Réparer ou adapter : une histoire de chimpanzé

Singe Pour la rentrée les dirigeants, managers, chefs de projets, consultants repassent à l'atelier pour prendre leur boîte à outils, et retournent au boulot pour "réengeneerrer", "réorganiser","réparer", ...

En effet, nombreux sont qui croient que quand on intervient, ou qu'on s'occupe d'un projet ou d'un problème quelque part dans l'entreprise c'est parce qu'il y a quelque chose de cassé, et que nous devons le réparer, comme Bob le Bricoleur...

Il y a bien sûr des situations où l'on a besoin de techniques éprouvées pour remettre en marche ce qui ne marche pas. C'est la technique du plombier, de l'électricien, du maçon, qui, en mettant en oeuvre technique, précision, et savoir-faire, vont résoudre des problèmes de plomberie, d'électricité ou de maçonnerie.

Mais il y a aussi des cas, plus nombreux, où il ne s'agit pas de réparer, mais d'adapter l'entreprise à des changements, dans l'environnement, dans la compétition,...

Et des changements comme ça, on en voit tous les jours en ce moment : des clients qui ne prennent plus l'avion, qui n'achètent plus de voitures, qui délaissent les produits de beauté de luxe pour acheter les produits bon marché,etc..

Et là, on n'a plus besoin du bricoleur avec sa méthodologie, toute pré-déterminée, et son savoir-faire usagé, mais de ce que Ronald Heifetz appelle un "adaptive leadership".

Ronald Heifetz, c'est cet auteur ,dont j'avais déjà parlé, et qui livre ses réflexions et conseils sur le sujet dans le dernier numéro de HBR, et dans le livre qu'il vient de sortir  : "The practice of adaptive leadership".

Pour adapter l'entreprise à l'aprés-crise (et même pendant), nous avons besoin de ces leaders capables de la faire s'adapter à la nouvelle donne, et non de ceux qui croient pouvoir la réparer pour la faire revenir à l'état de fonctionnement d'hier ou d'avant-hier...

En parlant d'"adaptation", Ronald Heifetz compare le sujet aux adaptations de l'espèce humaine à l'environnement au cours de millions d'années. Et il fait remarquer que l'ADN de l'homme ressemble à 98% à celle du chimpanzé, et que ce sont les 2% restant qui font toute la différence.

Ce qui lui permet de nous prévenir : s'adapter, c'est d'abord construire sur les bonnes choses du passé, en identifiant avec précision les 2% qui sont à changer, à rénover. Et c'est aussi abandonner ce qui doit être abandonné pour le remplacer par ces nouveaux 2%.

Et ce n'est pas facile d'identifier précisément ces 2%...

Il nous conseille donc de passer un peu de temps pour mener ce diagnostic pour soi-même, son équipe, son entreprise :

Qu'est ce qui doit être gardé (mon bon chimpanzé) ?

Qu'est ce qui doit être introduit de nouveau (passer du chimpanzé à l'homme) ?

Et pour introduire ces 2%, il faut enlever, perdre, quelque chose, et c'est plus douloureux qu'on ne pense. Il faut supprimer des habitudes, des normes, des comportements, des règles, peut-être même des hommes,etc...Le tour d'horizon est large.

Et une fois qu'on a identifié ce qu'il allait falloir abandonner, restera à le faire effectivement, et à l'inculquer à tous. Puis à construire le nouveau, en expérimentant, en essayant, en échouant, avant de tout bien caler comme il faut.

Alors, en cette rentrée si nous prenions le temps d'avoir une discussion franche avec notre chimpanzé ?

Nous aurions ainsi l'air moins singe auprés de nos clients et nos collaborateurs...

Bonne discussion (n'oubliez pas les bananes..).


Histoire de religieuse

Religieuse  Sur "Envie d'entreprendre" aujourd'hui, ma chronique consacrée au monde du conseil et de l'entreprenariat.

Dans une pâtisserie, on trouve toujours des religieuses en vitrine.

Et pour un consultant, c'est quoi sa religieuse ?

Mais, c'est comme les pâtissiers, ce n'est pas parce que tous les pâtissiers en proposent qu'elles sont toutes les mêmes.

Il y a les bonnes et les autres...

Bonne dégustation.


Comment préparer un séminaire stratégique ?

Suismoi  Dans les agences de communications spécialisées en "Meeting & events", ça pleure...

Les séminaires, ça n'a pas l'air compatible avec la crise. Tout est annulé.

Pourtant, il y a un séminaire qu'il est peut-être utile de garder au programme, pour mai ou juin, ou même avant, c'est celui du Comité de Direction, autour du thème :

Sommes-nous encore dans le coup ? Que faire dans la crise ? Notre modèle économique, industriel, est-il adapté si la crise s'aggrave ?

