Univers Meta

MetaverseIl paraît que le terme a été pour la première fois utilisé dans ce roman de science-fiction, on dirait même SF cyberpunk, « Le samouraï virtuel » (« Snow Crash »), de Neal Stephenson, qui date, déjà, de 1992, une éternité.

1992, c’est le début de l’internet, il n’ y a encore que très peu de téléphones mobiles, les SMS viennent d’apparaître, et on ne parle pas trop de réalité virtuelle. Et ce romancier Neal Stephenson imagine le monde du futur, et invente le mot « Metaverse ». C’est un monde virtuel où l’on pénètre avec des lunettes ou via des écrans pour y vivre une réalité alternative, chaque utilisateur étant personnifié par son avatar. Avec le Metaverse, on vit une double vie.

Eh bien, ce Metaverse, nous y sommes en vrai.

Le Metaverse, certains l'écrivent Metavers, c’est un monde fictif virtuel, créé par les nouvelles technologies, qui permet à l’utilisateur de vivre l’expérience de ce monde en réalité virtuelle.

On a déjà connu « Second Life » il y a une dizaine d’années, et ça n’a pas trop marché. Aujourd’hui, c’est différent car les technologies ont beaucoup évolué, et surtout les acteurs et moyens financiers n’ont plus rien à voir. On parle de milliards investis aujourd’hui pour la création de ces metaverse. Et une nouvelle donne s’en mêle, les cryptomonnaies et les NFT, qui permettent d'effectuer des transactions et transferts de propriété dans ce monde virtuel. De quoi s’y perdre.

Mais on aurait tort de croire que ces metaverse sont réservés aux adeptes du e-gaming. Un vrai business est en train de se créer, et dépasse ces communautés de joueurs.

Les premiers qui sentent le bon business, ce sont les marques de luxe, qui ont bien compris que dans ces mondes virtuels, comme dans le monde physique, le placement de produits répondra à ce désir des consommateurs d’exprimer leur personnalité par les produits qu’ils achèteront. Parmi elles, Gucci (Groupe Kering) avait déjà créé des tenues pour des jeux vidéos comme Les Sims ou Pokémon Go. Cette année, dans un partenariat avec Roblox ( jeu vidéo multi-joueurs en ligne), il proposait des accessoires pour les joueurs de 1,20 à 9 dollars. Un sac numérique « Dionysos avec abeille » s’est acheté en mai dernier à un prix ( 4.115 $) supérieur à son prix dans la vie réelle ( 3.400 $). Les échanges sur les places de marché metaverse ne se font pas en dollars mais en cryptomonnaies ( les Robux sur le jeu Roblox, avec la limite que ces Robux ne sont valables que dans le jeu Roblox et le sac que vous avez acheté n’est utilisable que dans le jeu Roblox). Les prix bougent vite. Ce fameux sac à 4.115 $ peut maintenant être trouvé pour 800 $.

Les grandes manœuvres ne font que commencer. On apprenait lundi 6 décembre que la société de l’entrepreneur lyonnais Jean-Charles Capelli, musicien pop-rock amateur qui intervient dans l’immobilier, avait racheté le studio anglais Dubit. C’est un studio spécialiste de création de jeux sur la plateforme Roblox justement. Son idée est d’être le premier artiste lancé dans Roblox, afin de bénéficier du potentiel de fréquentation du metaverse. Car Roblox, c’est 200 millions de joueurs uniques par mois. L’objectif de Dubit, qui a aussi intégré la société Metaventures, c’est d’accompagner les entreprises, de tous secteurs, dans l’exploitation du potentiel marketing et communication des metaverse.

Mais, attention, il ne s’agit pas, comme dans l’ancien monde, d’envoyer des bannières de publicité qui feraient fuir les utilisateurs, mais de trouver de nouvelles idées : des compétitions e-sports avec prize money, des évènements live interactifs musique et mode. Il s’agit aussi d’organiser des jeux comme la Metavers Gaming League, prévue pour Noël, et des Miles ( massive interactive live events), rassemblant plusieurs millions de joueurs sur une à deux semaines, avec fashionweek multi marques, des jeux, des concerts, pour le lancement d’un nouveau produit. Cela semble prometteur, la société Metaventures déclarant aux Echos avoir déjà signé des dizaines de contrats de 500.000 à 3 millions d’euros pour 2022, avec des opérateurs téléphoniques, des marques de vêtements, des maisons de disques, des groupes audiovisuels. 

Le monde de la communication va connaître sa mutation.

Le système se sophistique encore avec l’apparition des NFT (jeton non fongible – Non Fongible Token) : Ce sont des objets virtuels dont l’authenticité et la traçabilité sont garantis par une blockchain. Un NFT garantit ainsi la propriété exclusive d’un actif numérique (une œuvre d’art ou un objet dans un jeu vidéo, comme un t-shirt, une épée, ou un arbre). Ces NFT peuvent être acquis et échangés sur les plateformes metaverse à partir de tokens de blockchain.

En adoptant les principes de décentralisation de la blockchain, les metaverse vont aussi permettre à tous types de créateurs ( graphistes, game designers, scénaristes) de développer leurs activités et de tirer des revenus, en échappant à l'intermédiation des maisons d'édition. Il y a de l'Uberisation dans l'air.

Bien sûr, c’est la vidéo de marc Zuckerberg à destination des investisseurs, annonçant que Facebook allait se renommer Meta, et que 10 milliards de dollars allaient être consacrés au développement du metaverse en 2021 et 2022, qui a attiré l’attention sur cette nouvelle étape de l’internet. Comme le dit Zuckerberg on passe du monde où on regardait internet au monde où l’on va se trouver dans internet. Cet investissement de Facebook, pardon, Meta, correspond à la création de 10.000 emplois, en Europe, pour développer ce metaverse. Il sera en concurrence avec tous les metaverse déjà développés ou à venir, mais l’ambition de Meta est d’en devenir le leader, et de prendre de l’avance sur tout le monde, en développant la réalité augmentée et la réalité virtuelle, ainsi que des lunettes et autres accessoires (gants, etc.) pour qu’on se croie dans le metaverse comme dans la vraie vie, avec notre avatar qui nous ressemble (ou à qui nous donnerons tous les traits dont nous avons envie).

Et la course a déjà bien commencé. Début décembre, en une semaine, plus de 100 millions de dollars ont été dépensés pour acheter des terrains, boutiques et logements virtuels sur des plateformes metaverse (The Sandbox, Decentraland, CryptoVoxels et Somnium Space). L’île de la Barbade a même annoncé son intention d’établir une ambassade dans le metaverse.

Tout cela peut paraître complètement farfelu à certains, mais il vaut la peine de creuser un peu plus pour comprendre le phénomène.

Ces mondes virtuels vont forcément créer des lieux de consommation, et ceux qui les fréquenteront passeront autant de temps en moins dans le monde réel. D’où ce déplacement de valeur qui reportera certains achats du monde réel vers le monde virtuel, avec évidemment des aller-retours : en ayant vu la boutique Nike dans le metaverse et ses présentations, on aura encore plus envie de fréquenter la vraie boutique en ville, ou sur le site marchand (qui sera sûrement aussi dans le metaverse d’ailleurs). C’est un changement des business models et un déplacement de valeur dans l’économie de marché qui se profile.

Et puis, ce n’est pas seulement dans les jeux et les galeries marchandes virtuelles que se déploieront ces technologies. On imagine bien, et Marc Zuckerberg l’évoque dans sa vidéo, ce que cela va aussi transformer dans le monde du travail et des entreprises. Nos Zoom et Teams party vont rapidement paraître bien ringardes, sans parler de nos sessions de brainstorming assis par terre avec nos post-it. Car on comprend bien que l’écart s’est creusé et va continuer à se creuser entre la richesse des univers des jeux vidéo et la pauvreté des outils de réunion à distance professionnels. Avec le metaverse et ses technologies il ne s’agit pas de faire des reproductions en 3D de la vie de bureau normale, avec des « post-it » digitaux (on a déjà des outils qui font ça), mais d’imaginer de nouveaux processus et méthodes d’interactions. Ces technologies metaverse vont nous permettre de gamifier nos processus d’idéation et de management de projets. Une réunion dans le metaverse nous permettra de choisir son avatar en fonction de notre rôle dans le projet, et de prendre de la hauteur en s’envolant au-dessus des cartes de processus ou des arbres des causes. Des technologies sont déjà matures pour nous permettre de reconstituer le sens du toucher dans un univers 3D, de quoi imaginer de nouveaux usages et notamment la formation de gestes techniques manuels.

