qui marque les avancées de l'entreprise.

George Steiner, dont j'ai déjà parlé, et dont je lis "Errata" en ce moment, évoque avec subtilité cette question, en posant :

" Qu'est-ce qui fait surgir ces géants, ces novae explosantes, pour ainsi dire, des grands nuages de poussière de la médiocrité humaine ?"

On peut évoquer le débat sur le milieu et l'hérédité..on n'en sortira pas. Mais la biologie a sûrement un impact, :

" Un enfant aveugle ne deviendra pas un grand peintre".

Autre question, celle du bien-être matériel qui favoriserait les expressions créatrices. Et on peut imaginer, ou constater, qu'un milieu favorable améliorera le "niveau général d'accomplissement humain". Mais on pense aussi à ces génies incompris, nés dans la misère, isolés socialement, et auteurs de chefs-d'oeuvres, tels Giotto, et d'autres.

Autre croyance : l'éducation pour tous (le rêve des sociétés démocratiques), fera augmenter le nombre de ceux qui seront sensibles aux arts, à la culture, à la pensée..Les musées deviennent plus fréquentés, la musique plus écoutée..

Pourtant, George Steiner vient nous calmer dans ce lyrisme :

" Les mêmes médias peuvent banaliser davantage le savoir et l'expérience, le sens et la forme. Le cyber-net peut être inondé de saletés aguichantes. Il peut endormir la sensibilité jusqu'à l'inertie ( le "couch-potato", en bon français, la "grosse patate avachie" devant son poste de télévision à longueur de journée)."

En fait, le monde de

" ceux qui désirent résoudre des équations non linéaires, qui peuvent comprendre, à un niveau cohérent, une partita de Bach, qui répondent à un poème de Donne, ou cherchent à saisir ce que Kant appelle une déduction transcendantale resteront probablement trés peu nombreux".

On en arrive à cette notion d'élite, celle qui

" dans le monde de la pop music, de l'athlétisme, de la Bourse ou de la vie de l'esprit, est simplement le groupe qui sait, qui dit que certaines choses sont meilleures, plus dignes d'être sues et aimées que d'autres".

Et ceux-là seront éternellement minoritaires. aucune ferveur démocratique ne pourra rien y changer.

" La (triste) réalité est que quatre-vingt-quinze pour cent de l'humanité ou plus vit sa vie de manière plus ou moins satisfaisante ou sinistre, suivant les cas, sans le moindre intérêt pour les fugues de Bach, pour l'a priori synthétique d'Emmanuel Kant".

Alors, avec regret, George Steiner remarque :

" Organisons une consultation libre, et l'immense majorité de mes frères humains choisira un feuilleton ou un jeu télévisé plutôt plutôt qu'Eschyle. Et c'est précisément cette liberté de choix, alors même que les options sont préselectionnées et préconditionnées par la domination économique des médias et du marché de masse, qui est fondamentalement en harmonie avec les idéaux de la démocratie".

En clair, la démocratie rend con...

Et, en même temps, rien n'autorise le moindre "mandarin" à imposer sa "haute culture". C'est juste comme ça.

On pourrait croire qu'un régime despotique pourrait augmenter le nombre de génies musicaux en obligeant toute la population à apprendre le violon...mais Steiner doute que cela permettrait de faire émerger plus de Haydn ou de Bartok.

Et celui qui se plie à une pensée sérieuse est forcément un être qui se marginalise. Mais ce sacrifice est une évidence :

" L'évidence est pour moi aveuglante : l'étude, la discussion théologico-philosophique, la musique classique, la poésie, l'art, tout ce qui est "difficile parce que excellent" (Spinoza, le saint patron des possédés) sont l'excuse de la vie. Je suis convaincu qu'on est infiniment privilégié d'être d'être ne serait-ce qu'un obscur assistant, un commentateur, un instructeur ou un conservateur dans l'orbite de ces grands domaines. Je ne peux, je ne dois, négocier cette passion".

Lors de cette discussion de l'équipe de Direction dont je parlais plus haut, aprés les figures de l'entreprise, on en est venu aux artistes. L'un des membres a été impressionné, il y a trois ans, par...Mylène Farmer.