Ou quelque chose comme ça.

Car, quand il s'agit d'imaginer que la crise, ça va être encore pire demain qu'aujourd'hui, alors qu'on est en train de vivre des baisses d'activités que l'on n'a pas recontrées depuis longtemps (genre -15%, - 20% ou plus), certains sont complètement affolés ou perdus.

Et, aujourd'hui, qui peut dire que le deuxième semestre sera plus facile que le premier ? Et si c'était pire ? Comment sommes-nous préparés à ce scénario ?

Pas besoin d'imaginer des festivités grandioses pour un tel séminaire; au contraire une ambiance un peu austère convient bien.

L'animation elle-même du séminaire, les séquences, les sujets, sont souvent l'objet d'une planification.

Mais il ne suffit pas d'avoir un bon sujet,un lieu adéquat, et un agenda du séminaire, pour que le comité de Direction débate spontanément, et débouche sur des propositions d'actions concrètes.

Et puis il faut éviter le séminaire où c'est le Président qui a fourni non seulement les questions, mais dispose aussi des réponses qu'il a préparées avant, le séminaire ne servant qu'à les faire avaler à son Comité.

Car, dans des situations inédites et sans référentiel, il vaut mieux que les idées et propositions ne viennent pas d'un seul (aussi brillant soit le Président), mais puisse faire l'objet d'un vrai travail collectif.

Pourtant, la phase de préparation est souvent mal conduite.

On fait confiance à une forme de débats et d'échanges libres, plus ou moins maîtrisés, entre les membres du Comité de Direction, un peu comme une réunion du Comité de Direction du lundi (ou du mardi), mais ça se passe ailleurs.

Totale erreur.

Pour que le séminaire soit efficace, il faut au contraire, à mon avis, qu'il ne ressemble surtout pas à une réunion normale du Comité de Direction.

Car un tel séminaire, c'est d'abord une mise en scène qui est complètement sous la responsabilité du Président ou du Directeur Général : il y joue son style, son mode de management, sa capacité à susciter l'adhésion et à aligner son Comité. Et alignement, cela ne veut pas dire consensus, qui consisterait à lancer les actions sur lesquelles tout le monde est d'accord (trés faible nombre, ou alors tyrrannie du chef auquel les collaborateurs n'osent pas dire non, encore pire).

Alignement, c'est au contraire faire exploser les conflits, les opinions divergentes, et parvenir ensemble à une décision qui nous rassemble, qui sera peut-être, grâce au débat bien orchestré, différente de ce que chacun individuellement imaginait avant de commencer.

Pour préparer efficacement un tel séminaire il faut d'abord répondre aux questions de base :  qui va être présent ? Pour parler de quoi, quand, et pourquoi ?

Est-ce que l'on fait ce séminaire pour résoudre des questions précises, et voir ensuite qui doit y être convié, ou bien est-ce qu'on fait le séminaire d'abord pour réunir le Comité de Direction, et ensuite on fixe l'agenda et les questions qui vont bien pour cette assemblée.

Ce n'est pas la même chose.

On pourrait croire que pour traiter des questions stratégiques majeures, il est important de n'inviter que les top leaders. Rien n'est moins sûr.

La question est aussi de savoir où l'on en est dans le processus de réflexion stratégique, et quels résultats on attend vraiment de ce séminaire.

Puis de vérifier que, pour avoir le plus de chances d'obtenir ces résultats, c'est bien de cette assemblée  de top leaders que l'on a besoin.

Quels sont les sujets que l'on va aborder (pas trop), et jusqu'à quel niveau de détail ? Quelle est la contribution attendue de chacun ?

Ce sont ces questions qui vont déterminer la meilleure composition des participants. Si il y a trop de questions générales, il faudra peut être avoir plus de monde. Si les questions sont ciblées et bien préparées, une assemblée plus rrestreinte conviendra bien.

Question aussi sur le besoin ou non de faire venir un gourou externe, ou un témoignage : là encore ,avec quelle intention ? Pour mettre l'accent sur quel aspect des questions du séminaire ? Si l'on fait un gourou du Marketing, il y a de bonnes chances qu'on parle alors beaucoup de marketing lors de ce séminaire. Est-ce vraiment le point majeur ?

Autre risque, celui de trop déléguer à un animateur externe; car il faut préserver ce côté "conclave" et favoriser la prise de décisions, la responsabilité, l'engagement. C'est le dirigeant lui-même qui incarne cette exemplarité de l'engagement; c'est lui qui, en se posant les questions à lui-même, en se mettant en risque, qui va transmettre cet engagement et cette remise en cause aux membres du Comité, et non un animateur, aussi bon soit-il.

Parfois, il va falloir imaginer ce séminaire en deux fois : d'abord deux jours de travail, puis un jour de suivi environ un mois aprés, permettant ainsi de faire avancer les dossiers et décisions.

