Gender confusion

Innovation123Pour innover, l'observation des signaux faibles, des changements d'habitudes, de consommation, sont des sources d'inspirations inépuisables.

Par exemple cette information reprise par Les Echos, un sondage en ligne IPSOS de 2013 : plus de la moitié des 18-24 ans s'épilent ou se rasent une partie du corps. Voilà une bonne nouvelle pour Gillette, alors que l'on constate que de plus en plus d'hommes portent la barbe. Et c'est comme ça que Gillette invente le "Gillette Body", un rasoir spécial pour raser le corps, et il y a même un gel spécial pour se livrer à l'opération.

Passons au maquillage. Dans le "cahier de tendances de l'Obs", on apprend, dans un article signé Charlène Favry,  que le maquillage, les femmes n'en veulent plus : " elles revendiquent une nouvelle authenticité, une féminité plus singulière, plus audacieuse aussi" (selon Pierre Bisseuil, directeur de recherche de l'agence Peclers Paris). Ce qui marche de mieux en mieux c'est le maquillage pour hommes. Tom Ford et Marc Jacobs lancent du maquillage spécial pour "les mâles post-métrosexuels", ceux qui ont appris à prendre soin d'eux en se laissant pousser la barbe. 

Ce marché reste une niche mais se développe de plus en plus; Selon Tom Ford, " même les rappeurs deviennent ultra-coquets !".

Cette tendance qui inspire l'innovation et de nouveaux produits, c'est la "gender confusion", un moyen "d’affirmer son identité, sa singularité, sa force, en sortant des catégorisations binaires habituelles".

Innovation en épilation et maquillage : Rayon Hommes !


Le name dropping démasqué

NamedroppingRobert Cialdini a analysé ce qu'il appelle les "mécanismes et les techniques de persuasion" dans ce best-seller " Influence et manipulation" ( The psychology of persuasion) en 1984. J'en ai parlé ICI.

En fait, ce livre se présente comme une prévention contre ces mécanismes : je me suis fait avoir; j'ai compris; je vous apprend à ne pas vous faire avoir. On peut donc le lire au premier degré (je vais utiliser ces mécanismes pour influencer les autres), comme un antidote (comment éviter de me faire avoir, en démasquant les imposteurs), ou bien en cherchant à les appliquer avec éthique ( c'est ainsi que Robert Cialdini est devenu un guru de ces techniques, appliquées avec éthique).

C'est ainsi que l'auteur fait référence au "principe d'association" et aux personnes qui se spécialisent dans l'utilisation de ce principe. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces personnes se sont multipliées, et, à mon avis, encore plus grâce aux nouvelles technologies.

De quoi s'agit-il ?

Ce principe est simple : nous avons tendance à attribuer à un élément A une valeur, positive ou négative, liée à celle d'un élément B qui lui est associé d'une manière ou d'une autre, même si ces deux éléments n'ont au fond, rien à voir entre eux. C'est ainsi que toutes sortes de choses aimables peuvent prêter leurs qualités sympathiques aux idées, produits, personnes, qu'on leur a artificiellement associés.

On connaît le truc : une belle femme assise sur le capot d'une voiture, et la voiture nous semble sexy, plus rapide, plus performante. La publicité a bien compris ce principe d'association.

Mais Robert Cialdini nous parle aussi d'un type de personnes qui sont quasi obsédées par le désir de faire rejaillir sur soi la gloire d'autrui. On l'est tous un peu : quand l'équipe de foot a gagné un match, les supporters crient " ON a gagné !" car ils s'associent à l'équipe (et quand l'équipe a perdu on dira plutôt " ILS ont perdu"...).

Mais pour certains c'est l'obsession. 

Ce sont ces personnes qui citent à tout propos des noms célèbres, des personnes qu'elles connaissent, même si ce n'est pas totalement vrai; qui chassent les situations où elles peuvent se faire photographier à côté d'une célébrité. Des personnes comme celles-là, on en trouve plein sur Facebook. Mais aussi sur les réseaux sociaux : elles collectionnent les "amis", surtout les connus qu'elles ne connaissent pas.

Alors, Robert Cialdini, tu en penses quoi de ces personnes qui cherchent à nous influencer positivement sur leur personnalité en se gavant du principe d'association ?

