Sécurité sans contrôle

ControleMoins de contrôles hiérarchiques, moins de strates d'encadrement, plus d' "empowerment" : voilà ce que cherchent de plus en plus d'entreprises. Certaines pour des raisons de productivité ( espérant faire des économies en supprimant des postes de managers), et d'autres parce qu'elles croient qu'en redonnant du pouvoir et de l'autonomie à la base elles rendront l'entreprise plus agile et plus performante. C'est ce qu'on appelle les "entreprises libérées", en référence à l'ouvrage d'Isaac Getz "Liberté & Cie". Il y a maintenant un groupe sur Google+ pour que les libérateurs puissent échanger les bonnes pratiques et les expériences.

Mais il y a parfois un argument qui freine les ardeurs : la sécurité.

Tel ce dirigeant rencontré cette semaine : " Dans notre entreprise, la sécurité est clé. On doit avoir des règles et des contrôles, car c'est la garantie de cette sécurité".Car dans l'imaginaire traditionnel, la meilleure sécurité c'est le contrôle.

Une entreprise peut servir de référence pour traiter ce sujet : AES Corporation. J'avais déjà parlé de son premier dirigeant fondateur, Dennis Bakke ICI, qui a publié " Joy at work".

AES Corp. est une entreprise de production et de distribution d'électricité américaine, fondée par Roger Sant Dennis Bakke en 1981 pour profiter de la libéralisation du marché de l'énergie. L'entreprise a grandi très vite pour atteindre 40.000 employés, des usines dans 19 pays sur 5 continents. C'est un métier où la sécurité est un élément majeur, car le bon fonctionnement des usines et tout problème opérationnel peut mettre en danger des vies humaines privées de chauffage par exemple. Et donc il est important que les opérations de cette entreprise soient les plus sûres possibles sur les fonctions Sécurité et Maintenance.

Et bien, dans cette entreprise de 40.000 employés, combien y-a-t-il de personnes au Siège Corporate ?

100 !

Oui, seulement 100 personnes au Siège Corporate. Un bon benchmark, non ?

L'histoire est reprise dans le livre de Frédéric Laloux, "Reinventing organizations", dont j'ai déjà parlé ICI.

Cette entreprise, sous l'impulsion de Roger Sant et Dennis Bakke, a choisi dès le début d'opérer sans règles, sans régulations, sans même une hiérarchie bien définie. C'est ce qui est appelé le "self management" : chacun prend ses responsabilités à son niveau. Il n'y a pas de service central de maintenance, ni de Département central de Sécurité, ni de service central Achats, ni même de Direction Centrale des Ressources Humaines. L'élément clé pour faire fonctionner l'entreprise : des "tasks forces" temporaires ou permanentes, qui se mettent en place, et s'arrêtent, en fonction des besoins et des problèmes à régler. 

Ce système a un peu évolué avec le temps, et aussi suite à la crise qu'a connue l'entreprise dans les années 2000, en contrecoup de l'affaire Enron. Mais le concept et l'esprit sont les mêmes.

Pour pouvoir monter ces "tasks forces" AES a mis en place un principe, que l'on retrouvera chez Google par exemple : les 80/20. Chaque personne travaillant chez AES, depuis l'employé à l'entretien jusqu'à l'ingénieur, consacre 80% de son temps à son job principal, et garde 20% de celui-ci pour participer à une ou plusieurs de ces "task forces". 

 Autre exemple de l'utilisation de ces "tasks forces", les audits internes : il n'y a pas de service central d'audit interne; chaque usine est auditée par des équipes volontaires de collègues, qui viennent des autres usines.

Autre avantage de ce système de tasks forces : les employés y trouvent des motivations pour exercer leurs talents et compétences, qu'ils ne pourraient exprimer dans leur job habituel. Une bonne façon de développer le sens des responsabilités et l'implication des employés, l'impression de participer activement au développement et au progrès de l'entreprise. C'est aussi une excellente école d'apprentissage : à tout moment des milliers de collaborateurs sont impliqués dans des task forces, et apprennent des techniques, des compétences, des talents de leadership de leurs collègues plus compétents sur un domaine ou un autre. Tous ces échanges permanents, ces heures passées entre collègues, valent bien plus qu'un système de formations et de salles de cours comme dans les systèmes classiques de formation dans les entreprises.

Réussir l'excellence sans les systèmes de contrôle et les fonctions Corporate pléthoriques ( genre les marionnettistes), c'est peut-être possible finalement...

On commence quand ?

 

 


Les quinze chats....et les autres


ChataubureauA partir d'un certain niveau dans la hiérarchie les cadres s'installent dans le confort. Ils ont des habitudes, des routines, qui les rendent moins performants.

