Pourquoi avons-nous besoin des artistes dans l'entreprise?

Zonefranche_On pense que pour que l'entreprise fonctionne au mieux, que les consultants soient les plus performants, il faut des experts, de plus en plus d'experts, et de plus en plus pointus...

Et si on devait garder une place pour les artistes et les dilettantes?

C'est un des sujets abordés dans mon livre " Zone Franche : quand management et culture se rencontrent" aux Editions du palio.

Et dans cette vidéo :

 


Zone Franche en livre

BookDepuis que certains m'en parlaient..C'est maintenant une réalité.

Ce blog va donner vie à un livre, oui, un vrai, à paraître vers la fin de l'année.

Pour l'instant, il est encore en préparation.

Je voudrais avoir votre avis : les "posts" qui vous plaisent, que vous voudriez y voir; les sujets qui vous intéressent, des conseils,..Quels sont vos "best of" dans les posts?

Et puis le titre, les chapitres.

Un peu de "crowdsourcing", non ?

Au plaisir de vous lire, dans les commentaires ou par mail.

Mais le livre n'éteint pas le blog.

De nouveaux articles à venir trés bientôt.

Et mes chroniques sur "envie d'entreprendre" reprennent dès lundi 2 septembre.

 


A qui sont réservés les postes importants ?

ApprentiLes autodidactes à des postes de manager, ou même de dirigeant, cela est toujours l'occasion d'admiration, de compliments; cela permet de mettre en avant qu'il n'y a pas que les diplômes qui comptent, que la personnalité et le courage sont parfois récompensés.

On voit bien tout le discours sucré qu'on peut servir avec ça.

Mais des fois, ça coince, et l'est l'inverse...

Comme par exemple ce matin dans un article du Figaro, sous la plume d'Anne Jouan, une journaliste professionnelle.

Elle y parle d'une entreprise où ont été embauchés un soudeur, une esthéticienne,un pâtissier. Pas à des postes de soudeur, d'esthéticienne, ou de pâtissier, non.

Le soudeur, qui a travaillé aux chantiers de La Seyne-sur-Mer (une autre époque), s'est reconverti en responsable de production. Le pâtissier, qui travaillé chez Mammouth ( encore une entreprise disparue), est devenu assistant de production dans cette entreprise; il a été embauché parce que, il le dit lui-même, il était " sérieux et avenant. J'ai eu l'opportunité d'apprendre sur place".

Et puis, il y a une belle histoire, celle de Stéphane; lui il était au chômage; alors il a écrit au Président de la République, et son dossier a été transmis à l'ANPE de Toulon, et c'est comme ça qu'il a retrouvé un job dans cette entreprise.

Cette entreprise qui a pu ainsi accueillir ces reconvertis, ces autodidactes, elle a néanmoins un problème : c'est la société PIP, oui, celle qui a fabriqué les prothèses mamaires, dirigée par Jean-Claude Mas.

Alors, fini de rigoler; on a trouvé le problème.. :

" Les formations des recrutés étaient loin d'être en adéquation avec leurs postes".

Tout est dans le titre d'Anne Jouan : " Les incroyables recrutements de PIP - A des postes importants, Jean-Claude Mas avait embauché une esthéticienne, un soudeur et un pâtissier".

Bien sûr, on comprend dans cet article que les doutes existent sur la bonne gestion de cette entreprise, vue la suite; et ces personnes ont été interrogées par les gendarmes sur leurs activités et compétences.

Néanmoins, comment ne pas penser à ces pâtissiers, ces soudeurs de chantiers disparus, ces chômeurs qui cherchent un nouveau départ.

Ce doute sur les compétences, il est facile de le faire porter sur ce pâtissier; alors que de nombreuses erreurs et fautes de gestion sont faites, aussi, par des personnes trés diplômées et soi-disant compétents. Sans parler des dirigeants eux-mêmes.

Dans les commentaires sur le site du Figaro, la bataille entre les défenseurs des autodidactes et ceux qui croient que la compétence c'est les diplômes, fait rage.

Drôle de procès !

Ce fait divers fait bien ressortir tout ce qui someille dans l'entreprise et dans l'imaginaire collectif; comme un parfum de lutte des classes ?