Les technologies de réalité augmentée, avec des hologrammes affichés dans les espaces physiques, voilà encore de quoi activer nos imaginations pour une nouvelle conception du travail hybride. Le recrutement de nos collaborateurs peut aussi être imaginé autrement, en projetant les candidats dans des exercices et tests de gamification. On pense aussi à l’organisation de réunions de travail ou de brainstorming, en format court, à l’initiative des salariés et des groupes de projets. Le mentoring, le coaching vont peut-être aussi s’y mettre, en inventant, là encore ,de nouvelles approches. Les séminaires de comex et d’équipes vont pouvoir innover eux aussi. Tout va être dans le « Test and Learn ».

Il est temps que se révèlent les Metaverse-Consultants et les Metaverse-Coachs.

Et d’installer dans les entreprises le Directeur du Metaverse, ou le CMO (Chief Metaverse Officer), comme l’appellent déjà certains observateurs visionnaires.

La quatrième révolution industrielle n’est pas finie.


Où jouons-nous ?

Go_gameC’est quand le niveau de la mer baisse, comme disait Warren Buffet, que l’on voit ceux qui se baignent nus. Il faisait référence, notamment, à ceux qui, dans la crise, tacticiens de l’instant, n’ont pas de ligne directrice, de cap, ou de sens, et risquent ainsi, sans gouvernail, d’être balayés par les retournements de conjoncture.

C’est un peu ce que l’on ressent à la lecture de l’article de deux professeurs d’Harvard, Ashish Nanda et Das Narayandas, dans le dernier numéro de la Harvard Business Review ( Mars-Avril 2021).

Ils se concentrent sur le secteur de ce que l’on appelle les « services professionnels », c’est-à-dire les consultants de toutes sortes, mais aussi les avocats, les architectes, tous ceux qui vendent des services intellectuels aux entreprises. Mais l’on pourrait sûrement extrapoler à d’autres professions.

Le risque qu’ils mettent en évidence, c’est celui de se positionner sur des segments de marché qui ne correspondent pas au profil des collaborateurs et à leurs compétences dans l’entreprise de services professionnels, et donc de ne pas pouvoir y être performant ou leader. Comme une erreur de casting, ou de stratégie.

Pour cela les auteurs ont découpé ce qu’ils appellent le spectre des services professionnels (les « practices ») en quatre catégories ; Ceci peut constituer un outil intéressant pour stress tester nos organisations, équipes et stratégies. C’est aussi un outil pour construire une stratégie et aligner les capacités et les talents sur celle-ci. Car même si on peut imaginer de tenter de couvrir et de servir plusieurs catégories, les auteurs déduisent de leurs analyses que les entreprises les plus performantes sont celles qui se sont concentrées sur peu de segments, pour y être leaders.

Ces quatre catégories correspondent à des besoins clients différents, et donc à des configurations d’organisations et de talents différentes pour ceux qui veulent y participer. Et l’on peut retrouver dans ces catégories des entreprises et équipes que nous connaissons.

Elles ont chacune un petit nom sympa.

Les voici :

  • Commodité (commodity)
  • Procédure
  • Cheveux gris (Gray hair)
  • Science spatiale ( Rocket science).

Chacune de ces catégories peut être source de rentabilité ; il faut juste que chacune ait l’organisation et les profils adaptés, et surtout ne pas les mélanger, ni vouloir faire un peu de tout avec les mêmes (c’est là le plus grave danger). Il s’agit donc de bien aligner les profils et les compétences pour être performant.

Une practice « Commodité » est celle qui délivre à ses clients des services simples, répondant à des problèmes courants, qu’elle sait produire à des coûts compétitifs. C’est le prix qui est un critère déterminant, et les services Achats des clients savent comparer et peser les offres pour ces services.

A titre d’exemple, c’est sur ce créneau que se positionnent les grands Groupes indiens d’Outsourcing, comme Infosys ou TCS. Mais d’autres practices choisissent cette catégorie aussi, ou s’y trouvent malgré elles cataloguées.

Pour exécuter correctement ces services, les practices de cette catégorie ont besoin de collaborateurs stables et dépendants, qui produiront de manière régulière et irréprochable les missions au meilleur coût, et donc avec la productivité adéquate. Pas besoin qu’ils aient un haut niveau de formation, l’essentiel de la formation nécessaire sera appris « sur le terrain » en apprenant à exécuter les missions selon les standards requis. Ce qui motive et permet de retenir les jeunes recrues dans ce type de practice, c’est la sécurité du job, les récompenses pour avoir bien produit les missions, et pour les longues heures qu’ils y passent.

Ce qui est stratégique pour ces practices c’est de délivrer un service au niveau des standards attendus par les clients, avec l’offre la plus compétitive et de qualité.

En fait, dans un business de services professionnels, à défaut d’innovations et de renouvellement, tous les services (et par déduction tous les consultants) tendent à devenir progressivement des commodités, les standards et offres tendant à être copiés par de plus en plus de professionnels, qui sont les premiers à faire se développer ces marchés de commodités. Pour s’y maintenir de manière rentable il est important d’y avoir les standards les plus à jour et surtout les coûts et prix au niveau attendu, au risque, sinon, de s’en faire sortir par les compétiteurs les plus performants, qui seront vite repérés et choisis par les services Achats des clients.

Une practice « Procédure » est celle qui offre une approche systématique à des problèmes larges et compliqués qui requièrent la plus grande attention à de multiples considérations. Il s’agit donc d’assembler les bonnes compétences et de disposer de méthodologies éprouvées et reconnues. Il ne s’agit pas d’être à la pointe du progrès ou de l’originalité mais de faire le job de manière sérieuse, en mettant le client en confiance, notamment par la liste des références prouvant qu’on l’a déjà fait ailleurs, et de nombreuses fois.

C’est le terrain de jeu des entreprises comme Accenture Technology Consulting et d’autres.

Une telle practice va rechercher des collaborateurs « qui en veulent », qui ont envie de réussir des missions difficiles qui demandent beaucoup de travail. Ils ne rechignent pas à la tâche, et sont toujours prêts pour travailler de longues heures, à tout moment, pour réussir ces missions. Ce qu’ils aiment, c’est travailler beaucoup, réussir les challenges, comme ils l’ont prouvé dans leur réussite scolaire et les concours des grandes écoles. Ce qui est valorisé, c’est la ténacité et la persévérance.

Ce qui motive et permet de retenir les jeunes recrues dans ce genre de practice, c’est le système de « Pay for performance », au mérite, avec les bonus et les promotions pour les meilleurs, la formation qu’ils y reçoivent, et toutes les expertises multiples qu’ils acquièrent sur les projets complexes, qu’ils pourront valoriser dans d’autres organisations.

Ce qui est stratégique pour ces practices, de manière à être le plus performant possible, c’est de codifier et capitaliser les expériences et la gestion de projet pour pouvoir les transposer d’une équipe à l’autre et d’un projet à l’autre. C’est comme cela que les méthodologies deviennent robustes et au meilleur niveau de qualité. Surtout pas d’improvisation.

Une practice « Cheveux gris » est celle qui délivre un conseil expérimenté nourri par l’expérience, par exemple en mettant en avant avoir déjà travaillé pour d’autres entreprises sur le même secteur d’activités, ou sur des problématiques similaires.

C’est le créneau de firmes comme McKinsey.

Une telle practice va chercher à disposer de collaborateurs conseillers dont le jugement et l’expérience reflètent la sagesse. Pour voir de tels talents, elle ne va pas recruter dans d’autres firmes (risque d’importer un mode de pensée non conforme à sa culture), mais plutôt recruter des jeunes susceptibles de devenir rapidement des intelligences de type « cheveux gris ». C’est pour cela qu’elle va recruter les top des classements des meilleures écoles, capables d’absorber et d’analyser le maximum d’informations, et d’apprendre rapidement le bon jugement au contact des seniors Partners et des clients, qu’il pourra déployer dans d’autres missions pour le même secteur.

Ce qui est stratégique pour être leader dans ce type de practice, c’est tout le système de « knowledge management » qui permet de mettre en relation tous les experts du secteur de la firme, en échangeant les insights et outils, et en les améliorant constamment.