" A mon avis, ce sont des individus qui, à cause d'une faille de leur personnalité, ont besoin de se valoriser. Tout au fond d'eux-mêmes, ils se sentent diminués, ce qui les conduit à gagner l'estime de leurs semblables, non en réalisant quelque chose, non en mettant en valeur leurs qualités, mais en créant ou en affirmant des liens entre eux et les réalisations d'autrui.".

Et vlan !

Une autre forme peut être de tout faire pour mettre en valeur le succès d'autres individus avec lesquels elles ont un lien bien visible ( cette femme un peu sotte qui nous explique que son mari est un homme trés intelligent par exemple, ou cette maman obsédée qui veut faire de son fils une grande vedette).

Il suffit d'y réfléchir un peu pour s'apercevoir que ce principe d'association est partout autour de nous, pratiqué par de nombreux individus...Et en plus ça marche parfois !

Toute l'ambiguïté de l'ouvrage de Robert Cialdini, c'est : il nous conseille de le faire, ou non ? Il nous donne surtout des idées pour ne pas se laisser abusivement influencer par ces personnages "qui se sentent diminués" et ont "une faille dans leur personnalité", et donc savoir leur dire NON : la solution c'est de se rendre compte de l'association et de ne pas se laisser contaminer ( cen 'est pas parce que tu le parles de toutes ces célébrités que tu es célèbre; ce n'est pas parce que tu me racontes toutes ces belles rélaisations de ta boîte que tu es, TOI, quelqu'un de compétent, ce n'est pas parce que tu as dîné avec un homme d'affaires célèbre que tu sais faire de bonnes affaires, etc...).

Mais on peut aussi y voir un conseil : mieux vaut s'asocier avec des personnes qui gagnent,et en côtoyer, que de fréquenter trop de loosers. 

Tout est affaire de mesure, forcément.


Partage

ShareAu moment de fermer 2013 pour ouvrir 2014, on peut essayer de choisir quelque chose qui aura marqué l'année écoulée.

Un des concepts qui monte, et dont on va sûrement continuer à parler, c'est "l'économie collaborative".

Ne me dîtes-pas que vous ne voyez pas à quoi ça correspond...

Car cette histoire de collaboratif, de partage, on voit ça partout. A Paris, on est gâtés, on a "Autolib", "Vélib", on partage les autos et les vélos. On nous promet pour bientôt le "Scootlib"..

Mais on a aussi vu le co-voiturage, avec "Bla-Bla Car". Le partage de logements (Airbnb") ou juste un canapé ("Couchsurfing"), d'outils pour faire des travaux, 

Et on a aussi les lieux de "co-working", des espaces de travail mis en commun.

Il y a même eu un festival à Paris, le "Ouishare Fest", et une nouvelle session est déjà programmée pour 2014.

On y trouve de tout : achats groupés de fruits et légumes,trocs de compétences (je t'aides en compta, tu m'aides en informatique), réseaux d'entr'aide. Il y a même des systèmes de monnaies spécifiques, comme l'Eusko au pays basque, ou la luciole en Ardèche.

On pourrait se contenter d'en sourire...Aprés tout, dans nos entreprises, dans le vrai monde du "Business", ces trucs d'illuminés et de marginaux, ça ne nous concerne pas...

Pas si sûr.

Car, au-delà des expériences et comportements parfois farfelus, c'est peut-être une tendance plus importante qui est en train de se développer : celle de l'ouverture, des systèmes de consommation où l'on ne veut plus posséder (une voiture, un ordinateur, une usine, ..) mais où l'on préfère acheter l'usage, le service, et uniquement pour le moment où l'on consomme. Michelin l'a compris en proposant des contrats aux transporteurs pour leur facturer des kilomètres plutôt que des pneus (on appelle ça "l'économie de fonctionnalité").

Cela atteint aussi les Directions de l'Innovation et de la Recherche et Développement : l'"Open Innovation", c'est ouvrir aux partenaires extérieurs, à ne pas s'enfermer dans les développements purements internes, protégés par les brevets, mais au contraire à aller chercher les start-up qui vont apporter les idées et les procédés aux équipes des grands groupes, les consultants qui vont mettre en place les liens, les interfaces, les équipes Projets ouvertes, qui se mettront en place en transversal, interentreprises. 

Aussi dans l'écosystème : les freelance, les associations, les coopératives (il y en a de plus en plus dans les les créations d'entreprises). Des plate-forme d'échanges, de mise en relation, de consultation d'experts, d'échanges de ressources, se créent tous les jours.

