Conatus et persévérer

PerseveranceConatus : un mot latin qui veut dire "effort", mais c'est aussi le cœur de la doctrine de Spinoza, dans son "Ethique", dont je lis l'analyse par Frédéric Lenoir dans son livre "Le miracle Spinoza". 

Autant lire ce livre pour comprendre Spinoza, car l'Ethique est considéré à juste titre comme un ouvrage particulièrement difficile à lire et à interpréter. Alors qu'avec Frédéric Lenoir, on comprend tout, ou presque. Frédéric Lenoir a sous-titré son livre " Une philosophie pour éclairer notre vie". Cela fait envie.

Alors, Conatus ?

C'est la proposition 6 du Livre III de l'l'Ethique, considérée comme une des clés de la doctrine spinoziste : " chaque chose, selon sa puissance d'être, s'efforce de persévérer dans son être". C'est cela le "Conatus". Pour Spinoza, chaque organisme s'efforce de progresser, de grandir, de parvenir à une plus grande perfection. Il vise aussi à augmenter sa puissance. Persévérer, c'est ne pas avoir de négativité interne, et c'est durer. Or, nous sommes affectés en permanence par des idées ou corps qui viennent de l'extérieur, ce que Spinoza appelle des affections (affectio, en latin). Certaines nous régénèrent, comme un beau paysage, et d'autres nous font du mal, comme d'entendre une parole blessante. Quand un corps ou une idée s'accorde avec notre nature, elle augmente notre puissance, et inversement. Toute augmentation de notre puissance s'accompagne d'un sentiment de joie, alors que la diminution de notre puissance s'accompagne d'un sentiment de tristesse. Ainsi la joie est l'affect fondamental qui accompagne toute augmentation de notre puissance d'agir. Tout l'objectif de l'éthique de Spinoza est ainsi d'organiser sa vie, grâce à la raison, pour diminuer la tristesse et augmenter la joie. 

Et qu'est ce qui permet de rechercher consciemment cette joie ? C'est le désir, car pour Spinoza, "le désir est l'essence de l'homme". L'être humain est fondamentalement un être désirant, et par le conatus, sa nature le pousse sans cesse à désirer. Ne plus désirer, ce serait éteindre la flamme de la vie, anéantir toute puissance vitale, se déshumaniser. En outre, nous ne désirons pas une chose parce qu'elle est bonne (doctrine de Platon), mais, l'inverse, selon Spinoza : " Nous appelons bon ce que nous désirons". Ce qui va guider notre désir, c'est la raison et la volonté qui orienteront le désir vers les "biens véritables". 

Ainsi Spinoza, et c'est pourquoi Frédéric Lenoir l'aime tant, est le philosophe positif qui envisage positivement l'existence et propose un chemin de construction de soi, qui aboutit à la joie. 

Lecture salutaire, y compris pour nos affaires, car combien sont ceux qui, ayant perdu tout désir, ne connaissent plus la joie, et ignorent où aller chercher ce conatus qui les fera persévérer. 

C'est une bonne lecture pour se donner du désir de vision et de futur pour nous et nos organisations. 

Quel sera mon conatus en 2018 ?


La gentillesse n'est pas la sollicitude

AmélieVous en connaissez comme moi de ces personnes qui se disent gentilles parce qu'elles veulent tout le temps se mêler des affaires des autres en pensant ainsi les aider. Quand c'est à vous-même qu'elles s'en prennent, on les trouve un peu intrusives parfois (souvent), et on a envie de leur dire "mais je ne t'ai rien demandé !". Ce qui ne suffirait pas à les freiner, car elles sont sont convaincues de mieux savoir que moi-même ce dont j'ai besoin (de leurs sages conseils en l’occurrence).

Je découvre en lisant l'ouvrage d' Emmanuel Jaffelin, "Petit éloge de la gentillesse", que cette forme de "gentillesse" n'est justement pas de la vraie gentillesse, mais de la sollicitude.

Pour comprendre la différence, il raconte une anecdote où il s'est emparé du bras d'un aveugle qui attendait au feu rouge pour l'aider à traverser la rue. Et l'aveugle lui a répliqué : " Non, merci. Je connais le chemin". Il attendait juste le signal sonore qui l'autorisait à traverser.

Car la sollicitude n'est pas la gentillesse. Elle se situe au-delà de la gentillesse. Elle est selon la formule d'Emmanuel Jaffelin, " un effort poisseux à vouloir rendre service sous l'emprise d'une pulsion". C'est en fait un "excès d'altruisme". 

La sollicitude, c'est celle d'Amélie Poulain qui fait le forcing pour faire le bonheur de son quartier. 

Inversement ce qui caractérise la gentillesse, c'est de rendre service sur la base d'une sollicitation, et non d'une sollicitude.

Il faut que quelqu'un me demande quelque chose pour que je puisse exercer ma gentillesse. Ce n'est pas le désir obsessionnel de faire le bonheur des autres mais être dans une situation qui me permet de rendre service.

La gentillesse consiste à rendre service à quelqu'un qui me le demande vraiment, de manière plus ou moins explicite. Mais surtout explicite dans un milieu professionnel.