Une practice « science spatiale » est celle qui adresse des sujets nécessitant une expertise approfondie et une capacité de créativité pour résoudre les problèmes. Ce sont celles qui inventent et sont toujours à la pointe du progrès, proposant des approches disruptives et nouvelles, sans arrêt.

A ses débuts, c’est le créneau que proposait le BCG pour se différencier de McKinsey, avant de le rejoindre pour assurer sa croissance.

C’est aujourd’hui le créneau des petits cabinets innovants, car la taille n’est pas un critère décisif pour ce type de practice.

Les collaborateurs que recherche ce type de practice sont des collaborateurs brillants, créatifs, toujours à même de délivrer des solutions innovantes. Elles ne recrutent pas sur des critères de bons élèves avec des diplômes, mais recherchent plutôt des profils originaux, des « pointes fines ».

Ce qui est stratégique pour ces practices, c’est d’être constamment à l’état de l’art dans leurs expertises. Et donc de disposer du bon système de veille pour capter cet état de l’art, y participer, et le déployer.

Ce qui est intéressant dans l’analyse que propose ces auteurs, c’est que ce ne sont pas les practices qui décident de leur positionnement, mais les clients. D’où les méprises de tous ceux qui se croient dans le marché des « cheveux gris » ou des « sciences spatiales », et qui se lamentent d’être challengés sur les prix par les services Achats ; c’est en fait le signe que le client ne les voient pas du tout là où ils croient être mais dans la catégorie des « procédures » ou même des « commodités ».

Il y a aussi le cas de ceux qui ont correctement constitué leur équipe du créneau "cheveux gris" mais qui tentent de la vendre à un client qui, lui, veut acheter des "procédures" ou des "commodités" : échec assuré. Car il ne suffit pas d'avoir le bon positionnement, il faut aussi s'adresser aux bons clients. 

C'est ce problème de la practice qui s’entoure de profils de type « cheveux gris » et innovants, alors que ses clients attendent des routines et des missions standard de type « procédure ». Résultat : démotivation des collaborateurs, et impact sur la qualité requise pour ces missions de routine nécessitant d’appliquer des standards reconnus.

Autre danger, celui de garder les mêmes profils pour toutes les practices, avec le risque, là encore, de faire tout mal.

Et enfin, si la practice est prise dans ce genre de pièges, le risque est de glisser doucement, mais sûrement, vers un modèle de « commodités », à un niveau moyen, loin des standards des leaders.

Car l’expérience montre aussi que les firmes qui sont devenues des commodités aux yeux de leurs clients auront les plus grandes difficultés à remonter la pente pour revenir aux niveaux Premium auxquelles elles aspirent.

C’est pourquoi l’outil d’analyse proposé par Ashish Nanda et Das Narayandas est sûrement un bon antidote, un guide de survie,  pour éviter ce genre de pièges, choisir, conforter et développer le bon positionnement et le bon casting.

Cela explique aussi comment faire pour accroître et maintenir notre performance.

C’est aussi un moyen de nous rappeler que les positions ne sont jamais acquises, et que l’innovation reste un moteur fort de la croissance et du jeu concurrentiel.

Une belle leçon, qui vaut bien sûr au-delà des entreprises de services professionnels.

Nous sommes tous concernés dans nos pratiques personnelles professionnelles.


Les data vont-elles tuer les managers et les consultants ?

WorkerIl y a maintenant environ trente ans, parler d’automatisation et de systèmes d’informations, c’était parler des ERP (Enterprise Resource Planning), en français les PGI ( Progiciel de Gestion Intégrée), permettant de gérer l’ensemble des processus de l’entreprise. SAP, ORACLE et autres BAAN en étaient les rois, et les consultants ont développés des practices puissantes pour s’imposer comme maîtres d’ouvrages ou maîtres d’œuvre de tels progiciels. D’où aussi ce rapprochement entre les entreprises de Conseil et les leaders de ces technologies. Ainsi se sont déployées des entreprises comme Accenture, Cap Gemini, et même IBM, qui a racheté l’activité de Conseil de Pwc, à l’époque, 2002, pour un prix considéré comme modique de 3,5 milliards de dollars, tout cela dans un contexte où les nouvelles législations interdisent aux entreprises d’audit d’exercer des activités de Consulting pour les mêmes clients. C’était le début, pour le Métier du Conseil, du divorce de l’Audit et du mariage avec les Technologies.

Ces systèmes ont amené avec eux des gains de productivité et d’efficience dans les entreprises. Les emplois touchés ont été essentiellement des emplois de tâches administratives, et des emplois d’exécution. On a reconfiguré les processus, éliminant les gaspillages, avec des approches méthodologiques anciennes, inspirées de Toyota, de Lean Management. C’était aussi l’époque des BPR (Business Process Reengineering), dont les gourous étaient Michael Hammer et James Champy, où il ne s’agissait plus d’amélioration continue et de Lean, mais de tout casser pour tout refaire. Tout le monde s’y mettait, y compris les consultants bien sûr, en lisant comme une bible « Reengineering the Corporation » des deux auteurs (  best-seller des années 90). La méthode du consultant et du manager lui-même ne changeait pas trop : interviews, analyses, réunions pour décrire et imaginer les processus (un bon « brown paper » et formalisation du « As Is » et du « To Be »), plans d’actions, tout ça restait à peu près identique. L’expertise consistait à maîtriser ces types d’analyses et de diagnostic par processus. C’est l’expertise humaine qui créait la valeur et la façon de gérer ce changement, on disait plutôt « Transformation », le mot allait faire fureur dans les comités de Direction. On ne comptait plus les « programmes de transformation ». Et ça dure encore. Même Emmanuel Macron avait présenté son programme en 2017 comme un programme de transformation de la France (c’était avant la Covid…).

Mais voilà que nous connaissons une nouvelle vague aujourd’hui, depuis une dizaine d’années, et qui enfle de manière exponentielle. Il ne s’agit plus des processus de base et des tâches administratives, mais maintenant des activités des travailleurs intellectuels, en imitant les capacités qu’ils utilisent dans l’exécution de leurs activités professionnelles. Et l’on cherche alors, grâce à de nouvelles technologies et en repensant les processus, à obtenir un produit fini (par exemple un rapport d’activité, un diagnostic, une décision) engendrant le moins d’intervention humaine possible. Et ainsi augmenter la vitesse des processus (plus besoin de ces réunions où l’on discute pour analyser et décider trop longuement), réduire les coûts, améliorer la conformité et la qualité, faire moins ou plus du tout d’erreurs, et aussi optimiser les résultats des décisions. In fine l’objectif est d’améliorer aussi la satisfaction des clients et des collaborateurs en augmentant les revenus. On appelle cet ensemble de technologies « l’automatisation intelligente », qui se concentre donc sur l’automatisation du travail effectué par les travailleurs intellectuels, dont le principal capital est la connaissance. Cela concerne tous les travailleurs dont le métier est de penser pour vivre. Cela concerne par exemple les programmeurs, mais aussi les médecins, les pharmaciens, les ingénieurs, les architectes, les avocats, les scientifiques, les designers, les experts-comptables. Et on comprend assez vite que cela va sûrement concerner aussi les consultants eux-mêmes. Une nouvelle révolution est en marche.

Cette « automatisation intelligente » ( on va dire l’AI, à ne pas confondre avec l’IA – Intelligence Artificielle- qui n’est qu’une des composantes de l’AI), devient le nouveau « buzz word » pour désigner tout ce qui va permettre de créer des « travailleurs numériques » (programmes d’automatisation) qui permettent d’imiter les actions effectuées par les travailleurs intellectuels. Cela concerne toutes les tâches qui utilisent nos capacités humaines : voir, entendre, parler, lire, comprendre, agir, réagir et apprendre. L’AI est cette combinaison de technologies qui reproduisent des capacités humaines pour effectuer des processus au nom des travailleurs humains. Il ne s’agit pas de complètement remplacer l’humain, mais de créer une nouvelle main d’œuvre numérique qui va pouvoir s’associer avec l’humain. On parlera aussi d’ « hyper-automatisation ». Le terme a été placé en première place en 2019, par le Gartner Group, des 10 meilleures tendances technologiques stratégiques.