C'était mon tour, vendredi soir ET samedi soir, comme un vrai fan, d'être parmi les 150.000 personnes  impressionnées au Stade de France par l'émotion transmise et le professionnalisme d'une telle artiste. Dans ce monde où, comme elle l'a chanté en final, repris par le public debout, "tout est chaos", cette "désenchantée" était bien la "novae explosante" du week-end. Vaste entreprise qui a fait travaillé d'arrache-pied plus de 4000 personnes dans le Stade de France ces deux soirs pour produire ce show au budget de 10 millions d'euros. Vidéos, décors, chorégraphies, costumes de Jean-Paul Gauthier, encore une fois la machine Mylène Farmer s'est distinguée...

Tout est sur YouTube, déjà, mais cela ne rend pas grand chose de l'ambiance de la soirée...juste une idée de ce "besoin d'amour XXL" que le public entonne avec l'idole.

Changement : Mylène a fait retirer la video, pour atteinte aux droits d'auteur...Non, Mylène ne s'en fout pas ! 


Pourquoi les oiseaux s'envolent-t-ils ?

Bird2 En ce moment, avec la "crise", il paraît que les salariés, et les consultants n'échappent pas à la règle, restent au chaud, et songent un peu moins à quitter leur entreprise. Pourtant,  il en reste qui bougent, et pas forcément les plus mauvais. Et heureusement pour les entreprises qui les recrutent, les talents circulent d'une entreprise à l'autre.

D'où la question : pourquoi ces oiseaux s'envolent-t-ils ?

Nevin Danielson, qui a aussi un blog,  traite le sujet dans un des derniers "Manifesto" de "Change This".

Pour s'envoler, il peut y avoir de mauvaises raisons, ou des raisons mal explicitées.

En effet, quitter une entreprise pour en chercher une autre, avec l'espoir de trouver une meilleure situation aprés qu'avant, c'est d'abord être vraiment capable d'identifier cet endroit meilleur : à distance, tout semble parfois meilleur (comme on dit "on trouve l'herbe plus verte dans le pré d'à côté"). Le risque existe, avec une telle stratégie, de faire de sa vie professionnelle une succession de rapides "lunes de miel", suivies de plusieurs années de déceptions et de frustrations, où l'on n'aime finalement pas plus son nouveau job que le précédent; il est fréquent de retrouver, d'une entreprise à l'autre, les mêmes problèmes qui nous ont fait partir de l'emploi précédent. Ainsi, ce jeune collaborateur qui part parce qu'il n'aime pas le style d'encadrement de ses chefs, va se retrouver, dans sa nouvelle entreprise, avec de nouveaux chefs qui adoptent exactement le même style d'encadrement qu'il n'aimait pas, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il fait aussi partie du problème (d'où l'expression "le léopard voyage avec ses taches").

Chercher un nouveau cadre pour fuir un autre, c'est se renforcer dans la conviction qu'il y a toujours quelqu'un d'autre qui est repsonsable de nos malheurs et problèmes, ou de nos satisfactions : le salarié s'imagine, dans cette posture, être une sorte de consommateur qui cherche le bon produit, mais qui finalement laisse aux autres tout ce qui concerne la fabrication du produit. Cela renforce un sentiment de non engagement, de retrait par rapport à l'entreprise, que l'on considère comme immuable, dont la possibilité qu'elle change, voire même que le salarié en question puisse d'une façon ou d'une autre contribuer au changement, n'est même pas imaginé : c'est l'attitude qui consiste à entrer dans l'entreprise, à se dire "j'aime", ou "j'aime pas", et à changer d'endroit quand on s'est convaincu de "j'aime pas" ou "j'aime plus", sans trop savoir ce qui va se passer ensuite. Cas typique des brillants diplômés des meilleures écoles, qui vivent sans implication et sans passion leur carrière, comme des adolescents qui se répètent "je sais pas quoi faire"...

Pour l'entreprise qui accueille ce candidat à l'envol chargé de telles raisons, c'est souvent un danger de les recruter, car, en tant que nouvel employeur, on risque fort de subir tous les déboires qu'a connu ce collaborateur avec son ou ses employeurs précédents. Déceler ces symptômes lors d'un entretien, c'est souvent le signe qu'il vaut mieux ne pas embaucher ce candidat.