Et donc pour être gentil, et l'être à bon escient, la qualité première est l'écoute et la capacité à entrer dans un vrai dialogue avec autrui.

C'est pourquoi les gentils sont ceux qui savent nouer ces dialogues, Qui écoutent avant de parler et d'essayer de convaincre.

En étant ce gentil, je suis un gentilhomme, héros du quotidien.

Car en étant ce gentil qui rend un service à autrui, je m'échappe de moi-même, je me "déleste de moi-même", Cette attitude me permet de rentrer dans un dialogue qui ne veut pas imposer à l'autre mon propre avis, mais accepter de m'en "délester". 

Ainsi, être "gentil" ce n'est pas être faible devant l'autre, mais au contraire être dans dans une morale du service et du dialogue vrai.

De quoi réconcilier la gentillesse et la coopération. Et aussi la performance de nos organisations.

Envie d'essayer? 


Soyons sages !

ARISTOTEEthique, sagesse, voilà des mots qui viennent dans le management. Certains disent que ce sont les conditions indispensables pour être leader aujourd'hui.

En ces temps où l'on parle de scandales de Volswagen, des turpitudes de dirigeants pas très nets, il y a du boulot pour changer tout ça, non?

C'est le sujet de ma chronique du mois sur "Envie d'Entreprendre", la dernière de la saison.

Cela parle même d'Aristote, de l'éthique, de la Raison, du désir.

Un peu de philosophie....

Alors.....


L'autorité n'est plus ce qu'elle était...

ChefCommentant le conflit social actuel Marcel Gauchet analysait dans Le Figaro vendredi dernier le rapport à l'autorité des français. 

Pour lui, le gouvernement qui emploierait la manière forte pour en finir avec tous les blocages ne serait sûrement pas soutenu par les français car : " Les solutions autoritaires ne font plus recette".

" Nos concitoyens souhaitent que chacun puisse librement exprimer  son mécontentement et défendre ses intérêts".

" Le principe d'autorité s'est effondré et le principe libéral s'est élargi et occupe tout l'espace. Le sentiment qui domine est celui de la liberté personnelle. L'esprit public refuse tout ce qui paraît porter atteinte à l'exercice de ses droits. On réprouve les blocages, mais on accepte de les subir. Regardez même à l'égard des casseurs, la condamnation est mitigée par le refus de les priver du droit de manifester. Les français n'aiment pas le libéralisme économique, c'est bien connu, mais ils se sont convertis à une sorte de libéralisme social pour lequel toutes les protestations sont légitimes".

Selon lui, les droits des minorités tendent à l'emporter sur l'intérêt collectif, ce qui fragilise forcément l'exercice d'un système démocratique.

Dans le management cette notion d'autorité subit les mêmes évolutions. L'autoritarisme n'est plus une façon efficace d'exercer le pouvoir et de commander. 

C'est Max Weber qui identifiait trois sources pour la légitimité ( citées ICI par exemple) qui ont toutes perdu de leur efficacité aujourd'hui :

  • la légitimité traditionnelle : c'est celle qui est acquise par tradition par le chef. En management on va appeler ça l'expérience. Cela ne passe pas très bien aujourd'hui car l'expérience de ce qui s'est fait avant nous paraît obsolète, plus "dans le coup"; 
  • la légitimité rationnelle : C'est celle qui se prévaut d'un savoir, de l'expertise de "celui qui sait"; Là encore ce savoir des experts est contesté, car "les sachants ne savent plus rien"
  • la légitimité charismatique : menton en avant, voix puissante, c'est la légitimité du chef "qui en a". C'est celle d'un pouvoir qui s'exerce en se montrant et en s'affirmant. Là encore cette forme est en désuétude. On préfère les chefs qui savent s'effacer, qui valorisent leurs collaborateurs, plutôt que ceux qui veulent toujours avoir raison sur tout.

Alors, si cette forme d'autorité ne marche plus, que peut-on faire? C'est l'anarchie, non?

Pierre-Olivier Monteil, dont j'ai déjà parlé ICI, propose une nouvelle définition de l'autorité plus conforme aux aspirations de notre temps, l'autorité comme une figure de don.

Cette nouvelle autorité va modifier la légitimité traditionnelle en proposant de chercher de nouveaux "sens" du passé. C'est le présent qui va aider à chercher dans le passé pour éclairer l'avenir.

Elle va aussi modifier la légitimité rationnelle en proposant non pas un savoir figé, mais une histoire qu'elle raconte, pour éveiller une curiosité chez l'interlocuteur.

Elle va aussi modifier la légitimité charismatique en proposant, non pas de se mettre en avant, mais d'aller remercier ceux et celles dont elle a reçu, qui lui ont donné cette gloire, et dont elle va faire bénéficier maintenant, comme un don généreux. Ce qui compte alors n'est pas la magie du charisme, mais ce que Pierre-Olivier Monteil appelle " le don léger accompli par la figure d'autorité". 