Pour éviter ça, Christophe de Maistre, Président de Siemens France, a livré son secret hier à Vincent Beaufils qui l'interviewait, et aux HEC présents aux "Matins HEC" : Il a supprimé, au Siège de Siemens France, qui héberge 1300 collaborateurs, les bureaux individuels. Il n'en reste plus que 15 (dont le sien j'imagine), au lieu de 70 à son arrivée. Soit à peine 1% ! Il ne nous a pas dit à quelle enseigne étaient logés les autres.

Ces quinze chats du siège doivent faire des envieux.

Cette histoire de transparence, de fluidité, de tous les bienfaits d'ouvrir les bureaux, j'en ai déjà parlé ICI

J'ai découvert un nouvel adepte. 

L'idée est de mettre en concurrence visible les salariés qui travaillent ainsi à découvert, en se mobilisant en groupe et en équipe, comme dans une guerilla. 

Pour ceux qui auraient du mal à supporter il reste le kit de survie en open space ( Cubicle Survival kit que l'on peut acheter ICI). Tout est prévu : une paire de bouchons d'oreilles, une pince à linge pour les odeurs des restes de repas d'à côté, un panneau "Repassez plus tard !" pour les perturbateurs, et merveille des merveilles, un rétroviseur panoramique pour repérer l'approche du chef...

Quand on parle de bureaux partagés et d'Open Space, Dilbert n'est jamais bien loin....

Dilbert


Don fermé / Don ouvert

OeilserrureDonner son temps, offrir son aide, s'occuper des autres : voilà de bons sentiments. Dans le cadre professionnel, comme dans le cadre privé.

C'est un collègue qui m' aide à me servir d'un logiciel; c'est le manager qui passe du temps avec son collaborateur pour lui indiquer le bon comportement; pour lui dire ce qu'il doit faire pour être meilleur. 

Toute la difficulté de l'exercice est de distinguer la part d'"évaluation" (on pense à jugement, notation, compétition) et la part de "conseil" (incluant plus de générosité).

Mais il y aussi plusieurs façons de faire ce "don". Vincent Laupies distingue dans son petit livre trés utile  " donner sans blesser", ce qu'il appelle le "don fermé" et le "don ouvert".

Le "don fermé" est celui où le donateur donne à partir de lui-même pour répondre à ce qu'il imagine être les besoins de l'autre. Cela peut amener certains à s'occuper à l'excés des autres, comme une envie de sauver les autres qui les possède entièrement. C'est une attitude caractérisée par l'indifférenciation : la personne qui "donne" se coupe d'elle-même, elle croit pouvoir répondre positivement à l'injonction imaginaire de combler l'autre. On connaît tous des exemples " Paul a l'air déprimé et malheureux, je vais l'aider à être heureux", " Julie devrait s'améliorer pour être promue, je vais lui dire ce qu'elle doit faire et corriger pour cela", " ce collègue ne comprend rien au management; je vais lui offrir un livre, sans qu'il ait demandé mon aide, pour qu'il comprenne ce qu'il doit changer", etc...

Dans ces types d'échanges la personne "ne voit pas l'autre tel qu'il est, mais tel qu'il apparaît ou tel qu'elle l'imagine. Elle ne se voit pas elle-même telle qu'elle est, mais se dédouble et agit à partir du personnage généreux qu'elle a construit".

Ce type de relation, à l'extrême, peut prendre une forme pervertie de totale indifférenciation : " Le donateur A n'est plus en contact avec lui-même. Il crée, inconsciemment, un autre lui-même "généreux", que l'on peut appeler A'. Celui-ci entre en relation, non pas avec le donataire réel B, mais avec l'image B' qu'il en a construite".

C'est un don de celui qui n'est pas vraiment lui-même à "quelqu'un" qui n'est pas vraiment l'autre, mais qu'il a imaginé. C'est le fantasme de construire l'autre, qui peut aboutir à une forte valorisation du "quantitatif" : on pense alors que plus il y a de don (de temps passé, de livres offerts, de conseils donnés,..), mieux c'est.

On comprend alors trés bien toutes les vertus et caractéristiques du "don ouvert" auquel l'auteur nous encourage, sans minimiser toute la difficulté; car le "don fermé" est une modalité fréquente des relations aux autres.

Pour être dans le "don ouvert" il convient d'être " attentif à ce qui se passe en soi, à écouter ce qui parle en soi (désirs, pensées, émotions,...)". C'est ce "travail de don" qui permet de repérer nos tendances à l'indifférenciation et d'y renoncer.

