Expériences : du nouveau

LuxeQuand on veut faire un peu de prospective sur la consommation, on peut observer ce qui se passe dans l’univers du luxe.

Une étude récente de Bain nous indique que les très jeunes consommateurs de la génération Z, et ceux de la génération Y, ont fait leurs premiers achats de luxe entre 18 et 20 ans, et que ceux de la génération Alpha (nés après 2010) devraient s’y mettre encore plus tôt, vers l’âge de 15 ans.

Les groupes de luxe ont bien compris que ce sont ces jeunes générations qui vont tirer le secteur du luxe, et faire les tendances. D’où cette compétition pour les séduire, à laquelle Magali Moulinet consacre un article dans le numéro de L’Obs de cette semaine.

Et ce qui a profondément transformé le luxe, c’est le digital. Ce mélange de digital et de jeunes générations oblige à repenser totalement les expériences clients, de quoi inspirer d’autres secteurs et dirigeants qui ne voient pas forcément venir ces transformations.

Et c’est précisément le digital qui a permis au luxe de se renforcer pendant la crise Covid.

Et ce qui est en train de transformer le luxe et le digital, c’est bien sûr le Web 3 (metaverse, NFT, blockchain), tout ce que certains continuent à prendre pour des trucs inutiles de gamins geeks, alors que le luxe n’est qu’un précurseur de ce que vont connaître tous les secteurs.

Et ce qui compte pour les marques, c’est de capter l’attention du public, dans un monde où c’est de plus en plus difficile, tous le observateurs le constatent, tant notre attention est constamment sollicitée, et pour cela la réponse est de pouvoir faire partie de la vie quotidienne des clients. L’ambition est d’être une extension de l’identité des clients pour mieux capturer leur attention.

Magali Moulinet cite dans son article des exemples d’initiatives, comme des grandes messes populaires organisées par les marques. Le but est de créer des expériences ludiques et immersives pour impressionner les jeunes générations le plus tôt possible et les rendre moins intimidés face au luxe. Ce ne sont pas des expériences qui reproduisent les achats comme dans un magasin ou un site de e-commerce, mais des choses complètement nouvelles, grâce aux possibilités du web 3 (et donc il y faut un peu plus d’imagination et de créativité).

Ainsi le couturier français Jacquemus s’est installé en mars dernier aux galeries Lafayette Haussmann en exposant à l’entrée un grille-pain géant et son toast animé, et aussi un sac Bambino géant dans lequel on peut se glisser pour acheter les modèles de la marque.

L’idée est aussi de créer des expériences que les jeunes peuvent relayer sur Tik Tok et les réseaux sociaux. Ainsi, juste avant l’ouverture de la boutique éphémère Jacquemus avenue Montaigne, à l’occasion de la Fashion Week, la marque a envoyé une petite boîte renfermant un seul pop-corn à certains influenceurs, avec justement pour but de surprendre et d’avoir un relais sur les réseaux sociaux, et aussi d’attirer les jeunes dans le magasin pour venir chercher les friandises qui leur seraient offertes. C’est gratuit, pas besoin d’acheter. Ces expériences qui se diffusent via Tik Tok apportent plus de notoriété que le coût d’acquisition d’une publicité traditionnelle.


Toutes les marques s’y mettent, comme Chanel qui avait organisé une exposition immersive au Grand Palais éphémère fin 2022, en affichant l’ambition de « rendre l’ordinaire extraordinaire ».

L’objectif de ces expériences est aussi de détacher les jeunes de leurs écrans pour acheter des NFT, et de les attirer dans les lieux et magasins pour s’y amuser avec des histoires et des mises en scène dont ils pourront parler.

Et cela n’empêche pas de proposer aussi des NFT, comme le font de plus en plus de marques, toujours avec l’idée d’attirer les acheteurs et influenceurs dans des communautés privilégiées. Créer et vendre des NFT, pour une marque, c'est aussi une manière de donner aux clients l'envie d'en posséder et donc de fidéliser encore plus la relation avec les clients. C'est aussi pour le client la manière de faire partie d'une communauté exclusive.

On comprend, grâce à cet exemple, combien l’expérience des clients nécessite d’agir sur plusieurs dimensions, et de créer les évènements qui donneront ce sentiment d’appartenance communautaire, avec relais sur les réseaux sociaux. C'est une boucle de rétroaction permanente.

De quoi revoir pour 2023 les stratégies et investissements, en arbitrant par rapport aux moyens classiques comme la publicité, les mails, ou les actions dites de « fidélisation ». Les nouveaux consommateurs, surtout les plus jeunes, nécessitent un peu plus de créativité et d’imagination.

Certains pourront d'ailleurs aussi y trouver des inspirations pour fidéliser les collaborateurs, par des expériences au bureau ou en virtuel, car la marque employeur a, elle aussi, besoin d'imagination.


Créativité démocratique avec les nouveaux co-pilotes

CreativiteIl n’y a encore pas si longtemps, quand on parlait de l’intelligence artificielle, on la disait bête, ne faisant que s’appuyer sur ce qui existe déjà, et des volumes énormes de données, pour faire des prévisions ou extrapolations. Et l'on ajoutait que , pour ce qui concerne la créativité, le nouveau, l’innovation, l’homme reprenait la main, et rien n’équivaut l’humain pour créer une œuvre originale.

Mais, cela, c’était avant.

Car une nouvelle forme d’intelligence artificielle, l’IA dite générative, de la famille des modèles de langage (LLM), comme Chat GPT, est venu bousculer ces croyances.

C'est toujours à partir de masses de données et de textes, mais les résultats nous dépassent. On a vu arriver sur Amazon des éditions de livres entièrement fabriquées par l’intelligence artificielle. Idem avec la musique. On vient de voir que le nouveau titre « Heart on my sleeves » de Drake et The Weeknd, deux chanteurs canadiens, a eu 15 millions de vues sur Tik Tok en deux jours, alors que ce titre n’a rien à voir avec ces chanteurs, leurs voix ayant été générées par une intelligence artificielle, et le titre créé par un internaute mystère qui se fait appeler Ghostwriter. Car l’IA peut maintenant générer les paroles, la musique, et la voix, et inventer les titres qui vont marcher. On attend le moment où les Top Ten des classements contiendront plus de titres fabriqués par l’IA que par des artistes réels. De quoi s’inquiéter pour l’avenir de l’industrie du disque et des droits d’auteurs.

C’est pourquoi, parmi les cinq tendances « Life Trends » 2023 des experts de Fjord, entreprise rachetée par Accenture, figurent en bonne place les nouvelles expressions de la créativité par les technologies.

Car tout le monde peut utiliser ces outils pour créer, la technologie permettant de démocratiser ce que l’on peut appeler la créativité assistée par la technologie. La technologie devient un co-pilote de la créativité individuelle.

Cela peut faire peur aux créatifs, mais le rapport de Fjord / Accenture fait à juste titre la comparaison avec l’arrivée de la photographie qui avait fait craindre la mort de la peinture, et qui avait au contraire été l’occasion de donner naissance à de nouveaux mouvements artistiques, comme l’impressionnisme et le surréalisme, et permis aussi à la photographie de se développer dans de nombreuses tendances artistiques. Idem pour la vidéo. On pourra dire que comparaison n’est pas raison, et que l’on ne peut pas savoir comment tout cela va évoluer aujourd’hui avec l’IA.

Ce qui est disruptif, c’est que ces outils d’IA sont maintenant dans les mains des individus, un peu comme lorsque les ordinateurs sont devenus des PC dans les mains des particuliers. Et l’on va donc voir émerger de nombreux projets et initiatives par ces individus et jeunes entrepreneurs, en compétition avec les initiatives, souvent plus lentes à sortir, des entreprises et institutions.