Ce nouveau monde est, bien sûr, permis aussi par l’abondance des données générées et disponibles dans nos systèmes d’informations, les réseaux sociaux, le web, et aussi celles récupérées par les objets connectés. A chaque seconde, nous générons des données qui sont toutes stockées quelque part, parfois contre notre gré. C’est pourquoi l’Automatisation Intelligente va créer cette possibilité d’analyser des millions de points de données en quelques minutes et de générer des informations à partir d’eux ( par exemple pour identifier les comportements des clients ayant un impact direct sur les revenus).

L’idée est de créer des processus métier sans contact (donc nécessitant une interaction ou une intervention humaine réduites au minimum, voire complètement supprimée). C’est la perfection ultime de ces systèmes, qu’on appelle « straight-through processes ».

Si la tête nous tourne, submergé par toutes les implications d’une telle révolution, le livre de Pascal Bornet, co-écrit avec Jan Barkin et Jochen Wirtz, « Automatisation Intelligente – Bienvenue dans le monde de l’hyper-automatisation », est sûrement une boussole de référence pour nous aider à comprendre et surtout à ne pas se laisser dépasser par cette nouvelle vague, qui va changer nos vies, et aussi, comme le croient les auteurs, très optimistes, «  rendre notre monde plus humain », paradoxalement, car il s'agit en fait de "sortir le robot de l'humain" c'est à dire de sortir de l'humain tout ce qu'on peut faire faire à la machine pour garder à 100% ce que l'humain sait mieux faire que la machine. 

Le livre permet de parcourir toutes les technologies et leurs usages pour la vision, l’exécution, le langage, penser et apprendre. Et d’imaginer que le travailleur de 2020, avec son ordinateur et son téléphone, sera bientôt à trouver dans les musées, comme le montre l’image en tête de cet article, et reproduite dans le livre.

Car toutes les technologies évoquées ne sont pas de la science-fiction, mais déjà disponibles et utilisables, qui plus est économiquement attractives, car disponibles à un coût raisonnable au regard du retour sur investissement, généralement de moins d’un an.

Pour « Voir », qui correspond aux yeux de la main d’œuvre numérique, nous avons les technologies de reconnaissance optique des caractères (OCR), la reconnaissance intelligente des caractères ( ICR), l’analyse d’images et de vidéos, et la biométrie. Tout cela pour capturer et traiter les documents, et générer des informations à partir d’images et de vidéos et en discernant les identités.

Pour l’ »Exécution », c’est-à-dire les mains et les jambes de la main d’œuvre numérique, nous avons tout ce qui permet le workflow intelligent, les plateforme low-code (qui permettent aux utilisateurs professionnels de développer leurs propres programmes en utilisant un environnement de développement visuel et intuitif), l’automatisation des processus robotiques (appelée RPA, Robotic Automatisation Process, elle couvre toutes les actions qu’une personne peut faire sur un ordinateur à l’aide d’une souris ou d’un clavier, et qui peut être remplacé par ce type de « software robot »).

Pour le « langage », qui correspond aux oreilles et à la bouche de la main d’œuvre numérique, et permet aux machines de lire, parler, écrire, interagir, interpréter et tirer un sens du langage humain, la technologie principale est le traitement du langage naturel (NLP, pour Natural Language Processing), mais aussi la génération automatique de textes (GAT, ou NLG, pour Natural Language Generation). C’est ce qui permet d’élaborer des chatbots intelligents, de gérer des données non structurées, d’analyser les sentiments et des données vocales.

Pour « penser et apprendre », qui correspond au cerveau de la main d’œuvre numérique, on a les technologies qui permettent de créer des informations pour soutenir la prise de décision. Cela comprend l’analyse mais aussi la prédiction. C’est aussi la possibilité de déclencher des actions automatiques (si la machine détecte un comportement frauduleux, elle envoie un message automatique au gestionnaire du client pour lui réclamer une enquête). Les technologies concernées comprennent la gestion du big data, le machine learning, et la visualisation des données. Les décisions peuvent être prises directement par la machine (machine learning) ou par des humains aidés par la machine (visualisation des données).

C’est sûr qu’il va falloir un changement des états d’esprit et des habitudes pour travailler avec les yeux, les mains, les jambes, les oreilles, la bouche et le cerveau de ces nouveaux collègues que sont ces « travailleurs numériques », qui voient, sentent, comprennent et décident plus vite et mieux que nous en certaines circonstances. Les managers, chefs de projets et les consultants vont devoir revoir leurs pratiques. Probablement que les nouvelles générations apprendront plus vite. Et les plus expérimentés, ceux qui sont dans un rôle de « counsellor » inspiré, sauront manager et apporter un service, une écoute active, et une capacité à comprendre, sur démultipliés grâce à ces équipes mixtes de travailleurs humains et de travailleurs numériques. Ce sont sûrement les « experts » habitués à leurs ordinateurs, aux analyses limitées à leur propre intuition ou expertise (« j’ai déjà vu le même problème ailleurs, je connais »), qui ont ancré les habitudes de conduire leurs entretiens, brainstorming et ateliers avec du papier et des crayons, quelques tableurs et Google Search, qui vont avoir le plus besoin de se remettre en cause, au risque de s’acheminer vers le musée, car trop lents, trop chers, et moins pertinents dans leurs méthodes de travail.

Il y a de quoi avoir peur de l’avenir, souhaiter que le monde d’avant dure encore un petit peu, pour ne pas perdre pied et la face. Il y a aussi de quoi être excité et avoir envie de passer au plus vite dans ce nouveau monde, d’être capable de monter des projets encore plus ambitieux et encore plus utiles pour les progrès et le bien-être de l’humanité.

A chacun de choisir son camp. Mais on risque très bientôt de n’avoir plus vraiment le choix.


Jeu travail

RubikDans les entreprises, ce sont ceux qui ne sont pas sur le terrain, ni directement en contact avec les clients ou les produits, mais qui, dans les bureaux, conçoivent les process, les organisations, les règles de fonctionnement. Il peut s’agir de tous ceux qui font partie des fonctions dites « de support », mais aussi, et c’est même leur raison d’être, des consultants, sous toutes les formes. Ils inventent le travail des autres sans le faire eux-mêmes.

Ces populations sont en augmentation dans le monde de l’entreprise, mais aussi dans le secteur public, qui copie de plus en plus les fonctionnements des entreprises privées.

C’est auprès de cette population que Marie-Anne Dujarier, sociologue et professeur à Paris 7, a réalisé une enquête, en en interviewant des centaines, et qu’elle relate dans son livre « Le management désincarné – Enquête sur les nouveaux cadres du travail », paru en 2015. On comprend, rien qu’en lisant le titre, que cette enquête est plutôt à charge. Elle appelle d’ailleurs ces cadres des « planneurs », car ils font des plans pour organiser le travail, mais sont accusés par ceux qui font du travail « réel » de « planer ».

En gros, ce sont ces personnes, loin du terrain, qui imaginent les procédures, les améliorations de performance, sans vraiment vivre le réel de la vraie vie opérationnelle.

Mais pourtant, ce sont aussi des collaborateurs zélés, qui aiment leur job, qui travaillent beaucoup, qui ont des horaires chargés, notamment justement les consultants.

Alors quel est ce paradoxe entre un métier perçu négativement par les opérationnels et dans lequel ceux qui l’exercent s’éclatent (enfin, la plupart, car il y a aussi des rejets, justement parce que ce type de job peut être perçu comme pas assez opérationnel. C’est d’ailleurs ce qui amène certains consultants à vouloir changer de job pour un job « plus opérationnel »).

En citant des consultants qu’elle a rencontrés, mais aussi des cadres d’entreprises dans des fonctions de méthodes, de marketing, de RH, ou de contrôle de gestion, Marie-Anne Dujarier fait une comparaison avec le jeu, reprenant une métaphore utilisée par les personnes interrogées. Pour qui a fréquenté le milieu du Conseil, on reconnaît assez justement certains traits de cette profession, même s’il serait un peu rapide de généraliser (comme le fait un peu Marie-Anne Dujarier).

Pour ces personnes, le rapport au travail et au temps de travail, notamment dans les cabinets prestigieux, est évoqué comme une contrainte assez douloureuse, avec des horaires étendus, mais c’est aussi un motif de fierté professionnelle. Les employeurs favorisent cette fierté avec des éléments de confort et de ce que l’auteur appelle « ludicisation de l’espace de travail », que l’on pourrait traduire par introduction de phénomènes de jeu dans le travail : salles de détente, équipements sportifs ou récréatifs, conciergerie d’entreprise, etc.  