Le "don ouvert", c'est une ouverture dans cinq directions :

- le donateur s'ouvre, d'abord, "en amont de lui-même" aux dons qui lui sont donnés : vincent Laupies insiste sur cette priorité : il faut recevoir avant de donner; on donne ce que l'on reçoit, et non pas, comme le croient certains, à partir de ses propres forces, au nom d'une décision volontariste. Cette étape est la plus difficile, car celui qui veut "aider" les autres s'y épuise sans voir ce qu'il a besoin de recevoir lui-même,

- le donateur s'ouvre, également, à lui-même : le don est ainsi perçu comme constructif pour le donateur également;

- le donateur s'ouvre aux besoins réels de l'autre, et non par obligation, pour soulager sa culpabilité, ou renforcer l'estime de lui-même;

- le donateur ne donne pas pour obtenir un effet précis sur le donataire (faire de toi un bon manager, faire de toi un bon collègue, faire de toi un garçon heureux), mais avec une ouverture aux effets possibles du don, le donateur étant alors détaché des effets de son don;

- le donateur n'attend pas de don particulier en retour (contre don); il est ouvert à recevoir un contre-don, comme à n'en pas recevoir. Si il en reçoit un, il l'accepte; si il n'en reçoit pas, il ne se sent pas lésé. L'auteur considère que l'acceptation du contre-don est importante, car elle nous protège contre une "perversion du don".

Vu ainsi, le "don" est simple et fécond; la réalité profonde du don est alors l'expression de la vie qui est en nous.

De quoi donner envie, non ?

Donner en vie ?


Faut-il réinventer la réinvention de l'entreprise?

Inventer

J'avais laissé de côté le dernier livre d' Eric Albert paru au début de cette année : " Partager le pouvoir, c'est possible - Réinventer l'entreprise ?", que jj'ai donc ouvert ce mois d'août.

Eric Albert est psychiatre et dirigeant fondateur de l'IFAS, Institut d'action sur le stress. Son job, c'est consultant et coach pour le stress.

Alors, forcément il voit du stress partout. Je crois que c'est le mot qui revient le plus souvent dans son ouvrage : les salariés sont stressés, le capitalisme, ça ne marche plus, trop de stress, l'entreprise, elle est "mortifère" (sic)...Stressant ! A croire qu'il veut faire de chacun de ses lecteurs un de ses futurs clients. 

Le livre est bien fait : il alterne les chapitres où l'auteur décrit le malheur des entreprises et des stressés dans le modèle dit "classique", et les chapitres où il reprend des exemples ( pour la plupart, on a déjà lu ça ailleurs, rien de trés nouveau) d'entreprises qui ont mis en place d'autres modèles. Le message est clair : faites comme eux, car le modèle "classique" est foutu.

Il n'est pas le premier à vouloir nous inciter à réinventer l'entreprise; il fait suite à des auteurs connus, qu'il pompe même un petit peu. C'est ce qui déçoit dans ce livre : on n'y apprend rien de nouveau; c'est un bon condensé de la pensée ambiante, celle qui prône un leadership un peu moraliste : la confiance dans les autres, la suppression des hiérarchies, le collectif d'abord qui prime sur la performance individuelle, la prise en compte des trois finalités, économique, sociétale et environnementale. Les américains ont trouvé le mot pour ça, " servant leadership", le leadership qui s'intéresse aux autres. La plupart des cas cités comme des modèles de "réinvention" de l'entreprise sont connus depuis une dizaine d'années. Pas beaucoup de scoops.Ni d'incursions dans les modèles des entreprises d'aujourd'hui, notamment les start up qui cassent les modèles.

Alors on y retrouve l'entreprise FAVI, PME sous-traitante dans le secteur de l'automobile, 80 M€ de CA en 2012, dont le dirigeant Jean-François Zobrist s'est rendu célèbre en pronant un modèle de management fondé sur la confiance et l'autonomie. Il a lâché la Direction en 2008, mais continue à faire le tour des conférences et tables-rondes ( il suffit de chercher son nom sur You Tube pour y trouver le best of de ses vidéos...). Mais Eric Albert est aussi aller chercher des bons "clients" de ce genre de démonstration : GoreTex et ...Google; toujours les mêmes. Ces entreprises présentées comme les modèles du bon vivre et de l'autonomie. Il reparle de cette histoire du temps libre de 20% chez Google pour que les employés développent des projets personnels ( oubliant de signaler que cette pratique a été supprimée chez Google depuis plus d'un an...à moins qu'il ne soit pas au courant).

Autre sujet : l'actionnariat salarié. Là, Eric Albert va chercher ESSILOR et son modèle d'actionnariat; en puisant dans les mémoires de son ex-dirigeant Xavier Fontanet, il nous présente, rapidement, cette entreprise où " les salariés constituent donc les premiers actionnaires du groupe et tout est organisé pour qu'ils considèrent l'entreprise comme la leur".