Ainsi, un anonyme, sous le nom de « Significant Gravitas » vient de sortir « Auto-GPT », disponible gratuitement (à condition d’avoir un abonnement à GPT-4) qui permet d’automatiser le travail de l’IA : vous donnez une instruction, toute simple – et un programme basé sur GPT-4 vous produit toute une liste de contenus et productions diverses et variées exactement comme vous le souhaitez, sans que vous n’ayez à rien faire d’autre qu’attendre le résultat.

Concrètement, avec Chat GPT vous envoyez une question ou une instruction, puis recevez une réponse, et vous pouvez alors continuer avec une demande ou instruction complémentaire. Si vous utilisez Auto GPT, c'est le système lui-même, sans votre intervention qui rédige et envoie les instructions complémentaires. Cela est particulièrement pratique pour coder (et rendre soucieux les développeurs). C'est ce que l'on appelle les "IA autonomes". 

Auto-GPT vient d'être rebaptisée "ChaosGPT" et un internaute l'a déjà utilisé pour bâtir un plan pour "détruire l'humanité" qu'il présente et commente sur You Tube !

On pourra faire du positif, comme du moins positif, avec ces outils de créativité augmentée.

Alors, imaginez un manager dont les collaborateurs auront de telles possibilités en mains. On voit déjà les entreprises qui interdisent l’usage de Chat GPT par les employés (car il existe aussi un risque de fuite de données en utilisant de tels outils , les informations que nous échangeons avec Chat GPT sont gardées par Open AI, et on ne maîtrise pas complètement ce qu’elles deviennent). On voit aussi se constituer des groupes de travail pour imaginer comment introduire et sécuriser ces outils dans les process mêmes de l’entreprise. Beaucoup parlent de « productivité », pas encore tous de « créativité », alors que c’est probablement l’enjeu principal. Parler de productivité seulement face à l’IA, c’est déjà avoir du retard dans l’intégration de ses possibilités. Et on peut penser que les entrepreneurs et vos employés petits malins seront souvent plus agiles que les structures d'entreprises.

Car l’enjeu pour les entreprises va bien être de trouver les moyens de se distinguer face à la profusion de contenus créatifs de qualité. Ce qui va faire la différence, c’est leur capacité à utiliser ces nouveaux outils pour justement améliorer leur vitesse d’exécution opérationnelle et surtout leur capacité d’innovation.

Les clients eux-mêmes vont faire partie du jeu, et vont être moins fidèles si l’entreprise ne se bouge pas assez vite. Et cela vaut pour les entreprises Tech. Regardez l’application BeReal, créée par deux jeunes français de l’Ecole 42 en 2019. Il s’agissait d’un nouveau réseau social, présenté comme « authentique » pour partager des photos en temps réel. Les deux créateurs ont levé 30 millions de dollars en série A, et encore 60 millions en série B en octobre 2022. Et le réseau a atteint 15 millions d’utilisateurs quotidiens à l’été 2022. (L’étude de Fjord Trends les citent comme un succès formidable et le signe d’une tendance à la création de nouvelles communautés). Mais voilà que depuis cette fréquentation est en chute libre. La désaffection tient au manque de nouvelles fonctionnalités importantes, les premières ayant été copiées par les concurrents (Instagram a même proposé une option « à la BeReal »). Les jeunes utilisateurs sont passés à autre chose, et le nombre d’utilisateurs actifs est passé à 6 millions en mars 2023.

Oui, quand la créativité se démocratise, et est accessible à tous grâce au co-pilotage de l’IA et des technologies, il est possible de démonter les situations acquises, de se faire de la place, d’inventer du nouveau n’importe où.

Comme on dit au casino :

Faites vos jeux !

Précision : C'est bien moi l'auteur de ce post, et non Chat GPT !


Génération Alpha : quoi de neuf ?

ALPHASLe marketing aime bien segmenter les clients.

J’ai souvenir d’un dirigeant me demandant de l’aider à trouver des idées de produits et services pour capturer plus de revenus des personnes âgées et retraitées d’aujourd’hui, dont le pouvoir d’achat n’a jamais été aussi grand, et qu’il faut capturer avant leur décès. Et avant que n’arrive la génération de retraités qui auront moins de revenus.

Mais aujourd’hui une nouvelle catégorie, à l’autre bout du spectre, attire les convoitises : la génération de ceux qu’un chercheur australien, Mark McCrindle, a appelé « la génération Alpha ». C’est celle qui vient après les Z. Ce sont tous ceux nés après 2010, qui sont encore à l’école, mais qui augmentent chaque jour. Mark McCrindle ayant calculé que 2,5 millions d’alphas viennent au monde chaque semaine. Ils vont très bientôt dépasser en nombre les « Baby-Boomers » (ceux nés entre 1946 et 1964, ceux qui passionnaient mon dirigeant) et connaîtrons pour la plupart le 22ème siècle.

Ce sont encore des bébés ou ados qui nous ressemblent, mais qui promettent d’être aussi très différents des générations précédentes.

Il y a encore peu d’études sur cette génération, et celle de Mark McCrindle sert donc de référence aux articles que l’on peut lire sur le sujet.

Et qu’est-ce qu’elle a de spécial cette génération qui aura 20 ans en 2030 alors ?

Ils seront exposés dès leur plus jeune âge aux écrans, d’où leur nom de « génération de verre », ou aussi « screenagers » (2010, c’est aussi l’année de l’arrivée de l’Ipad, qu’ils vont connaître dès leur naissance). .

Et grâce à ces écrans, ils auront accès à un nombre de connaissances inégalé, et auront donc une relation différente au savoir, plus utilitaire et opportuniste. Pour la plupart, ils étudieront plus longtemps et entreront dans la vie active plus tard que leurs prédécesseurs (Générations Z et Y, leurs parents). Et leur apprentissage scolaire impliquera plus de technologies. McCrindle y voit une génération la mieux instruite que jamais (certains parents et professeurs en doutent peut-être encore néanmoins quand ils observent leurs enfants et élèves…). Mais, ayant le sentiment d’avoir accès à de nombreuses sources d’informations gratuites, cette génération va se caractériser par une moindre acceptation de l’autorité « arbitraire » du professeur. Ce qui promet dans leur rapport à la hiérarchie et aux managers plus tard. Le professeur, comme le manager, doit être vu comme un « coach » qui révèle les potentiels des élèves et employés.

Mark McCrindle a identifié quatre caractéristiques fondamentales de cette génération, qui font déjà cogiter les directeurs du marketing :

1. Ils vont grandir dans le monde digital et y être créateurs

Tout le monde connaît les outils digitaux, mais être né avec c’est nouveau. Et cette génération ne va pas seulement consommer les outils et réseaux sociaux, mais va être aussi la génération des créateurs de contenus ; le Metaverse est déjà là pour les créateurs de jeux, et autres expériences. Et ils s’y mettent de plus en plus jeunes. Ils vont aussi agir en collectifs, et avoir une influence directe sur les marques, comme on le voit déjà avec le monde de ceux qu’on appelle « les influenceurs » (Gen Z), qui vont être encore plus nombreux avec la Gen Alpha.

Pour le marketing, s’adresser à cette génération passera forcément par le digital, la technologie, et la cocréation de services et produits.

2. Une génération marquée par les années Covid

Les années 2020 et 2021 de Covid auront été pour cette génération les années de l’éducation à la maison et des Zooms avec les grands-parents. McCrindle fait l’hypothèse que pour beaucoup, ces expériences marqueront leur enfance et seront considérées dans les prochaines décennies comme le souvenir de leurs première années de formation.