La culture du malheur intime

Uncertainty Pour certains, l'incertitude, les pèriodes troublées, sont des stimulants : tout devient possible, les "cartes sont rebattues", les entrepreneurs trouvent de nouvelles opportunités d'entreprendre, de nouveaux leaders émergent pour remplacer ceux qui disparaissent.

C'est la version optimiste.

Mais il y en a une autre, moins joyeuse.

C'est celle du mal être, de la souffrance, occasionnée par une forme d'anxiété (formule des psychiatres) ou d'angoisse (formule des psychanalystes), face à l'incertude, au manque de repères, notamment dans le monde du travail.

Alain Ehrenberg, chercheur et sociologue, a particulièrement analysé ce phénomène dans ses ouvrages "L'individu incertain" et "La fatigue d'être soi". Ainsi que dans une interview dans le livre de Marie de Solenne, "Le mal d'incertitude"

Aujourd'hui, ce ne sont plus des règles, la religion, qui définissent le sens de l'existence d'une personne, mais l'individu lui-même. Nous sommes dans une société fondée sur l'individualisme et le droit, pour chacun, d'être libre, de devenir Soi. Comme une "démocratisation de l'exceptionnel" : N'importe qui peut devenir quelqu'un.

Dans l'entreprise, c'est cette même exigence qui s'impose : on va demander à l'employé, et pas seulement le cadre supérieur, non plus d'appliquer les gestes et de respecter les règles comme une machine, mais de démontrer sa capacité à proposer, à être "autonome", à "participer", à "prendre des responsabilités", surtout bien sûr dans "l'incertitude", quand aucun chemin ne semble s'imposer, quand justement il va fallir "faire preuve d'initiatives".

Et bien, cette exigence, qui en excite certains, elle est la cause de phénomènes de "dépression" et de "maladies mentales", ou simplement de ce que l'on appelle le "mal être", analysés par Alain Ehrenberg.

" Une sorte de vulnérabilité de masse est apparue dans nos sociétés, alors qu'elle y était inconnue vingt ans auparavant - ce vocabulaire de la souffrance, du malheur moral, n'existait pas alors.

En mettant en exergue cette multiplication des troubles psychiatriques (mal-être, dépression,...), en définissant de multiples problèmes à l'aune du mot "souffrance", nos sociétés ont fini par se créer ce que j'appelle une "culture du malheur intime", que ne connaissait pas les générations précédentes, culture caractérisée à la fois par des troubles de masse de la conduite individuelle, et par une floraison de la plainte subjective."

Cette histoire de "mal-être", qui est devenu le bassin d'attraction du "malheur intime", est devenue un moyen pratique d'exprimer n'importe lequel de nos malheurs ou problèmes.

La dépression a remplacé la névrose :

" Si la névrose est une façon de désigner des problèmes créés par une société de discipline, d'interdits, de conformité, etc., la dépression, elle, est une manière d'exprimer les difficultés engendrées par une société de choix total, de performances individuelles, d'actions et d'initiatives individuelles.

Si la question de la névrose est celle du désir, la question de la dépression est celle de la valeur : suis-je à la hauteur ? qu'est-ce que je vaux ?"

Cette notion de "souffrance" devient un référent pour décider et agir dans de multiples domaines, et une explication de problèmes trés hétérogènes. Tout devient "souffrance" : venir au travail, devoir respecter les consignes du supérieur, se faire chahuter par un client mécontent, recevoir des critiques lors de l'entretien d'évaluation des performances,...Et cette "souffrance" est du bon pain pour les récits dans les médias.

Alain Ehrenberg n'est pas spécialement optimiste sur la suite.

Deux issues sont menaçantes :

La recherche du sauveur, du tyran, du gourou, qui nous libère de l'incertitude en nous déchargeant de ce lourd fardeau qu'est notre liberté. Quand on voit les conversions de personnes dans des sectes, ou derrière des fanatiques, on n'est pas trés loin de ce phénomène. Alors que les chantres de l'entreprise 2.0 nous appellent à une société de l'initiative sans hiérarchie, cette tendance dit l'inverse : vite un papa pour prendre les décisions à ma place !

Une autre voie est celle des substances diverses, chimiques, drogues, de toute nature, qui nous transforment, dans notre recherche infinie du "mieux être", en hypochondriaques qui se sculptent en permanence.