On passe ensuite aux entreprises familiales, celles qui ne sont pas seulement un " actif rentable, mais un prolongement affectif et identitaire de la famille. Cet investissement affectif donne à l'entreprise une tout autre valeur". 

Bon ça, ce sont les chapitres impairs.C'est génial !

Avec les chapitres pairs, on change de monde...un vrai train fantôme. C'est tellement horrible que dans ces chapitres, les affreuses entreprises dont l'auteur nous parle n'ont pas de nom. Mais les titres des chapitres suffisent à nous faire peur : " L'entreprise mortifère", " Recherche motivation, désespérément", " La tyrannie du reporting", " Stresser et décevoir", ' Prends l'oseille et tire-toi", Managers au bord de la crise de nerfs", et bien sûr " l'entreprise dans l'impasse", qui nous permet de frémir au contact de ces entreprises qui "étouffent sous les contradictions qu'elles n'arrivent pas à résoudre". 

Dans ces entreprises anonymes, forcément les managers sont des sales cons,les dirigeants des traîtres ou des impuissants, les actionnaires des rats avides,...on connait la chanson...

Ce balancement entre l'enfer anonyme des chapitres pairs, et les bisounours des chapitres impairs où tout le monde est heureux dans des entreprises formidables, m'a un peu gêné.

Eric Albert nous avertit que cela ne changera pas aussi facilement. Car les résistances sont là : " On sous estime toujours l'inconfort de celui auquel on impose le chagement. Dès lors s'installe un autre type de confrontation entre ceux qui, au sommet, voient avec inquiétude le monde évoluer et mesurent la nécessité de s'y adapter, et ceux qui, à la base, vivent ces évolutions comme une agression qui les remet sans cesse en cause".

Alors, il nous livre son conseil : les trois conditions pour que le changement réussisse...On retient notre souffle :

1. Qu'il donne du sens au travail quotidien, c'est à dire qu'il soit rapproché d'une finalité dans laquelle le collaborateur se retrouve,

2. Que l'entreprise ait développé une vraie culture du chagement,

3. Savoir ce que l'on ne change pas.

Admettons.....Rien de trés nouveau sous le soleil.

Et si on réinventait la réinvention de l'entreprise ?

Eric Albert nous y encourage d'ailleurs, car son livre ne donne pas de solutions toutes faites. IL décrit quelques exemples, il charge (un peu trop à mon goût) les entreprises "destructrices" et le capitalisme "finissant " ( un peu vite...).

Mais il nous passe la main pour écrire la suite dans nos propres entreprises :

" Les pistes sont innombrables, et beaucoup restent à réinventer".

Chiche?


Moi, Entrepreneur !

Entrepreneur123Il se présente comme "entrepreneur" : il a une nouvelle idée pour rassembler des "investisseurs" et financer des "start-up". Lui, il n'investira pas, il va gérer l'affaire, mettre en relation, se rémunérer avec les commissions et pourcentages...Il connaît des tas de gens qu'il va aller rencontrer; il va souvent aller "bouffer" avec eux, le midi, le soir. C'est le rituel,..."on bouffe". Tous ces "investisseurs" se "connaissent". C'est un petit monde, il croit y vivre.

Il est assis, là en face de moi, dans ce bar où il m'a convié. Il a déjà un verre devant lui; moi, il ne me proposera rien, je resterai là, sans rien commander; ma boisson, ce sera ses paroles, son "projet". Il n'a même pas dû s'en rendre compte.Son centre d'intérêt, c'est lui; moi je suis son "spectateur". Le vrai plaisir, c'est de me nommer des gens "importants", des types qui ont vendu leur boîte, qui sont "riches", et que je ne connais pas..Lui, il a "bouffé" avec eux, hier soir, ou bien la semaine dernière. Je ne sais pas si je dois applaudir, ou baisser la tête comme si je me recueillais devant un Dieu...Je me contente de sourire. 

On parle de ces entreprises, ces" boîtes" où il va faire investir les investisseurs, aprés la "bouffe", qui vont venir dans son entreprise, où il y aura des "salariés", et aussi de  toutes ces entreprises qui ne sont pas des "entrepreneurs", forcément ridicules, peuplées de gens sans intérêt..des "salariés" :

" les salariés, tu sais, je fais un deal avec eux;  ils sont payés pour ce qu'ils apportent; je leur signe un contrat, celui que m'oblige à signer le système français, trés contraignant, imposé par la loi française; mais je ne leur dois rien de plus; c'est l'entrepreneur qu prend le risque, qui risque sa responsabilité; eux, ils ont accepté le "deal"; ils n'ont rien à dire; je ne leur dois rien". C'est "le deal".