3. Une génération globale connectée et influencée

C’est la génération qui se développera dans une culture globale de jeux, de streaming, de réseaux sociaux (Tik Tok, les mangas, WeChat, etc).

4. La génération des grands-parents

C’est peut-être la caractéristique la plus surprenante de l’analyse.

Contrairement à leurs parents, qui ont connu l'essor économique et l'insouciance de l'endettement, cette génération se forme dans une ère de volatilité économique et d'inabordabilité croissante du logement.

Pour ces Alphas, l'épargne est une vertu, la sécurité de l'emploi est importante et l'accent est à nouveau mis sur la destination financière, et non plus seulement sur le voyage. Le travail acharné est de retour, la résilience est à l'ordre du jour et les produits d’occasion redeviennent cool. À certains égards, les consommateurs ressemblent à leurs grands-parents, mais avec des crypto-monnaies. McCrindle identifie aussi des comportements plus casaniers dans cette génération.

Pour le marketing, cette génération ne dépensera pas n’importe comment. Les offres vont devoir s’adapter.

Car cette génération Alpha aura aussi de nouvelles valeurs, qui prolongent celles des Z que l’on connaît :

  • Tolérance à la diversité et aux pluralités d’opinions ;
  • Forte sensibilité écologique, au point de ne pas supporter de voir jeter un chewing gum par terre ;
  • Neutralité de genre : Les distinctions de genres sont d’un autre temps. Bleu et rose, collants ou vernis à ongle vont aussi bien aux filles qu’aux garçons. Encore une tendance que les experts du marketing vont surveiller.
  • La consommation est un marqueur identitaire très important pour eux. Aux États-Unis, la majorité des enfants font leur premier achat sur Internet dès l’âge de 9 ans. Les plateformes, les places de marchés, et les metaverse d’échange d’actifs (NFT) en cryptos ont de l’avenir.

Alors ; la génération Alpha, elle a encore à voir avec les précédentes un peu, mais elle nous promet des surprises ; ne nous fions pas à ces visages qui nous rappellent quelqu’un, non ?


Internet des sens ou victoire de l’avachissement ?

CanapéAprès avoir été enfermés à cause du Covid, en 2020 et 2021, est-ce que l’on se remet à bouger et à voyager, ou bien préférons-nous rester chez soi ?

Et comment cela va-t-il évoluer dans les années à venir ?

Voilà une bonne question de prospective pour les entreprises de transports, de voyages et de tourisme. Et pour interroger nos comportements et envies.

Le Directeur de SNCF Voyageurs, Christophe Fanichet, indiquait au Figaro que « le 8 mars, jour de l’ouverture des ventes pour l’été, nous avons établi un record avec un million de billets vendus ».

Pour les vacances de février, c’était 11 millions de billets vendus, soit plus qu’en 2019, avant la crise sanitaire. Et globalement en 2022, la fréquentation a augmenté de 5% par rapport à 2019. Ce qui augmente le plus, dans les TGV, ce sont les voyages pour raison privée, qui compensent la baisse des voyages professionnels (le télétravail est passé par là).

Côté trafic aérien, même constat : Air France espère retrouver cet été son trafic de 2019.

Concernant le tourisme, Atout France indiquait dans sa note de conjoncture de février 2023 que les recettes du tourisme international vers la France en 2022 étaient de 58 milliards d’euros, soit un niveau supérieur à celui de 2019.

Mais tout cela va peut-être changer avec le développement de ce que l’on appelle déjà « The Internet of Senses (IoS) », popularisé par les enquêtes et recherches de la firme suédoise Ericsson.

Grâce aux technologies d’Intelligence Artificielle, de réalité virtuelle, et à la 5G, nous pourrions, d’ici 2030, avoir la possibilité d’ajouter les sens du toucher et de l’olfactif dans les expériences virtuelles. On envisage aussi de permettre de ressentir les poids et la vitesse d’objets digitaux.

On imagine bien les révolutions que cela apporterait dans les expériences d’achat en ligne (pouvoir toucher, sentir et goûter les produits), ainsi que pour le tourisme (pourquoi se déplacer si on peut vivre la même expérience avec un casque connecté ?).

Il y a même déjà un « Institut de l’Internet des sens » 

Des expériences existent aussi pour combiner le physique et le virtuel pour améliorer l’expérience du touriste, et faire revivre l’histoire (« History Tourism »). Ainsi l’office du tourisme de Singapour prépare une expérience dans un fort de la 2ème guerre mondiale pour faire revivre en virtuel la défense de ce fort par les troupes britanniques.

Les technologies de réalité virtuelle sont aussi utilisées pour améliorer la visite des villes.

L’Ukraine a ainsi entrepris de digitaliser ses monuments et lieux historiques de Kiev pour garder son patrimoine et sauver son histoire avant que les Russes ne la détruisent complètement. On peut voir les lieux et objets en ligne ou vie des QR codes.

Les start-up font aussi partie du jeu pour faire émerger cet internet des sens.

 Ainsi la société grenobloise Aryballe développe depuis 2018 un nez artificiel permettant de capter et analyser les odeurs.  

Mais ces promesses ne convainquent pas tout le monde. Pascal Bruckner vient de publier un livre qui condamne ce « sacre des pantoufles » qu’il assimile à un « renoncement du monde ». Avec ces outils digitaux, on serait condamnés à rester chez soi, sortir dehors dans le vrai monde étant assimilé à un danger. C’est comme si on avait pris l’habitude d’être enfermés à cause du Covid, et qu’on en redemandait encore après. Pascal Bruckner n’est pas très sensible à la « féérie digitale » et y voit plutôt la « victoire de l’avachissement », avec une question : Qu’apprenons-nous avec la réalité virtuelle ? La réponse : « à rester assis ou allongés. Nous y prenons des leçons de siège. Il faut des corps rassis pour une société elle-même rassie qui vise à faire tenir les gens tranquilles, chez eux, pour mieux les livrer aux hold-up des cerveaux. L’écran, quel qu’il soit, est vraiment la tisane des yeux ; il n’interdit ni ne commande rien mais rend inutile tout ce qui n’est pas lui, il nous divertit de tout, y compris de lui-même ».

« Aujourd’hui, se ramasser chez soi, c’est aussi se déployer à la façon d’un radar qui reçoit les émissions du monde entier, les deux mains pianotant sur le clavier, la télécommande, le smartphone ». C’est ce que l’auteur appelle la « vita virtualis » : « Bien au chaud dans la Caverne, loin des intempéries, on regarde ce qui vient du lointain non comme la lumière des Idées mais comme les ténèbres de l’aléa ».

Et cet enfermement volontaire devient le mode de vie normal : « Même une activité aussi simple que d’aller au cinéma est devenue problématique : Pourquoi sortir de chez soi, s’enfermer dans une salle obscure avec des inconnus, voir un film, peut-être médiocre, alors que j’ai un choix illimité de spectacles sur mon écran (en France, la fréquentation des théâtres et cinémas a déjà chuté de presque 40% en 2022) ? ».

On comprendrait alors que ce besoin de loisirs par écran fasse sortir pour manifester contre l’allongement du temps de travail et la réforme des retraites même les plus jeunes.

Pascal Bruckner affiche son pessimisme sur notre temps : « Nous sommes entrés depuis la fin du XXème siècle dans un temps stérile et trop de camps rêvent de soumettre l’humanité à un impératif de régression ».

Et tout concoure à nous faire peur de sortir et de bouger, le changement climatique, les épidémies, le terrorisme, les guerres.

« Comment s’étonner que les jeunes générations soient hantées par des cauchemars, ne croient plus à l’avenir et courent se jeter dans le terrier, tête la première, en attendant la fin du monde ? Le besoin de sécurité absolue peut étouffer jusqu’au goût des autres. La fin du monde, c’est d’abord la fin du monde extérieur, c’est le manque d’attirance pour la vie commune. ».

