Pendant que l'herbe pousse le cheval meurt de faim

Herbe C'est Hamlet qui s'exprime ainsi à l'acte III de la célèbre pièce de Shakespeare. Pièce dont on peut voir une version déstructurée, mais avec le texte intact, au théâtre de l'Odéon, sous le nom "Hamlet Cabaret", dans une mise en scène de Mathias Langhoff. Attention, ça dure quatre heures et demi, accrochez-vous.

Mais l'expérience est unique. Cela finit le 12 décembre. Dépêchez-vous.

Nous sommes accueillis dans une ambiance de cabaret; les fauteuils à l'orchestre sont remplacés par des tables de cabaret; c'est là bien sûr que j'étais assis; on peut même trouver des places quasiment sur la scène, au milieu des acteurs. A un moment, il y a distribution de bière danoise. Bref, c'est Hamlet, toujours la tragédie, to be or not to be, mais c'est l'ambiance cabaret.

Cette expérience, je l'ai partagé avec plusieurs collaborateurs de mon entreprise. C'est ma façon de proposer des moments de culture générale aux collaborateurs. (oui, je suis comme ça; j'ai plus de plaisir à offrir Shakespeare à mes collaborateurs que, par exemple, une soirée bowling).

Pour avoir les avis sur cette mise en scène, on peut lire ça (pour les contre), ou ça (pour les pour, comme moi).

Mais revenons au texte, et à cette réplique qui reste à trotter (l'image est de circonstance) dans la tête.

Revenons au contexte : Hamlet c'est le fils de son père,roi du Danemark, celui-ci a été assassiné par son frère, qui est ainsi monté sur le trône, et la mère d'Hamlet est devenue la maîtresse , la femme de ce frère usurpateur et criminel, et donc la reine. Vous suivez ?

Cet assassinat; et le nom du coupable,c'est le spectre du père d'Hamlet, revenu pendant la nuit, qui le lui révèle.

Hamlet est ainsi celui qui se sent appelé par cette situation; comme il le clame "mon destin crie".

Hamlet qui se trouble, qui devient fou. Et la magie du spectacle de Matthias Langhoff c'est de nous faire sentir que, plus Hamlet est fou, plus ce sont les autres autour de lui que nous prenons pour fous, et plus, lui, il nous paraît le seul en état de veille.En cri. Souvent il nous fixe, debout, en avant, et nous autour de nos tables de cabaret, presque frissonnants. "To be or not to be"...

Hamlet qui avoue son trouble à un courtisan  Rosencrantz, qui l'interroge sur la "cause de votre trouble".

Et Hamlet qui répond : " Je voudrais de l'avancement". Et Rosencrantz surpris : " Comment est-ce possible quand vous avez la voix du roi lui-même pour lui succéder au Danemark ?".

Et c'est là la réplique :

" Oui, Monsieur, mais en attendant que l'herbe pousse, le cheval meurt de faim".

C'est d'impatience dont on parle, de cette attente, de ce temps qui passe, et pendant lequel on n'est pas en action.

Ce qui nous bouge, comme Hamlet, dans cette réplique, c'est ce sentiment que l'attente nous empêche d'être dans l'action. Pourquoi attendre que l'herbe pousse, que quelque chose se passe, au lieu de foncer, de prendre ses responsabilités, de se lancer dans l'action.

Ce sentiment d'Hamlet, il appelle à l'action. Et l'on a envie, comme nous le rappelle Matthias Langhoff dans ses notes préparatoires du spectacle, de "rassembler tous nos sens, entendre avec les yeux, voir avec le nez, sentir avec les oreilles".

Ce sentiment du cheval qui meurt de faim, c'est celui de changer le monde, d'être l'acteur de son destin. C'est de cet "avancement" dont chacun, et tous collectivement, nous rêvons. C'est cette capacité de rêve, et de faire rêver les autres, qui fera sortir de ce que les plus pessimistes appellent la "crise".

Ce sentiment de conquérant, d'ambition, de dépassement, de noblesse,  c'est la folie d'Hamlet, mais aussi sa grandeur..

Elle renverse tout, c'est comme une soirée bowling finalement....


Le langage des larmes

Larmes  Mercredi Rolando Villazon saluait avec effusion les spectateurs de "Werther" à l'Opéra Bastille, pour la dernière représentation à laquelle il participait.

Il exprimait enfin sa joie, après avoir gémi et s'être lamenté pendant plus de deux heures et demi sur scène.

J'y étais.

Werther, on connaît, c'est celui qui est jeune et en souffrances, d'aprés l'oeuvre de Goethe.

L'opéra de Massenet nous fait vivre ces souffrances, propices aux mélodies mélancoliques et à l'échange de larmes.

Car on pleure beaucoup dans cet opéra.

Werther est tombé amoureux de Charlotte dès qu'il l'a vue. Celle-ci, aînée de huit enfants du bailli, veuf, est le modèle de la grande soeur sympa et trés belle. Mais le hic, c'est qu'elle a promis à sa maman à sa mort d'épouser Albert, et donc pas de chance pour Werther.

Et c'est là que les souffrances de Werther commencent, et que nous allons y gagner des airs pleins de lamentations et de pleurs.