Mais le phénomène de jeu va plus loin, et touche directement la fonction elle-même. Car ces « planneurs » et consultants se disent aussi « pris au jeu » dans leur travail. Voyant leur job comme une sorte d’équation délicate à résoudre, ils s’engouffrent dans leur activité, tels des joueurs passionnés : « Le caractère ludique du travail des planneurs provient essentiellement de ce qu’ils doivent agencer de manière agile des abstractions, sous le regard connaisseur et compétitif de leurs pairs ». L’auteur cite un témoignage révélateur : « Être auditeur, c’est mener des investigations (…). C’est marrant. Quand on est interrogés sur des points qu’on ne connaît pas, on a des montées d’adrénaline…C’est comme un jeu ».

Le jeu, c’est, sous contrainte de temps, de combiner, penser, agencer, classer, ranger, créer, inventer, rechercher, comprendre, dénouer des énigmes, écrire des textes et histoires convaincantes, etc. Un peu comme un joueur qui s’attaque à un casse-tête. Ce qui est ludique aussi, c’est ce rapport à la tâche qui leur est donnée, et qu’ils comparent à ce qu’ils ont expérimenté dans leurs études, et en classes prépa. Ce qui est aussi vécu (a posteriori) comme jouissif et intense, c’est de réaliser ces raisonnements sous une pression exceptionnelle, suivi d’un temps de décompression.

Le job est d’ailleurs, de mission en mission, comme une succession de « parties » que l’on peut quitter sans remords. Il y a à la fois un engagement intense dans la mission, et un détachement notoire. Les « joueurs » jouent une partie précise, mais ils peuvent la quitter sans se retourner : « Les organisations, les produits, les autres travailleurs, les transformations en cours, et même les « projets » qu’ils ont « lancés », ne leur importent plus, tant ils sont happés par la partie suivante ».

Bien sûr, derrière ces jeux décrits ainsi, l’auteur a « bon jeu » (c’est le cas de le dire) d’y porter un regard consterné : Comment peut-on jouer avec des effectifs, de l’argent, des missions de service public, en manipulant ces abstractions ? Mais elle reconnaît aussi que ces « planneurs » savent bien sûr que leur activité a des impacts sur le monde, et que l’indifférence apparente n’est jamais ni totale ni définitive. Ils savent que le monde extérieur existe, mais c’est justement, là encore, une caractéristique des jeux : c’est un jeu parce que « on sait que l’on joue ». Et sans ce savoir-là, le jeu n’est plus un jeu.

C’est pourquoi aussi l’auteur décèle dans ses entretiens, parfois, ce sentiment de lassitude à « jouer le jeu ». Avec des fatigues physiques et ce sentiment de superficialité « un peu nauséeux ». Les planeurs expriment alors un désir « de faire quelque chose de concret », et surtout « d’utile ».

L’auteur en déduit même que « le jeu caractériserait finalement le capitalisme de ce début du XXIème siècle ». Diantre !

Ce portrait en dissection des « planneurs » et des consultants est quand même éclairant.

Il fournit même une réplique pour les consultants à qui l’on demanderait en quoi consiste leur job :

Mon job : « Jeu-travaille ».

Succès garanti !


Savoir-faire et savoir-être

EcouteOn les appelle les métiers de relations humaines, on pense aux coachs, mais aussi aux consultants de toutes sortes, car une mission de conseil, c'est aussi une relation humaine entre celle ou celui qui a convaincu le client d'acheter la mission, et le client lui-même en tant que personne. 

Pour exercer ces métiers, on apprend par les formations, les livres, les conseils des autres, mais surtout par l'expérience, et pas seulement celle liée à l'activité professionnelle. Quand on exerce ce métier de coach ou de consultant, on apprend aussi beaucoup de ses clients. 

Vincent Lenhardt, considéré comme un des pionniers qui a introduit le coaching en France, et qui en a formé pas mal, vient de publier un petit ouvrage très personnel, " La sagesse du coach", qui lui permet de nous livrer des convictions intimes. 

Un passage intéressant du livre est cette réflexion sur ce qui fait les qualités fondamentales d'un coach, et on ne peut s'empêcher d'y projeter les qualités d'un consultant ou même d'un manager. 

Paradoxalement, ce ne sont pas les méthodologies ou les expertises qui constituent pour l'auteur les qualités premières, mais des qualités plus humaines, de l'ordre de l'immatériel.

Il en propose quatre, indissociables.

La première : la "qualité d'être".

C'est la plus importante. C'est cette disposition à être tranquille d'esprit, en paix. C'est cette capacité à être avec l'autre dans une relation où l'autre nous aide à nous sentir plus intelligent.

La deuxième : la capacité à gérer des relations

Cela consiste à construire une relation saine, exempte de manipulation, sans laisser aller à une manipulation qui chercherait à réduire l'autre à un objet de pouvoir ou de séduction.

La troisième : l'aptitude à comprendre les problèmes et les enjeux de son client

Rien à voir avec des offres ou des méthodologies, on y voit ici de l'intelligence relationnelle, de l'empathie. Il y faut une connaissance du domaine d'activité ou du métier de son client. Pas besoin d'être un expert du domaine, mais de garder une posture de généraliste qui peut accompagner le client dans sa problématique sans se substituer à lui.

La quatrième : maîtriser les techniques propres à l'exercice du métier

Plus que de maîtriser, il s'agit d'incarner. D'avoir la crédibilité, grâce à l'expertise et la capacité à trouver les bonnes approches sur mesure à chaque problème ou enjeu soulevé.

Comme souvent dans nos métiers de relations humaines, le savoir-être compte un peu plus que le savoir-faire.

De quoi identifier nos sources de progrès.


Les « problem solvers » sont-ils devenus ringards ?

ProblemsolverPour beaucoup, manager, cela consiste à résoudre des problèmes. 

Résoudre les problèmes, ça veut dire quoi ? Cela consiste à se placer dans une logique de cause à effet : Il y un problème, je vais trouver ton problème B, et, avec toute ma connaissance du métier, des autres entreprises qui ont connu ce que je pense être le même problème, ma connaissance de l’organisation, et des meilleures pratiques, je sais que c’est A qui entraîne B. Et si je trouve la cause de A, alors je vais corriger B, et mon problème avec B est résolu. Du moins c'est comme ça que l'on pourrait comprendre simplement le concept. 

Ce modèle, où il suffit de trouver les causes des problèmes en les découpant  en sous-problèmes, et les sous-problèmes en sous-sous problèmes, pour les résoudre, est-ce toujours adapté à notre monde d’aujourd’hui ?

Il est mis à mal, en tout cas,  dans le dernier livre de Philippe Silberzahn et Béatrice Jousset, «  Stratégie modèle mental ». Et cela fait réfléchir.

Les auteurs y dénoncent ce qu’ils appellent les « modèles mentaux » qui nous aveuglent, et prônent leur remplacement par les modèles mentaux adéquats, ceux des entrepreneurs.

Parmi les modèles mentaux qui nous font faire des bêtises, il y a précisément celui qui nous fait croire que le monde est fait de problèmes qu’il faut résoudre en en traitant les causes.

Cette approche, que les auteurs qualifient de « directe ou réductionniste » (A entraîne B), est celle qui convient à un monde stable dont les paramètres sont connus : C’est le monde où les objectifs sont clairs, les moyens identifiés, et où l’environnement est stable pendant le déroulement des opérations de résolution des problèmes, et où l’on va ainsi atteindre logiquement un niveau de performance élevé visé.

C’est d’ailleurs comme cela que se déroulent les programmes classiques de transformation : la transformation est abordée comme un problème à résoudre, pour lequel il devrait exister forcément une solution. Le rôle de la Direction Générale, et de ses consultants, est alors de déterminer cette solution et de résoudre le problème, et donc d’indiquer ensuite aux collaborateurs ce qu’ils doivent faire pour que la solution fonctionne.