Le livre se termine quand même par une note d’espoir en espérant que le clan des « partisans de la résistance » (les jeunes générations montantes, et les moins jeunes, qui veulent encore forger l’avenir et y contribuer activement), et le clan des « apôtres de la capitulation », ceux pour qui « le chez-soi est un empire qui annexe tout le dehors et l’avale sans ménagement ».

Alors, quoi choisir : l’internet des sens ou la victoire de l’avachissement ? Capituler dans son canapé ou agir et innover ? 

La quatrième révolution industrielle a besoin de nous.

 


Carcasses abandonnées ?

CarcasseCela fait quelque temps que ce concept d’ « homo oeconomicus » inventé par les économistes du XVIIIème siècle n’a plus la côte qu’il avait à l’origine. Il est construit sur l’hypothèse que les comportements humains sont guidés par des intérêts économiques, considérant que l’individu est un être rationnel qui cherche toujours à maximiser son bien-être économique, une sorte de calculette sur deux pattes.

On considère aujourd’hui que les comportements humains sont plus complexes, et font intervenir, outre les intérêts économiques, les émotions, les valeurs ou les croyances, qui viennent nous faire prendre des décisions qui peuvent être contraires à nos intérêts purement économiques. Les sciences comportementales et les neurosciences sont passées par là pour remettre en perspective des motivations humaines comme l’altruisme, le don ou la coopération, qui n’étaient pas perçues par les économistes d’hier.

Mais, au-delà de ces inflexions, ce qui a profondément changé nos comportements, ce sont les nouvelles technologies. C’est l’objet du livre de Diana Filippova, « Techno Pouvoir ».

Ce livre n’est pas une critique des technologies, mais une analyse fine de la manière dont la technologie influence notre vie quotidienne et notre société, de manière non consciente parfois, d’où ce concept de « Techno Pouvoir » qui décrit le pouvoir de la technologie sur nos modes de vie, et la façon dont nous nous connectons et interagissons avec le monde et avec les autres.

Son hypothèse est que, avec les technologies, l’homo oeconomicus est devenu ce qu’elle appelle un « homme sans qualités », c’est-à-dire un individu qui a perdu toutes ses caractéristiques distinctives, qui se fond dans la masse, devenant interchangeable avec n’importe quelle autre personne. En étant connectés aux mêmes outils technologiques, aux mêmes réseaux sociaux, aux mêmes algorithmes, nous deviendrions quasiment interchangeables, classés dans des « catégories » fabriquées par les nouvelles technologies, qui permettent aux « influenceurs » de déployer toutes les stratégies pour chasser les «vues » et les « like », ainsi que les « abonnés » et « amis ». Et nous suivons comme des moutons tous les "like" des autres sans réfléchir. 

Au point de se demander si nous avons encore la possibilité de se distinguer et de cultiver nos passions dans un monde de plus en plus uniformisé par la technologie qui nous dit ce qu’il faut penser et « liker » pour être dans le coup et suivre les tendances. Dans ce monde, l’intelligence humaine se dégrade pour devenir une « intelligence mécanique », d’où, d’ailleurs, la facilité avec laquelle se développe l’intelligence artificielle, puisque l’intelligence humaine elle-même ressemble de plus en plus à une intelligence artificielle. Diana Filippova reprend une formule de Shoshana Zuboff qui décrit l’homme moderne comme « une carcasse abandonnée ». L’homme est devenu « des données, plus une carcasse. Ni corps, ni âme, ni conscience ».

Bien sûr, tout n’est pas foutu, et Diana Filippova nous encourage aussi à essayer de s’en sortir, en ayant une réflexion plus critique sur les technologies, et comment nous les utilisons.

Peut-être va-t-on voir le retour de ces notions de conscience. Prendre conscience de ces effets intrusifs des technologies sur nos vies, c’est aussi le moyen de cultiver notre identité. Certains ont déjà choisi de se déconnecter, de s’éloigner un peu plus des réseaux sociaux, de prendre le temps de penser par soi-même, même différemment des masses. Plutôt que de courir après les « like » et ces centaines de milliers d’ « amis » que nous ne connaissons pas, développer un cercle de relations qui partagent nos valeurs, et nous permettent de nous affirmer« uniques ».

La fin de l’ouvrage de Diana Filippova nous y encourage :

«  Triste horizon que celui de ces « spécialistes sans vision et voluptueux sans cœur » qui peuplent la société devenue cage d’acier. Il y a en elle des cachettes et des fissures que le techno-pouvoir n’est pas en mesure d’atteindre ou de museler. C’est celui que des quidams de tout bord et de toutes fonctions dégagent des obstacles qui l’encombrent lorsqu’ils opposent, dans l’intimité de leur foyer ou dans les espaces publics, la puissance de leur volonté et les merveilles de leur imagination, individuelle et collective.

Laissons éclore ces imaginaires dans l’ombre, hors d’atteinte des instruments du technopouvoir. Mais n’oublions pas que viendra un moment où il faudra quitter le confort douillet des interstices et enjamber les quelques marches qui nous séparent de l’arène où se font les jeux et se livrent les batailles ».

Un bon conseil pour terminer 2022 et aborder 2023, forts de la puissance de la volonté et des merveilles de l’imagination pour enjamber les prochaines marches.


Un terrain dans le Metaverse

MetaverseterrainLes technologies de l’information, ce sont aussi des technologies de la communication. La promesse initiale de l’internet, et aujourd’hui celle des réseaux sociaux, c’est de pouvoir connecter les gens et pouvoir communiquer facilement et instantanément avec des tas de gens sur la planète. C’est ce qu’on a appelé le « village global ». C’est devenu une habitude normale. Ce que ces technologies ont aussi permis, c’est de créer des communautés, des mondes qui n’existent pas, à partir de rien, en dehors de tout Etat ou structure institutionnelle organisée. Cette promesse, et cette possibilité, est amplifiée avec le metaverse, qui permet de faire exister des plateformes, des espaces, où l’on peut se rencontrer et échanger dans un univers virtuel, comme dans un nouveau monde, avec notre avatar.

Un metaverse qui fait parler de lui en France est The Sandbox, avec la particularité d’avoir été créé par des Français, et dont un des fondateurs, Sébastien Borget, est aujourd’hui le COO.

A l’origine, The Sandbox est un studio de jeu vidéo créé en 2012 (dix ans déjà !). Il permettait aux joueurs de créer leurs propres mondes, et de participer à des challenges. En 2018, The Sandbox est acheté par Animoca Brands, une entreprise de jeu de Hong-Kong. C’est à la suite de cette acquisition qu’est développée la version actuelle de The Sandbox, en s’appuyant sur la cryptomonnaie Ethereum. Ceci permet alors de fournir un environnement virtuel où les joueurs peuvent créer, posséder, et vendre leurs expériences de jeu. Le but de The Sandbox est d’introduire la blockchain dans les jeux, séduisant les joueurs avec les bénéfices apportés par la propriété, la rareté des objets digitaux, les possibilités de monétisation, et l’interopérabilité inter-jeux.

The Sandbox a créé la plateforme permettant aux joueurs et aux créateurs de jeux d’acheter et d’échanger des NFT et actifs numériques, créant aussi un intérêt pour les investisseurs. Elle fonctionne avec une blockchain et cryptomonnaie propre à l’univers, le Sand. En 2019, The Sandbox a levé 2 millions de dollars auprès d’un groupe d’investisseurs, puis 2 millions supplémentaires en 2020, et enfin 93 millions de dollars en 2021, notamment auprès de Softbank.  