Des communautés se mettent en place, pour partager une même vision du monde, de l'économie, de la liberté. Et créer un système d'échanges de services et de ressources.

Même dans nos entreprises, en interne, ces systèmes de partage devraient nous inspirer de nouveaux modes d'organisation. Les systèmes avec les Directions et les "baronnies", les "silos", les chefs qui font un peu trop les chefs, on sent bien que ça risque de craquer : soit on n'en voudra plus, soit ça ne marchera plus, ou les deux. Les échanges et les expérimentations entre pairs, sans passer par tous les comités de "validation" ou de "pilotage", vont se développer de plus en plus.Et on ne fera plus la différence entre les collaborateurs internes et les participants externes.

Et puis, en échangeant, en partageant, on gaspille moins, on protège la planète; ça tombe bien. Jacques Attali a même fait un rapport pour François Hollande, sur ce concept d' "économie positive".L'idée de départ, c'est de "redonner la priorité au temps long" (tiens, comme lui). On ne sait pas encore trop ce qu'il en a fait, mais bon...les citoyens et les innovateurs de nos entreprises peuvent déjà s'en inspirer.

Cette économie du partage, de l'échange, de l'usage, des communautés, de l'entr'aide...Et si elle venait bousculer les modèles établis, les positions qui ont l'air tellement solides, les modèles économiques qui prennent tout d'un coup un "coup de vieux".

Et si c'était une chance et une opportunité pour de nouvelles initiatives, dans tous les secteurs et tous les métiers...

De quoi innover en 2014, non ? On y va ?


Hybrides

Seat-600-seatVous pensez que le capitalisme, c'est synonime de standardisation du monde, de tout ramener au fric, avec des produits laids, interchangeables, la consommation de masse, bref que le capitalisme c'est la déchéance esthétique et l'enlaidissement du monde ?

Et bien lisez, comme moi,  le dernier livre de Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, " L'esthétisation du monde - Vivre à l'âge du capitalisme artiste" pour vous persuader du contraire.C'est une saga étonnante qui nous aide à décripter notre monde actuel.

Les auteus veulent démontrer que le capitalisme, depuis déjà plus d'un siècle, mais avec une accélération depuis les années 80, s'est approprié une dimension esthétique, mettant en scène tout un univers esthétique, créant des produits, des services, intégrant l'art et le "look" dans l'univers consumériste. Le Design a envahi tous les produits, et est devenu une composante quasi incontournable pour vendre et développer les marchés.Ce que les auteurs appellent le "capitalisme transesthétique".

Un élément caractéristique de ce capitalisme transesthétique, bien relaté par les auteurs : le rôle du design.

Le design aujourd'hui, ce n'es plus seulement les meubles et les voitures, il est partout, dans les brosses à dent, les objets du quotidien; on fait même des stickers pour décorer les poubelles de nos immeubles façon bambou ou tour Eiffel. Même les services deviennent "design" : les consultants les plus branchés adoptent le "design thinking".

Les objets design aujourd'hui mélangent les styles, mêlent fonctionnalités et "tendances" de la mode. Tel ce canapé "Seat 600" du studio Bel & Bel ( photo en tête ce ce post) qui est fabriqué à partir de la carosserie avant de la Seat classique, avec un haut-parleur, des clignotants, des phares. Avec le design les objets deviennent des objets "hybrides". Tout se mélange : Karl Lagerfeld fait des collections pour H&M, Cartier lance une gamme de montres avec un bracelet en plastique.

Ces hybridations ont un but : faire du commerce en surprenant le consommateur "blasé" qui a tout vu, qui ne fait plus la différence entre les produits. C'est pourquoi ce mélange des univers hétérogènes, des styles, est une stratégie efficace, bien intégrée par le capitalisme moderne.

Nous sommes dans le temps des hybrides.

Car ce phénomène d'hybridation ne se limite pas qu'au design. on mélange les genres dans la mode ( chic de porter une veste à fils d'or avec un jean tout troué, non ?), dans la musique, le théâtre, la danse...on a plein d'exemples en tête.

La cuisine s'y met aussi : mélanges asiatiques et méditerranéens, cuisine fusion, etc..

On mélange aussi à la télévision les philosophes et les chanteurs de variétés, les politiques et la mode, plus c'est innatendu et provoquant, plus ça marche.