Bon...Espérons qu'il existe quand même des issues plus modérées..

Car ce n'est pas parce que le monde est incertain qu'il est moins intéressant, ni qu'il n'y a plus rien à faire qu'à subir. Il reste tout de même possible de le rendre meilleur chaque jour. Y croire encore, individuellement et collectivement, dans nos entreprises et dans la société, est sûrement la meilleure réponse à cette culture déprimante du malheur intime.


Pourquoi et comment réduire les effectifs ?

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Je me souviens avoir vu Jean Gandois, ex patron de Pechiney, et patron des patrons lors de la loi des trente cinq heures par Martine Aubry, dire à l’assistance qu’il avait, dans toute sa carrière, probablement été à l’origine du licenciement de plus de 150.000 personnes.

Ambiance dans la salle…

Aujourd’hui, les réductions d’effectifs et les licenciements, c’est d’actualité.

Plusieurs contextes se présentent : pour certains, la réduction d’effectifs est imaginée à cause d’une baisse subite et profonde de l’activité du marché.

Mais cette baisse d’activité peut aussi être le signe d’une perte de compétitivité face à la concurrence ; et alors, si on ne va pas chercher le problème à la cause, les réductions d’effectifs n’apporteront pas de réponse définitive, et risquent de s’enchaîner les unes après les autres.

Ce sujet des réductions d’effectifs et des licenciements est précisément l’objet du « case study » dans le numéro de mars de HBR (Harvard Business Review) .

Le cas s’appelle « The Layoff » : Subtilité de la langue anglaise qui distingue « laying off », c'est-à-dire le licenciement pour cause économique, de « firing », licenciement plutôt pour signifier un départ demandé pour des raisons d’insuffisance professionnelle ou faute.

Ici, le cas, c’est celui où la crise oblige à réduire les coûts de personnel, globalement.

Le cas se passe dans une entreprise américaine, mais il ressemble, tellement il est « banal », à des situations que l’on connaît en Europe et en France.

Il concerne un dirigeant d’une entreprise de distribution d’accessoires pour la maison qui est en train de voir ses ventes s’effondrer, au profit de distributeurs de produits moins chers, et avec un service clients beaucoup plus mauvais.

Ses résultats sont en retard de 20% sur les prévisions faites à l’actionnaire, et les profits s’effondrent, malgré toutes les actions entreprises pour réduire les stocks et les coûts externes, ainsi que les efforts de promotions, de baisse des prix,…

Ce dirigeant a toujours promu une politique de service client de haut niveau, qu’il associe à une vraie politique de bien traiter ses employés (car un employé satisfait, c’est un client satisfait).

Et là, boum badaboum, c’est la mauvaise spirale.

La seule issue serait alors de réduire les coûts salariaux, et donc les effectifs.

Et s’il ne s’y met pas, c’est son propre job qui va être menacé par les actionnaires et le conseil d’administration.

Alors, il décide de convoquer un comité de direction spécial le lendemain après midi pour parler du sujet, et en décider. Il demande à chacun de proposer un ou deux scénarios pour traiter le problème.

Le cas nous promène alors dans les discussions des membres du comité de direction de cette entreprise, en préparation de cette réunion exceptionnelle.

Lisa, directrice des services juridiques, est invitée à déjeuner par le Directeur Financier dans la salle à manger privée d'un restaurant chic, à l’abri des oreilles et des yeux indiscrets, pour une discussion « sérieuse ».

Selon ce Directeur Financier, une réduction de l’ordre de 10% des effectifs génèrerait suffisamment d’économies pour ramener le niveau de profits au niveau attendu par Wall Street (c'est-à-dire la Bourse et les actionnaires du marché).

Et la discussion va alors porter sur le sujet : QUI ?

Il ne paraît pas judicieux au Directeur Financier de « toucher » aux responsables des magasins, car il est important de maintenir un bon service clients.

Le mieux est de réduire le « middle management », Il propose une politique de « first-in, first-out », permettant de sortir les plus anciens qui ne sont plus très performants.