C'est comme un jeu : il y aura du fric d'un côté,des "copains", des "mecs trés connus",  et des projets de l'autre,aves un processus de sélection des cibles d'investissements plein de trucs "cools"; des vidéos, des votes, ...Et des mecs qui acceptent "le deal"...

On n'a pas le temps de beaucoup échanger; il a déjà prévu de rencontrer quelqu'un d'autre juste aprés; Le smartphone en main, un message en cours, il me dit "au revoir" sans me regarder; il est déjà ailleurs...Je n'ai pas eu le temps d'en dire plus...

C'était un moment avec un ami "entrepreneur"...

Drôle de moment...Comme une cérémonie sans musique.

Je lui souhaite intérieurement bonne chance. 

Je ne sais pourquoi, cela me fait évoquer une chanson de Léo Ferré, paroles d'Aragon : Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

...On faisait des chäteaux de sable,

On prenait les loups pour des chiens...


Une équipe sur les genoux

Velo-creveOn connaît ces équipes qui, l'effort passé, à la fin d'un projet réussi, démontrent combien ce travail d'équipe les a nourris de bons moments, de solidarité, d'une sorte de fusion collective; on pourrait parler d'amour : les sourires, la fierté, ces moments de partage avec les yeux qui brillent. Et cette envie d'aller chercher, ensemble, un nouveau défi.On a souffert parfois ensemble et chacun, mais on garde le sentiment d'une belle équipe, d'un effort partagé, de moments où chacun et l'équipe étaient à son meilleur, dans une belle fluidité, où l'on prend plaisir à vivre et à participer à de telles équipes.

Et puis il y les autres; on les connaît aussi. On en rencontre de temps en temps; ce sont souvent les mêmes types de personnes qui dirigent ces équipes; et l'histoire est souvent la même.

Le projet est terminé; le "chef de l'équipe" est heureux; il a le sentiment d'avoir bien servi son client; il a délivré en temps et en heure ce qu'il voulait délivrer; ses petits gars ont bien exécuté conformément à ses instructions; ils sont fatigués; tant mieux, c'est les vacances.

Mais, du côté des collaborateurs, de ceux qui ont exécuté le projet avec ( ou "derrière") ce chef d'équipe "heureux", la chanson n'est pas la même.

" Ce chef ne m'écoute pas; il m'assaille d'instructions; il faut que je fasse exactement comme il veut, lui; et si je ne suis pas d'accord avec lui, il va me harceler jusqu'à que je sois "d'accord" avec son opinion. Cela me fatigue tellement que, au bout du compte, je ne réagis plus, je fais ce qu'il me dit; je le laisse faire comme il veut. Et participer à un projet avec un "chef" pareil, j'en n'ai pas trop envie au bout du compte".

Dans un tel fonctionnement d'équipe, avec des collaborateurs aussi épuisés et démotivés, le "chef" est de plus en plus seul : seul à hésiter entre plusieurs options, seul à essayer de construire les pièces du projet; et seul face à des collaborateurs qui sombrent dans la passivité, voire le comportement "passif agressif" bien connu. Les collaborateurs ont l'impression d'être le rouage de l'ambition personnelle de leur "chef" qui se démène pour paraître le meilleur pour le client, et de lui "passer les plats" sans vrai signe de reconnaissance, ni de compassion, ni d'être écoutés.

Dans une telle équipe, en plus, la productivité n'est pas au top; il faudra de nombreuses heures de travail, et des hésitations, pour que le "chef" puisse faire sortir de "son" équipe de collaborateurs le produit qu'il veut sortir, lui; avec toutes les hésitations, et les reprises en cours de route, amenant à faire et refaire, que les collaborateurs vont éxécuter bon gré mal gré, en observant ce "chef" infatigable qui s'agite et les secoue en permanence.

Par moment, il aura quand même l'impression d'être compatissant, en donnant quelques signes à un collaborateur,par exemple l'autorisation de rester le week-end chez lui, mais à condition d'y travailler et de tout faire dans le délai, super serré, exigé. Faut pas non plus déconner, hein?

Le comble,c'est que  le "chef", tout content d'être arrivé au bout, ne s'aperçoit de rien, ou du moins ne le laisse pas paraître; aprés tout puisque le client est bien servi, tout le reste n'a pas d'importance; ce sont des difficultés nécessaires. C'est presque avec le sourire que le "chef" reconnaît que son équipe est "sur les genoux", signe qu"il a géré ça "comme un chef", mais ça valait la peine, non, pour arriver au bout ?

Oui, pour certains managers, même aujourd'hui, gérer "comme un chef", c'est comme ça; c'est leur image, leur perception de ce qu'ils se sentent devoir être, "un chef". Ils ne se rendent pas compte de la forme de "vide" et de détestation larvée qu'ils génèrent parmi leurs collaborateurs; se croyant même généreux et à l'écoute parce qu'ils leur a payé un bon resto en cours de route, entre deux séances épuisantes de travail, à expliquer à chacun " ce qu'il doit faire".