Alors, si on est dans ce temps des hybrides, on pourrait se demander ( ce que les auteurs ne font pas) si dans nos entreprises et le management, il n'y aurait pas aussi le temps des hybrides, des brassages improbables, des mélanges de styles. Certaines entreprises le cultivent. D'autres en sont restées aux vieux systèmes.

Alors, prêts pour l'hybridation ? Et si c'était la clé de l'innovation et du développement ?

 


Les marginaux vont-ils sauver l'entreprise ?

InclusifDans les entreprises, on le comprend vite quand on fréquente les commerciaux, les gens du marketing, les directions financières, il y a les bons et les mauvais clients. Les bons, ce sont ceux qui achètent, beaucoup, souvent; le "grand public", ceux qui qui sont nombreux à acheter les mêmes produits, en "masse". La télévision et la publicité les avaient repérés depuis longtemps, ces fameuses "ménagères de moins de cinquante ans".

Et puis, les autres, ceux auxquels on s'intéresse moins, forcément, ce sont les marginaux, ceux qui ne sont pas comme tout le monde, les pires étant "les pauvres" ( comme ils n'ont pas de sous ils n'achètent pas grand chose, donc il vaut mieux ne pas trop se casser la tête pour eux), mais aussi les vieux (ils ne comprennent rien aux nouvelles technologies, ils achètent surtout des médicaments, pour le reste, pas besoin de s'en occuper). Même chose avec les minorités "ethniques" : ils font pas comme tout le monde, donc, sauf pour ceux qui s'adaptent, et donc consomment les mêmes choses que la majorité, pas besoin de s'intéresser aux habitudes de consommations de ces groupes.

Bon, comme il faut quand même s'occuper un peu de "social", les entreprises réservent quand même parfois un peu d'intérêt pour ces "marginaux"; elle vont mettre ça dans la case "RSE" (Responsabilité sociale et environnementale); cela va consister à monter des fondations, faire du mécénat, aider les pauvres, les minorités de tous ordres; mais tout ça, c'est pas du business, du vrai, qui, lui, continue imperturbablement à s'occuper des "vrais" clients. Donc la RSE, c'est la bonne case pour se donner bonne conscience sans perturber le commerce et les profits.

 Et si tout ça était en train de changer? Et si c'étaient justement les marginaux qui étaient la nouvelle frontière de la croissance et de l'innovation des entreprises, notamment occidentales?

C'est ce que nous fait comprendre Navi Radjou et ses co-auteurs de "L'innovation Jugaad", dont j'ai déjà parlé ICI.

 D'abord parce que, même pour ceux qui le déplorent, ces "marginaux" qui n'intéressent pas le commerce vont devenir de plus en plus importants aux Etats-Unis et en Europe : de plus en plus de vieux, de minorités ethniques...et de "pauvres".

En 2030 les personnes de plus de 65 ans représenteront 25% des européens ( 17% en 2005). Autre tendance : la population musulmane d'Europe, qui représente 5% dans l'Union Européenne (10% en France) passerait à 20% en 2050, la France ayant dépassé ce chiffre bien avant. Et puis les pauvres : en France ils représentaient 8,6 millions de personnes en 2010, soit 14,1% de la population totale, contre 13,6% en 2000 ( la pauvreté étant définie comme en-dessous du seuil de 60% du niveau de vie médian). Autre tendance perçue, notamment aux Etats-Unis : l'érosion des classes moyennes.

Conclusion : les groupes marginaux sont en train de devenir le groupe de consommateurs dominant. Ils vont donc forcément devenir une nouvelle cible intéressante, ce qui va obliger les entreprises à modifier leurs modèles économiques pour pouvoir les servir tout en faisant aussi des profits. Cette fameuse théorie du "bas de la pyramide" dont j'avais parlé avec un dirigeant de Danone ICI, elle va concerner, non plus seulement les pays émergents que nous voulons conquérir mais nos propres pays occidentaux.

Alors, Navi Radjou et ses co-auteurs en concluent que la meilleure façon de nous adapter, nous les entreprises occidentales, c'est bien sûr de s'inspirer des entrepreneurs des pays pauvres et émergents, comme l'Inde, qui sont habitués, eux, à développer leur business vers les consommateurs pauvres; ce qu'ils appellent l'esprit "Jugaad" ( " débrouillards").

Ainsi nous sauverions nos entreprises des pays dits "riches", dans leurs marchés vieillissants et avec de plus en plus de pauvres en s'inspirant des pays qui sont pauvres depuis longtemps (et qui sont, eux, en train de devenir riches). Tout un paradoxe.