Il va s'éloigner, lui envoyer plein de lettres, et puis il revient, et les duos de pleurs recommencent.

Notamment un très chaud où ça finit par une étreinte; Charlotte ne veux pas avouer son amour, Werther en pleure de plus belle.

Joli duo ici (pas de la version de l'opéra Bastille, avec Susan Graham, fantastique, à la diction impeccable, alors que Rolando a un accent sud américain) dans une version de l'opéra de Nice de 2006.


Werther "Ah, ce premier baiser, mon rêve et mon envie ! Bonheur tant espéré qu'aujourd'hui j'entrevois! Il brûle sur ma lèvre encor innassouvie ce baiser.., ce baiser demandé pour la première fois."

Charlotte : " Ah, ma raison s'égare..."

Werther : " Tu m'aimes ! Tu m'aimes ! Tu m'aimes !"


La pression monte...


Charlotte : " Défendez moi Seigneur ! Défendez moi contre moi-même ! Défendez moi Seigneur, contre lui,...Défendez moi.."

Werther : " Viens ! Je t'aime ! Il n'est plus de remord...Car l'amour seul est vrai, c'est le mot, le mot divin !; Je t'aime ! Je t'aime ! Je t'aime !"


Pour finir, après l'étreinte, Charlotte, affolée : Ah ! Moi ! moi ! Dans ses bras !"


Merveilleux moment de cet opéra. (J'ai mieux aimé la mise en scène de l'Opéra Bastille, de Jürgen Rose produite par le Bayerische Staatsoper de Münich, toute de violence et de passion dans le jeu des chanteurs, mais Rolando est ici égal à lui-même, dans une mise en scène qui fait plus classique).


Et puis Charlotte s'enfuie; et Werther va se tuer, Charlotte accourant à son chevet pour le voir mourir sous ses yeux en lui criant, enfin, "Je t'aime"...

Et l'on pleure tous, devant ce merveilleux jeu d'émotions et de passions.

Dans le programme on trouve un texte tiré d'un livre de Anne Vincent-Buffault sur le "langage des larmes".

Elle rappelle combien ce langage des larmes, très à la mode au XVIIIème siècle, transmet les émotions au plus fort dans les romans de cette époque.

"A une époque où la présence du corps dans les romans est trés discrète, cette abondance sécrétoire, avec tout ce qu'elle a de convenu, permet de rendre charnelle la sensibilité des personnages, de donner au sentiment un aspect physique, qui palie au langage qui se dérobe, au plus fort d'une émotion qui ne se conçoit qu'à l'aide de ses manifestations extérieures".

L'auteur parle de "rhétorique des larmes", y voyant une forme spécifique de langage.

C'est vrai que "Werther" est bien un tel exercice de "rhétorique des larmes", et la sensibilité charnelle de Charlotte et de son amoureux déçu nous est transmise au plus intime, le chant et la musique venant ajouter à notre émotion.

Les larmes qu'échangent deux personnes, c'est une fusion qui remplace l'indécence, mais en disent plus sur l'intime. Elles nous plongent dans le coeur des protagonistes, elles sont l'expression du corps.

Pleurer c'est se mettre à nu.

C'est oser tout montrer, tout dire sans dire.

C'est vrai que dans le monde moderne, celui de nos entreprises, les larmes, on n'en voit pas trop souvent. Il il faut se montrer fort, ne rien dire sur soi.

Alors, quand les larmes surgissent dans ce genre d'enceinte, on se sent voyeur, incapable de réagir, car les émotions des autres et de soi-même, on ne sait comment en parler.

Elles matérialisent une économie de l'échange caractérisée par la profusion : on verse des "larmes de joie", on exprime ses émotions, ses peines, on dit sans parler, on crie en silence, on se sent obligé de répondre à un message de larmes :

" Il semblerait qu'on ne puisse laisser quelqu'un pleurer sans agir, c'est à dire sans se rapprocher de lui et tenir compte de ses larmes", comme le dit Anne Vincent-Buffault à propos des romans. Et les larmes dans la vie ressemblent souvent à un roman.

Les larmes quand elles expriment de belles émotions comme celles de Werther et Charlotte, elles nous communiquent tant.

Cet opéra de Massenet nous donne ainsi l'inspiration pour comprendre et sentir ce langage des larmes.,

Le langage des larmes, cet échange de fluides, permet de communiquer et de recevoir à des niveaux différents, plus subtils, car les mots que remplacent les larmes, bien que non exprimés, paraissent encore plus forts.

Nota : On peut encore voir cet opéra à Bastille les 22, 24 et 26 mars, dans la version pour baryton, avec Ludovic Tézier, qui faisait Albert mercredi dernier.


L'or français vaut dix fois moins que l'or géorgien

GuenotLes JO, c'est juste pour participer, pas pour gagner...Oui, bon, en fait c'est quand même pour que les Etats comparent leur "puissance", et le nombre de médailles est un signe important. Il suffit de voir la guerre entre la Chine et les Etats-Unis.

Alors, bien sûr, comme dans toute organisation moderne, on a prévu des petites récompenses.

C'est Le Figaro qui nous en informait vendredi dernier.