La bisque de tomates servie par le maître d’hôtel de cette somptueuse salle à manger aidant à l’inspiration, Lisa émet une autre option : plutôt qu’une discrimination par l’âge, pourquoi ne pas plutôt se baser sur les évaluations, et faire partir ceux qui ont eu les plus mauvaises évaluations (les 10% les moins bien évalués), quelle que soit leur ancienneté.

Nous pénétrons alors dans un autre endroit de cette entreprise : le bureau de la responsable des Ressources Humaines, où s’est invité le Directeur de la Stratégie.

Le directeur de la stratégie a une proposition simple : il n’y a qu’à licencier les derniers arrivés dans l’entreprise, jusqu’à atteindre le chiffre nécessaire de 10%.

Cela permettra de limiter au minimum le coût des licenciements, et de résoudre notre problème à court terme sans se compliquer.

La Directrice des Ressources Humaines ne voit pas les choses aussi « simplement » et « mathématiquement » que le Directeur de la Stratégie : ces licenciements vont avoir des impacts sur les clients, la réputation, les investisseurs.

Ne vaudrait-il pas mieux remettre en cause notre stratégie, analyser quelles Business Units ne sont plus nécessaires à notre stratégie et les vendre ?

Et puis, parmi nos employés, nous avons de grands talents que nous avons recrutés récemment avec beaucoup d’espoirs en eux ; est-ce le moment de s’en débarrasser comme ça ? Et comment recruter demain de grands talents, si nous jetons comme ça ceux que nous avons aujourd’hui ?

Mais le Directeur de la Stratégie ne se laisse pas démonter : nous avons un problème maintenant ; nous penserons au futur plus tard.

Enfin, nous suivons un jeune cadre ambitieux et idéaliste, du service Marketing et  Stratégie, en qui le Directeur Général fonde  de grands espoirs (il le voit bien un jour atteindre le Comité Exécutif), qui prend l’initiative de franchir le pas de son bureau.

Ce jeune cadre vient de discuter avec une jeune cadre du service Communication qui est complètement paniquée par les rumeurs de licenciement qu’elle a entendues, et se voyant déjà missionnée pour en faire l’annonce.

Il se confie au Directeur Général. Il a relu les « valeurs » qui sont affichées dans tous les bureaux de l’entreprise : «  L’entreprise est faite de 12.000 employés dont le principal objectif est de servir au mieux leurs clients, par des produits d’excellente qualité, au meilleur prix, avec le meilleur service clients au monde. Ce service clients exceptionnel commence par des collaborateurs talentueux et innovants ».

Alors, n’y-t-il rien d’autre à imaginer qu’un plan de licenciements ? Par exemple une baisse des salaires, ou d’autres mesures. En fait, il n’a pas trop d’idées.

Le Directeur Général est sensible à ces réflexions, et invite ce jeune cadre à participer au comité de décision du lendemain.

Le lendemain, alors que les membres du comité arrivent dans la réunion, le Directeur Général est averti que le Président du Conseil veut lui parler au téléphone en urgence...

Et le cas se termine par cette question : Quelle est la meilleure stratégie pour le Directeur Général ?

Pas simple…

Vous en pensez quoi ?

Intéressant d’y réfléchir. Et d’imaginer ce que l’on ferait à sa place.

 

La HBR a interrogé trois "experts" sur le sujet, dont Bob Sutton, dont j'avais parlé.

Leurs analyses sont édifiantes.

La suite ci-dessous...

Lire la suite "Pourquoi et comment réduire les effectifs ?" »


Les "Mais pas trop"

Mortsvivants3  On pourrait les appeler les "Mais pas trop". Qui sont-ils ?

Ce sont ces personnes qui ont construit leur comportement sur une sorte de "détachement" les faisant considérer que tout ce que l'on pourrait appeler "engagement" ne relève que de l'aliénation, et ne peut mener qu'à "se faire avoir".

Dans l'entreprise, cette attitude est particulièrement analysée en ce moment par de nombreux "sociologues" qui, à coup d'enquêtes et d'interviews, renvoient ce miroir.

Le Figaro Magazine exploitait ce filon la semaine dernière dans son dossier " Bien dans sa vie en 2009". Avec forcément un article, signé S.R (Ségolène Royal ?!! ...Non, j'ai trouvé quelques pages avant que c'était plutôt Sophie Roquelle) sur : "Le bureau, mais pas trop". Et appelant à commenter François Dupuy, professeur à l'Insead. Il avait déjà traité en 2005"la fatigue des élites", et annonce pour cett année "Le nouveau combat des chefs : la vie quotidienne des entreprises au XXIème siècle" (il ne se mouche pas du coude, comme on dit, l'ami François, avec un titre pareil !).