De quoi nous parlent ces situations? Qu'est-ce qui manque ?

De concepts tout simples, peut-être oubliés... ou même jamais vraiment découverts : l'écoute et le respect.

C'est Susan Scott, dans son ouvrage sur les conversations, souvent citée par Tom Peters dans ses conferences ( " Fierce conversations : Achieving success at work and in life, one conversation at a time") qui rappelle cette évidence :

" C'est impressionnant comment cette toute petite chose - seulement accorder de l'attention à l'autre, réllement demander, réellement écouter, même pendant une brève conversation- peut amener une réponse du fond du coeur".

 L'écoute active, celle qui se consacre vraiment à l'autre, c'est ce que l'on pourrait considérer comme le coeur de l'excellence du management, ce qui signe notre engagement et notre respect.

 Il y a quelques années, un débat était né pour faire du "management" une "profession" ( voir l'article de Rakesh Khurana et Nitin Nohria sur le sujet) : "profession" au sens où l'on parle de la profession de médecin, d'avocat, d'expert comptable; tous ces "professionnels" prêtent serment, ont un code d'éthique et de déontologie. Certains auteurs ont même essayé de formaliser les grands principes d'un tel "code éthique" de la "profession de manager". C'est dans un tel "code" que l'on parlerait de cette "écoute" et de "respect".

Le plus dur, bien sûr, sera alors de faire prendre conscience des comportements qui manquent de cette écoute et de ce respect. Ce n'est pas le plus facile. On peut être soi-même pris en défaut parfois.

Pour donner envie aux managers qui ne vivent que pour le résultat et l'éxécution, peut-être sera-t-il utile de mieux démontrer que, précisément, l'écoute et le respect sont le meilleur moteur de l'éxécution : ce sont eux qui assurent la productivité, l'esprit d'équipe, le développement des réseaux internes et externes de nos entreprises, cesont eux qui garantissent l'innovation, la créativité, le meilleur fonctionnement de l'intelligence collective, la prise en compte des opinions les plus diverses, et donc le profit, et donc l'excellence.

A chacun de nous de porter le message, d'abord comme une valeur personnelle à retrouver autant que nécessaire, puis à communiquer et transmettre autour de nous. Ce code "professionnel", même si il n'est pas en vigueur, il est déjà possible de l'incarner et de fixer, pour soi-même et pour les autres, les limites. Et décider, en connaissance de cause, selon notre "code interne", d'accepter ou de refuser les attitudes de ceux qui le transgressent. Dire Non ou se coucher.

On pourrait "retirer des points" au "permis de manager" en fonction des infractions ?

Pour une équipe sur les genoux, en manque d'écoute et de respect, ça serait combien de points ?


A chacun son festival

Festival_de_cannes-efz6 Celui qui sera récompensé lors de ce festival de Cannes, le meilleur acteur, ce sera qui ?

Non, je ne fais pas de pronostic sur son nom; juste une description idéale : ce sera d'abord l'acteur dans son rôle, le meilleur rôle.

Mais pour être le meilleur acteur, il sera sûrement plus grand que son rôle, il apportera justement à ce rôle, imaginé par le réalisateur, une part de lui-même qui en fait le grand acteur. Oui, le grand acteur, c'est celui qui est plus grand que son rôle. Il y a même des acteurs que l'on va voir au cinéma pour eux plus que pour le film. Même si on a l'impression qu'il y a de moins en moins de tels personnages.

Et dans nos entreprises, quels sont les grands ?

Car ceux qui jouent un rôle, ça, il y en a...mais tous ne sont pas des grands acteurs.

Les pire, forcément, ce sont ceux qui se croient leur rôle, qui se confondent avec leur fonction au point de croire qu'elle a conféré naturellement les qualités qui vont avec : je joue le rôle de la Reine, et je me prend pour une Reine...Le genre de croyances qui font des ravages dans leur entourage, et notamment parmi les collaborateurs qui, parfois, ne croient pas du tout à cette fausse Reine..¨

Paradoxalement, être bon dans son rôle, c'est savoir que c'est un rôle.

Cette capacité à être au clair avec son rôle, c'est une des qualités du " wise leader" selon Navi Radjou et Presad Kaipa, dans leur ouvrage " From smart to wise".

Le danger, que connaissent beucoup de managers et dirigeants, c'est justement de croire que l'on possède les bonnes compétences attachées à la fonction (l'autorité naturelle, la créativité, la réponse à tous les problèmes) alors qu'on ne les a pas : cela conduit à les forcer et à se prendre, comme on dit, les pieds dans le tapis.