Les gouvernements de tous les pays prévoient donc un petit( (ou un gros) budget pour récompenser les vainqueurs de leur pays.

La Chine et les Etats-Unis, on ne sait pas combien ils donnent. (bizarre, non?).

Le président de Géorgie, Mikhail Saakachivili, a promis 472 000€ pour chaque médaillé d'or. C'est plus que le Russe qui n'aura que 100 000€ : voilà un argument pour que les Ossètes athlètes (y en-a-t-il ?) quittent Medvedev pour Saakachivili.

En France, le contribuable est moins sollicité : il ne sera prélevé sur nos impôts que 50 000€ pour un médaillé d'or. Mais bien sûr la comparaison n'est pas la bonne car en France, en plus, ils aura la légion d'honneur et la bise de Roselyne Bachelot et de Bernard Laporte.

Pour les médailles d'argent et de bronze, le contribuable, représenté par la générosité de nos ministres, contribue pour 20 000€ et 13 000€.

En Algérie, celui qui a la médaille d'or aura droit à une volkswagen Golf.

En Roumanie, le médaillé d'or aura un véhicule 4.4., plus 80 000€.

En Grèce, il aura 190 000€, plus une couronne, plus ...une amphore d'huile d'olive.

C'est sympa, les JO.


Tous des Dancing Queens

MammaMia Des personnes de tous âges, certains en cravates, d'autres en jeans, des femmes surexcitées, des garçons chantant à tue-tête, tous debout dans la salle :

YOU ARE THE DANCING QUEEN,DANCING QUEEN,.....

Excitation, bonne humeur, le spectacle est aussi dans la salle...

C'est au Palais des Congrés en ce moment, la comédie musicale "Mamma Mia"...

En ces temps où on n'arrête pas, dans les journaux et à la télévision, de nous parler de crise, et de sinistrose, voilà un bon remède pour se remettre de bonne humeur...

Une comédie musicale qui ne vole pas trés haut, mais qui a été composée avec exclusivement des chansons d'ABBA...Et on n'y résiste pas ; les mains applaudissent, on fredonne les chansons, on partage ce moment avec ses voisins,comme des polissons en train de faire des bêtises qui ne sont plus de leur âge...

Super Trouper lights are gonna find me...

ça fait du bien...

I do, I do, I do.....


Buena serra Gioacchino

Rossini_2

Deux amants justes mariés s’éloignent et des palmiers se lèvent de terre devant eux, au fur et à mesure qu’ils disparaissent dans les dunes. Le chœur les accompagne. Deux portraits descendent du ciel, et nous applaudissons.

Ces deux portraits qui sont descendus devant nous ce soir là, ce sont ceux de Rossini et de Beaumarchais, depuis longtemps disparus, et qui reçoivent encore la chaleur du public. Comme un grand Merci de nous avoir permis ce plaisir intact face à une œuvre qui enchante les publics depuis …1816 pour Rossini, et 1775 pour Beaumarchais. Ils ne sont jamais connus, ayant vécus à des époques différentes, mais tous deux reçoivent nos hommages.

C’était la reprise de la mise en scène de Coline Serreau du « Barbier de Séville », que l’on n’avait pas vu à l’Opéra de Paris depuis 2002, et qui date de 1816, Rossini avait 24 ans quand il l’a écrit...

Elle revient au répertoire de Bastille pour une dizaine de représentations.

Elle était là, Coline, sur scène, ce soir, pour recevoir les ovations du public, en complément de celles réservées à Rossini et Beaumarchais, et bien sûr aux interprètes. Elle avait le sourire du bonheur.

L’opéra a démarré depuis trois heures, on n’a pas vu le temps passer.

Le Barbier, c’est une intrigue connue, et des airs attendus ; la calomnie par Basilio (ce soir incarné par Samuel Ramey, basse de référence), « Una voce poco fa » par Rosine (Maria Bayo), maintenue enfermée derrière les grilles de la forteresse par son tuteur Bartolo (mais qui en fait sauter la porte grillagée lors de cet air, comme un symbole de ce qui la pousse vers l’amour de Lindoro,un peu comme dans une vidéo de Madonna ; avec détermination et affirmation de sa volonté), et puis Figaro, le barbier….de qualité, de qualité.

Et cette scène magnifique où les protagonistes n’en finissent plus de se dire au revoir, enchaînant l’un après l’autre des « buena serra » interminables..Harmonie des voix, de la musique, et du jeu théâtral..

La mise en scène est joyeuse, presque un spectacle de guignol, les personnages caricatures d’eux-mêmes, tout ce que l’on attend d’un opéra bouffe.

Le comte Almaviva, amoureux de Rosine qui le prend pour Lindore, et qui ne révèlera son identité qu’à la fin du deuxième acte, juste avant le mariage, était ce soir représenté par un jeune ténor mexicain, pour la toute première fois à l’Opéra de Paris, Javier Camarena, (retenons ce nom),petit de taille mais tout en expression, autant dans la voix que dans le jeu, parfaitement adapté. De quoi être jaloux de Rosine…

A noter aussi l’air, au deuxième acte, de la servante Berta, interprétée par Jeannette Fischer, se lamentant sur cette « maison de fous », et qui ressemble à une techtonik façon XVIIIème siècle étonnante…

Enfin Coline Serreau donne du personnage de Figaro, le barbier, interprété par le baryton roumain George Petean, d'une aisance fabuleuse dans le rôle, une vision particulière.