François Dupuy nous le redit donc : " Les jeunes cadres ne placent plus leur vie professionnelle au-dessus de tout." "Ils transfèrent leur engagement affectif vers des causes plus nobles". etc...

Bien sûr, en utilisant une formule comme "au-dessus de tout" (de tout quoi ???), on ne risque pas d'attirer les suffrages...Mais y-a-t-il encore une signification à cette expression "au-dessus de tout" ? Ok, ils ne mettent pas leur vie professionnelle "au-dessus de tout", mais, précisément, ils mettent quoi au-dessus de tout ?

En fait, ces propos de magazines et d'enquêtes diverses ne me semblent pas aller au fond des choses, ni refléter la situation réelle des entreprises (ce qui est normal, la plupart de ces auteurs ne mettant jamais les pieds dans la moindre entreprise, et n'ont jamais connu l'expérience concrète du management, ni en tant que manager, ni même managé. Leur seule référence c'est l'Université ou les Directeurs de Recherche du CNRS....c'est dire !!).

Cette attitude de "désengagement" elle caractérise des individus qui se "désengagent" de beaucoup de choses : "le bureau, mais pas trop", mais aussi "ma mère, mais pas trop", "mes amis, mais pas trop", "bien manger, mais pas trop", "toi, toi, l'Autre, mais pas trop",...et ça finit par devenir à l'intérieur "Moi, mais pas trop"...Une dépreciation de soi-même, un manque de confiance en soi, une méfiance générale, la peur de s'engager, la peur de tendre la main, la peur de tout. J'avais déjà évoqué les "désengagés de l'intérieur".

Comme si accepter de vivre sa vie pleinement, à chaque instant, en toute occasion, c'était interdit, mauvais, pas digne de soi, .... Alors on passe sa vie à l'économiser, de "mais pas trop" en "mais pas trop"...Et on connaît, malheureusement, la fin d'une telle histoire de vie. Et même si l'on considère que cette attitude est réservée au temps passé dans l'entreprise, est-ce si sûr ? Vivre, c'est un tout.

Alors, bien sûr, l'entreprise, le lieu où la plupart passe l'essentiel de leur temps, c'est le lieu idéal pour exprimer et se complaire dans cette attitude.

Derrière cette attitude, il y a une conviction que "donner" (son temps, sa joie, son enthousiasme pour les autres, et pire, pour le patron,..) c'est se trahir.

Le pire pour l'entreprise c'est que ces attitudes répondent à une autre attitude, celle des "managers", qui eux, ne "recevant" pas assez de leurs collaborateurs, vont, eux-aussi, en "donner" le moins possible, se plaignant eux-mêmes que leurs chefs à eux ne leur donnent pas assez non plus; c'est une chaîne sans fin :

Tu es là pour exécuter les tâches que je te demande. moi le manager, et je n'ai pas à recevoir tes états d'âmes...Le management, vu froidement par la technocratie, c'est "je décide, tu exécutes".

Et dans les entreprises où ces comportements se répandent du haut en bas de la hiérarchie, que constate-t-on ?

Une paralysie générale, des comportements agressifs, le manque d'enthousiasme, la perte d'idées, le manque d'innovation, la routine, l'ennui....Et de plus en plus de "Mais pas trop", qui se reproduisent entre eux, comme le défilé des "morts vivants"...Brrrr...

Pour essayer d'apporter une réponse, certains "experts" ont trouvé une formule : "la promesse employeur"...

Les auteurs qui ont creusé la question proposent de mieux formaliser des "règles mutuelles d'engagement" dans un "contrat employeur qui servira de socle à la confiance"...

Peut-être...

Mais, honnêtement, peut on imaginer que la confiance, l'engagement, la transformation des morts vivants "Mais pas trop" en collaborateurs engagés se règlera par des paperasses de "contrat" et de "promesses"..? Difficile à croire, non ?