Ce qui fait la force de cette nouvelle autorité, c'est l'exemplarité. Cette exemplarité :

" ...se situe à l'opposé de celle d'un général Bonaparte franchissant le pont d'Arcole en héros, pour susciter cette sorte de court-circuit entre soi et soi qu'est l'abnégation. Si elle n'exclut pas le courage, elle s'en tient à suggérer à l'autre une manière de grandir par élargissement et approfondissement de sa propre compréhension de soi, celle-ci passant par une unité d'intention par laquelle le sens vif du présent réarticule expérience du passé et attentes à l'égard de l'avenir".

Dans cette vision, la figure d'autorité se manifeste dans l'échange et le don. Elle ne va pas chercher à rajouter des règles et des instructions pour se faire obéir, mais au contraire, de porter attention à la diversité des personnes et des situations, en apportant son style (le style résultant d'un certain usage de la règle, qui se réfère à elle, tout en introduisant un écart, une variante, dans son application). 

L'exemplarité va aussi se manifester par la propagation horizontale des réussites, incitée par la relation avec le manager. Le collaborateur sera d'autant plus curieux de ce qui se passe ailleurs que dans son environnement proche, son unité avec son chef, que le sens de son propre engagement ne sera pas exclusivement dicté d'en haut, mais s'enrichira au contact des réalisations de ses voisins. L'aiguillon de l'exemplarité devient alors facteur de cohésion.

Pierre-Olivier Monteil y voit un "processus circulaire aux effets cumulatifs"

" Amorcé de haut en bas dans le contexte du rapport hiérarchique, le cercle vertueux se prolonge ensuite dans les relations horizontales entre collègues, entre services, entre entités. Il se poursuit jusque dans un sentiment de cohésion qui pointe en retour de bas en haut cette fois, rejoignant la visée d'unité qui est aussi la raison d'être du rapport hiérarchique. L'unité devient alors le fruit de convergences qui subvertissent l'opposition classique entre libre adhésion et obéissance par subordination".

Ce qui est recherché, c'est une manière de procéder dans le management et l'exercice de l'autorité qui invite à l'action libre mais qui permet aussi une cohésion supérieure à celle que l'on obtiendrait par la contrainte.

Cette forme d'autorité est aussi un correctif à un exercice trop fort du pouvoir qui ne s'attacherait qu'à imposer ses vues.C'est en allégeant le geste que l'on transmet efficacement son énergie. L'autorité est un don qui n'attend pas trop vite de recevoir en contrepartie immédiate, mais facilite l'échange et le partage. 

Elle est une forme de partage du pouvoir qui peut obliger à sortir de l'impatience et de l'urgence pour inviter à lâcher un peu de pouvoir et à faire davantage confiance. On retrouve par ce biais d'autres approches comme celles de "l'entreprise libérée".

Alors Bonaparte, tu suis ?


Problema

NavigateurManager dans l'entreprise, c'est apporter des réponses et agir pour régler des problèmes. Les consultants aussi sont sur le pont pour s'occuper des problèmes. 

Je lis dans le livre de Pierre-Olivier Monteil sur " Ethique et philosophie du management" une explication éclairante sur ce mot "problème":

" Le mot problème vient du grec problema qui a le sens concret de "promontoire". Il évoque la situation du navigateur qui, depuis son bateau, discerne une côte escarpée et potentiellement périlleuse. pour lui, il n'est bien sûr pas question de disperser cet écueil à la dynamite, mais de le mesurer, de le contourner, de le comprendre, de faire avec".

Je reprend cette citation lors d'un séminaire avec des managers: Face aux difficultés et aux "problèmes" que pose le management, il ne suffit pas d'opposer la "culture du résultat", et de considérer les autres, mes collaborateurs, comme des moyens pour atteindre "mes résultats", mais plutôt de faire reposer ma pratique managériale sur le consentement de ceux sur lesquels elle s'exerce.

 Le management n'est plus alors celui qui s'exerce sur les autres, mais un management avec.

C'est précisément ce que Pierre-Olivier Monteil appelle l'éthique du management, c'est à dire un management par le consentement plutôt que par la contrainte.


Le futur émergent pour une économie co-créative

InconnuC'est Isabelle Kocher, futur PDG de ENGIE, qui nous disait que l'on passait de l'Egosysème à l'Ecosystème, dont je parlais ICI.

Ce concept est bien développé dans l'ouvrage d'Otto Scharmer et Katrin Kaufer, " Leading from the emerging future - from Ego-System to Eco-system Economies".

Nous vivons un moment de disruption, passant d'un monde qui meurt à un monde qui est en train de naître.

Celui qui meurt, c'est le monde du "Moi" (l'Ego-Système) : maximum de consommation, Bigger is Better, satisfaction des besoins individuels, que ce soit celui du client, du consommateur, du citoyen. Celui qui naît, c'est un monde où nous ressentons le futur plus présent, où nous nous préoccupons du bien-être de tous, y compris moi-même. Nous sommes concernés par le bien être commun, c'est le monde de l'Eco-Système. 

Plus ce changement se précise, moins nous pouvons nous reposer sur des schémas passés, et plus nous devons porter attention aux opportunités de ce futur émergent. 

C'est tout l'enjeu dont traite ce livre.