Figaro, c’est, nous dit elle dans ses « notes de mise en scène » reproduites dans le programme :

«  l’avènement de l’ère des services. Il ne produit rien de tangible, arrangeur et marchand, il vend tout ce qui veut bien s’acheter ».

Dès son entrée en scène, avec cet air si connu, on est fixé : il est habillé comme un genre de clown, l’œil coquin, un parasol multicolore sur la tête, et tire une petite carriole de forain emplie de colifichets divers, des téléphones portables, des bijoux fantaisie, des accessoires pour les cheveux. Et il a un carnet de commandes très rempli pour satisfaire tous ses clients.

En échange de promesse d’or, il va devenir pour le comte Almaviva, son client favori, une sorte de consultant : il imagine les scénarios et les ruses pour lui permettre de rencontrer Rosine, maintenue enfermée par le tuteur Docteur Bartolo.

Et l’on ne peut que se réjouir devant ce duo avec Almaviva (le charmant petit mexicain Camarena) où Figaro vante la capacité de l’or à produire des idées géniales, la musique accompagnant cette vivacité : « A l’idée de ce métal, prodigieux tout puissant, mon esprit commence, à devenir un volcan ». On assiste à ce jaillissement des inventions et des idées, grâce au pouvoir de suggestion de la musique : «  Che invenzione prelibata ! ».

En fait ce consultant si vite inspiré d’idées géniales par l’or qui lui est promis, il n’a finalement pas d’idées si géniales que ça, et ses idées se cassent la figure. Il se fait prendre à chaque fois. Ayant eu l’idée d’introduire le comte avec un billet de logement de l’armée chez le Docteur en simulant l’ivresse, celui-ci risque de se faire sortir par un bulletin d’exemption non prévu. Au deuxième acte, idem, il se prend les pieds dans son plan. Heureusement que le Comte s’en sort, car ce n’est pas son consultant Figaro qui assure le plan. Mais on n’en veut pas au consultant, tant il inspire la sympathie.

Citons encore les notes de Coline Serreau :

«  Le comique de Figaro, c’est ce formidable appétit d’arriver qui s’évertue à trouver des solutions relativement foireuses…Son grand air est plein de la joie d’un homme dont on apprécie les services, mais aussi plein de son angoisse, « uno alla volta per carita », il croule sous le travail… ».

Oui, ce consultant qui court comme un fou pour trouver les idées, et qui s’emmêle les pieds dans l’exécution, dont

« la personne qu’il décrit dans son air, c’est autant celui qu’il aimerait devenir que celui est en vérité ».

Et c’est vrai qu’il court tout le temps ce Figaro, avec cette façon de faire semblant d’avoir arrangé toutes les situations, mais souvent dépassé. Cela nous le rend sympathique et très humain…

Pour bien apprécier cette mise en scène jubilatoire, il vaut mieux emmener son âme d’enfant , et ses oreilles innocentes pour se remplir de ces airs et de cette musique si entraînants, comme si on les découvrait pour la première fois.

Et sans oublier de garder une pensée pour la condition du consultant Figaro affairé, « l’avènement de l’ère des services », qui, bien qu’ayant quitté le monde de Rossini et de Beaumarchais, est encore, aujourd’hui, parfois pris, et dépassé, dans les intrigues des Bartolo, Rosine et Almaviva de notre temps.


Une soirée en enfer

Infernale J'ai passé la soirée de jeudi dernier en enfer !

C'est au Vingtième Théâtre, où se donne la pièce : "Une comédie infernale : petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens".

C'est librement inspiré (trés librement..) de l'ouvrage de Robert-vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, dont j'ai déjà parlé ICI et ICI.

De quoi s'agit-il ?

De la théorie de l'engagement, qui est démontée par ces deux auteurs pour nous montrer les mécanismes de la manipulation, à l'usage, disent-ils, des honnêtes gens, mais tout aussi efficaces pour les autres.

La pièce de Gérald Garutti transforme ces propos en une gigantesque farce théâtrale, magistralement emmenée par Jean-Claude Dreyfus, admirable en diable tout de rouge vêtu, le clin d'oeil aigrillard, les mouvements du corps toujours suggestifs; superbe prestation d'acteur.

Il est aussi Dieu de temps en temps, barbe et robe blanches, à moins que ce Dieu ne soit que le Diable déguisé...

Il est le diable qui accueille en enfer l'auteur de ce petit traité vendu à 200.000 exemplaires, et qui est devenu un livre de référence en Enfer pour tous les manipulateurs. Il va donc, pendant plus d'une heure, nous faire une visite guidée de tous ses hôtes, parfaits praticiens de ces théories de la manipulation. François Mitterrand, Freud, Molière, et aussi Eve, Maître Renard, ils y passent tous.