Bon, alors, messieurs les experts des pauvres qui deviennent riches, c'est quoi vos secrets pour sauver les riches qui deviennent pauvres ?

Accrochez-vous....voici les neufs secrets "Jugaad" :

1. Arrêter les projets RSE, et faire de l'inclusion sociale un impératif stratégique dans toutes les lignes de métier,

2. Plutôt que de faire de la R&D pour des produits haut de gamme avec des fonctionnalités sophistiquées, faire des produits accessibles aux consommateurs à faibles revenus;

3. Créer une culture de travail inclusive à l'intérieur des entreprises, avec un mode de management organisé autour de la gestion participative;

4. Reconnaître que les segments marginaux ne sont pas des esprits marginaux : même les vieux ont des idées, et de plus en plus intéressantes;

5. Utiliser la technologie pour abaisser le coût de l'inclusion : par exemple la télémédecine pour abaisser le coût du système de santé;

6. Co-créer des modèles économiques entre entreprises et associaitions;

7. Faire conduire ce changement systémique de modèle économique par un engagement au plus haut niveau, pour réorienter et transformer la Recherche et le Dévelopement;

8. Adapter les meilleures pratiques des marchés émergents : en Inde, 300 millions de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour; les entrepreneurs locaux savent ce que sont ces marchés..et inventer des produits et services pour eux;

9. Adopter les principes du modèle inclusif tout de suite : Il y a déjà 130 millions de personnes âgées de plus de 50 ans dans l'Union Européenne aujourd'hui, d'ici 2020 un adulte européen sur deux aura plus de 50 ans : il faut tout de suite anticiper et créer et distribuer les produits et services pour eux. Et parmi eux, il y aura pas mal de "pauvres", alors il faut en tenir compte aussi.

Cette leçon de management donnée depuis un pays pauvre pour préparer au mieux les économies encore riches, comme nous en Occident, à faire du business tout en voyant les populations de plus en plus composées de "marginaux", voilà un message que l'on ne peut manquer de trouver un peu cynique quand même.

Mais c'est vrai que les livres de management écrits par des indiens ( tels l'année dernière celui de Vineet Nayar, patron de HCL Technologie, dont j'ai parlé ICI), sont de plus en plus "tendance".

Intéressons-nous à ceux-ci avant de devenir tous pauvres...servis par des entreprises agiles venant des pays émergents et "pauvres nouveaux riches".


Jugaad et le vélo de Kanak Das

Lidee-geniale-L-1J'avais déjà évoqué l'année dernière ce concept de "l'innovation frugale", à travers une communication du CEO de Siemens, Peter Löscher, parlant de leur programme SMART ( ( Simple, Maintenance-friendly, Affordable, Reliable, Timely to market).

C'est devenu le sujet d'un livre d'auteurs indiens, Navi Radjou, Jaideep Prabhu et Simone Ahuja, dont la version française paraît ce mois-ci aux Editions Diateino : "L'innovation Jugaad".

C'était hier soir la séance de lancement du livre, en présence de Navi Radjou, et de témoins de la mise en pratique du concept à la SNCF, chez SIEMENS et chez AIR LIQUIDE.

Jugaad, cela veut dire en hindi quelque chose comme "débrouillardise", on dirait en français "Système D" (mais Jugaad, ça fait plus exotique c'est sûr).

Le constat des auteurs, c'est que les démarches d'innovation structurée qui ont fait le succès des entreprises occidentales au XXème siècle, et des consultants qui les ont accompagnées, ne sont plus suffisantes dans le monde du XXIème siècle.

Ce qu'ils reprochent aux démarches structurées :

- trop chères (les budgets de R&D colossaux (les 1000 premières entreprises dans le monde, majoritairement occidentales, en termes de dépenses de R&D, ont dépensé en 2011 603 milliards de dollars...Pour quel retour, disent les auteurs? );

- trop rigides : les processus de type "Six Sigma", les techniques de gestion pour réduire les incertitudes et les dérives, tout ça a conduit à rendre les entreprises réfractaires au risque dans les processus d'innovation;

- trop élitistes : l'innovation confinée dans les Directions de la R&D, les systèmes Top-Down, tout ça est menacé par les démarches d'open innovation, les échanges entre pairs, les réseaux sociaux.