Autre question qu'il va falloir traiter : que va-t-on distribuer avant le séminaire ? Certains donnent des tonnes de documents. Est-ce efficace ? Est-on sûr que les participants vont les lire ? Ne vaut il pas mieux adresser des documents originaux (des bandes dessinées, des poèmes, des lectures philosophiques, des videos, ...) qui feront réfléchir autrement, qui ouvriront les esprits, qui feront appel à l'intuition ?

Et puis enfin , un bon séminaire est celui où le process, l'animation, celle dirigée par le Président, est bien programmée.

Car un séminaire, ce n'est pas seulement résoudre des questions et prendre des décisions, c'est aussi faire vivre une expérience.

Et c'est la qualité de cette expérience vécue qui fera, la plupart du temps, la réussite et marquera des points pour les actions ensuite.


Discernement

Discerner2  Dans l'entreprise, prendre des décisions, c'est pratique courante. On analyse, on pèse les options, on choisit, on décide. Sans parler du consultant, qui est sur la sellette pour fournir des analyses et des "recommandations", puis des plans d'actions.

Certains croient que tout ça relève de processus rationnels, où l'on applique des critères de choix objectifs, qui vont justifier, légitimer, les décisions.

Ceux qui sont vraiment confrontés à ces situations savent qu'il n'en est rien.

Souvent, nos décisions sont fortement influencées par des phénomènes dont on a plus ou moins conscience : l'habitude ("on a toujours fait comme ça !"), ou bien nos sentiments vis-à-vis des autres ("voici un choix qui plaira à mon chef, et qui minimise le risque"), ou bien les influences ("untel est de tel avis, je décide de dire comme lui").

Pour bien choisir, bien décider, on peut aussi évoquer le bon sens,notre intuition, et enfin une faculté particulière : le discernement.

Ce discernement, ce sens des situations, il nous ramène trés loin, puisqu'il constitue la recherche principale de Saint Ignace de Loyola, fondateur de l'Ordre des Jésuites.

Développer et savoir pratiquer cette faculté de discernement, c'est aller chercher les réponses à l'intérieur de soi.

Quand je me trouve face à une décision, à un choix, à l'appréciation d'une situation, à l'analyse de ce que me dit mon interlocuteur, qu'est ce qui me permet de répondre ? C'est un jeu d'influences intérieures qui s'agite en moi. C'est précisément en allant sereinement explorer ce qui se passe ainsi en moi que Saint Ignace de Loyola nous enseigne l'art du discernement.

Cette attitude, que Saint Ignace de Loyola applique à sa recherche spirituelle, elle peut aussi nous être utile dans nos pratiques de management et de pilotage des entreprises.

C'est à cette transposition que se sont livrés deux auteurs, Laurent Falque et Bernard Bougon, dans "Pratiques de la décision - Développer ses capacités de discernement". Bernard Bougon est un jésuite entré à la Compagnie de Jésus où il a le sentiment d'avoir eu "une illumination" en faisant l'expérience du discernement, et en allant étudier ce "don du discernement" exploré par Saint Ignace de Loyola dans ses "Exercices Spirituels".

Ce que nous apprend cette réflexion, c'est que comprendre les autres, trouver les bonnes réponses, mener les bonnes analyses, c'est d'abord se connaître soi-même, connaître ses finalités, être à l'écoute de soi. Pour comprendre cet iceberg que l'on perçoit chez les autres, il faut d'abord comprendre son propre iceberg.

Pour pouvoir trier parmi les informations, savoir hiérarchiser, identifier les options, il faut d'abord savoir trier en soi-même.

Une question fondamentale, c'est : quelle est ma finalité ? Et si je parle de mon entreprise, de mon groupe de projet, de mon équipe, cette notion de finalité est essentielle. Or, aujourd'hui, la tendance est forte de ne parler que d'objectifs, comme si la vie des entreprises et des communautés humaines qui la constituent n'étaient qu'une somme d'objectifs qui se juxtaposent et dont on mesure le succès à l'aide d'indicateurs : objectifs de profit, objectifs de performance, objectifs commerciaux, etc...Nous sommes chaque jour plongés dans ce monde des objectifs. Mais nous ne savons plus pourquoi nous poursuivons ces objectifs. Alors notre jugement se trouble, parfois nous sommes découragés. Parfois nous doutons.

La finalité, la nôtre et celle de ceux que nous rencontrons, elle exprime une envie, un désir, qui va plus loin que cette notion un peu sèche d'objectifs. Et ceux, entreprises ou individus, qui n'ont plus de sens ou de stratégie sont encore plus aveuglés, et ont beaucoup de mal à faire acte de discernement.