Une des révolutions provoquée par ce changement de monde concerne nos relations sociales et économiques.

Au lieu de regarder les autres de notre seul point de vue, nous devons apprendre à nous voir nous-même à travers les yeux des autres et de la communauté dans son ensemble.

Pour nous faire représenter l'ampleur des changements, Otto Scharmer utilise le schéma suivant :

ECOSYSTEM1

Ce schéma représente comment les parties prenantes communiquent à l'intérieur de nos systèmes de société.

Il distingue, sur l'axe vertical, les entités individuelles (en haut) et collectives (en bas) , et sur l'axe horizontal les producteurs et fournisseurs (à gauche), et les consommateurs(à droite).

Les quatre niveaux de de conversations sont représentés par les quatre cercles.

Plus on approche des cercles extérieurs plus le niveau de conversation est :

- unilatéral et linéaire,

- avec peu d'inclusion et de transparence,

- organisée avec l'intention de servir mon intérêt personnel, ou celui de quelques-uns.

Plus on approche des cercles intérieurs plus le  niveau de conversation est :

- multilatéral et cyclique,

- fort en inclusion et en transparence,

- organisé avec l'intention de servir le bien-être de tous.

En partant de l'extérieur, on peut parcourir les quatre niveaux de communication.

Niveau 1 : Unilatéral et manipulateur

Le but principal de cette forme de conversation est de manipuler plutôt que de servir le bien-être de l'autre. C'est ce que l'on appelle les "stratégies de communication", pour les campagnes électorales, ou dans le business. Ce sont aussi les stratégies de communication à l'intention des consommateurs, segmentés en catégories, pour leur vendre quelque chose. Dans ce format, la cible n'a aucun moyen de répondre.

Niveau 2 : Bilatéral, discussion et échange de points de vue

Ce sont les conversations où l'on donne et reçoit de l'information en bilatéral. Sur les marchés, le consommateur donne du feedback avec son argent.

Niveau 3 : Dialogue multilatéral, se voir soi-même à travers les yeux de l'autre

C'est l'art du dialogue et de penser ensemble. Ce sont toutes les formes de conversations en intelligence collective, où l'on se voit soi-même comme membre d'un tout. Et non dans la défense d'intérêts égoïstes.

Niveau 4 : Innovation co-créative dans écosystème

Ce sont des conversations où le bien commun est structurant pour la réflexion, où l'on co-crée le futur, en transformant notre attention.

Dans ce parcours du niveau 1 au niveau 4, nous sortons du monde fermé de la pure "compétition" pour pénétrer celui de la "coopération". Cela consiste à construire des plateformes de co-création au sein de l'écosystème, où nous partageons des ressources rares que toutes les parties prenantes ont intérêt à préserver et à économiser, plutôt qu'à sur-utiliser. Ce sont les contextes de l'économie du partage et de l'économie circulaire. 

Dans cet écosystème, la priorité est au prototypage : co-construire un "Prototype 0,8", c'est à dire quelque chose d'incomplet qui fonctionne, et permettra de recueillir les feedbacks de toutes les parties prenantes. Et ainsi d'apprendre constamment, en corrigeant ce qui ne marche pas, et en renforçant ce qui marche.

Passer de l'Egosystème à l'Ecosystème, en changeant notre niveau de conversations et de communications, c'est co-évoluer, plutôt que de s'afrronter.

Dans cette transformation, le pouvoir se déplace du haut des pyramides vers un système de leadership en réseau.Cela promet des révolutions dans nos entreprises et organisations; certaines ont déjà commencé le mouvement; mais il y a encore de quoi faire pour que le pouvoir émerge des relations entre les parties prenantes au lieu des confrontations individuelles ou collectives de niveau 1.


Éminence grise

EminencegriseIl est issu des grands Corps de l'Etat; il a une carrière de pouvoir, mais il est resté dans l'ombre pour le moment. Il vient d'être nommé à un nouveau poste dans une entreprise publique, un poste de dirigeant, à la tête d'une organisation de plusieurs centaines de personnes. Un job de Leader.

Il me confie, au cours de la conversation : " Je ne cherche pas à être célèbre, ni à laisser mon nom au poste. Moi, ce que j'aime, c'est être une éminence grise". Ce qu'il a aimé dans sa carrière, à ce jour, c''est d'occuper un poste de Secrétaire Général. 

Ce qualificatif d' "éminence grise" évoque en moi immédiatement le titre d'un livre de Pierre Assouline, "Une éminence grise - Jean Jardin (1904-1976)." Jean Jardin, c'est le chef de cabinet de Pierre Laval pendant la guerre, et aussi un ancien Secrétaire Général de la SNCF. Cela m'a donné envie de relire cette biographie, et de comprendre ce qu'est une "éminence grise".