Les techniques de manipulation sont vite survolées, ce n'est pas le propos (si l'on souhaite vraiment comprendre cette théorie, il vaut mieux lire le livre), mais mises en scène avec beaucoup de bruit et de jeu. Il y a même un remake un peu spécial de "questions pour un champion"..

Et puis nous avons eu le grand privilège dès ce jeudi de voir les deux candidats du deuxième tour de l'élection présidentielle : oui, ils étaient là, à la porte de l'enfer, venant prendre conseil auprès du professeur pour gagner le débat du deuxième tour...

On ne parle pas du monde de l'entreprise dans cette pièce, mais plutôt des grandes figures politiques et auteurs; car c'est vrai que l'on assimile trés vite manipulation et politique.

Pourtant ces techniques sont pratiquées chaque jour dans les réunions, dans les négociations commerciales; elles sont la base même du commerce, des contrats, de l'économie...

Jean-Claude Dreyfus prend visiblement du plaisir à en rajouter dans le rôle, et les fans sont aux anges (quel paradoxe, pour un moment en enfer !!). J'ai eu la chance d'échanger quelques mots avec lui aprés le spectacle : il n'a pas lu le livre des professeurs, il n'est pas trés au fait des pratiques de manipulation en entreprise; il s'amuse, et nous aussi.

On peut voir ce spectacle jusqu'au 13 mai. C'est sans prétention, mais cela donne au moins l'envie de lire ou de relire le livre, et l'on passe un moment sympathique,

Encore un peu de pub : Jean-Claude Dreyfus est à l'affiche en ce moment de "Jean de La Fontaine", de Daniel Vigne, où il interprète Monsieur de Chateauneuf... Je ne l'ai pas encore vu, mais à la façon gourmande dont m'en a parlé Jean-Claude Dreyfus, ça m'a donné envie d'y aller .

AIE!! M'aurait-il manipulé ???

Je lui pardonne.


Des mots faciles, des mots fragiles

Paroles

Dans l’entreprise, il y a bien sûr des écrits : les contrats, les conditions générales de vente, les bons de commande, et tout ce qui remplit les parapheurs des gens importants…

Mais dans le management, il y a aussi beaucoup de paroles et de mots échangés. C’est ce qui permet d’échanger des idées, mais aussi de convaincre et de séduire.

Alors, forcément, on a envie que nos idées, nos paroles, marquent les esprits et les cœurs, c’est ça le charisme, la force de conviction, le leadership.

Oui, que l’on s’adresse à une personne, à un groupe, une équipe, ou 80 000 personnes, on a envie d’être entendu et compris.

Et pourtant, on connaît la chanson, oui, celle de Dalida, « Paroles, Paroles » :

«   Des mots faciles, des mots fragiles,

C’était trop beau »

« Caramels, bonbons et chocolats,

Merci pas pour moi,

Mais tu peux bien les offrir à une autre.. »

« Moi, les mots tendres enrobés de douceur,

Se posent sur ma bouche mais jamais sur mon cœur »

Oui, Paroles, Paroles….

Alors, on a tous envie de connaître les secrets pour poser « les mots sur les cœurs »…

Deux frères (fierté de leur maman !) Chip et Dan Heath, viennent de sortir ce qui est déjà annoncé comme un best seller aux Etats-Unis : « Made to Stick : Why some ideas survive and others die » Madetostick , avec une superbe couverture trés "stickie". Et bien sûr, il y a un blog dans le package marketing.

Robert Sutton en a parlé dans son blog ici , ici,et ici.

Leurs constats et conseils tiennent en six mots qui forment le mot SUCCESS ou presque…ouah, trop fort…

-          Simplicity,

-          Unexpectedness,

-          Concreteness,

-          Credibility,

-          Emotional,

-          Stories.

A l’aide d’exemples et d’anecdotes de toutes sortes, ils nous apprennent à maîtriser ces six règles magiques : il n’y a plus qu’à.

Il y a une des règles qui marche fort, c’est l’émotion. C’est vrai, on le sent bien, que le raisonnement froid, la démonstration analytique, ça passe pas toujours. Alors, tous les pros de la communication nous le disent, l’émotion, y a que ça de vrai.

Il y en a un qui a bien essayé sur ce registre dimanche dernier, c’est Nicolas Sarkozy, devant les 80 000 militants UMP.

«  Je pensais que la politique n’avait rien à voir avec mes émotions personnelles. J’imaginais qu’un homme fort se devait de dissimuler ses émotions. J’ai depuis compris qu’est fort celui qui apparaît dans sa vérité. J’ai compris que l’humanité est une force, pas une faiblesse.. » ; oui, il leur a dit : « J’ai changé ».

Tout le début de son discours est chargé sur ce registre ; il ne dit pas trop , finalement ce qui a changé en lui, mais il explique « J’ai changé, parce que… », parce que j’ai vu des malheureux, le pouvoir m’a changé, etc…

Les fans, ils ont apparemment marché à fond, à voir ces larmes dans les yeux et les témoignages des blogueurs , notamment l’excellent compte rendu de Laurent Gloaguen sur « Embruns », qui nous raconte cette ambiance quasi liturgique et nous livre quelques photos de militants en pleurs.

