Sommes nous revenus à l'Ancien Régime ?
09 février 2025
C’est Marx qui prophétisait l’inéluctable déclin du capitalisme.
On en est encore loin, et celui-ci est encore bien vivant. Mais il a changé.
Au point que certains voient dans le nouveau capitalisme, celui en recomposition depuis les années 80 en France, le retour de mœurs de l’Ancien Régime en France.
Diable !
C’est la thèse Pierre Vermeren, docteur en histoire et normalien agrégé, qu’il exposait dans une récente tribune du Figaro.
L’Ancien Régime, c’est l’empire d’une économie de rente : « Hormis les monopoles coloniaux et les manufactures, sa grande affaire était non l’exploitation de la terre par les masses paysannes (plus de 8 Français sur 10), mais les rentes qu’on pouvait en tirer : droits seigneuriaux, impôts directs et indirects, dîme etc ».
C’est cette époque de l’affermage, où le Roi pouvait déléguer par bail unique à un particulier, pour une durée limitée, le droit de recouvrer un impôt et d’en conserver le produit. Ce système de rentes a perduré dans la France des XVIIème et XVIIIème siècles.
Autre système de la Monarchie, les charges viagères, ces offices (fonctions militaires, de finance ou de magistrature) que pouvaient acheter les agents royaux et en disposer à leur guise contre un paiement forfaitaire.
Quel rapport avec le capitalisme en France d’aujourd’hui ?
Ce qui forge les nouvelles rentes d’aujourd’hui, ce sont notamment les oligopoles dans le BTP et les services en réseau à qui la commande publique s’adresse par endettement, soutenu par les banques qui financent cette dette publique. Ce système de dépenses publiques infinies se déploie pendant que le secteur économique indépendant « s’asphyxie » : « l’agriculture, l’artisanat, l’industrie et le commerce s’étiolent. 2024 est l’année record des défaillances d’entreprises ».
Dans ce capitalisme, « les banques préfèrent les bons d’Etat (qui financent la dette) aux prêts aux entreprises, qui rapportent d’aléatoires dividendes ».
C’est comme cela que les acteurs publics surinvestissent dans des équipements à crédit qui font tourner l’économie locale des entreprises du BTP, avec les ronds-points, les poubelles enterrées, les mobiliers urbains, les stations solaires, etc. Un des chefs-d’œuvre de cette rente constituée concerne les autoroutes privatisées. Dans cette économie qui a « renoncé à produire », la rente est tout : « péages et restaurants d’autoroutes, toilettes urbaines, panneaux publicitaires, centres commerciaux des gares et des banlieues, niches comme les pompes funèbres ou la viande halal », mais aussi « construction des HLM, des pavillons, des prisons, des collèges, des éoliennes et champs de panneaux solaires, rénovation thermique du bâti public et privé ».
Autres agents royaux qui profitent du système en faisant la roue autour des projets qui coûtent et qui dérapent toujours dans un Etat suradministré, les juristes, consultants, communicants et agences de tous poils.
Ce qui vient encore plus encourager cette tendance, c’est bien sûr le développement des normes publiques (bilan thermique, contrôle technique, glissières d’autoroutes, ascenseurs obligatoires, isolants phoniques, autant de sollicitations qui viennent gonfler la commande publique et les carnets de commande des nouveaux agents royaux. Pendant que ces normes asphyxient plus encore l’initiative privée et la libre concurrence.
Et pendant que se développait ce capitalisme de l’achat public, et de ses conséquences directes et indirectes, financé par la dette, nous avons technologiquement décroché, et « l’enrichissement par la rente d’une génération a obéré l’avenir du pays ».
La conclusion n’est pas très optimiste :
« En restant dans la compétition industrielle mondiale et en développant l’informatique, les autoroutes de l’information, et la net-économie, nous aurions obtenu une profitabilité très supérieure ».
En gros notre production s’est effondrée et nous vivons à crédit et endettés.
Pas simple de s’en sortir, d’autant que « comme à la fin de l’Ancien Régime, la violence menace ».
Pourra-t-on reprendre la main sur l'Intelligence Artificielle, comme voudrait le croire le sommet sur le sujet en ce moment ?
On va reparler de révolution ?
Ou de nouveaux choix de société guidés par un renouveau du libéralisme, le vrai, celui de la liberté ?