Depuis deux ou trois ans, la plateforme a attiré, non seulement des joueurs, mais aussi des marques qui ont acheté des parcelles, avec l’idée de développer de nouvelles expériences pour marketer leurs marques. Le principe est de vendre des « terrains », correspondant à des « tokens », qui représentent un morceau numérique dans la carte de la plateforme. Les joueurs peuvent acheter des « terrains » pour y créer des expériences et des jeux, qui sont les « actifs » du « terrain ». On peut aussi fusionner des « terrains » pour en faire des « estates », qui permettent aux propriétaires d’y créer de plus grandes expériences plus immersives. Le nombre de « terrains » sur The Sandbox est limité à 166.464, chaque « terrain » étant constitué d’une surface de 96*96 mètres. Ces « terrains » peuvent ensuite être commercialisés comme des NFT, sur The Sandbox, ou sur des plateformes externes de vente de NFT (comme OpenSea ou Rarible). Aujourd’hui, 70% des terrains ont déjà été vendus, et The Sandbox prend une commission de 5% sur chaque revente dans le marché secondaire, qui est majoritaire maintenant. Pour comprendre l’engouement du concept, il suffit de noter que la vente primaire de Janvier 2022, qui a offert 61 terrains (à un prix de 1000 Sand, soit 5.000 dollars) et 95 « terrains premium » (à un prix de 4.500 Sand / 22.000 dollars) a été totalement vendue en…deux secondes ! (Source : CFTE – Center for Finance, Technology and Entrepreneurship). Car les ventes primaires de terrains par The Sandbox ne se font qu’à certaines périodes (les « Raffles »). Sinon, il faut aller les acheter sur le marché secondaire, via des plateformes comme OpenSea.

Acheter des « terrains » sur The Sandbox est plus simple que d’acheter un terrain dans le monde physique : tout se fait en un clic, sur OpenSea. Mais c’est aussi plus complexe, car contrairement aux achats d’immobilier dans le monde physique, il n’y a pas de tiers de confiance représenté par un avocat pour certifier la provenance du terrain que l’on achète, ou que la vente est légitime. D’où les arnaques et piratages qui peuvent être fréquents dans ce monde des NFT, venant de logiciels malveillants qui peuvent faire croître ou décroître les prix avec de fausses transactions. Ceci n’est pas spécifique à The Sandbox, mais constitue un risque général pour les NFT.

Malgré ces risques, le montant des achats de terrains sur The Sandbox a fortement augmenté en 2021 encore. D’après l’étude du CFTE (Center for Finance, technology and Entrepreneurship),les plus gros acheteurs parmi les marques sont des entreprises de médias, de jeu, ou de marketing. Mais il y a aussi Carrefour, Alexandre Bompard, leur CEO, ayant déclaré qu’il allait faire passer des entretiens d’embauche dans le metaverse. Ce qui lui a valu une quantité de commentaires railleurs dans les réseaux sociaux sur la pauvreté esthétique de son magasin virtuel. Et le terrain de 36 hectares acheté par Carrefour pour 120 Ethereum (soit 300.000 euros) est toujours vide.

De nombreuses marques achètent en fait des terrains sans trop savoir ce qu’elles vont en faire, victimes du syndrome « FOMO » (Fear Of Missing Out), la peur de manquer quelque chose. Et le prix des terrains varie en fonction de la proximité du terrain d’une marque connue. Ainsi le rappeur Snoop Dog, qui a acheté un terrain pour y créer un « Snoopverse », a suscité un attrait particulier pour les terrains à proximité qui se sont vendus jusqu’à 450.000 dollars.

The Sandbox a enregistré un chiffre d’affaires de 180 millions de dollars en 2021. Sébastien Borget déclarait récemment à Challenges que la carte Sandbox est aujourd’hui valorisée 1,4 milliards de dollars, et que les transactions sur les terrains ont représenté en 2021 un volume de 500 millions de dollars. Même si la fréquentation de la plateforme reste modeste encore : environ 39.000 visiteurs uniques par jour, et 201.000 par mois. Tout l’enjeu est maintenant de faire revenir les utilisateurs, en gamifiant le maximum de choses, telles que, toujours selon Sébastien Borget, « des quêtes, de la socialisation avec des rencontres ou une exposition de NFT ».

Le metaverse sera-t-il Top ou Flop ? Et quelle sera la stratégie de développement de The Sandbox pour le futur ?

La question reste ouverte, avec les pour et les contre, qui, sans rien y connaître particulièrement, nous donnent leurs pronostics.

En attendant, pour acheter un terrain dans The Sandbox, vous pouvez suivre les tutos qui vous expliquent tout.

Par contre il ne semble pas y avoir de « Black Friday » pour ces ventes.

A suivre.


Quand un vicomte ne rencontre pas un autre vicomte...

Chevalier«  Quand un vicomte rencontre un autre vicomte… » ; On connaît la chanson de Maurice Chevalier : « Qu’est-ce qu’ils s’racontent ? Des histoires de vicomtes ».

Alors si on ne veut pas s’enfermer dans nos histoires de vicomtes, toujours les mêmes, il est bon de mélanger et de diversifier un peu plus nos cercles de discussions et nos rencontres.

C’est exactement l’idée d’une grande entreprise qui m’a invité à participer à un « groupe de réflexion » autour du thème de l’expérience et de la relation client. Nous étions une dizaine, une coach, un chercheur, des experts Innovation de grands groupes, un start-uper de la blockchain, un expert en I.A, un « Chief Scientific Officer », un analyste d’un institut de recherche Marketing, une « Head of B2C&CX », tous d’entreprises différentes, des femmes et des hommes, peut-être pas assez de jeunes.

Le succès est aussi dû aux qualités de l’animateur, bienveillant, ne donnant pas trop de règles, pour laisser les échanges s’improviser et les idées circuler entre les participants, assis sur des fauteuils confortables, en cercle, sans table ni bureaux.

Ce fut un bon moment.

Et de quoi avons-nous parlé, alors ?

L’analyste Marketing ouvre le bal avec le résultat d’une enquête qui montre que, quand on interroge les Directeurs Marketing sur leurs « top priorités » pour 2022 pour leur Département Marketing, ils répondent, en premier ( 34% des réponses) que c’est le focus sur la marque Employeur et l’expérience collaborateur. C’est l’expérience collaborateur qui fait l’expérience client ; on l’a déjà entendu avec ce que l’on a appelé la « symétrie des attentions », ce n’est pas nouveau, mais que les Départements Marketing client en fassent une priorité, voilà du grain à moudre.

Ça part un peu dans tous les sens, avec cette histoire d’expérience collaborateurs ; on parle de l’importance de l’attitude des collaborateurs dans un Groupe hôtelier, et de la difficulté d’avoir prise quand ce sont des collaborateurs des franchisés ; il faut trouver les bons leviers pour être influents sans diriger. On va évoquer le « besoin de sens » des jeunes ; Mais « le sens, ça ne veut rien dire ! » nous dit la coach. Ouch ! Et ça repart. La balle circule.

Heureusement, l’animateur est là pour réorienter et relancer les questions.

Forcément, on parle de technologies.

Le metaverse, on y est ou on n’y est pas encore. Les avis sont partagés (dans l’enquête Marketing déjà citée, « créer une stratégie pour le metaverse » vient en avant-dernier pour les Top 10 priorités).

La Blockchain, c’est une vraie révolution, cette capacité à rendre unique un actif numérique, c’est permettre d’apporter plus de confiance aux utilisateurs, en créant des infrastructures de confiance, pour stocker son identité numérique, et le reste, dans son smartphone. Fini les porte-monnaie en cuir dans nos poches (on fait le test : qui a encore un porte-monnaie en cuir dans sa poche ?).