Le Jugaad, c'est l'inverse : on cherche à retrouver l'esprit du bricoleur, de la start-up, de l'entrepreneur: on essaye vite et avec peu de moyens, on cherche les idées à la marge, on fait mieux avec moins,...on est frugal.

Navi Radjou nous a rappelé les six principes derrière cette innovation Jugaad (ce sont des principes, et non une méthodologie reproductible, car si on voulait les traduire en process, ce serait précisément l'inverse du Jugaad, et on perdrait les bénéfices) :

1. Rechercher des opportunités dans l'adversité : ne jamais se décourager, tirer profit de l'adversité pour avancer,

2. Faire plus avec moins : plutôt que de tout refaire dans nos projets, partir de l'existant, dépenser moins, pour créer plus de valeur pour le client (car le Jugaad, ce n'est pas le low cost),

3. Penser et agir de manière flexible : adopter les modes de pensée non linéaires,

4. Viser la simplicité : le plus compliqué,

5. Intégrer les marges et les exclus : plutôt que de ne cibler que les clients mainstream, aller chercher les clients marginaux ou mal servis, pour innover pour eux,

6. Suivre son coeur : l'intuition redevient une valeur de l'innovation.

Tous ces principes ont l'air triviaux. Les auteurs sont allés chercher de nombreux exemples et anecdotes dans les journaux et en Inde, pour illustrer, chapitre aprés chapitre, ces principes.Ce sont comme des contes de fées.

C'est l'histoire, par exemple, de Kanak Das, qui se rend à son travail à vélo dans le nord de l'Inde, et rencontre de nombreuses bosses et nombreux nids de poule sur la route, et il a mal au dos.il avance lentement. Comme il ne peut pas refaire toutes les routes (ça, c'est l'innovation de ceux qui claquent du fric), il imagine autre chose en se posant la question " est-ce que je peux trouver un moyen de rendre mon vélo plus rapide sur ces routes défoncées?".  il trouve la réponse en modifiant son vélo pour que, chaque fois que la roue avant heurte une bosse, un amortisseur comprime l'énergie et la libère dans la roue arrière. Et voilà comment transformer les bosses en énergie de propulsion. Voilà le Jugaad !

Toutes ces anecdotes se ressemblent : Mister "Indian Nobody" a des problèmes...et il trouve l'idée géniale qui donne la réponse. Un coup le vélo, un coup l'incubateur de bébé (pour garder au chaud les prématurés), un coup le frigo sans électricité...A chaque fois, c'est génial, ça coûte pas cher, c'est super efficace...

Là ou le concept est prenant, c'est que ce ne sont pas seulement ces individus géo-trouvetout qui l'incarnent, mais que de grandes entreprises s'en emparent et font une véritable révolution culturelle.

Stéphanie Dommange, Directrice à la SNCF, nous a expliqué en riant combien rien n'était vraiment frugal à la SNCF : beaucoup de monde, des projets trés chers qui n'en finissent pas, n'aboutissent pas, la bureaucratie...Et comment elle (et d'autres) ont décidé de prendre les problèmes autrement, de poser les questions décadrantes (c'est le talent des dirigeants à développer selon elle, et elle nous a confié que Guillaume était un expert pour ça), pour devenir Jugaad. Ainsi pour régler les problèmes des gens dans les trains qui ont des problèmes 'audition, on n'a pas mis des panneaux d'affichage mais on a inventé un système de SMS envoyés par les contrôleurs sur les smartphones des passagers. Voilà , c'est Jugaad ! Voir la vidéo de Stéphanie ICI.

Pour Siemens et Air Liquide, le jugaad, ça consiste en fait à adapter les produits, ou plutôt en concevoir d'autres, qui soient en phase avec les marchés émergents. Renault développe également un projet mêlant l'ingéniérie française et l'ingéniérie japonaise avec l'état d'esprit de l'Inde, pour développer une voiture pour le marché indien. Jugaad, encore !

Cela avait l'air merveilleux cette Jugaad Attitude.

Navi Radjou nous a quand même prévenu contre une trop forte "Jugaadisation" : il ne s'agit pas pour lui de jeter les méthodes structurées et le Six Sigma pour se transformer en bricoleurs, mais de trouver le jeu subtil entre les moments où il faut du Jugaad, et les moments où il faut du structuré. Il emploie l'image du marteau et du tournevis : Pour régler les problèmes dans les entreprises, il ne faut pas un seul outil ( comme ceux qui croient, parce qu'ils n'ont qu'un marteau, que tous les problèmes ont la forme d'un clou). Des fois il faut le marteau, et des fois le tournevis.