Comme le dit Nevin Danielson, " Nous choisissons souvent de nous envoler trop vite".

Car ce qui va donner de l'alure à cet oiseau qui s'envole, c'est précisément la combativité, l'envie de changer les choses, l'ambition de porter un projet personnel qui lui fera faire un long voyage plein de succés et de satisfaction. Et aprés s'être battu dans une entreprise, avoir appris, avoir grandi et mûri, rechercher de nouveaux défis, toujours plus haut.

Voilà le projet positif que le nouvel employeur est prêt à accueillir. Et l'employeur précédent verra peut-être aussi partir avec fierté ce bel oiseau qu'il aura aidé à faire grandir, et qui portera chez d'autres la valeur de l'éducation qu'il lui aura prodigué. De nombreuses entreprises développent ainsi des réseaux "d'alumnis" qui constituent ainsi une grande famille qui s'entr'aide et se reconnaît. Les meilleurs cabinets de conseil l'ont bien compris, qui trouvent souvent dans ce réseau d'anciens, passés dans des postes opérationnels dans les entreprises, leurs meilleurs clients.

Malheureusement, de nombreuses entreprises ont oublié de mettre dans leurs objectifs stratégiques de faire l'éducation des oiseaux, et notamment des plus jeunes. Il suffit d'écouter le récit des "tranches de vie" de certains de ces oiseaux, qui atterrissent pour un entretien en face de vous (cela m'arrive souvent en ce moment), pour se convaincre des drôles de pratiques de certains, et peut-être plus encore en ce moment, où les difficultés économiques s'accompagnent, ou justifient, lâchetés et mensonges de la part des managers et dirigeants.

Car la pire façon de faire s'envoler les oiseaux que vous managez, c'est de leur faire peur au point qu'il vous haïssent.

Si vous n'avez pas peur des films d'horreur lisez cet article de Adam Kleinberg sur les "sept raisons qui font que vos employés vous détestent".

Vos employés vous détestent parce que :

- vous ne les laissez pas seuls : vous êtes tout le temps sur leur dos à tout contrôler,

- vous les laissez seuls : pas de feddback, pas de merci, pas de conseils; "tais toi et rame"..

- vous êtes un "Twit" : comme les accros de "Twitter", vous racontez à tout le monde des choses que les collaborateurs vous ont confiées et qu'ils auraient aimé que vous traitiez avec discrétion...

- vous prenez des engagements sans vérifier leur faisabilité par vos collaborateurs: vous promettez et ne pouvez pas tenir; vous promettez l'impossible aux clients, au super boss, et vos collaborateurs ne peuvent pas suivre; ils n'en peuvent plus...ils vous haïssent..

- vous ne respectez pas vos propres règles : vous parlez règles, procédures, process, mais ne les appliquez pas à vous-même; vous manquez...ils vous détestent.

- vous mentez : vous promettez à vos collaborateurs de faire quelque chose, et vous ne le faites pas : menteur ! ...ils vous détestent.

- vous les terrorisez : comme les chiens de Pavlov, vos collaborateurs ont appris que, lorsque vous leur demandez de venir vous voir, ou vous apprêtez à leur parler, c'est pour les engueuler; et donc, avant même que vous ne commenciez, ils ont peur; ils attendent l'orage. Ils baissent la tête; ils tremblent....Ils vous haïssent...

Pas facile d'être un bon oiseleur...comme Papageno (Mozart - "La flûte enchantée")


Culture de discipline : le secret des stars

Discipline Dans le livre de Jim Collins sur les cinq étapes du déclin, "How the mighty fall", il y a un chapitre "bonus" qui redonne espoir , c'est une étape de " Recovery and Renewal", c'est à dire, l'étape où l'on retourne la tendance, où l'on sauve la mise. Même si les chiffres et le carnet de commandes sont en train de plonger, il reste toujours de l'espoir, même si l'on a touché l'étape 4..

On en retient que le rebond, comme le déclin, ne dépend pas, prioritairement, de la conjoncture, des autres, ou de la chance; il dépend de nous-mêmes. Et ce que nous devons exiger de nous-mêmes et des collaborateurs de l'entreprise, c'est tout simplement ....de la discipline. Et il a même conçu un test permettant d'autoévaluer cette qualité pour sa propre entreprise.