Alors, évidemment, pour ceux qui ne sont pas des militants pur jus, et ceux qui n’y étaient pas, on se demande ce que tout cela veut dire…

En fait, cette façon d’agiter l’émotion comme pour faire pleurer margot comme avec un film bien sentimental, nos deux frères Heath nous disent qu’elle n’est pas tellement efficace pour faire « sticker » les idées et les messages (mais ce n’était peut être pas l’intention de l’orateur ?). Elle est d’autant plus dangereuse si elle se met en contradiction avec une autre règle, la Crédibilité.

C’est un peu l’effet du méchant loup déguisé en grand-mère qui essaye d’amadouer le petit chaperon rouge ; il ne se laisse pas faire comme ça ce chaperon rouge.Balivallrian_1

Le risque est fort quand on s’engage sur un tel terrain. Dans le discours très volontariste du candidat, une phrase comme « Je veux le dire avec pudeur » (il parle des épreuves de la vie qui l’ont changé), est chargée de paradoxe, cette association de « pudeur » et de « Je veux » …d’ailleurs au fur et à mesure du discours, la « pudeur » va disparaître, alors que les « Je veux » vont se démultiplier…

Utiliser les émotions dans sa communication est un exercice délicat.

Nos auteurs nous donnent quelques pistes utiles, qui seraient peut être aussi utiles pour notre orateur lacrymal.

Rendre ses messages « émotionnels », ce n’est pas déballer un assemblage de sentiments, de "caramels, de bonbons et de chocolats", c’est plutôt aller chercher l’émotion des autres dans le message :

-          en étant spécifique : dans mon message, je ne parle pas des « gens » mais de situations particulières. Mère Theresa disait, paraît-il, que « Si je regarde la masse, je ne fais jamais rien, alors que si je regarde un seul je veux agir »,

-          en s’adressant à l’intérêt personnel de mon ou mes interlocuteurs : qu’ils puissent répondre à la question « qu’y a-t-il là dedans pour MOI ? », et c’est un exercice certes plus difficile devant 80 000 personnes…

-          en s’adressant à l’identité, aux valeurs universelles : en s’adressant, non seulement à la personne qu’il est aujourd’hui (intérêt personnel), mais aussi à celle qu’il voudrait être, à ces aspirations qui font partie d’un inconscient collectif du moment ;

Et puis, pour être le plus pratique possible, les deux auteurs nous donnent aussi une petite astuce bien connue, pour justement aller chercher ces aspirations : c’est de se poser la question du POURQUOI de mes idées, mes propositions, de TROIS à CINQ fois; ainsi cela permet d'aller chercher le fond de la sincérité que je veux communiquer :

Exemple sur une association qui défend la pratique et le développement des concerts à deux pianos.

Pourquoi cette association ? Pour protéger, préserver, promouvoir, la musique à deux pianos ;

Pourquoi protéger cette musique ? Pourquoi est-ce important ? Pourquoi la planète serait elle moins vivable sans la musique à deux pianos ?

Et, au bout de cette série de pourquoi : La musique à deux pianos, c’est le son d’un orchestre, avec l’intimité de la musique de chambre…

Bon, l’exemple est peut être pas absolument parlant, mais au moins illustratif.

Bon, on essaye, avec un autre exemple :

Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il changé ?

Humm…humm…. On s’en doute un peu, pas besoin de se le demander trois ou cinq fois, finalement.


Les ténors et les barytons de l'opéra de l'entreprise

Florezoviedorecit04shad A l'opéra, tout est simple : les sentiments et les personnages sont faciles à identifier rien qu'à leur voix.

Le registre noble de l'existence appartient au ténor; la voix de dessus exprime les sentiments élevés. Il fascine par son aigu, charmant ou éclatant, suave ou puissant. On connaît ces personnages, le chevalier des Grieux de "Manon Lescault", Rodolfo de "La Bohème", Don Ottavio de "Don Juan",...

Et puis il y a le registre de l'ambition, de l'autorité. C'est le rôle du baryton, qui par sa voix basse, de "dessous", exprime des appétits de puissance, de domination, au dessous de la vie morale. C'est le rôle de Lescault, de Don Juan, de Marcello ("La Bohème"), et de Simon Bocanegra, que l'on peut voir en ce moment à l'Opéra Bastille (et diffusé sur Arte mardi 23 mai au soir).

Le monde de l'entreprise, ce n'est pas l'opéra.

Et pourtant.

Pourtant, la mise en scène de Simon Bocanegra rappelle notre monde actuel, les personnages en costumes et cravate étant assimilés à des cadres en lutte pour la conquête du pouvoir. Référence explicite au monde de la politique et des jeux de pouvoir.Tout y est : les complots, les poignards cachés et découverts, les trahisons, le poison....On se croirait dans l'affaire Clearstream...

Don Juan, cette année, se passait aussi dans un cadre de bureaux, genre tour de La Défense. J'en avais parlé ici.

Alors, si nos metteurs en scène veulent nous faire voir l'entreprise  sur la scène de l'opéra, pourquoi ne pas observer l'entreprise comme un opéra...

Cette symbolique entre ténors et barytons, elle parle (ou plutôt elle chante) plus qu'elle n'en a l'air.