Et face qux questions qui se présentent à nous, aux choix que nous devons faire, aux décisions à prendre, ceux qui sont conscients et guidés par une finalité bénéficient d'un discernement supèrieur.

Laurent Falque et Bernard Bougon essayent, dans leur pratique, de nous apprendre à développer nos capacités de discernement en cinq étapes, correspondant chacune à une question, plus profonde qu'elle n'en a l'air a priori :

Quelle est la question du choix ? (de quoi je parle, par rapport à quelles finalités ?) Comment retrouver davantage de libre arbitre ? (ne pas me laisser emporter par des influences faciles ou néfastes, mes pulsions, mes démons), Quel mode de délibération adopter ? Comment confirmer le choix ? Comment mettre en oeuvre la décision ?

C'est vrai que l'on peut avoir tendance à mélanger parfois la question et des éléments de délibération (qui mettent en avant une réponse que je préfère à une autre). Ce que nous enseigne Saint Ignace de Loyola, repris par ces deux auteurs, c'est de se mettre dans la disposition d'"éprouver de la sympathie pour chacune des options qui se présentent", ce que certains appellent aussi la "suspension de jugement".

Cette disposition c'est aussi la bienveillance, l'écoute attentive des situations, et l'écoute de tout ce que cela évoque en moi, sur mon passé, mes valeurs, et d'aller puiser dans cette écoute des éléments sincères de délibération et de choix.

Pour faire confiance à cette délibération, notre intuition, les auteurs nous propsent de nous livrer à une introspection pour "neutraliser les attracteurs qui sont en nous", ces mauvais conseillers, nos démons.

Une fois le choix révélé, reste à décider, car "le choix n'est pas la décision" : pour décider il nous faut nous exprimer, trouver les mots qui correspondent. Et puis, encore un enseignement de Saint Ignace de Loyola, confirmer notre choix, c'est à dire sentir que  ce choix est conforme à nos finalités, à notre éthique, à ce que nous voulons être. Sentir que l'on fait des choix en ligne avec nos aspirations profondes est une expérience de liberté et de satisfaction, alors que les choix et décisions que nous prenons "contre" nous rendent malheureux et laissent un goût amer.(le fameux "si j'avais su..." , mais on ne sait jamais, d'où la nécessité d'assumer les choix en fonction de notre éthique, et non des phénomènes externes).

Cette réflexion sur le "discernement" et son exploration comme une "expérience", c'est le bon moment de s'y mettre : en ce moment, nous allons connaître, dans nos entreprises, et dans les mandats qui vont être confiés aux professionnels du Consulting,  des situations originales et sophistiquées, perdre certains repères (la croissance n'est plus là; les choix se font dans l'incertain);

 Raison de plus pour retrouver une attitude responsable, d'éviter de nous laisser emporter par les passions funestes, et ne pas répéter les solutions d'hier comme des perroquets sans cervelle. C'est d'innovation, d'idées nouvelles, d'écoute bienveillante, dont nous allons avoir besoin.

Ceux qui auront le savoir-faire, et surtout le "savoir-être", du discernement seront peut-être ceux qui passeront cette pèriode agitée en saisissant les maximum d'opportunités.

Souhaitons nous cette capacité de discernement.

Et lisons Saint Ignace de Loyola, puis Laurent Falque et Bernard Bougon, pour la développer.


La performance commerciale, une histoire d'argent ou d'amour ?

Dating  En ce moment, ça remue pas mal dans les entreprises sur le sujet : VENDRE ! (pas vendre l'entreprise, quoique, mais vendre des produits, des services, signer des commandes, des contrats).

Dans le consulting, c'est la panique dans certains endroits. La réunion du Syntec à laquelle j'assistais cette semaine ne faisait que le confirmer : tout le monde cherche les meilleures façons pour booster le Business Development, pour amener les managers et directeurs à vendre plus de missions, et tout de suite si possible.

David Maister a déjà recensé dans ses articles (notamment ICI) les multiples méthodes pour y arriver qui sont souvent utilisées par les firmes, et qui ont un point en commun : elles sont la plupart du temps inefficaces.

En clair, les méthodes dont on parle, cela consiste à proposer de l'argent aux managers pour qu'ils vendent du business. J'ai entendu qu'une firme de services professionnels aux abois était en train de proposer des primes spot à tout salarié qui lui trouverait le plus vite possible un client qui est prêt à acheter tout de suite des consultants, quel que soit le sujet !!!

Imaginons cette situation : considérer que la seule motivation suffisante à agiter est de promettre une récompense financière immédiate pour que le client signe, cela veut dire que moi, manager, je vais me motiver à vendre quelque chose, dont je me moque totalement, à quelqu'un (un "client") qui n'est pour moi qu'une machine à cash...Comment appelez-vous, dans la vie courante, ce genre d'individu ? Oui, on pourrait dire que c'est un prostitué !