 A 29 ans, Jean Jardin expérimente cette fonction. Il est le "secrétaire" de Raoul Dautry, rencontre qui marquera sa vie et signera sa passion pour le chemin de fer (l'innovation du moment). Raoul Dautry est le le dirigeant du Réseau de l'Etat, c'est à dire le Réseau de l'Ouest, racheté par l'Etat en 1912 (il y a alors sept réseaux qui ne seront rassemblés dans la SNCF qu'en 1937 par le gouvernement du Front Populaire). Jean Jardin n'a aucune formation technique pour le poste (il a fait Sciences Po), mais va jouer un rôle de relations publiques et d'informateur : " C'est l'obligeance même, un jeune homme d'une mobilité et d'une nervosité extrêmes, tout le temps occupé à rendre des services". Il devient indispensable.

" Ce qui frappe surtout Dautry, homme de terrain et de dossier, dans la personnalité de Jardin, homme de contacts et d'échanges, c'est son extraordinaire entregent, son potentiel de relations et la manière subtile dont il s'insinue dans tous les milieux qui comptent".

Mais c'est évidemment un autre poste qui lui vaudra ce qualificatif d' "éminence grise" : il devient le chef de cabinet de Pierre Laval, nommé chef du gouvernement par Pétain en mai 1942. Et c'est là qu'il aura ce nom.

Ce qualificatif est inspiré, nous dit Pierre Assouline, d'un autre personnage : François Joseph Leclerc du Tremblay, collaborateur intime du cardinal de Richelieu, Premier Ministre de Louis XIII, surnommé le Père Joseph. " Mystique et chef des services spéciaux, il se consacre autant à Dieu qu'à la politique étrangère et à la lutte contre les Habsbourg". Il passe à la postérité pour désigner tous les les conseillers de l'ombre, et restera célèbre grâce à Aldous Huxley (plus connu pour son roman "Le meilleur des mondes"), qui écrit " L'éminence grise" (1941), essai biographique sur le personnage.

 L' "éminence grise", c'est le conciliateur, le discret, celui dont le pouvoir semble occulte et qui, plus il intrigue, fait des envieux. C'est celui qui a un rôle d'influence au-delà de ses responsabilités officielles.

Ce job, et Jean Jardin l'illustre bien, dans ces circonstances particulières de la France occupée, c'est aussi celui qui adopte une attitude de maîtrise, comme celle du Père Joseph décrit par Aldous Huxley :

" Le Père Joseph était perpétuellement en garde contre les rechutes dans l'orgueil ou la vanité. Il s'était depuis longtemps entraîné à renoncer à manifester extérieurement sa satisfaction ou sa déception, et, dans une large mesure sans doute, il en avait même supprimé les manifestations intérieures".

 Cette capacité à dissimuler, et même à supprimer, ses opinions et émotions, c'est ce qui permet de se faire un réseau de relations et de connections, sans réelles amitiés.

Exercice dangereux et délicat, et dans un jeu qui mélange l'allégeance à l'occupant, et des initiatives pour aider les français résistants, Jean Jardin en vient à éveiller les soupçons. En novembre 1943, sur proposition de Laval, il est nommé Premier Conseiller à l'ambassade de France à Berne. Objectif confié par Laval : établir des contacts avec les résistants et alliés. Comme le dit Pierre Assouline : " L'éminence grise quitte la pénombre pour l'ombre".

 Il devient à la fois "éminence grise de Vichy" et " contact officieux avec les résistants". Jeu d'équilibre dont il pourra revendiquer d'avoir aider des résistants, tout en restant un fonctionnaire de Vichy.

Et puis en 1944, tout s'arrête. Le gouvernement qu'il sert disparaissant, Jean Jardin fera une passation de pouvoir sous une forme administrative impeccable. C'est la fin d'un monde; le Père Joseph est au chômage. Il ne fera l'objet d'aucune poursuite devant une cour de Justice, en vertu de l'art. 327 du code Pénal, qui fait obligation de l’exécution des ordres : " ce qui est ordonné par la loi, et commandé par l'autorité légitime..". Il n'a fait qu'obéir. Mais si il n'est pas poursuivi par la justice, d'autres se chargeront du procès, parmi lesquels son fils, et encore récemment son petit fils, Alexandre Jardin, en 2011, qui en fera "un salaud absolu".

En 1944, à 40 ans, il reste à Jean Jardin une deuxième vie à faire : " Éminence grise improvisée par le jeu des circonstances, il va devenir un authentique homme d'influence, par la force des choses". C'est la dernière partie du livre de Pierre Assouline, " Le second souffle". A lire comme un roman.

Pour revenir à mon interlocuteur du début, la question qui se pose : Peut-on passer de l'éminence grise au Leader ? Ce Jean Jardin coupable de rien, qui fait son Père Joseph en conseillant les autres sans jamais trahir ses émotions, ce n'est sûrement pas l'attitude idéale pour diriger une équipe.Surtout si les collaborateurs ont envie de se sentir galvanisés, soutenus, protégés, entraînés. 

Mais, inversement cette éminence grise défroquée peut être inspiratrice de tempérance, d'écoute, de synthèse, d'agilité relationnelle, de bâtisseurs de réseaux. Ce qui peut manquer à une équipe de direction un peu trop enfermée dans les conflits, les éclats de voix, les démonstrations de force.

Ces hommes de l'ombre ont leur part d'ombre; mais, finalement,  c'est grâce à l'ombre que l'on sait que la lumière existe. 