Il est dans notre inconscient collectif de considérer que dans un axe vertical, les représentations les plus humanisées sont vers le haut, et les données les plus charnelles vers le bas.

En haut c'est le soleil, en dessous c'est la terre, le sombre, le sous-sol.

Même origine symbolique sur la voix.Observons les personnages.

La voix du ténor va exprimer l'enthousiasme, la joie, mais aussi parfois le rendre un peu ridicule, avec son aspect superficiel, léger, mais aussi sa passion.C'est l'amoureux fou d'une femme perdue (Alfredo, de "La Traviata"). Rodolfo ("La Bohème") est cet être sensible et doux, qui manifeste une ardeur juvénile, une certaine inconstance. Don José ("Carmen"), c'est celui qui, nommé gardien de Carmen, se laisse ensorcelé par celle-ci, la libère, puis à la fin, il la tue.C'est la passion sans limites. Otello, c'est l'homme d'action, intrépide, chevaleresque, à la colère sans limite quand il est jaloux; il tue sa femme et se suicide ensuite.Siegfried, c'est le ténor élevé par un forgeron, à la peau dure et insensible, sauf en un point fragile. C'est l'énergie, l'innocence, la joie quasi primitive.

Le baryton va exprimer ce qui est grave, profond, lourd, la chaleur des sentiments, le réalisme, l'enracinement. C'est la force de la Loi, la volonté, le désir.Mais il peut aussi déraper vers un Surmoi terrorisant (Le Commandeur de Don Juan), devenir méchant, chercher à dominer tout être qui paraît supérieur, sans crainte d'utiliser la dissimulation (voir Iago dans "Otello"). Baryton encore le bouffon, à l'esprit caustique, homme sans scrupule, traitre à soi-même et à son maître qu'il veut assassiner (Rigoletto). Baryton toujours, le chef de la police, cruel, sinistre, impérieux, utilisant le mensonge, le chantage (Scarpia, dans "Tosca"). Baryton le Figaro des "noces de Figaro", à la nature intrigante et opportuniste, ironique envers l'aristocratie.

Dans l'entreprise, il suffit d'ouvrir les yeux pour reconnaître tous ces personnages, ses barytons et ses ténors qui s'affrontent souvent à fleurets mouchetés.

Les ténors, ce sont souvent les plus jeunes, les caractères bouillants et impulsifs, mais aussi les fidèles et efficaces collaborateurs qui croient à la vision . Aussi les passionnés. Distinguons bien les ténors dits "légers", plutôt souples, et les ténors dits "lyriques" plus aigus, plus idéalistes. Les ténors "dramatiques" sont plus complexes, plus torturés (voir Le Trouvère, personnage de Manrico, de nature généreuse et combattante).

Les barytons, ce sont ceux qui aiment le pouvoir, qui veulent l'autorité, les chefs, les vrais et les faux, les tyrans.Ils tuent.Ils vont facilement au delà de l'acceptable.

Pour bien voir en action l'opéra des barytons et des ténors, rien de mieux qu'une belle représentation. Les meilleures se donnent dans les salles de réunion, les comités de Direction, les réunions commerciales, les groupes de travail (surtout ceux qui travaillent mal). Et, en sus des voix, on a aussi la chorégraphie, la position des personnages, les gestes (vers le haut, vers le bas, là encore les ténors et les barytons se révèlent).

A chacun de se faire son opéra; il suffit d'observer... et d'avoir le coeur chantant.Castafiore

Bonne représentation....et n'oubliez pas de rire de vous voir si belle en ce miroir....


Le regard de la Bayadère

Bayadere11_2 J'avais déjà rendu compte de mes impressions à "Joyaux" à l'Opéra Garnier .

J'ai retrouvé la même joie hier soir à l'Opéra Bastille, où j'assistais à la représentation de "La Bayadère", chorégraphie de Rudolf Noureev.

Cette chorégraphie a été créée en 1992 pour l'Opéra de Paris. L'oeuvre date de ...1877. Elle a une histoire qui ajoute à l"émotion.

C'est en 1959, il avait 21 ans, que Rudolf Noureev danse pour la première fois le rôle tire de Solor au Kirov. Il sera à Paris avec le Kirov à l'Opéra Garnier en 1961pour y danser le troisième acte, "l'acte des ombres" (celui où le prince retrouve en rêve sa vraie passion), et c'est à cette occasion qu'il demande l'asile politique à la France, depuis l'aéroport du Bourget. C'est ensuite, et notamment dans les années 80, qu'il fera des recherches pour retrouver la partition originale de Minkus, auteur de la musique. Et c'est la consécration en 1992 avec cette création à Garnier le 8 octobre 1992. Il décèdera en janvier 1993.

Oui, cette Bayadère, c'est l'oeuvre d'une vie, et le triomphe d'hier soir, la 174 ème représentation depuis 1992, c'est aussi un hommage à la passion et à Noureev.

Tout y est pour l'émerveillement : les décors dans cette Inde des palais et des Rajahs, la musique qui colle parfaitement à la danse, emmenée hier par Pavel Sarokin, chef d'orchestre de l'orchestre symphonique de Russie, et bien sûr la beauté et la grâce des danseurs. Comment ne pas être transporté.