C'est pourtant dans ce rôle pas trés honorifique que ceux qui s'énervent sur les ventes de façon aussi obscène voient leurs collaborateurs.

Peut-être existe-t-il des activités professionnelles qui fonctionnent comme ça (personnellement j'en doute, et quand je me trouve la victime potentielle de ce genre d'approche commerciale, j'ai tendance à m'enfuir en courant) mais dans le secteur des services professionnels et à valeur ajoutée (comme le conseil par exemple), c'est complètement contre-productif.

En fait, ce qui fait que le business developpement est efficace c'est quand je suis personnellement fortement motivé à aider mon client, et à lui proposer un service que j'adore délivrer, sur lequel j'adore réfléchir et innover..

Le message de David Maister est trés simple, et tellement juste : on ne fait bien que ce que l'on aime bien faire.

Et puis le développement, c'est comme une histoire romantique, ça demande du temps. Pour séduire les clients que l'on a envie de servir , il faut savoir leur montrer que l'on s'intéresse sincèrement à eux, avoir des attentions particulières, et aimer ça.

C'est pourquoi, en mettant trop fort l'accent sur la signature d'une vente, avec de l'argent à la clé, on décourage probablement d'autres activités plus liées au Marketing, telles que la recherche d'idées innovantes, l'animation de séminaires, l'écriture d'un bon article dans une revue, la communication,...Tout ça n'apparaît pas dans la rémunération strictement liée aux ventes. C'est pourtant un facteur clé de différenciation, et oublier le marketing pour se limiter à une machine à vendre, c'est un peu la technique du dragueur un peu trop entreprenant qui cherche à arriver à ses fins un petit peu trop rapidement, et qui se prend veste sur veste dans les soirées où on le repère facilement.

Un autre inconvénient de ces systèmes de primes commerciales improvisées en catastrophe, c'est qu'elles sont rarement un moyen pour transformer en vendeur hors pair ceux qui ont du mal à être performants, et qu'elles ne vont la plupart du temps que récompenser ceux qui sont déjà trés perfoormants et qui l'auraient été tout autant sans cette prime.

Alors, bien sûr, certains vont peut-être répliquer que tout ça, c'est pas leur truc, qu'aucune problématique particulière ne les intéresse, que tous les clients les indiffèrent, et que la motivation par l'argent est leur seul moteur. (j'ai déjà évoqué ce genre de personnages).

D'autres pensent qu'il suffit de faire semblant, de faire croire qu'on adore le client, alors qu'on ne pense qu'au fric. Ouais, mais malheureusement la plupart sont de mauvais acteurs, et on voit clair à travers leur numéro trés facilement (il suffit de se remémorer les occasions où nous avons subi ce genre d'individu en tant que "client" "pigeon" potentiel...).

David nous conseille d'éviter d'avoir, dans nos équipes, trop d'individus de ce genre, qui feraient mieux de chercher un autre job où ils seront motivés vraiment.

Alors, pour développer le business dans ces temps difficiles, David nous confirme qu'il n'est pas nécessaire d'apprendre aux collaborateurs à vendre, ni de monter les enchères sur les primes.

Il faut, au contraire, trouver, partner par partner, manager par manager, quel type de business le passionne, quel type de client il a profondément envie de servir.

Car avec la passion, on le sait tous, on fait des miracles.

Et quand on aime,...oui,....on ne compte pas !


Pourquoi veux-tu que je te suive ?

Cheval  Il y a un moment dans la carrière professionnelle qui représente pour beaucoup un vrai tournant : celui où l'on est promu, nommé, manager.

Dans le métier de consultant, par exemple, c'est une étape importante dans le développement.

Pourtant, certains s'en tirent mieux que d'autres (voir ici).

En fait, beaucoup de choses se sont jouées avant d'être promu manager. Le jour où on le devient vraiment, où l'on va avoir la responsabilité de diriger une équipe, cette équipe dont nous étions un membre parmi d'autres, on ne devient pas un autre homme. Comme on le dit, le léopard voyage avec ses taches. Et les membres de l'équipe vont regarder leur nouveau manager en se souvenant de ses comportements passés.

David Maister a bien résumé cette histoire par une formule : "Why should I follow you ?" (Pourquoi veux tu que je te suive?).

Il idnetifie quatre raisons essentielles qui vont me faire répondre, moi le collaborateur que tu veux manager, oui ou non à cette question.

Première question : Quelles sont tes motivations ?

Je vais accepter d'être dirigé par toi si je suis convaincu que tu es d'abord préoccupé de la réussite de l'équipe, de l'entreprise, plutôt que par tes propres intérêts. Ce que je vais challenger, c'est ton intégrité. Et pour cela, je vais plus me fier à ton comportement, tes actions, qu'à tes paroles.