Ce qui manque en fait dans ces relations entre ceux qui ne veulent pas trop donner, et ceux qui trouvent qu'ils ne reçoivent pas assez, c'est une valeur trés spirituelle, qui nous bient de loin :

C'est la générosité.

Cette générosité, c'est l'huile qui fait faire des miracles (pour rester dans la métaphore spirituelle) aux communautés humaines qui en sont imprégnées (comme une grâce)..C'est un ingrédient fort de l'esprit d'entreprise.

Regardons autour de nous : combien les personnes que nous décrivons comme "généreuses" nous semblent heureuses, heureuses de donner sans compter ce qu'ils reçoivent.

Et combien ces "Mais pas trop" nous semblent malheureux et à moitié morts...sans joie...quel que soit l'objet de leur "mais pas trop" (l'entreprise ou autre).

Cette générosité, ce n'est pas la vanité de se croire irréprochable, et d'être exigeant, intolérant vis à vis des autres; avec un tel état d'esprit d'intransigeance, on est toujours déçu des autres et de soi-même...on recherche en vain la perfection inatégnable ...des autres et de soi. Non, cette générosité, c'est aussi celle qui fait accepter, qui accueille comme une bonne nouvelle les faiblesses des autres, et ses propres faiblesses, comme un signe d'humanité, comme un pardon que l'on fait à l'autre et à soi-même.

Mais il est certain que se donner comme programme de faire se déployer et reproduire de la générosité dans son entreprise et dans sa vie, c'est une autre paire de manches que de faire des "contrats" et des "promesses employeur". C'est plus difficile que de verser des larmes de crocodile dans des exposés sociologiques...

Cela relève plus de l'expérience individuelle, de décisions personnelles, de valeurs personnelles de la transmission de valeurs entre les personnes, du respect. Si tout ça a l'air défaillant dans l'entreprise, inutile de chercher bien loin : ça vient d'abord du dirigeant, des membres du comité de Direction, des managers...Etc...Comme les animaux malades de la Peste, "ils ne mourraient pas tous; mais tous étaient frappés"...

Et pourtant, il est trés difficile de rendre performante une entreprise, qui est d'abord une communauté humaine avec ses interactions, sans cette dose de générosité. C'est elle qui fait que les savoirs et les idées circulent dans l'entreprise, que les informations s'échangent, que les équipes solidaires existent, que les ambitions déplacent les montagnes. Comment peut on imaginer d'implanter le moindre système de "knowledge management" sans générosité partagée ?

On en revient aux "valeurs" de l'entreprise qu'il est de plus en plus difficile de faire prendre au sérieux par des personnes qui ont remplacé celles-ci par la désinvolture et le cynisme. Les premiers menacés par ces démons étant souvent en priorité les dirigeants eux-mêmes. Les cadres dont parlent les magazines ne faisant que reproduire ces comportements.

Il est donc parfois nécessaire de lancer un programme de "reengeneering des valeurs" de l'entreprise pour pouvoir repartir, et redonner de l'élan, le goût du risque, et la volonté de croissance.

Joli programme , non ?

Cela commence par une question simple et personnelle pour chacun .. Je vous laisse la deviner...

Résultat du sondage :

L'entreprise que j'admire, elle est comment ?

17.56% Elle me manifeste de la reconnaissance
16.21% Elle me paye bien
18.91% Elle fait de moi quelqu'un d'exceptionnel
28.37% Elle m'inspire
8.1% Je n'en admire aucune : toutes les mêmes
10.81% Elle est pour le Développement Durable


74 personnes ont répondu à ce sondage

Être inspiré, se sentir quelqu'un d'exceptionnel, voilà un beau challenge pour l'entreprise qui veut séduire...


La crise va-t-elle tuer le pouvoir dans l'entreprise?

Crise1  Avec la crise, on va retrouver un type particulier de comportement chez les dirigeants d'entreprise : la perte de l'expression du pouvoir.

La situation est simple : c'est la crise; on doit subir de nouvelles contraintes (perte d'activité, des marchés moins ceci ou plus cela, etc..). En clair, un risque de pénurie (de cash, de moyens, de confiance,..) qui nous oblige à agir.

Jusque là rien à dire : c'est vrai que la nouvelle perspective pour 2009 oblige à faire quelque chose, à ne pas anticiper l'année comme si il ne se passait rien.