En fait le secret pour bien faire, c'est ...le leadership. Il ne faut plus seulement être "smart", mais aussi "wise" (sage). "From smart to wise",...tiens, c'est justement le titre du prochain livre de Navi, à paraître en anglais ce mois-ci..

Être Jugaad n'empêche pas d'être malin....


Le marketing, poison d'avril ?

MarketingUn bon marketing c'est quoi ?

A force de convaincre des gens qui n'en ont n'ont pas les moyens à acheter ce dont ils n'ont pas besoin, est-on sûr de bien relancer la croissance?

A moins de revenir aux origines du marketing, justement...

C'est le sujet de ma chronique sur "Envie d'entreprendre" ce mois-ci.

Allez-y pour voir...Oui, bon, c'est du marketing, ça aussi, forcément...


Ça mâche plus

ChewinggumIl faut peu de choses pour qu'une stratégie dérape. Les tendances de consommation, les signaux faibles de l'économie, des habitudes, atteignent nos parts de marché et la santé de nos entreprises bien avant que l'on s'en aperçoive, et parfois, on attend trop longtemps et il est trop tard pour réagir.

J'avais déjà parlé de la "compression d'âge" qui attaque les fondamentaux du marché des jouets.

Un article de Keren Lentschner dans Le Figaro du 28 décembre vient nous révéler un autre drame : l'essoufflement du chewing-gum.Un comble !

Aprés dix ans de croissance, c'est la dégringolade : le marché régresse en France depuis 2009 ( - 7,5% en 2012, même si on dépense encore 602 millions d'euros pour mâcher), en Europe de l'Ouest, on est à - 4,2%, et aux Etats-Unis à - 2,7%.

Alors, ce qui est intéressant, c'est de savoir pourquoi ce phénomène a lieu.

Réponse immédiate : c'est la crise !

C'est vrai que les chewing gums, on les achète par impulsion, dans les kiosques, aux caisses des bureaux de tabac, des supermarchés; et on mâche au travail et en allant au travail ( même si on peut trouver insupportable de côtoyer de tels mâcheurs dans nos entreprises et dans les bureaux).

Et bien, avec le chômage, moins de travail,....moins de chewing gum. Et puis c'est cher les chewing gums ( jusqu'à 4 € pour un paquet). Entre le chocolat, les "bonbons gélifiés régressifs" ( sic), et un chewing gum, on ne choisit plus le chewing gum.

Et qu'ont fait les fabricants pour essayer de s'en sortir : multiplier les produits nouveaux, les formats. Chez Wrigley, leader du secteur, on a lancé jusqu'à quinze nouveautés par an.

Autre coupable en France : l'Etat. La règlementation s'est durçie sur les comptoirs de caisse ( 98% des ventes); et le chewing gum a perdu douze kilomètres de linéaires en deux ans.

On a aussi essayé le truc "Santé" : le chewing gum qui fait du bien aux dents, sans sucre. C'est le créneau de Freedent ( marque du Groupe Mars Wrigley). Mais cette astuce ne suffit plus pour défendre le marché.

Alors, on cherche, on cherche...Et ce qui ressort, c'est : comment innover ?

L'article nous montre cette effervescence dans la remise à plat complète des stratégies des leaders, Wrigley et Kraft ( marques Hollywood, Malabar, Trident).

Kraft attaque les jeunes : et lance une offre d'entrée de gamme, moins chère, avec des paquets de taille plus petite et même unitaires. Il espère remonter les ventes de 5% cette année.

Wrigley fonce sur la santé bucco-dentaire, les dents blanches, le sourire, la propreté.

Autre action : on réduit les nouveautés, on simplifie la gamme, on clarifie les emballages.

Et puis, ultime cartouche : les nouveaux produits. Le chewing gum qui dure plus longtemps ( "40 minutes de fraicheur"), les tablettes multicouches "aux vrais fruits", spécial pour les ados, le chewing gum qui blanchit les dents, grâce au peroxyde d'hydrogène ( comme dans les dentifrices).

En clair, on lutte pour redonner le goût de mâcher à ceux qui ne mâchent plus. Cela suffira-t-il ? Ou bien toutes ces initiatives ne feront rien contre ce qui est peut-être une tendance plus profonde.

A suivre en 2013.