Est-ce que tu es réputé pour aider les autres, ou au contraire pour casser en permanence les personnes qui travaillent avec toi ? Peux tu me donner des exemples de situations où tu as vraiment aidé quelqu'un dans ta vie professionnelle antèrieure, même parfois en sacrifiant un intérêt personnel ? Je ne vais pas trop te croire si tu me dis que tu vas avoir ce type de comportement maintenant que tu es manager. Je vais préférer le cas où tu étais déjà comme ça avant d'être nommé manager.

Pour me conforter sur cette question, je vais bien sûr me renseigner auprés des personnes qui ont déjà travaillé avec toi, sur les mêmes projets. Comment ils ont ressenti tes capacités de direction et de management. Car ta réputation est plus importante pour moi que tout ce que tu me racontes.

Deuxième question : quelles sont tes valeurs ?

Bon, une fois que je serai rassuré sur tes motivations, je vais me demander quelles sont tes valeurs. Je ne vais vraiment accepter d'être managé par toi que si j'estime que nous avons tous les deux les mêmes objectifs. Je veux comprendre ta philosophie personnelle du management. Je ne veux pas que tu me racontes ce que tu veux faire en tant que manager, je veux voir les preuves. Si tu me dis que tu es l'apôtre de l'excellence et de la qualité, et que tu me demandes d'avoir cette exigence, je veux des preuves que toi, personnellement, tu es l'exemple de la qualité et de l'excellence. Tu me dis que tu es pour le travail d'équipe, que tu veux m'écouter : prouves le moi ! Je ne veux pas que tu prêches devant moi, je veux te voir à l'oeuvre.

Troisième question : quelle est ta compétence ?

Là encore, je veux bien te suivre si je respecte ta compétence, si tu m'a convaincu de celle-ci  J'ai envie de voir que tu apportes des idées constructives, que tu es imaginatif sur les solutions à apporter aux problèmes que doit traiter l'équipe. Je veux aussi, si tu es le manager qui va m'évaluer, que tu m'apportes des suggestions constructives pour m'aider à progresser, et pas seulement un carnet de notes. Si tu me dis que je devrais faire mieux, mais sans explication sur le comment je dois m'y prendre, ça ne m'intéresse pas.

Quatrième question : quel est ton style ?

Si les trois premières questions sont positives, je vais alors m'intéresser à ton style. J'ai envie que mon manager favori soit celui qui est mon meilleur coach dans mon développement personnel, celui qui est pour moi un vrai conseiller de carrière. Cette confiance, je ne vais la donner qu'à un nombre trés limité de personnes dans ma carrière professionnelle. Si tu veux en faire partie, toi, mon manager ou nouveau manager, il faut que je te sente pour moi comme un support, un encouragement qui m'aide vraiment à grandir. Mais il faut aussi que tu me challenges, que tu m'aides à prendre toujours plus de risques, à toujours me surpasser, car, un jour, j'aimerais bien prendre ta place. Si je sens que c'est aussi ton but, je te suivrai où tu voudras. Sinon, je me méfierai toujours un peu de toi.

C'est un peu paradoxal : d'une part je n'ai pas envie que tu me critiques tout le temps; mais je ne veux pas non plus que tu me dises toujours que tout va bien. Je veux des critiques constructives. Je veux me sentir progresser grâce à toi.

Un autre aspect de ton style va particulièrement m'intéresser : est-ce que tu m'impliques dans des décisions, des choix ? Je n'ai pas envie que tu me racontes tout ce que tu fais ou tout ce que tu décides. J'ai envie que tu m'écoutes, que tu me demande mon avis, et me prouve que tu t'intéresse sincèrement à mon avis, que tu en tiens compte. Je ne veux pas que tu m'expliques, je veux que tu m'écoutes. Quand tu va me dire que tu n'as pas le temps de demander mon avis, que tu sais déjà tout ce qu'il faut faire, et qu'on n'a pas de temps à perdre, je vais bien comprendre que cela n'a rien à voir avec le temps mais que cela a à voir avec ton innefficacité en tant que manager. Tu ne seras pas mon manager favori, crois moi.

En résumé, Manager, je t'élirai Mon Manager si je sens que ton principal objectif c'est d'être pour moi une rencontre exceptionnelle dans ma carrière professionnelle.

Bon , on pourrait dire que tout ça, c'est un peu de la magie, un rêve idéal, comme un cadeau de Noël..

Mais avouons quand même que connaître un tel manager dans sa carrière, c'est formidable non ? Et connaître, vivre, sous la hiérarchie de l'inverse, quel cauchemar.