Mais là où il y a dérive c'est quand les décisions qu'imaginent les dirigeants face à cette perspective sont également présentées comme des nécessités logiques.

Exemple : la crise, donc on va licencier; la crise, donc on ne va pas donner de bonus au personnel, la crise donc on ne va pas investir dans ce projet, la crise donc on va modifier l'organisation, la crise donc on va remplacer la DRH par quelqu'un de plus costaud, la crise, donc on baisse les prix, la crise, donc on baisse la qualité pour produire moins cher, etc...Tout un tas de "donc" qui n'ont rien du tout d'évident. Comme on dit "la crise a bon dos".

D'ailleurs, les dirigeants le savent bien, certains l'avouant même ouvertement : "grâce à la crise, on va pouvoir faire passer des décisions qu'on n'aurait pas pu prendre en temps normal"..Ces décisions, ce sont celles qui demandent du courage, qui obligent à assumer. Alors qu'avec le prétexte de la "crise" on va pouvoir se réfugier derrière elle. Et raconter n'importe quoi. Sans s'avouer responsable.

En fait celui qui prend ces décisions "à cause de la crise", va se valoriser en considérant qu'il prend cette décision grâce à sa compétence et sa clairvoyance sur ce qu'il faut faire face à la crise, mais va considérer que ces décisions sont "imposées par la crise", et non le fait de l'exercice de son pouvoir de dirigeant. Une sorte de pouvoir de décision sans pouvoir.

C'est comme si le pouvoir était devenu purement gestionnaire, conséquence d'une analyse de la situation pour laquelle il n'y aurait qu'une réponse possible, celle que le dirigeant a identifiée et propose de prendre. Dans cette posture, assez manipulatrice, le pouvoir réel du dirigeant se cache derrière ce paravent de "l'obligation de la crise", comme si c'était "Madame la crise" qui avait pris les commandes de l'entreprise, prenant en otage le dirigeant qui aurait bien aimé être trés gentil, et est obligé de subir et d'appliquer.

Tout cela n'est que démonstration de manque de courage, et de manque de responsabilité des dirigeants des entreprises.

Cette grille de lecture de la dissociation entre décision et pouvoir, c'est celle de Lucien Sfez, qu'il a particulièrement étudiée appliquée à la société française et au "pouvoir" politique. Elle revient dans l'actualité avec cette histoire de crise.On la voit dans les discours des politiques, notamment en France. Et s'applique bien aux situations d'entreprises aussi.

Les dirigeants qui vont se réfugier dans cette dissociation entre décision et pouvoir, communiquant sur le registre " je suis obligé de décider ceci ou cela à cause de la crise" sont probablement ceux qui vont perdre.

Inversement, d'autres ne vont pas abdiquer le pouvoir à la "crise" et à la "gestion". Au contraire, ils vont assumer leurs choix et leur volonté, fixant des ambitions, des projets pour le futur, en connaisance de cause.

ils vont prendre plus de risques; ils vont faire différemment des autres.

En décembre, dans de nombreuses entreprises, c'est la saison des "séminaires" de Comités de Direction sur les objectifs, les priorités, la stratégie, où j'ai parfois la chance d'être consultant (j'adore ce genre de cérémonies !). Un bon endroit pour observer ceux qui vont parler en disant "JE" et ceux qui vont parler en disant "LA CRISE"...

Tendons l'oreille, lorsque nous assisterons à ces messes : on identifiera ainsi ceux qui ont gardé le pouvoir et veulent s'en servir, et ceux qui n'osent pas décider ou assumer leurs choix...


Ces rapides ébranlements de la sensibilité

Double  Ce sont des personnes que l'on remarque vite, qu'on classe dans une catégorie qui attire l'empathie, ou au contraire la méfiance. Elles ne se mettent pas en avant, elles ne parlent pas fort. Ou alors, elles expriment violemment leurs émotions qui les submergent : pleurs, enthousiasme, tout est possible. Elles peuvent se montrer passionnées, et diffuser une énergie intense autour d'elles.

Pour les connaître, il faut faire l'effort de le vouloir.

Il y en a dans les entreprises, autour de nous, et bien sûr dans les romans; c'est là qu'on peut les connaître de plus prés.