Don fermé / Don ouvert

OeilserrureDonner son temps, offrir son aide, s'occuper des autres : voilà de bons sentiments. Dans le cadre professionnel, comme dans le cadre privé.

C'est un collègue qui m' aide à me servir d'un logiciel; c'est le manager qui passe du temps avec son collaborateur pour lui indiquer le bon comportement; pour lui dire ce qu'il doit faire pour être meilleur. 

Toute la difficulté de l'exercice est de distinguer la part d'"évaluation" (on pense à jugement, notation, compétition) et la part de "conseil" (incluant plus de générosité).

Mais il y aussi plusieurs façons de faire ce "don". Vincent Laupies distingue dans son petit livre trés utile  " donner sans blesser", ce qu'il appelle le "don fermé" et le "don ouvert".

Le "don fermé" est celui où le donateur donne à partir de lui-même pour répondre à ce qu'il imagine être les besoins de l'autre. Cela peut amener certains à s'occuper à l'excés des autres, comme une envie de sauver les autres qui les possède entièrement. C'est une attitude caractérisée par l'indifférenciation : la personne qui "donne" se coupe d'elle-même, elle croit pouvoir répondre positivement à l'injonction imaginaire de combler l'autre. On connaît tous des exemples " Paul a l'air déprimé et malheureux, je vais l'aider à être heureux", " Julie devrait s'améliorer pour être promue, je vais lui dire ce qu'elle doit faire et corriger pour cela", " ce collègue ne comprend rien au management; je vais lui offrir un livre, sans qu'il ait demandé mon aide, pour qu'il comprenne ce qu'il doit changer", etc...

Dans ces types d'échanges la personne "ne voit pas l'autre tel qu'il est, mais tel qu'il apparaît ou tel qu'elle l'imagine. Elle ne se voit pas elle-même telle qu'elle est, mais se dédouble et agit à partir du personnage généreux qu'elle a construit".

Ce type de relation, à l'extrême, peut prendre une forme pervertie de totale indifférenciation : " Le donateur A n'est plus en contact avec lui-même. Il crée, inconsciemment, un autre lui-même "généreux", que l'on peut appeler A'. Celui-ci entre en relation, non pas avec le donataire réel B, mais avec l'image B' qu'il en a construite".

C'est un don de celui qui n'est pas vraiment lui-même à "quelqu'un" qui n'est pas vraiment l'autre, mais qu'il a imaginé. C'est le fantasme de construire l'autre, qui peut aboutir à une forte valorisation du "quantitatif" : on pense alors que plus il y a de don (de temps passé, de livres offerts, de conseils donnés,..), mieux c'est.

On comprend alors trés bien toutes les vertus et caractéristiques du "don ouvert" auquel l'auteur nous encourage, sans minimiser toute la difficulté; car le "don fermé" est une modalité fréquente des relations aux autres.

Pour être dans le "don ouvert" il convient d'être " attentif à ce qui se passe en soi, à écouter ce qui parle en soi (désirs, pensées, émotions,...)". C'est ce "travail de don" qui permet de repérer nos tendances à l'indifférenciation et d'y renoncer.

Le "don ouvert", c'est une ouverture dans cinq directions :

- le donateur s'ouvre, d'abord, "en amont de lui-même" aux dons qui lui sont donnés : vincent Laupies insiste sur cette priorité : il faut recevoir avant de donner; on donne ce que l'on reçoit, et non pas, comme le croient certains, à partir de ses propres forces, au nom d'une décision volontariste. Cette étape est la plus difficile, car celui qui veut "aider" les autres s'y épuise sans voir ce qu'il a besoin de recevoir lui-même,

- le donateur s'ouvre, également, à lui-même : le don est ainsi perçu comme constructif pour le donateur également;

- le donateur s'ouvre aux besoins réels de l'autre, et non par obligation, pour soulager sa culpabilité, ou renforcer l'estime de lui-même;

- le donateur ne donne pas pour obtenir un effet précis sur le donataire (faire de toi un bon manager, faire de toi un bon collègue, faire de toi un garçon heureux), mais avec une ouverture aux effets possibles du don, le donateur étant alors détaché des effets de son don;

- le donateur n'attend pas de don particulier en retour (contre don); il est ouvert à recevoir un contre-don, comme à n'en pas recevoir. Si il en reçoit un, il l'accepte; si il n'en reçoit pas, il ne se sent pas lésé. L'auteur considère que l'acceptation du contre-don est importante, car elle nous protège contre une "perversion du don".

Vu ainsi, le "don" est simple et fécond; la réalité profonde du don est alors l'expression de la vie qui est en nous.

De quoi donner envie, non ?

Donner en vie ?


Droit au but ?

DroitaubutSommes-nous dans un temps où la forme n'a plus la forme? Où pour communiquer, il faut parler "vrai", c'est à dire direct, sans ménager les formes? Cela rappelle le débat entre Démosthène et Cicéron que j'ai déjà évoqué ICI.

Mais c'est d'autre chose dont palre Alain Finkelkraut dans "l'identité malheureuse" et où je trouve cette inspiration.