Oui, mais la blockchain c’est aussi la consommation d’énergie pour une transaction de bitcoin qui équivaut à 1 million de transactions VISA. Ouch ! On est reparti dans la discussion.

De la technologie, on passe aux données. C’est le cœur de l’innovation client ? La loi RGPD a eu une vertu éducative pour nous rendre compte de la valeur de la donnée, et de l’enjeu de s’approprier la manière dont elle est utilisée. Pour le moment, les données sont exploitées par les opérateurs sans qu’on sache toujours très bien comment. L’un des participants nous l’a dit « Je hais Facebook, et n’y suis pas ! ».

Aujourd’hui, en termes de consommation d’énergie et d’usage des données, on n’est pas confortable (un participant nous dit « on est dans la m… »). Y-a-t-il de quoi s’inquiéter ? Oh, que non ! ; c’est dans ces moments où ça ne va pas que les innovations de rupture surgissent et relancent le jeu. A nous d’innover et d’être dans le jeu (ça me rappelle le livre de Simon Sinek, «  the infinite game »).

Mais pour innover, comment faut-il faire ? Sûrement pas en restant enfermés dans les bureaucraties des grands groupes ; mais en créant des structures libres, comme des start-up à l’intérieur des grandes entreprises, avec une structure « hyper flat », qui apprennent à échouer et à changer de projet quand ce n’est pas le bon (dans la Silicon Valley, 95% des projets échouent, donc ce chiffre de 5% de réussites est à garder en tête).

Et puis, pour garder les bons collaborateurs, on en revient au management, surtout le « management de proximité », qui fait la différence et nourrit le collaborateur qui se pose aussi des questions : Est-ce que cette entreprise, ce travail, contribue à quelque chose qui me motive dans la société ? Et est-ce que l’on m’écoute, est-ce que je compte dans cette entreprise ?

Au bout de trois heures de discussions, on arrête.

Une belle expérience, on a appris plein de choses, on a découvert de nouvelles idées et de nouvelles personnes. On repart avec une envie d’innover et de faire partie du jeu, chacun selon sa place.

Pourquoi les entreprises ne font-elles pas ça plus souvent ?

On se retrouve dans un mois ; Hâte d’y être.

Sans vicomtes, ni marquises...

 


L'humanité est-elle périmée ?

Singe2L’intelligence artificielle, c’est le sujet qui donne envie et soif de progrès technologiques, avec toutes les opportunités dans la santé (diagnostics de maladies, prévention, soin), ou pour augmenter les capacités de l'homme en général ; Mais c'est aussi le sujet qui fait peur, notamment d’être hypersurveillés, ou remplacés par des robots.

C’est le thème du roman de deux auteurs américains, Peter Singer, consultant pour le Département d’Etat US, et August Cole, un des organisateurs du Pentagon Next Tech Project, « Control ». C’est un thriller qui vise aussi à nous montrer que « L’ère de l’IA et de l’hypersurveillance a déjà commencé ».

Car si l’histoire est une fiction, toutes les technologies et outils qui y sont évoqués sont bien réels et existent tous déjà. Le livre montre leur utilisation au maximum, et comprend une annexe de notes qui renvoient à des publications ou liens web sur les technologies évoquées.

Et alors, à lire tout ça, certains pourront avoir peur en effet. L’histoire est celle d’un agent du FBI assisté dans ses activités par un robot qui analyse en temps réel un grand nombre de données. L’agent FBI et les acteurs du roman sont équipés de montres connectées, mais aussi de lunettes connectées permettant d’analyser l’environnement en temps réel. Et on peut voir la différence entre ceux qui sont équipés de ce genre de lunettes et ceux qui en sont restés au smartphone : « Les plus âgés et les plus pauvres avançaient tête basse, le nez sur leur écran, tandis que le territoire virtuel était l’apanage des jeunes et des plus riches qui embrassaient l’espace d’un regard vide, plongés dans une réalité personnalisée via leurs Viz Glass ».

Avec ces technologies et ces outils, l’homme devient un « homme augmenté » en coopération permanente avec le robot. L’agent du FBI est accompagné par un de ces robots, qui devient son assistant (jusqu’à ce que soit l’inverse ?) et apprend en même temps qu’il suit et aide l’agent dans ses tâches. Ce robot devient le complément de l’homme pour le rendre plus efficace et plus fort.

On rencontre aussi dans ce roman ceux qui veulent se dissimuler des outils de surveillance : «Le look de cette jeune fille n’était qu’un simple déguisement antisystème. Les cheveux décoiffés et un maquillage réfléchissant asymétrique capable de dérouter les caméras de reconnaissance faciale – dans son cas, une figure géométrique à sept côtés sur la joue gauche, et la moitié d’un damier sur la droite. Des boucles d’oreilles rondes, en verre bleu, avec un étrange motif gravé dessus, très probablement une sorte d’image contradictoire destinée à tromper les logiciels de reconnaissance des objets en leur faisant croire qu’ils voyaient une grenouille ou une tortue ». Ces techniques de piège existent bien.

Mais on trouve aussi, bien sûr des écrans sur les réfrigérateurs qui vous indiquent sans ouvrir la porte ce qu’il y a à l’intérieur, et ce qu’il faut réapprovisionner.

Les robots sont partout, même dans un « club libertin robotique » où l’on peut faire plein de choses avec des robots à image humaine ou non, et même leur taper dessus pour les détruire et assouvir une violence rentrée (ça rappelle la série Westworld).

L’intelligence artificielle a aussi déjà perturbé les emplois. Un des personnages a fait des études d’avocat, mais n’a plus de travail, car, pour régler les litiges, et définir les résultats d’un procès éventuel, l’intelligence artificielle fournit le résultat certain, donc plus besoin d’avocat ou de procès dans la plupart des cas. Le personnage s’est reconverti dans des séances d’écoute par téléphone de personnes âgées solitaires qui s’ennuient.

A la fin du roman les auteurs expliquent leur démarche : « Ce roman s’attaque à des problèmes bien réels auxquels nous seront confrontés dans les années à venir ». Le but du livre est « d’encourager la réflexion autour des épineux problèmes liés aux rapports entre nouvelles technologies et société, qui ne seront bientôt que trop réels ».

Ils considèrent que grâce à la fiction et aux notes, qui permettent d’en apprendre davantage au sujet de telle ou telle technologie, nous nous sentirons « investi d’un nouveau savoir à l’heure d’affronter ces enjeux dans la vraie vie ».C’est plutôt réussi, et la lecture de ce roman en vaut la peine, pour mettre à jour nos savoirs.

Qu’en penser alors ?

Cette histoire d’ « homme augmenté », c’est aussi le sujet d’un petit livre aux éditions de l’aube ( « L’homme augmenté – cyborgs, fictions, metavers ») avec des contributions de divers auteurs. Jean-Michel Besnier, philosophe et professeur émérite à Sorbonne-Université, nous aide à prendre de la hauteur sur le phénomène, en interrogeant le "portrait du transhumaniste"

En bon philosophe, il commence par la thèse (accrochez-vous) : « A la sélection naturelle du plus viable succède ainsi la sélection du plus fort grâce aux technologies et, de cette relève, nous pouvons espérer l’émergence de l’espèce la mieux adaptée. On l’aura deviné : notre humain augmenté se fait fort d’anticiper cette émergence, et son triomphe consacrera bientôt l’obsolescence de l’humain, resté étranger aux sophistications techniques… Quelques technophiles échevelés donnent déjà le ton : il est grand temps de choisir entre l’humain et le chimpanzé ! Ou bien l’aventure qui propulsera une espèce héritière de l’hybridation de l’humain et de la machine, ou bien le parc zoologique qui abritera les derniers spécimens d’une humanité périmée… ».  