Mais cela marche de moins en moins bien, on le constate bien, et les auteurs nous le rappellent, dans un environnement de plus en plus incertain. On ne sait pas très bien à quoi ressemblera le monde qui émerge, ni ce que nous permettront les nouvelles technologies (que les managers et Comex ne maîtrisent pas toujours très bien). On n’arrive pas toujours, dans cet environnement, à distinguer l’important de l’accessoire. On n’arrive plus à régler directement les problèmes car il est impossible de remonter la ligne de causalité. « La cause de B n’est pas juste A, mais aussi D, E et peut-être F, et parfois G. H joue également un rôle, mais nous ne le savons pas. Et cela évolue dans le temps. Le temps que nous le déterminions, il sera trop tard ».

En plus, du fait de l’évolution et de l’incertitude, nous sommes confrontés à des situations radicalement nouvelles, et donc le souvenir des résolutions des problèmes du passé ne nous aide pas forcément. Il s’agit maintenant d’imaginer des solutions nouvelles à des situations elles aussi nouvelles.

Bon, alors, si le manager ne résout plus les problèmes tout seul, il va faire quoi ?

Philippe Silberzahn et Béatrice Jousset apportent leur réponse : il nous faut revoir notre modèle mental. Il ne s’agit plus, quand un problème se pose, de se précipiter pour en chercher la cause pour le résoudre. Car cela ne fonctionne plus dans un monde où les problèmes sont trop complexes et évoluent avec le temps. C’est bien la logique même qui est à revoir.

La réponse que proposent les auteurs, et le modèle mental qu’ils nous proposent d’adopter, c’est : Créer le contexte.

Cela consiste à créer un environnement favorable pour permettre de faire émerger les solutions imaginées collectivement dans des situations d’incertitude.

Les questions sont alors différentes. On arrête de se casser la tête à chercher LA solution du problème, et on se demande :

  • Comment puis-je permettre à ces individus d’être performants ?
  • Qu’est-ce qui, dans ce contexte, pose problème ?
  • Comment créer le contexte propice à la performance ?

Pour cela, il faut accepter que « les modèles mentaux collectifs prédominent sur les personnalités individuelles ».

Avec ce modèle, on s’interroge d’abord sur la compréhension du contexte qui engendre la non-performance, et c’est sur ce contexte que l’on agit.

Pour s’en sortir, il nous faut alors nous débarrasser des logiques qui lient les « causes » et les « effets », avec tout l’attirail des objectifs, des budgets et des fiches de poste. Et passer à ce que les auteurs appellent « se penser au monde », se méfier des pièges de l’expertise et de l’objectivité des « problem solvers ».

C’est Hartmut Rosa qui explique que la relation au monde est la combinaison d’une attitude à la réalité et de l’expérience de la réalité. L’attitude à la réalité, c’est la façon dont nous la voyons avec nos croyances et nos valeurs. L’expérience de la réalité, c’est la façon dont nous agissons dans la réalité, et dont nous la changeons. Quand la « corde » qui nous relie à la réalité se met à vibrer, Rosa appelle cela la « résonance ». Nous adhérons à la réalité lorsque nous sommes pleinement dans le monde. Si la « corde » ne vibre pas, nous sommes alors dans l’aliénation. L’aliénation, c’est ce qui se passe lorsque nous agissons d’une manière qui ne correspond pas à ce que nous considérons être une vie bonne.

Ce à quoi nous encouragent les auteurs c’est précisément ce passage du modèle « Objectif / Idéal » vers le modèle « Relation au monde » pour nous mettre en résonance avec la réalité du nouveau monde.

Maintenant, on pourra quand même argumenter qu'on aura encore besoin des problem solvers, et de savoir résoudre les problèmes, pour aller aussi chercher, à tous les niveaux, les enjeux des problèmes rencontrés. IL y a de l'espoir pour les "problem solvers". Les consultants le savent bien, qui le pratiquent avec talent. L'éclairage de Philippe Silberzahn et Béatrice Jousset, en nous sensibilisant à la création du bon contexte par les dirigeants, sans lequel les solutions imaginées ne marchent pas, nous aide aussi à ne pas être victimes  aveugles de nos expertises, en les utilisant de manière trop simpliste. Voilà une salutaire alerte. 

Et un bon conseil pour aborder la transformation des entreprises avec de nouveaux modèles mentaux. C'est toujours utile, non? 


Stratégie digitale : c'est aussi une guerre

GuerredigitalreLes discours et les actions dans nos entreprises concernant le "digital", c'est en train de changer, vous ne trouvez pas?

On a vu une première phase, chez les plus pionniers, puis chez les autres, où il s'est agi de tester des initiatives diverses en retravaillant les sites internet de e-commerce, en allant se faire connaître sur les réseaux sociaux, en nommant des "community managers".

Maintenant, on en arrive à une nouvelle question : mais tout ça, ça nous rapporte quoi? Quel est le retour sur investissements? Ne faudrait-il pas mettre un peu d'ordre dans ce foisonnement d'initiatives, entre les applications qui marchent et les autres, entre les conversations utiles et les messages inutiles. Alors, on va appeler ça "une stratégie digitale". Mais en quoi cela consiste-t-il ?

Pour certains cela va consister à se faire un plan d'actions et de projets pour vendre plus sur internet et fidéliser le client tout le long du parcours, en allant le chercher le plus en amont possible : si je suis un parc de loisirs je vais chercher tous ceux qui sont en train de commencer à avoir envie d'aller dans un parc de loisirs. Il a peut-être tapé "parc de loisirs" sur Facebook ou Google, et ces deux "partenaires" Google et Facebook sont prêts, contre rémunération conséquente, à m'aider à les trouver, peu importe le coût, pourvu qu'on ait l'ivresse. Même démarche pour continuer à traquer ce visiteur après sa visite, ou non, en allant le chercher sur les mêmes réseaux pour lui parler encore et encore. 

Mais le truc, c'est que tous les concurrents font la même chose, et que dans cette histoire, ce sont les GAFA et les plateformes qui gagnent et viennent préempter toute la distribution à la place des entreprises installées, ces grands groupes, et les autres. Si je peux acheter mes billets d'avions sur Google , ou une chambre d'hôtel, sans quitter Google, j'ai un peu oublié la marque de la compagnie et celle de l'hôtel. Cette capture de la distribution, avec le consentement des marques qui payent pour ça, est en plein développement. Et on peut imaginer que ça ne s'arrêtera pas aux hôtels et aux compagnies aériennes. Nombreuses entreprises sont concernées. 

Il ne suffit pas de comparer son site e-commerce à celui des concurrents, il faut aussi faire son choix entre les plateformes existantes, décider ou non de faire sa propre plateforme, et avec qui, ou son site dédié, et pour quels segments de clients (le BtoB, ce n'est pas le BtoC, ni le BtoBtoC). 

C'est pourquoi les "stratégies digitales" qui se contentent de rechercher les meilleures applications et plateformes de distribution, ne vont pas suffire. Car le mot qu'il faut retrouver, ce n'est pas "digitale" (tout est digital aujourd'hui), mais le mot "stratégie".

Et la stratégie, c'est aussi la guerre. C'est prendre la mesure du paysage et de l'écosystème qui entoure l'entreprise, et notamment sa distribution. Il ne suffit plus de surveiller les concurrents de son industrie, mais de repérer les signaux faibles et l'émergence des nouveaux acteurs de l'écosystème, comme j'en ai déjà parlé ICI. 

 Guerre de mouvement, car dans le monde du digital, l'expérience semble prouver que c'est le premier qui entre qui gagne. C'est celui qui se lance qui sera en train de mettre en place la version 3.0 ou 4.0 de son offre sur le web, pendant que les concurrents en seront à essayer d'être le "Me Too" sur la version 1.0.Les premiers qui bougent sont aussi ceux qui vont bénéficier de l'avantage du bouche-à-oreille et de la réputation. Ce phénomène, c'est celui de Tesla qui a pris de l'avance sur les véhicules électriques, et que les constructeurs automobiles, avec leur recherche sur les véhicules électriques quelques années après, n'ont pas dépassé. 

Guerre aussi de positions et d'écosystèmes, qui vient mettre à bas nos certitudes sur la stratégie : On a appris dans les cours de stratégie de  nos écoles qu'il n'était pas possible d'être à la fois moins cher, meilleur en qualité, et offrir une large gamme. Et bien, avec le digital c'est possible : un compétiteur peut offrir une large gamme de produits, les livrer vite, et à prix le moins cher. Et les frontières entre industries s'effondrent. On ne compte plus les plateformes cross-services et multi-produits, qui viennent tout changer. Les leaders sont les compétiteurs qui se positionnent en acteurs leaders de ces écosystèmes. Dans cette guerre être très offensif, plutôt que défensif, dans cette stratégie des plateformes est un atout gagnant.