Jim Collins parle d'une "culture de la discipline" comme un des éléments clés.

Cette culture, c'est celle de personnes qui engagent librement les actions, qui prennent des risques, mais dans un cadre de responsabilité : les collaborateurs et managers qui adhèrent à cette culture de la discipline ne parlent pas de leur "job" ou de leur "poste" ou "fonction", ils parlent de leurs "responsabilités".

Cela a l'air tout simple, mais faites le test autour de vous : quand vous leur demandez ce qu'ils font dans leur entreprise, combien vous parlent de leurs "responsabilités" et combien vous parlent de leur "job" ? Vous comprendrez alors combien il est rare de trouver spontanément dans les entreprises cette culture de la discipline.

Dans "Good to great", Jim Collins y voit la différence entre une start-up et une grande (great) organisation : la start-up est une culture d'entrepreneurs avec une faible culture de discipline; la "great organization" est une culture d'entrepreneur AVEC une culture de la discipline.

Ces personnes, ce sont par exemple ces chefs de magasins qui ont la responsabilité ultime du bon fonctionnement de leur magasin, qui s'en sentent responsables, et qui prennent toutes les bonnes décisions, à leur niveau, dans le respect naturel d'un cadre de l'entreprise auquel chacun adhère.

Pour y parvenir, il ne s'agit pas de mettre en place des systèmes de contrôle et de sanctions pour mettre tout le monde au pas; non, il s'agit surtout d'embaucher et de mettre aux postes correspondants les bonnes personnes, c'est à dire des personnes qui possèdent par elles-mêmes ce sens, cette culture de la discipline et des les faire travailler ensemble; vous obtenez alors des miracles.

Ces personnes bien choisies, aux bonnes places, sauront alors analyser les faits, sans se mentir, et face aux faits brutaux, prendre les bonnes décisions; parce que cette culture de la discipline, c'est aussi celle qui nous fait prendre la bonne évaluation des situations sans se raconter d'histoires, et oser prendre des risques, et repartir dans une nouvelle direction si l'on constate que l'on s'est trompé. C'est une discipline du courage.

Un manager témoigne de ce type de culture qu'il a apprise chez Abott et emmenée avec lui dans sa carrière professionnelle :

" Ce que j'ai appris chez Abott, c'est cette idée que, quand vous fixez vos objectifs pour l'année, vous les enregistrez concrètement. Vous pouvez changer vos plans au cours de l'année, mais vous ne changez jamais l'indicateur de mesure de votre réussite. Vous êtes rigoureux à la fin de l'année, adhérant exactement à ce que vous aviez dit qu'il arriverait. Vous n'avez aucune chance de pouvoir baratiner, broder, ou contourner, en tentant de justifier la non réussite, que vous n'aviez pas vraiment accepté cet objectif, en essayant de le réajuster pour faire apparâitre la performance réelle comme pas si mauvaise que ça (j'ai fait ce que j'ai pu). Vous ne vous concentrez pas sur ce que vous avez accompli cette année en valeur absolue, mais toujours en comparaison avec ce que vous aviez dit que vous accomplieriez, peu importe si cette comparaison est douloureuse. C'est la discipline que j'ai apprise chez Abott, et que j'ai emené avec moi dans mes autres jobs".

Ce que ne donne pas sur étagère Jim Collins, c'est précisément la méthode pour pouvoir installer une telle culture autour de soi. Nombreux sont les dirigeants qui aimeraient en bénéficier pour précisément faire ce "recovery and renewal" à leur entreprise. Tout reste affaire de dosage, entre contrôle et liberté.

Chez Abott, par exemple, selon Jim Collins, les coûts de structure ont été réduits au maximum, la responsabilisation de chacun sur ses engagements est particulièrement soignée.

A chacun de trouver les voies et moyens pour inculquer cette "culture de la disciplne" faite de responsabilité, de liberté, et de créativité.

La première étape consiste à se convaincre que l'on ne fera rien de "great" sans elle.

Cela vaut la peine d'y réfléchir si l'on veut vraiment être une star...