Bon, et puis les fabricants ont une cartouche secrète : si ça ne mâche plus en Europe ou aux Etats Unis, il reste les petits nouveaux. Les brésiliens, les chinois.

La Chine, tiens. Là, ça mâche bien : + 7% en trois ans .

C'est peut-être le moment de vendre du riz cantonais en France ?


Disruption

DisruptionIl y a des moments dans la vie de l'entreprise où l'on ressent le besoin de trouver de nouvelles directions, de nouveaux développements, des chagements plus profonds; Cela vient intuitivement, ou bien sous la pression des faits ( le chiffre d'affaires qui baisse, les clients qui disparaissent,...). Si on ne voit pas venir le phénomène, on risque même de disparaître ( Kodak ? Polaroid?),

Mais on peut avoir tellement envie de changer, d'un autre modèle, que cela conduit à faire d'autres erreurs.

Il y a déjà quinze ans qu'un publicitaire brillant, Jean-Marie Dru, fondateur de l'agence BDDP (qu'il a fusionné avec TBWA, dont il est le patron), a rendu populaire le concept de " disruption". Ce terme a fait mouche, et est encore d'actualité aujourd'hui.

Quand on parle de changement, de besoin d'un nouveau modèle de développement, même les dirigeants, comme les consultants, emploient le mot.

 Le concept à l'origine comprend trois étapes, trois composantes : Une vision, qui nous permet de dire où l'on veut aller demain; une idée disruptive, qui est l'idée créative qui me permet de passer vite et efficacement de la situation d'aujourd'hui à ma vision de demain; et puis les conventions, qui sont tous les préjugés et idées reçues qui m'empêchent de voir autrement, de créer et d'innover. 

Néanmoins la disruption, contrairement aux apparences, où à ce que pourraient croire ceux qui abordent ce concept un trop superficiellement, ce n'est pas le bazar, ce n'est pas de faire l'inverse de ce que l'on faisait avant, ni le saccage des conventions.

La disruption, c'est l'école du culot, qui refuse de suivre les chemins tout tracés, mais qui distingue aussi les traditions à respecter et les conventions à faire sauter. Sans se tromper.

L'enjeu, c'est de trouver les idées auxquelles le consommateur lui-même n'a pas pensé. La disruption, c'est l'économie des idées, le mantra n'est plus " Tout part du consommateur" mais " Tout part de l'idée". "Si l'on veut se tailler la part du lion sur les marchés du futur, il faut avoir des idées de lion".

C'est une philosophie de l'inconfort, qui met en garde l'entrepreneur qui ne souhaite pas se laisser distancer par les changements, fut-ce par sa propre et fulgurante réussite.

La disruption est aussi une pratique collective, car on ne crée rien seul, dans son coin. Il faut au contraire confronter les points de vue, provoquer les confrontations; mais, bien sûr, pas n'importe comment. Les techniques, formes d'ateliers et de " Disruptive Day" se sont précisés ( voir le livre de Jean-Marie Dru " Disruption Live" pour avoir un aperçu des outils mis au point par son agence).

A quel moment a-t-on vraiment besoin de " disruption" ? Les équipes de Jean-Marie Dru ont identifié sept déclencheurs, qui restent sûrement d'actualité aujourd'hui :

1. Lorsque vous n'êtes plus la marque qui initie les tendances

2. Lorsque vous avez de plus en plus recours aux promotions et aux discounts

3. Lorsque vous vous croyez invincible

4. Lorsque le contexte compétitif change

5. Lorsque votre clientèle de base se renouvelle trop vite

6. Lorsque votre clientèle de base se renouvelle trop lentement

7. Lorsque vous n'arrivez pas à formuler une vision claire de votre activité.

Ouh, la ...ça fait du monde à la pharmacie de la disruption, non ?


Un chat sur les nouvelles technologies !

ChatC'est Simon qui m'a prévenu : aujourd'hui le Directeur Général de LOGICA France, Stéphane Jaubert, va faire un chat sur les nouvelles technologies...

Il s'adresse en video à tous ceux qui brûlent de connaître son avis sur le sujet : " Pourquoi les nouvelles technologies sont-elles un tremplin pour l'avenir ?" Super suspense, non ?

Cela se passe ICI à partir de 13H00, aujourd'hui. On peut poser ses questions à l'avance.

Simon aimerait bien que je lui dise ce que m'inspire cette expérience. Je n'y manquerai pas.

A suivre, donc.