L'argument est digne d'une tragédie, et tellement intemporel : un garçon prince, déchiré entre une femme fille de Rajah qu'il va épouser, et cette passion pour une bayadère, créature mythique évoquant les courtisanes, l'érotisme sulfureux, le rêve et le plaisir, celui qu'on ne connaît pas de la même façon avec une femme rangée. L'acte II est celui de la cérémonie du mariage avec la fille du Rajah, et l'occasion de numéros de danse magnifiques, mais aussi d'échanges de regards trés forts entre le prince et la princesse ( résignation, doute, raison) et entre le prince et la bayadère (attirance, passion, honte de soi, renoncement).

La danse de la bayadère, invitée à ce mariage, devant ce couple prince-princesse est le moment fort du ballet. La princesse a cette grâce, cette envie d'exclusif avec le prince. Et là, cette bayadère, vêtue de vêtements prés du corps, orange, un diadème sur les cheveux, les cheveux serrés, le ventre nu, presque un air androgine, qui échange de longs regards et une sensualité qui fait frissonner avec le prince immobile prés de la princesse; elle a tout compris, son attirance et sa peur de s'engager, et sa danse nous communique sa souffrance et sa joie. On a là sous les yeux tout le symbole du dilemne entre la passion et la raison...La Bayadère se voit offrir (à la demande de la princesse jalouse) une corbeille de fleurs contenant un serpent; elle est piquée à mort; le brahmane lui propose un contre-poison; elle le tient dans la main, tourne les yeux éplorés vers le prince Solor; celui-ci détourne les yeux; elle laisse choir cette fiole de contre-poison et se meurt sous nos yeux et ceux du prince. Rideau... et bravos interminables.

L'acte III, c'est celui où le prince Solor revoit en rêve les ombres et la bayadère; un ballet en tutus, la bayadère et le prince tout en blanc, une musique toute en lenteur et légèreté, l'occasion de scènes éblouissantes, et en fin, le pardon et les retrouvailles des vrais amants. Allez voir ici les deux vidéos qui vous donneront une idée de ce moment.

Noureev a su, dans cette chorégraphie pleine d'intelligence et de grâce, évoquer avec génie cette lutte des passions. Les danseurs de ce soir, Agnès Letestu en bayadère, José Martinez en prince Solor, et Stéphanie Romberg en princesse Gamzatti, ont su nous communiquer ces émotions, par leur danse et par les regards.

Je retiendrai cette capacité du regard à transformer notre façon de sentir et de vivre les moments de la vie; ce regard, c'est aussi celui de Rudolf Noureev, cette vision du monde et des passions, cette difficulté à choisir (et ces moments de choix forts, tel celui de son asile en France, sans lequel nous n'aurions  jamais connu cette merveilleuse bayadère), c'est aussi un message; et ce déchirement entre la bayadère, symbole de l'amour passion et de l'interdit, et la princesse, incarnation de l'ordre établi, c'est un message universel qui parle à chacun.

Pour terminer, quelque chose qui n'a rien à voir :Cette semaine, un de mes amis a perdu ses lunettes. Sur qui son regard va-t-il changer : la bayadère ou la princesse ?


Un drôle de Directeur Général

Ladefense J'ai assisté hier à un moment de vie dans une entreprise dont il faut que je vous parle, car c'est unique.

C'est dans une tour de La Défense; tout s'est passé dans le hall, mais j'ai tout vu.

Le Directeur Général est un homme jeune, costume bien coupé; il est trés séducteur. Il est constamment suivi d'un autre garçon, son assitant personnel, qui le sert avec zèle. Ils ont probablement eu des relations trés particulières, car, à plusieurs reprises, dans des moments intenses, ils s'embrassent à pleine bouche.

Mais l'essentiel des préoccupations de ce Directeur Général, apparemment, ce sont les femmes. Il est constamment à leur poursuite, passant de l'une à l'autre, la nuit surtout, dans les bureaux et les ascenseurs de son entreprise. Sa façon est plutôt violente. Il choisit surtout le gratin, la fille du Président, qui, bien que mariée à un cadre de la maison, en pince quand même pour lui, ou bien une cadre bien mise qui a suivi toute son ascension dans l'entreprise, et qui l'admire. Il aime aussi séduire une des femmes de ménage, qu'il a surpris dans le hall, en blouse et balai à la main, avec ses collègues, alors qu'ils s'apprêtaient à organiser une petite fête. Le petit ami de cette femme de ménage est aussi employé dans l'entreprise; j'ai bien vu qu'il n'aimait pas les façons du Directeur Général et préparait un mauvais coup.

Ce côté passionnel, cette fièvre de sexe, ça chauffe les esprits. C'est sûr, on ne travaille pas beaucoup dans cette entreprise, en tout cas pas les patrons, ni les femmes et hommes de ménage, toujours à chanter et danser. Et l'assistant personnel, pas trés clair, s'y met aussi : il se fait passer pour son DG et va séduire cette cadre sup, un peu alcoolo, qui se laisse faire...

Bon, pour ce que j'en ai vu, ça finit mal.

Vous voulez connaître cette entreprise ?

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