Doit-on y croire ? Voilà l’antithèse du philosophe :

« En attendant, je me demande si l’humain augmenté ne fait pas déjà le singe. Pas seulement avec ses gadgets : sa montre connectée, ses biocapteurs, son casque de réalité virtuelle ou ses exosquelettes, mais surtout avec ses refrains apocalyptiques évoquant la colonisation de l’espace ou le téléchargement du cerveau dans le cyberespace pour échapper à l’anéantissement ! La panoplie du transhumanisme s’enrichit au gré des innovations et des fantasmes qui les propagent sur le marché fréquenté par les nantis de la planète ».

L’auteur voit un signe avant-coureur de la tendance dans l’obsession de la santé parfaite que l’on constate aujourd’hui : « Il ne suffit évidemment pas d’être privé de maladie , encore faut-il attirer sur soi tout ce qui met l’existence à l’abri de l’usure et du risque associé au fait de vivre. La moindre ride sur le visage, l’apparition de taches sur les mains, les signes annonciateurs d’un surpoids sont déjà des offenses qui ne sauraient résister à la cosmétologie ou au fitness ».

Pour en conclure que « l’humain augmenté couve dans le nid bordé par les hygiénistes de tous poils. On le voit partout braver ses contemporains en exhibant son physique épargné, croit-il, par le vieillissement ».

Finalement, l’homme augmenté est-il plus libre ? Ou le contraire ?

«L’engouement pour l’homme augmenté signale la dernière version de la servitude volontaire : réclamer toujours davantage de moyens technologiques pour être un animal laborans efficace, proactif et infatigable…Faute de vouloir imaginer ce qui serait le mieux, on préfèrera encourager la production du plus, du toujours plus ! Non pas « améliorer » mais « augmenter… ». ».

Veut-on du plus ou du mieux ? Être libre ou en servitude ?

C’est l’homme qui décidera de l’avenir.

Ou est-ce déjà trop tard ?

La question reste ouverte.


Services financiers dans le Metaverse : la chasse est ouverte

ChasseouverteDans ce qu’on a appelé le Web 2.0, c’est-à-dire internet, les services financiers et les banques ont utilisé ces technologies essentiellement pour la formation des employés, pour créer des espaces d’interactions avec les clients ou pour les employés, des offres de « banque en ligne », ainsi que des services virtuels de conseil en investissements. Ces offres et services sont aujourd’hui plutôt matures et proposés par toutes les entreprises. Mais, en fait, cela n’ a pas fondamentalement changé leur business model, qui est resté identique à celui du monde physique. C’est comme dans une agence, mais en ligne. C’est comme dans une classe de formation, mais en ligne, devant son ordinateur.

Mais tout va être différent avec le Metaverse, qui offre des perspectives plus importantes, et peut bouleverser les modèles plus profondément.

On peut déjà observer les initiatives des pionniers, rapportées notamment dans ce récent rapport (juin 2022) de Mac Kinsey qui analyse les impacts actuels et potentiels du Metaverse par secteur d’activité.

En 2022, les initiatives se sont multipliées, et peuvent inspirer les autres. Cela concerne les communautés et les paiements dans le metaverse.

En mars 2022, la banque HSBC a annoncé un partenariat avec The Sandbox, pour y acheter un terrain virtuel destiné à créer une communauté avec les fans de e-sports. Le Directeur Marketing de HSBC Asia-Pacific a déclaré à cette occasion : « Le métavers est la façon dont les gens vont vivre le Web3, la prochaine génération d'Internet, en utilisant des technologies immersives comme la réalité augmentée, la réalité virtuelle et la réalité étendue. Chez HSBC, nous voyons un grand potentiel pour créer de nouvelles expériences par le biais de plateformes émergentes, ouvrant un monde d'opportunités pour nos clients actuels et futurs et pour les communautés que nous servons. Grâce à notre partenariat avec The Sandbox, nous faisons une incursion dans le métavers, ce qui nous permet de créer des expériences de marque innovantes pour nos clients actuels et futurs. Nous sommes ravis de travailler avec nos partenaires sportifs, les ambassadeurs de nos marques et The Sandbox pour cocréer des expériences qui sont éducatives, inclusives et accessibles ».

La FinTech Sokin, à Londres, a annoncé en février 2022 qu’elle va lancer sa propre communauté métaverse, conçue pour traiter des transactions de commerce électronique complètes. Le monde métavers de Sokin hébergera une communauté en 3D de marques et de détaillants - du sport à la mode et au-delà - et permettra aux consommateurs de se rencontrer, de communiquer, de faire des transactions, d'investir et d'acheter dans un écosystème et une économie virtuelle globaux. Les consommateurs effectueront leurs achats par le biais de l'application mobile peer-to-peer accessible de Sokin au sein du métavers.

Le monde métaversé de Sokin accueillera ainsi différentes marques et entreprises auxquelles les visiteurs pourront accéder (chaque pièce est dédiée à une marque, où le visiteur peut accéder pour ses achats), par exemple un club de football, une marque de divertissement ou de mode.

La néobanque Zelf, qui se veut la banque du Metaverse, a lancé un service de banque pour le metaverse, le MetaPass, accessible via la messagerie Discord, pour les gamers ( on notera le super design du site !), permettant notamment d’acheter et échanger des NFT aussi simplement que d’acheter du pain dans une boulangerie (mais les gamers vont-ils encore dans les boulangeries ?).

La banque TerraZero s’est, elle, spécialisée dans les prêts hypothécaires dans le Metaverse, pour justement y acheter des terrains ou y monter des projets d’investissements.

Pour les services financiers, on prévoit une extension des catégories de clients, qui ne se limiteront plus aux seuls gamers ou à des interactions de communautés spécialisées comme les fans de sport. Les services proposés vont également s’étendre.

La rapport de Mac Kinsey cite notamment :

  • Le Marketing : les institutions financières sont prêtes à créer des Branches « Digital » dans le Metaverse, pour y implanter leur marque et asseoir leur crédibilité, permettant au client d’avoir des interactions avec sa banque de manière hybride, tant dans le monde physique ou digital que dans le monde du metaverse ;
  • Les infrastructures : ceci correspond aux services d’identité numérique, de paiements digitaux, détention des NFT, des cryptomonnaies ou autres actifs digitaux ;
  • Les nouveaux produits et services associés au Metaverse : Par exemple les « cyber assurances ».

Mais plus les usages et les clients vont se développer, plus de nouveaux services vont apparaître, qui correspondent à autant d’opportunités pour les services financiers :

  • Des services pour les propriétaires de « wallets » dans le metaverse, tels que le « multicash management »,
  • Des prêts hypothécaires et montages de financement de projets pour le metaverse,
  • Des services de crédit consommation,
  • Des programmes de fidélisation, de paiement différé,
  • La financiarisation de tout, à mesure que de plus en plus d'actifs numériques sont créés et ont une utilité dans un contexte de metaverse, par exemple en étant utilisés comme garantie pour des prêts.

Bien sûr, la montée en puissance de ces services va dépendre de la montée en puissance des usages et de l’adoption du metaverse par les consommateurs de toutes sortes. Et les banques et services financiers peuvent décider de ne pas trop s’y intéresser pour le moment. Mais, le moment venu, il leur faudra aussi s’être équipé des talents et compétences nécessaires pour s’y développer et y prendre une place intéressante. Cela vaut la peine d’anticiper un peu dans les Départements des Ressources Humaines.

Car là encore, ce qui bloquera, ce ne sera pas la technologie, mais la capacité humaine à s’y adapter.