 Il parle de notre époque comme d'un " nouveau régime sémantique" ( on comprend bien qu'il ne l'aime pas trop ce "nouveau" régime...lui, il a la nostalgie de l'ancien) :

" Pour le nouveau régime sémantique, la forme ne compte pour rien, seul le sens fait sens".

Et donc, à quoi bon "mettre les formes" ? Il faut aller "droit au but". 

" On ne s'embarasse pas de nuances ni d'effets oratoires. On ne sacrifie plus aux apparences : on se met à l'aise".

On est dans "l'affect brut"; Fi du jeu social, des contraintes du monde. Et si vous vous émouvez de cette absence de retenue, la société vous répond " On va se gêner !".

Ces postures, on les rencontre effectivement autour de nous, non? J'en connais de ces personnes, notamment les jeunes, mais pas que, qui aiment parler d'eux comme étant " nature", et "disent ce qu'elles pensent". C'est pour elles synonyme de sincérité, de "juste"; elles en rajoutent dans la provocation, pour bien exprimer qu'elles ne sont pas "dupes" des convenances, des règles, tous ces trucs désuets.

Alain Finkelkraut nous aide à aller plus loin dans la réflexion et l'analyse, même si il est peut-être un peu audacieux de généraliser comme il semble le faire en mettant tous ses contemporains, sauf lui et ses admirateurs, dans le même sac.

Deux conceptions de la vérité s'opposent dans cette histoire.

Dans la première, l'homme véridique est celui qui s'accomplit dans le défi qu'il se lance pour ressembler à l'image qu'il a décidé de se donner lui-même. 

Dans la deuxième, l'homme vrai, c'est celui qui se réalise en se désinhibant : il existe en dénonçant les "tabous, les faux-semblants, les protocoles". 

Pour Alain Finkelkraut, la messe est dite : " c'est ce second modèle que notre temps a choisi". On sent à le lire combien il le regrette.

On pourrait croire que cela a peu d'importance. Mais, prenons le temps d'y rester un peu :

Celles qui y ont perdu, ce sont "les apparences" : " Devenues mensongères, les apparences ont perdu la partie".

Et avec elles, toutes les références à l'Histoire, aux ancêtres, aux "classiques" : Quand on est "vrai" sans se "faire chier", on croit être "soi-même", on n'a pas besoin de références, ni de culture générale; on dit ce qu'on pense, quoi ! Et "Fuck Victo Hugo !" comme le disait un tweet d'un bachelier 2014, relevé par Alain Finkelkraut lors d'un débat ICI. Et de déplorer la suppression des épreuves de culture générale dans les épreuves des concours administratifs par le gouvernement de 2008 (on se rappelle des déclarations de Nicolas Sarkozy contre la "princesse de Clèves"), et la même décision par Sciences Po en 2011. L'idée est la même : la culture générale, favorise les favorisés; elle avantage la "Vieille France" au détriment de la nouvelle, la "bourgeoisie traditionnelle" au détriment des "minorités ethniques".

Notre auteur de 65 ans, tout juste retraité de son poste de professeur à l'Ecole Polytechnique, y voit aussi la fin des "vieux" :

Être vieux, aujourd'hui, " ce n'est plus avoir de l'expérience, c'est, maintenant que l'humanité a changé d'élément, en manquer. Ce n'est plus être le dépositaire d'un savoir, d'une sagesse, d'une histoire ou d'un métier, c'est être handicapé. Les adultes étaient les représentants du monde auprès des nouveaux venus, ils sont désormais ces étrangers, ces empotés, ces cul-terreux, que les digital natives regardent du haut de leur cybersupériorité incontestable".

Ce sont ainsi les anciennes générations qui doivent changer : A elles " d'entamer leur rééducation. Aux parents et aux professeurs de calquer leurs pratiques sur les façons d'être, de regarder, de s'informer et de communiquer de la ville dont les princes sont les enfants".

Le regret qu'exprime Alain Finkelkraut, et que l'on ressent, c'est celui de ce que les Grecs appellaient l' aidos : "c'est la restriction de l'estime de soi-même au fondement de ce que nous appelons aujourd(hui le vivre ensemble".

Être cool, ne s'embarasser de rien, aller "droit au but", c'est l'anti-aidos. Alors que les formes sont d'abord un souci moral, le souci d'autrui. En clair, faire "cash", c'est se foutre des autres en fait. Ce qui disparaît avec les formes, ce sont les égards envers l'autre.

" Quand je met les formes, je respecte un usage, bien sûr, je joue un rôle, sans doute, je trahis mes originespeut-être. Mais surtout je fais savoir à l'autre ou aux autres qu'ils comptent pour moi. Je les salue, je m'incline devant eux, je prend acte de leur existence en atténuant la mienne". 

C'est sûr que l'on est loin des comportements de ceux que Alain Finkelkraut appelle " la troupe innombrable des sans-vergogne". On croit les reconnaître :  " ceux qui n'entendent pas le bruit qu'ils font; ceux qui, le casque sur les oreilles, traversent le monde sans voir personne; ceux qui téléphonent en public; et qui insultent le confident invonlontaire de leurs petits tracas ou de leurs grands chagrins quand ce dernier s'avise de leur rappeler sa présence".