Et si, alors que Noël approche, on décidait de faire ce cadeau à nos collaborateurs. Il ne sera pas facile de tout changer en un jour, surtout si de trop mauvaises habitudes ont été prises. La reconversion sera peut être difficile.Cela vaut d'autant plus la peine d'essayer. En plus dans cette histoire il y a le bonheur du "managé" mais encore plus celui du "manager".

Tout ça a l'air tellement simple.

Souhaitons à tous les collaborateurs d'avoir un tel manager pour Noël...

Merci père Noël !


Premier lundi, chaque mois

Entrepreneur  Le blog "Envie d'entreprendre", qui veut donner envie aux entepreneurs et les conseiller, m'a sollicité pour une chronique mensuelle.

Merci à eux, et bon vent à cette initiative.

Vous y trouverez une chronique exclusive (et non une recopie de ce que vous trouvez sur "Zone Franche"), sur le sujet : Consultant et entrepreneur.

Cela se passe chaque premier lundi de chaque mois. Cela parlera de consultants et d'entrepreneurs.

Aujourd'hui, c'était ma rentrée.

Le sujet est :

"Grasses, fainéantes, myopes, idiotes : les clichés du consultant".

Bonne lecture.


Un pompier qui abandonne ses outils !

Fireman

Un des collaborateurs de PMP a mis malicieusement entre mes mains un article de la revue « Administrative Science Quarterly » de Karl E. Weick, faisant référence à une étude conduite par le fondateur de cette revue, en 1956, James D. Thompson.

Ça commence bizarre non ?

Et pourtant j’ai compris pourquoi cet article pouvait paraître terriblement actuel en ce moment où l’on parle de « crise », et de « nouveau capitalisme »…Et où nombreux (surtout les fonctionnaires) sont ceux qui cherchent à inventer de nouveaux "outils de régulation" pour nous sauver du feu de la crise...Et si c'était l'inverse ?

 

De quoi parle cet article?

 

Il relate deux faits divers où des pompiers, dans des circonstances similaires, sont morts dans un incendie faute d’avoir laissé tomber leurs lourds outils, et ainsi empêchés de courir plus vite et d’échapper aux flammes.

Alors, bien sûr, la question, c’est : mais pourquoi n’ont-ils pas abandonnés leurs outils ? Pourquoi ont-ils préférés (même inconsciemment) rester lestés de ces lourdes charges plutôt que de sauver leurs vies ?

Et bien sûr, le propos de James D.Thompson est de nous amener à faire un parallèle avec de nombreuses situations dans nos entreprises (et plus précisément dans le domaine de la recherche en organisation en ce qui le concerne), où nous aussi, nous n’arrivons pas à abandonner nos lourds outils et succombons (moins dramatiquement que les pompiers néanmoins), ou, en tout cas, n’arrivons pas à survivre au changement, à la crise, etc.…

Cela m’a fait penser à ces entreprises où les dirigeants, parfois éclairés par les recommandations judicieuses de leurs « conseils », disposent de tous les éléments pour prendre la bonne décision qui leur fera éviter le pire (abandonner les outils), et qui pourtant ne font rien, continuant à manager leur organisation avec les méthodes et outils qui les mèneront à l’échec (brûler avec les lourds outils à la main).

Alors, pour être de bon conseil, et permettre aux dirigeants de se transformer à temps, portons attention aux explications des causes de ce phénomène qu’a identifié James D. Thompson :

-          l’écoute : le pompier n’a pas entendu les instructions du chef qui lui disait d’abandonner les outils, à cause du bruit, des cris, des flammes,… Peut-être aussi a-t-il reçu les instructions avant, mais il ne s’en est pas rappelé au moment crucial.

-          La justification : peut être que le pompier a entendu ou s’est souvenu des instructions, mais il ne lui a pas semblé justifié de les appliquer à ce moment précis. Il est comme ce dirigeant qui entend bien les recommandations, mais reste convaincu qu’il n’est pas nécessaire de les appliquer, d’autres stratégies étant tout aussi, voire plus, applicables.

-          La confiance : Peut-être que le pompier ne fait pas confiance à la personne qui lui donne l’instruction ou le conseil d’abandonner ses outils : il la connaît depuis peu, il n’a pas d’histoire passée avec lui,…peu importe, il ne se sent pas prêt à suivre tout ce qu’elle lui demande. Dans nos entreprises, on voit aussi ces comportements des dirigeants ou managers face à leurs pairs, leurs conseils, leurs chefs. Preuve que la confiance ne se décrète pas comme ça.

-          Le contrôle : Peut-être que pour le pompier, le fait de garder avec lui ses outils lui donne l’impression de garder le contrôle, car il connaît l’usage de ces outils, et ils sont pour lui l’instrument pour résoudre les problèmes qu’il connaît. Sans outils, il peut imaginer qu’il perd le contrôle, qu’il ne sait plus quoi faire. Dans nos entreprises, c’est la même impression : je garde mes habitudes, mes outils, mes méthodes, car ils me donnent la conviction de pouvoir maîtriser toute situation, et, sans eux, je me sens impuissant. Je n’arrive pas à me remettre en cause.