Alors, pour être celui qui est au clair avec son rôle, que faut-il faire ?

Cela consiste d'abord à prendre conscience de ce rôle, et à ne pas s'y perdre : nous sommes plus grands que notre rôle, à condition de le savoir, et de ne pas en avoir peur. C'est ce que les auteurs appellent "mindfulness" ( on dirait "pleine conscience").

C'est cette attention particulère, en "suspension de jugement", qui nous fait observer notre condition, nos comportements, et ceux des autres, avec le recul et la clairvoyance les meilleurs.

Premier avantage de cette "mindfulness", c'est justement cette capacité à choisir les bons rôles, le style dans lequel nous sommes le meilleur ( et non de tenter de singer un style qui ne nous convient pas du tout). C'est aussi cette capacité à utiliser sa personnalité entière pour occuper plusieurs rôles, passer de l'un à l'autre en restant soi-même et à chaque fois juste dans le rôle, comme ce grand acteur qui passe avec le même talent d'un rôle à l'autre, en y restant toujours convaincant.Être soi-même, au-delà du rôle, c'est aussi tenir ce rôle en restant posé et détaché, sans y mettre une émotion excessive, ou un acharnement, qui nous seraient préjudiciables.

Cette attitude, c'est aussi celle qui nous permet de mieux observer notre propre performance, comme comme quand on regarde un acteur sur une scène ( et cet acteur c'est nous), et de repérer objectivement ce que l'on doit améliorer.

Autre avantage d'être au clair avec le rôle, c'est de prendre conscience que l'on est une partie d'un tout plus vaste : le bon acteur n'est pas celui qui réalise une prestation tout seul, qui veut faire la vedette; non, c'est celui qui sait comprendre et apprécier les rôles complémentaires autour de lui, ceux qui permettent d'exécuter la meilleure performance ensemble. Celui qui réussit, c'est celui qui sait voir toutes les interconnections entre les rôles, pour créer une équipe unifiée.Cela permet aussi de changer les rôles, d'imaginer de nouveaux rôles pour certains collaborateurs, car les personnalités n'ont jamais fini de se révéler et c'est en variant les rôles et en imaginant de nouvelles connections que chacun développe, aussi, ses qualités et performances.

Autre qualité liée à cette "mindfulness", la capacité à diriger à partir du siège arrière, c'est à dire laisser les autres prendre le volant, prendre le risque; sans lâcher pour autant notre rôle de leader, mais en l'exerçant d'une autre façon ( pas toujours facile d'ailleurs de bien doser entre ce qu'il faut lâcher et ce qu'il faut apporter).

Être un bon acteur de notre leadership, de notre style de management, pouvoir exercer les rôles que nous choisissons au top, sans " s'y croire", ni agacer son entourage, voilà de quoi fair son propre festival.

Pour être le meilleur acteur de soi-même, et permettre à nos équipes de réussir la meilleure performance, pas besoin d'aller monter les marches à Cannes.

Le festival est dans le quotidien de nos entreprises.

Alors, courage ( car il en faut pour être bon acteur plutôt que cabotin).

Ne décevons-pas notre public.


Pour être innovant, faut-il faire le clown avec ses collègues au bureau?

FunofficeCela a déclenché de nombreux commentaires cette histoire : Marissa Mayer, PDG de Yahoo!, a décidé d'interdire le télétravail dans son entreprise, en faisant diffuser une note interne, interdite de Forward ( preuve que ce genre d'interdictions est complètement inefficace; méfions-nous de ce que nous diffusons en interne dans nos entreprises..), qui s'est retrouvée immédiatement dans la presse. On peut lire la note intégralement ici.

La plupart des commentateurs lui tombent dessus : rétrograde, qui ne comprend rien aux bénéfices du télétravail, les nouvelles technologies, etc...Bref, elle n'a rien compris la pauvre fille. C'est drôle parce que un autre mémo, celui émis à son arrivée, qui expliquait comment elle allait redonner confiance à la boîte, avait été, lui, applaudi par tout le monde ( "keep moving!").

Alors, il est intéressant de lire une opinion différente dans le Washington Post, par Richard Cohen, et traduite dans le dernier numéro de Courrier International (seuls les abonnés y ont accés).Lui il approuve cette décision.

Allons voir cette polémique.

Marissa Mayer a pris cette décision aprés avoir analysé les connections au serveur Yahoo! en VPN des employés en télétravail : trés faibles..Ce qui lui a fait aussi soupçonner que ces employés ne devaient pas faire grand chose, et avoir une productivité trop faible.