On pourrait les nommer "êtres sensibles", et cela évoque des garçons un peu éthérés, au tempérament féminin. Pour certains, c'est un mauvais signe, manque de leadership, de force. Pour d'autres, ce sont les personnes les plus riches, les meilleurs managers.

Le Monde a eu l'idée, depuis quelques semaines, de proposer le jeudi, en même temps que le journal du soir, un volume de "La Comédie Humaine" de Balzac. C'est comme ça que je suis retombé dans "Le lys dans la vallée", et ai redécouvert ce personnage, Félix de Vandenesse. qui tombe amoureux éperdu de la comtesse de Mortsauf, dans cette délicieuse vallée de la Loire.

C'est lui qui est le narrateur :

" A cette époque, j'étais exclusivement tendre. La volonté, qui modifie si étrangement les hommes, commençait seulement à poindre en moi. Mes excessifs désirs m'avaient communiqué ces rapides ébranlements de la sensibilité qui ressemblent aux secousses de la peur.".

En observant la comtesse de Mortsauf, " religieusement pensive devant un coucher de soleil qui rougissait si voluptueusement les cimes en laissant voir la vallée comme un lit", il en vient à reconnaître qu'ils font tous deux partie de la même catégorie des personnes sensibles.

Et l'on a ainsi un excellent portrait de cette "sensibilité" qui ne peut que nous évoquer tous ceux, autour de nous (et peut être nous-mêmes) que nous identifions ainsi.

" N'appartenons-nous pas au petit nombre de créatures privilégiées, pour la douleur et pour le plaisir, de qui les qualités sensibles vibrent toutes à l'unisson, en produisant de grands retentissements intérieurs, et dont la nature nerveuse est en harmonie constante avec le principe des choses !".

Et Balzac nous dépeint combien ces personnes ont besoin d'un environnement particulier pour se révéler, et souffrent parfois de ce manque d'environnement propice :

" Mettez-les dans un milieu où tout est dissonance, ces personnes souffrent horriblement, comme aussi leur plaisir va jusqu'à l'exaltation quand elles rencontrent les idées, les sensations ou les êtres qui leur sont sympathiques."

Là où l'observation est la plus äigüe, c'est quand l'auteur décrit un troisième état, une forme de comportement de l'"être sensible" que l'on observe aussi fréquemment, sans toujours le comprendre, et que Balzac analyse trés justement :

" Il peut nous arriver de n'être impresionné ni en bien ni en mal. Un orgue expressif doué de mouvement s'exerce alors en nous dans le vide, se passionne sans objet, rend des sons sans produire de mélodie, jette des accents qui se perdent dans le silence ! espèce de contradiction terrible d'une âme qui se révolte contre l'inutilité du néant. Jeux accablants dans lesquels notre puissance s'échappe toute entière sans aliments, comme le sang par une blessure inconnue. La sensibilité coule à torrents, il en résulte d'horribles affaiblissements, d'indicibles mélancolies."

Joli et profond portrait de la sensibilité, qui montre que ces personnes que l'on voit réservées et absentes peuvent parfois cacher un feu intérieur inexprimé qui brûle et les rend mélancoliques. Et jolie leçon sur l'influence des milieux dissonants comparés à ceux où les idées "sont sympathiques".

Reste à savoir construire ces milieux pleins d'idées et de sensations qui feront s'exalter ces sensibilités.

C'est ça aussi le Talent Management, peut être.....


Le sadhu

Sadhu On dit qu'une image vaut mieux qu'un long discours. C'est le sens de la "parabole du sadhu", qui m'a été contée il y a plusieurs années, et que j'ai gardée en tête comme un précieux conseil pour le management des entreprises. C'est la "parabole du sadhu".

Cette histoire est d'autant plus étonnante qu'elle est vraiment arrivée à son auteur, Bowen H. McCoy, telle qu'il l'a racontés pour la première fois en 1983, dans un article de la Harvard Business Review, qui figure maintenant parmi les classiques qu'il convient de connaître (un peu comme l'article de Zaleznik).Cette histoire a décidé de son changement de carrière, puisqu'il est devenu professeur sur le sujet...

Bon, on arrête le suspense...Voici, en gros, l'histoire, que l'on peut lire avec tous les détails ici.

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