-          Capacité à abandonner : Peut-être que le pompier garde ses outils car il ne sait pas comment faire pour les abandonner. Il peut penser à laisser ses outils dans un endroit où ils ne risquent pas de brûler, où il pourra venir les rechercher après. Et le temps qu’il trouve ce fameux endroit, il garde les outils, et brûle avec eux..Dans nos entreprises, idem : quand on a appris toute sa carrière à entretenir les outils pour qu’ils servent le plus longtemps possible, à en capitaliser tous les usages, il devient très difficile de changer brusquement de point de vue et de les abandonner comme ça, sans se poser de questions. Dans certaines situations managériales, cette attitude est appelée « deuil ». C’est dire…C’est pourquoi on préfère parfois mourir que de s’engager dans un tel deuil de ses outils, des méthodes du passé, etc…On les connaît ces dirigeants pour qui il est au-delà de leur capacité physique de changer quoi que ce soit à l’existant ; et le conseil qui s’évertuerait à le convaincre de changer ne ferait que contribuer à se faire tuer par lui.

-          Capacité à faire autrement : C’est le prolongement de la cause précédente. Le problème n’est pas toutefois, ici, la capacité à abandonner les outils, mais plutôt la peur de devoir faire autrement.

-          L’échec : Abandonner ses outils, c’est peut-être perçu pour le pompier comme un aveu d’échec. Et il n’aime pas s’avouer en échec. Alors il continue. Il fait comme si. Dans l’entreprise, ces comportements sont ceux du dirigeant qui persiste à se convaincre, et à tenter de convaincre ses troupes, qu’on va y arriver, qu’il suffit de faire encore plus comme d’habitude, et qu’on en sortira. Dans la crise actuelle, ce sont ceux qui vont s’illusionner sur une histoire de type « serrons les dents ; continuons ; travaillons plus…et tout ça va passer…le printemps va revenir…et les beaux jours avec… ». Ce genre d’auto- prophétie, on n’a pas fini d’en entendre dans le rang des entreprises qui sont en train de se faire dévorer par le feu de la crise. (un très bon bouquin pour comprendre ce phénomène, et éviter de se laisser infecter par lui, est : « Qui a piqué mon fromage ? »).

-          Ignorance collective : Peut-être que le pompier, voyant que ses collègues gardaient leurs outils, même si lui se disait que peut être il devrait les abandonner pour sauver sa peau, a préféré faire comme eux plutôt que de se marginaliser. Dans nos entreprises, ce phénomène d’ignorance collective est fréquent. On se « benchmark » pour se rassurer. On n’ose pas se distinguer…Pas facile d’être son propre architecte.

-          Mauvaise perception des conséquences : Peut-être que le pompier n’a pas abandonné ses outils car il ne perçoit pas vraiment les conséquences de ce geste. Il pense que les vrais problèmes à traiter sont le vent, les flammes, le terrain, alors que le fait de porter ou non les outils ne représente qu’un changement mineur, et donc que de les garder ou non ne changera pas grand-chose. Idem dans nos entreprises : ce qui compte ce sont d’autres phénomènes, la concurrence, la conjoncture, etc…Alors les outils, les méthodes, ce sont des petits trucs à côté, sans importance. Et donc, comme ces petits changements (qui feront pourtant toute la différence) semblent triviaux, on préfère ne rien changer….jusqu’au moment où….ça brûle.

-          Identité : Pour le pompier, ses outils, son uniforme, sa démarche, tout ça c’est comme son identité. Sans eux, il n’est plus rien, il est un minable, il n’existe plus. Il perd sa fierté, sa virilité. Alors, il mourra comme un pompier. Pas besoin d’en dire beaucoup plus pour reconnaître ces dirigeants qui eux aussi, ont besoin de ces outils et costumes pour se donner l’illusion d’exister, et ne savent pas se remettre ne cause.

Avec ces dix causes de la mort du pompier, on a de quoi réfléchir au management de nos affaires dans la crise, aux décisions (et non décisions) à prendre (et à ne pas prendre).

Et puis, il y a peut être aussi un message pour les "régulateurs" et "inventeurs de nouveaux outils" en tous genres pour "aider" ...les PME, les banques, les entrepreneurs....

Eh ho, et si pour éviter aux entrepreneurs de brûler dans le feu de la crise, il fallait plutôt abandonner les outils et courir plus vite...?...

Reste à savoir de quels outils il faut les alléger...

Pour ça, les administrations  ont plein d'outils d'analyse...

Pourvu qu'elles ne brûlent pas avec !