De quoi susciter la naissance de nouvelles start-up et licornes sur le marché des services financiers.

La chasse est ouverte dans le metaverse.


Esprit, es-tu là?

EspritestulaNous sommes dans la quatrième révolution industrielle.

Déjà ?

Oui. La première, c’était celle de la vapeur et de la mécanisation ; la deuxième, celle de l’électricité, du pétrole et de l’acier ; la troisième celle du nucléaire et des technologies de l’information ; la quatrième est celle de l’internet, de la numérisation avec l’âge des « data », des algorithmes et de l’intelligence artificielle.

Pour les dirigeants et les entreprises, c’est un nouveau défi pour la transformation. On parle de transformation « digitale » pour copier le terme anglo-saxon, ou de transformation numérique quand on veut rester français. Mais c’est la même chose.

Ce qui change, c’est le besoin de s’adapter très vite, car ces nouvelles technologies progressent de manière exponentielle.

Alors, il y a les dirigeants qui ne suivent plus, comme celle-ci, qui, alors que je lui parlais des opportunités des nouvelles technologies pour la performance, me disait, avec compassion, « Mais Gilles, tout cela me paraît compliqué, voire trop compliqué ». Rien à faire, elle n’en voulait pas.

Il y aussi ceux qui n’ont pas changé leurs habitudes. Car les projets technologiques auxquels ils ont été habitués sont des projets de progiciels intégrés, pilotés avec une bonne équipe d’experts du Département informatique, des consultants en support, et des groupes d’utilisateurs pour concevoir les solutions.

Mais voilà, aujourd’hui, on parle de projets d’innovations, de transformation profonde des process avec les algorithmes et l’intelligence artificielle, et les groupes projet d’experts en mode commando plutôt centralisé ne sont plus les bonnes réponses.

Ce qu’il faut c’est la « démocratisation de la transformation », et le développement d’un « digital mindset ».

C’est le sujet du dossier dans le numéro de HBR de ce mois-ci, dont un article du CEO de Microsoft, Satya Nadella, qui reconnaît lui-même qu’il a fallu transformer Microsoft pour l’adapter à ce nouveau contexte. Ce qu’il lui a fallu construire, c’est ce qu’il appelle une « tech intensity » dans toute l’entreprise pour que les employés soient convaincus d’utiliser les technologies pour conduire les innovations digitales qui génèrent de réels résultats opérationnels. Car ce sont les entreprises qui savent investir dans les technologies et rendre accessibles à la plus large communauté de collaborateurs qui obtiennent cette « tech intensity » et la meilleure performance.

Car pour identifier les meilleures applications des nouvelles technologies dans les métiers et process de toute l’entreprise, une équipe de data scientists et des consultants ne suffisent plus. Les idées concrètes et réelles sont celles qui sont au plus près des opérations et des clients, et c’est à ce niveau qu’il faut aller. Oui, mais voilà, ces collaborateurs sont parfois loin ou ignorants des capacités des nouvelles technologies, et n’imaginent pas ce qu’ils pourraient en faire (« c’est trop compliqué, non ? »).

L’article de HBR auquel a contribué Satya Nadella donne les trois composantes de cette « tech intensity » qu’il s’agit de mettre en place :

1. Les capacités (capabilities)

Il s’agit de la culture de l’entreprise, qui se développe par les formations et la création d’équipes « Agile » pour tous les projets, et aussi par l’usage intensif des outils de « Low Code/ no-code » permettant aux équipes opérationnelles de développer eux-mêmes leurs solutions et de les tester.

2. Les technologies

Ce sont toutes les technologies qui permettent d’imaginer et de mettre en œuvre les transformations et qu’il convient de connaître de manière la plus large possible dans l’entreprise ( Machine Learning, Deep Learning, Real-time analytics…).

3. L’architecture

C’est le fondement du développement des solutions, reposant sur une gouvernance solide des données, la mise en œuvre de plateformes de données, pour donner la cohérence nécessaire à l’ensemble. C’est le job de ceux qui vont concevoir et pousser les investissements dans cette architecture.

Tout est dans le « comment ? ».

Deux professeurs de Harvard et l’Université de Californie, Tsedal Neeley et Paul Leonardi, donnent des réponses dans un autre article du dossier de HBR, en parlant de ce « Digital mindset ».

Car deux composantes sont à prendre à compte :

  • Est-ce que moi, en tant qu’employé ou manager, je suis confiant que je suis capable d’apprendre les nouvelles technologies et le monde du digital ?
  • Est-ce que je pense que la transformation digitale est importante, voir vitale, pour mon entreprise ?

Si je réponds non à ces deux questions, je suis dans le rejet, dans ce que les auteurs appellent « l’oppression ».

Si je pense que c’est important pour l’entreprise mais que je m’en sens incapable, je suis dans « la frustration » ( ça va se faire sans moi).

Si je pense que je suis capable mais que mon entreprise n’en a pas besoin, je suis dans « l’indifférence » (je ne dois pas être dans la bonne entreprise).

Et bien sûr, si je pense que c’est important pour mon entreprise et que je m’en sens capable, je suis dans « l’inspiration » (j’ai envie de contribuer et de créer plein de choses).

Alors pour faire bouger les oppressés et les frustrés dans un esprit digital, on fait comment ?

Les auteurs citent l’expérience d’Atos (encore une entreprise de la Tech) qui a mis en place des outils de formation pour tout le monde, avec un process de certification, mais que les employés pouvaient utiliser de manière volontaire, non imposée. L’idée était que, si la certification était volontaire, les employés seraient plus enclins à internaliser dans leurs propres pratiques ces compétences digitales, et à modifier leurs comportements au travail en conséquence. Un marketing pour encourager les volontaires s’est aussi mis en place.

Les auteurs rapportent que le résultat était là, puisqu’en trois ans plus de 70.000 employés ont été certifiés, comprenant que la croissance de l’entreprise avait besoin de cette « digital fluency », et que chacun pouvait y contribuer.

Autre exemple cité, celui de Philips, qui a mis en place une « infrastructure d’intelligence artificielle », qui permet aux employés de sélectionner les « leçons » qui les intéressent dans la base ainsi construite, comme des « playlists » qu’ils peuvent même partager avec leurs collègues, et « liker ». Cela facilite les connexions entre collègues ainsi qu’avec les nouveaux employés qui rejoignent ces communautés existantes, où ils trouvent des mentors pour s’initier.

A partir de ces exemples (il y en a d’autres dans l’article), les auteurs ne peuvent s’empêcher de nous donner six conseils pour créer un programme de formation des employés à cet esprit digital :

  1. Fixer un objectif de ce programme de formation pour toute l’entreprise (il faut bien le choisir et le formuler, bien sûr).
  2. Formaliser les opportunités d’apprentissage en incluant tous les rôles et fonctions de l’entreprise (c’est un programme global, et non réservé à une élite).
  3. Rendre accessible le programme à tout le monde, avec des accès adaptés à chaque niveau, pour ne perdre ou décourager personne (les outils virtuels y aident). Les rencontres et échanges, ainsi que les « Learning expéditions » peuvent aussi en faire partie.
  4. Motiver les employés à se former, avec des campagnes de promotion, des récompenses, des mesures incitatives.
  5. S’assurer que les managers comprennent bien ce qui est offert, pour qu’ils puissent guider et inspirer leurs collaborateurs.
  6. Encourager tous les employés à participer concrètement à des projets digitaux de l’entreprise, pour continuer à apprendre dans la vraie vie.

On comprend que ce genre de programme ne s’arrête jamais, car les technologies et leurs développements ne s’arrêtent pas non plus.

Esprit digital, es-tu là ?