Et le coup de grâce :

" La démocratie a eu raison de la culture générale. Elle l'a remplacée, sans crier gare, par la culture généralisée".

 Voilà bien des paroles de celui que nombreux n'hésiteront pas à traiter de vieux con, au nom de cette modernité et de cette nouvelle forme de liberté.

Mais comment ne pas y voir aussi le signe de la difficulté de faire vivre une identité collective dans une communauté humaine, et même dans l'entreprise, creuset de toutes ces formes de comportement. C'était précisément le thème du séminaire dont j'ai parlé ICI. 

Plaidoyer pour l'aidos....On en a peut-être encore besoin, finalement.... 


Le name dropping démasqué

NamedroppingRobert Cialdini a analysé ce qu'il appelle les "mécanismes et les techniques de persuasion" dans ce best-seller " Influence et manipulation" ( The psychology of persuasion) en 1984. J'en ai parlé ICI.

En fait, ce livre se présente comme une prévention contre ces mécanismes : je me suis fait avoir; j'ai compris; je vous apprend à ne pas vous faire avoir. On peut donc le lire au premier degré (je vais utiliser ces mécanismes pour influencer les autres), comme un antidote (comment éviter de me faire avoir, en démasquant les imposteurs), ou bien en cherchant à les appliquer avec éthique ( c'est ainsi que Robert Cialdini est devenu un guru de ces techniques, appliquées avec éthique).

C'est ainsi que l'auteur fait référence au "principe d'association" et aux personnes qui se spécialisent dans l'utilisation de ce principe. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces personnes se sont multipliées, et, à mon avis, encore plus grâce aux nouvelles technologies.

De quoi s'agit-il ?

Ce principe est simple : nous avons tendance à attribuer à un élément A une valeur, positive ou négative, liée à celle d'un élément B qui lui est associé d'une manière ou d'une autre, même si ces deux éléments n'ont au fond, rien à voir entre eux. C'est ainsi que toutes sortes de choses aimables peuvent prêter leurs qualités sympathiques aux idées, produits, personnes, qu'on leur a artificiellement associés.

On connaît le truc : une belle femme assise sur le capot d'une voiture, et la voiture nous semble sexy, plus rapide, plus performante. La publicité a bien compris ce principe d'association.

Mais Robert Cialdini nous parle aussi d'un type de personnes qui sont quasi obsédées par le désir de faire rejaillir sur soi la gloire d'autrui. On l'est tous un peu : quand l'équipe de foot a gagné un match, les supporters crient " ON a gagné !" car ils s'associent à l'équipe (et quand l'équipe a perdu on dira plutôt " ILS ont perdu"...).

Mais pour certains c'est l'obsession. 

Ce sont ces personnes qui citent à tout propos des noms célèbres, des personnes qu'elles connaissent, même si ce n'est pas totalement vrai; qui chassent les situations où elles peuvent se faire photographier à côté d'une célébrité. Des personnes comme celles-là, on en trouve plein sur Facebook. Mais aussi sur les réseaux sociaux : elles collectionnent les "amis", surtout les connus qu'elles ne connaissent pas.

Alors, Robert Cialdini, tu en penses quoi de ces personnes qui cherchent à nous influencer positivement sur leur personnalité en se gavant du principe d'association ?

" A mon avis, ce sont des individus qui, à cause d'une faille de leur personnalité, ont besoin de se valoriser. Tout au fond d'eux-mêmes, ils se sentent diminués, ce qui les conduit à gagner l'estime de leurs semblables, non en réalisant quelque chose, non en mettant en valeur leurs qualités, mais en créant ou en affirmant des liens entre eux et les réalisations d'autrui.".

Et vlan !

Une autre forme peut être de tout faire pour mettre en valeur le succès d'autres individus avec lesquels elles ont un lien bien visible ( cette femme un peu sotte qui nous explique que son mari est un homme trés intelligent par exemple, ou cette maman obsédée qui veut faire de son fils une grande vedette).

Il suffit d'y réfléchir un peu pour s'apercevoir que ce principe d'association est partout autour de nous, pratiqué par de nombreux individus...Et en plus ça marche parfois !

Toute l'ambiguïté de l'ouvrage de Robert Cialdini, c'est : il nous conseille de le faire, ou non ? Il nous donne surtout des idées pour ne pas se laisser abusivement influencer par ces personnages "qui se sentent diminués" et ont "une faille dans leur personnalité", et donc savoir leur dire NON : la solution c'est de se rendre compte de l'association et de ne pas se laisser contaminer ( cen 'est pas parce que tu le parles de toutes ces célébrités que tu es célèbre; ce n'est pas parce que tu me racontes toutes ces belles rélaisations de ta boîte que tu es, TOI, quelqu'un de compétent, ce n'est pas parce que tu as dîné avec un homme d'affaires célèbre que tu sais faire de bonnes affaires, etc...).

Mais on peut aussi y voir un conseil : mieux vaut s'asocier avec des personnes qui gagnent,et en côtoyer, que de fréquenter trop de loosers. 

Tout est affaire de mesure, forcément.