Encore faut-il savoir comment être offensif, et identifier en avance les stratégies, les enjeux, les mouvements, des acteurs et des concurrents. 

C'est ensuite une guerre de moyens : où mettre le maximum d'investissements, pour justement être ce "winner-takes-all" là où on a choisit d'être leader. Et comment se doter d'une agilité interne qui nous permettra de nous adapter le plus vite possible face aux mouvements, ruses, et stratagèmes, des nouveaux acteurs et des concurrents installés. Ces investissements, il s'agit de savoir où les concentrer pour en obtenir le meilleur ROI. Au début, phase "Test and Learn" de l'agilité, on va éparpiller pour tester; Mais faire de l'éparpillement et de la recopie des initiatives des autres serait le meilleur moyen d'échouer. Ces tests vont précisément permettre de choisir là où on va "mettre le paquet".

C'est pourquoi ces questions stratégiques commencent aussi par une bonne simulation du jeu de guerre qui se joue. Et pour poser les bonnes questions. Et comme le dit Sun Tzu, à relire pour se lancer dans cette guerre, la meilleure stratégie est de vaincre sans combattre.

La première question, comme toujours, c'est : Pourquoi ? Quelle est la stratégie visée? Je veux devenir le leader et y parvenir très vite en créant la plus forte valeur pour le client (et quel est le client visé? Car là aussi il faut parfois choisir).

Pour répondre à ces questions, on va avoir besoin d'imaginer loin les scénarios prospectifs, et de garder en tête le plateau de jeu où se déploient les stratégies visibles, et les stratégies cachées, des acteurs.

C'est pourquoi, pour réussir cette stratégie digitale, les plans d'actions et les plans stratégiques annuels risquent de manquer la cible. L'exercice va gagner à se transformer en conversations stratégiques permanentes. Il ne s'agit plus de faire plancher une petite équipe avec un (bon si possible) consultant en stratégie (même en stratégie digitale), mais d'être réactif en créant des espaces de conversations stratégiques dans toute l'entreprise. Les exercices de "Scenario Planning" et de "Wargames" vont nourrir les réflexions et faire émerger les disruptions, la différenciation, la vraie.

Enfin, acquérir ces compétences, ce n'est pas qu'une affaire de méthodes et d'outils. Il y a aussi un état d'esprit, une envie de futur, de la curiosité, de la veille, à entretenir parmi les collaborateurs. Cela vaut aussi pour les consultants si ils veulent participer en apportant de la valeur.

Alors, au-delà de comparer les sites internet des concurrents, et de négocier avec google et Facebook pour harponner les clients, on va pouvoir vraiment parler de stratégie digitale. Et surtout aider à l'exécuter.

Il y sûrement des volontaires qui en ont envie. 

Il ne leur reste plus qu'à se rencontrer pour s'y mettre, en partageant la même ambition.

 


Le jeu, copie du réel, ou symbole du monde

SymboleComprendre le monde, le sens de l'existence, la relation entre l'homme et le monde, voilà des questions qui occupent les philosophes depuis Aristote. C'est tout le champ de la métaphysique, qui a au fil des temps, eu plusieurs définitions. Dans le monde de l'action et du management c'est un concept qui n'a pas forcément bonne presse : faire de la métaphysique, c'est, au lieu d'agir, se livrer à des" spéculations intellectuelles sur des choses abstraites qui n'aboutissent pas à une solution des problèmes réels" (Larousse)

 Pourtant, dans un monde de plus en plus fragmenté, avoir une vision d'ensemble, retrouver du sens, ça ne peut pas faire de mal, et c'est même une aspiration de plus en plus forte.

En réflexion sur le sujet du jeu, et son lien avec la démarche d'innovation, que j'ai évoqué ICI, je suis allé voir dans l'ouvrage d'Eugen Fink, " Le jeu comme symbole du monde". En suivant sa réflexion et son raisonnement, c'est une réhabilitation du concept de jeu que nous découvrons.

Suivons ce cheminement.

 Quand nous parlons de l'homme dans sa "réalité" dans le monde, on ne parle pas de réalité comme celle d'un animal ou d'une pierre. Nous savons aussi que la vie humaine comporte un sens. L'homme ne sait pas toujours vers quoi tend sa volonté de vivre, mais il sait qu'une aspiration agit en lui, même sans bien la connaître. L'homme est un "projet vital". Son séjour sur terre est ainsi troublé par ce souci vital de trouver un sens à la vie, et ainsi le vrai bonheur. Cette tension et cette recherche du bonheur, c'est ce qui fait "le sérieux de la vie". Mais cette activité "sérieuse" peut aussi être interrompue par des "îles", des pauses non sérieuses dans l'activité de notre vie, qui peuvent être très utiles pour nous détendre, mais qui sont comme une interruption momentanée au sérieux de la vie : c'est là qu'intervient le jeu. Il est une activité "inauthentique", un "faire comme si', ce qui lui confère souvent une nuance négative. Jouer, c'est "faire passer le temps", remplir un moment de sa vie avec des futilités, pour nous décharger un moment du fardeau du souci de la vie, comme si nous replongions dans l'insouciance de l'enfance. 

Mais avec le jeu nous faisons aussi l'expérience du bonheur de créer. Alors qu'en dehors du jeu nous sommes déterminés par l'histoire de notre vie, avec le jeu nous faisons l'expérience d'un recommencement libre et sans entraves. Si nous considérons que le chemin de la vie est déterminé par un inquiétant rétrécissement de nos possibilités, à chacun de nos choix, en prenant conscience de ce que nous avons "laissé passer". Le jeu est alors là pour adoucir la loi inexorable du sérieux de la vie. Mais cette libération n'en est pas "réellement"une. Eugen Fink résume : " Jouer, c'est paraphraser sur le mode de l'illusion l'auto-réalisation de l'homme".  Vu comme ça, le jeu est une imitation du sérieux de la vie sur le mode de l'illusion. Toutefois, le jeu n'est pas réduit à une imitation servile, il peut aussi faire jaillir des possibilités que nous ne connaissons pas dans la vie sérieuse. Il est créateur. Il n'élimine pas les souffrances ou les difficultés de la vie réelle, il reste dans l'irréalité, mais il offre ainsi un sentiment agréable de bonheur, grâce justement à cette "irréalité". On peut ici penser au théâtre et aussi aux jeux de rôles : On y représente dans une "auto-conception fictive" une "conduite irréelle" par une conduite réelle où l'on éprouve le plaisir à être transporté au "royaume de l'apparence", ce lieu où nous pouvons "modeler la vie à notre gré". 

Cette "irréalité" est donc bien le trait fondamental déterminant du jeu humain. Il est une imitation du réel. D'où une vision plutôt dévalorisante du jeu par la métaphysique : le jeu ne serait qu'une imitation du réel, et donc sans signification pour comprendre le monde. Mais une autre vision peut émerger : le jeu, dévoilant le domaine de l'irréel monde ludique, pourrait être "la sphère mystérieuse et ambiguë où apparaît, au milieu des choses, ce qui est plus puissant et plus étant que toutes les choses".

En fait, l'interprétation métaphysique du jeu renvoie le jeu à autre chose que lui, comme une image du réel. Mais alors qu'est-ce qu'une image ?

On ne peut pas seulement assimiler "l'image" à une "copie" du réel. Car l'important n'est pas de savoir "de quoi l'image est copie, mais ce qu'est le caractère d'image en tant que faire-apparaître apparent". 

Ainsi, même en gardant l'assimilation du jeu à l'image, on s'éloigne de la "copie" du réel, car moins une image est "copie", plus elle est "symbole".

On connaît l'origine du mot "symbole" : c'était un signe de reconnaissance par une pièce de monnaie cassée en deux, les deux moitiés étant remises à deux amis se trouvant à grande distance. Si l'un des amis envoyait un hôte à l'autre, il lui remettait la moitié de la pièce comme preuve indiscutable. Les deux moitiés devaient ainsi s'ajuster parfaitement l'une à l'autre. D'où les deux caractères du "symbole" : le "fragmentaire" et le "complément". Le "symbole" signifie " concordance d'un fragment avec son complément". 