Mais c'est d'un autre sujet dont parle Richard Cohen : pour être efficace, innovante, pleine d'idées, l'entreprise a besoin de confrontations, d'un vivre ensemble des employés, qui vivent au bureau comme ils vivraient dans une maison. Et que le télétravail qui isole, qui sépare, qui empêche cette confrontation physique, nuit à la capacité d'innovation de l'entreprise.

L'innovation, ça tient à ce qui se passe à la machine à café, par la confrontation. C'est ça qui apporte les idées nouvelles à l'entreprise.

Ce serait pour cela que l'innovation, ça se passe dans les villes, avec les populations denses, le brassage des talents. C'est dans les villes que sortent les idées, les ruptures, et non dans les campagnes. D'ailleurs de plus en plus de monde sont attirés par les villes, où vivent déjà près de la moitié des habitants de la planète. La ville attire.

Alors pour justifier la décision de Marissa Mayer, Richard Cohen parle d'innovation :

" Créer de l'innovation - l'étincelle qui produit une autre étincelle - voilà la tâche de Marissa Mayer. Elle est le cinquième PDG de Yahoo! en un peu moins de cinq ans, la société est dans le pétrin. Elle a besoin d'idées - sans parler d'un nouveau nom".

Il y a aussi les détracteurs, ceux qui ne manquent pas de faire remarquer que Marissa Mayer, ex de Google, est une dingue du bureau; elle n'a été absente que deux semaines lors de la naissance de son enfant. Pour elle, l'important c'est ce qui se passe dans les bureaux. Là où il faut être ensemble.

De nombreux gourous du management confortent cette thèse également, comme le relève l'article du New Yorker ici de Jonah Lehrer. On pense en groupe et le brainstorming ça se fait à plusieurs, et c'est la meilleure méthode.

Alors, les bureaux deviennent des seconds "chez soi" : Google est champion sur le sujet; bonbons, salles de jeux, fêtes du personnel, tout est prévu pour qu'on y reste aussi pour des activités sociales entre collègues, comme une party avec des amis. On se déguise en clowns, et on s'amuse bien. Enfin, on fait semblalnt des fois, non?

On comprend que pour certains, cette façon de concevoir la vie professionnelle soit perçue comme un peu trop intrusive.

Comme si il fallait choisir entre être au boulot chez soi, ou chez soi au boulot...

Une bonne ambiance au bureau est forcément bénéfique pour l'innovation et la performance; ça ne se décrète d'ailleurs pas seulement avec des bonbons et des nez de clowns (voire, au contraire).

Mais doit-on pour autant interdire le travail à distance, le télétravail : tout cela est une histoire de mesure.

En tous cas Marissa Mayer aura obligé à se poser la question.

Attendons de voir la suite car Yahoo!, travail à distance ou pas, y a encore du boulot pour se sortir d'affaires, incontestablement.


Le complexe de l'édifice

VilleDepuis 2011, plus de la moitié de l'humanité vit dans les villes. Chaque mois, cinq millions de personnes supplémentaires s'installent dans les villes du monde en voie de développement.

Sur une planète qui dispose de vastes espaces, nous choisissons de vivre dans les villes.

Ce n'est pas un hasard : les villes sont les moteurs de l'innovation et du développement. C'est du moins la conviction d'Edward Glaeser, spécialiste d'économie urbaine, qu'il développe dans son livre : " Des villes et des hommes". Comme il le dit de lui-même, il est un "fan" des villes.

 Ce dont il est convaincu c'est que c'est le capital humain qui explique le succès des villes, et non les infrastructures.

Et il dénonce ce qu'il appelle le " complexe de l'édifice".

Ce complexe, c'est celui des dirigeants des villes qui, au lieu d'essayer d'attirer des gens intelligents, riches, audacieux, construisent des immeubles et des bâtiments de toutes sortes.

C'est cette tendance à vouloir construire de nouveaux édifices pour donner l'image d'un succès certain, prendre la pose lors de leur inauguration, croyant ainsi signaler la vitalité de leur municipalité.

Alors que l'excès de construction, notamment dans une ville déjà en déclin, est une grave erreur.

Intéressante analyse car, dans nos entreprises aussi, on rencontre aussi ce "complexe de l'édifice", non ?

Ces dirigeants qui pensent aux bâtiments avant les gens.

Cela rappelle cette anecdote de Tom Peters qui avait vu se rénover un commerce près de chez lui, et évalué que cela avait dû coûter assez cher; mais n'avait pas du tout réglé le problème du personnel désagréable, de l'accueil pourri, etc...

Et il en conclut qu'il vaut parfois mieux investir dans les personnes que dans les bâtiments...

la vidéo est ici

Le conseil est clair et simple : réduisez votre budget Bâtiments de 25% et remettez tout ça dans les personnes, les salaires, la formation, etc...

Ce complexe de l'édifice, il n'a pas fini de nous hanter....