Et justement, toutes les choses finies en général sont des fragments, les hommes sont des fragments, chaque homme est morcelé en fragments. Le tout, le monde, le cosmos (on en revient au point de départ de la métaphysique), irrigue tous ces fragments. " Le tout où se produisent toutes les choses finies n'est pas composé par la réunion des matériaux finis. Il précède tout morcellement et le contient en lui". 

Et c'est ainsi que parfois nous pressentons une unité plus originelle de l'être qui fait irruption dans une chose quelconque, finie et périssable, qui surgit comme un "complément" d'une espèce particulière, non pas comme un complément quelconque, mais comme le complément. C'est en acquérant cette profondeur mondaine qu'une chose devient "symbole". C'est ainsi que rompre le pain, chose banale, peut revêtir un sens hautement symbolique. 

 Mais ce surgissement du symbole, du complément, ne peut pas être suscité à volonté; il se produit comme une attaque soudaine. Chez le primitifs, ce sont les pratiques de la magie qui avaient ce rôle. Le jeu a ce rôle. Il n'est pas "irréel" au sens "inférieur à la vraie vie", mais au contraire il est le mode selon lequel quelque chose de plus fort, de plus puissant, s'insère dans la vraie vie. Le jeu permet de se sentir plus proche de l'essentiel et de l'authentique. On peut dire qu'il comporte "un sérieux tout à fait à part". C'est ainsi que les jeux cultuels, les fêtes, sont autant chargés de symboles : la fête n'est pas qu'un moment de détente qui rompt avec le quotidien; c'est aussi et surtout une représentation du sens total de la vie. C'est pourquoi "l'irréalité" n'est plus alors la "copie du réel", mais le trait fondamental d'une représentation symbolique du tout du monde. C'est grâce à lui, le jeu cultuel, que le monde devient visible.

Et c'est pourquoi le jeu est vision du monde.

Nous sortons ainsi de cette vision du jeu comme une "irréalité" inférieure à la vraie vie "sérieuse", pour en faire au contraire le symbole du monde et le révélateur de vérités plus puissantes que ce qui nous appelons le réel, toujours fragmenté. 

Voilà une autre façon de regarder le jeu. 

Innover, créer, imaginer : le jeu est un bon inspirateur, avec cette vision, pour tous les managers, dirigeants et consultants qui veulent faire émerger un nouvel "irréel" avec "un sérieux tout à fait à part".

 


Identité lumineuse

Normascillaborosss2Cela fait vingt-quatre heures que nous l'avons quittée, et j'y suis encore en pensée...Quelle expérience !

Cette année, le séminaire de toute l'équipe PMP se déroulait en Sicile, à Palerme...Nous y étions plus de cinquante. Nous avons parlé de notre identité.

Ces séminaires sont en effet "expérientiels" et nous permettent de nourrir notre réfléxion directement à partir des lieux visités et des rencontres que nous y faisons. J'ai déjà parlé ici de Moscou, de Bilbao, de la Laponie, et du désert de Tunisie.

La Sicile, voilà bien un endroit pour évoquer l'identité : cette île a connu les invasions et les colonisations des grecs, des romains, des carthaginois, des normands, des arabes, des français, des espagnols. Les derniers sont les piémontais italiens (Garibaldi) qui sous prétexte de faire " l'Unité " italienne en 1860 vont annexer ce territoire nécessaire à leur expansion économique.

C'est le prince de Salina qui, dans le roman "Le Guépard" de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa, et dont Visconti a tiré un film avec Burt Lancaster, exprime ce sentiment à un envoyé du nouveau gouvernement qui cherche à recruter pour touver des candidats au Sénat : 

" Nous sommes vieux, trés vieux. Cela fait au moins vingt-cinq siècles que nous portons sur nos épaules le poids de magnifiques civilisations hétérogènes, toutes venues de l'extérieur, déjà complètes et perfectionnées, il n'y en a aucune qui ait germé chez nous, aucune à laquelle nous ayons donné le la, Depuis deux mille cinq cents ans nous sommes une colonie. Je ne dis pas ça pour me plaindre : en grande partie c'est notre faute; mais nous sommes quand mêmes fatigués et vidés".

Et pourtant, cette terre colonisée, cette terre d'émigration ( encore aujourd'hui, avec la crise, le manque de travail dans l'île, les jeunes quittent la Sicile, pour parfois y revenir), on ne la quitte jamais vraiment, car tout sicilien, où qi'il aille dans le monde, emporte avec lui une part de Sicile intérieure, un caractère particulier dont parle aussi le prince de Salina :

" Cette violence du paysage, cette cruauté du climat, cette tension perpétuelle de chaque aspect, ces monuments aussi, du passé, magnifiques mais incompréhensibles parce qu'ils n'ont pas été édifiés par nous, et qu'il se trouvent autour de nous comme autant de trés beaux fantômes muets; tous ces gouvernements, débarqués avec leurs armes d'on ne sait où, aussitôt servis, vite détestés, et toujours incompris, qui ne se sont exprimés qu'à travers des oeuvres d'art énigmatiques pour nous, et avec de trés concrets percepteurs d'impôts dépensés ensuite ailleurs, toutes ces choses là ont forgé notre caractère qui demeure donc conditionné par des fatalités extérieures autant que par une terrifiante insularité spirituelle".

La Sicile, c'est la nature, aride, celle qui a été conquise par les vagues d'envahisseurs qui ont apporté par exemple la vigne ou l'eucalyptus. C'est aussi la mer, où plutôt les mers qui l'entourent. Forcément nous sommes allés y voir, sur un bateau, comme les envahisseurs en leur temps; mais nous n'étions pas les envahisseurs; nous venions humblement essayer de comprendre cette identité sicilienne.

Gastronomie aussi : des pâtes, mais aussi des préparations de fruits de mer et poissons: la générosité des portions et de nos hôtes..

Et puis Palerme : cette ville décorée par les grands artistes des colonisateurs.

Palatine La chapelle palatine aux parois recouvertes d'or à 24 carats par les byzantins, ces décorations qui mélangent les religions chrétiennes, musulmanes, juives...L'identité par le mélange et par l'accueil des autres, sans écraser personne : on commençait à faire des comparaisons avec notre entreprise.

Mais Palerme aussi plutôt sale, envahie de détritus, qui nous oblige à aller chercher ses splendeurs avec un peu d'efforts; ça ne vient pas tout seul; chacun doit aller chercher.

Nous sommes allés jusqu'au village haut-perché de Monreale pour y admirer la cathédrale, mais aussi le charme caché, silencieux et reposant du cloître.

 

Cloitre Nous y étions quasiment les seuls visiteurs...à admirer un à un chacun des piliers, tous différents, dans une harmonie qui faisait de ce cloître un modèle d'architecture : tiens, ces différences juxtaposées, qui forment une unité d'architecture, on tenait encore un clin d'oeil pour notre identité à nous, nous aussi...

Mais Palerme c'est aussi un incubateur de start up, Arca, dont le responsable nous confie que sa principale question c'est : comment et pourquoi des entrepreneurs vont-ils entreprendre ici à Palerme, dans cet endroit qui "ressemble à Marseille, en plus sale". Sa réponse est que Palerme est une transition entre le Nord, là où l'on fait des "business plans" et où on manage "à l'allemande", et puis le Sud, le monde des arabes et africains, là où l'on improvise, où l'on crée, où l'on apporte cette touche méditerranéenne. Avec un tel pont entre deux mondes, on créera différemment. Ce qu"il cherche à faire c'est d'entrechoquer ces mondes (il utilise le mot anglais "collide") : un designer et un ingénieur mécanique se sont rencontés ici pour créer une machine connectée pour distribuer des produits, la WIB (Warehouse in a Box). Ils iront chercher l'argent à Milan ( ici le slogan, c'est M =M : Milan is Money) et dans le monde auprès des investisseurs.

Norma nous attendait à l'Opéra Teatro Massimo le soir. Norma, oeuvre de Bellini, enfant du pays, né à Catane. Norma, héroïne en furie qui lance des imprécations contre son amant, le proconsul de Rome, Pollione, qui l'abandonne pour une maîtresse plus jeune, alors qu'elle a rompu son serment de chasteté pour lui et eu deux enfants de lui. Norma, c'était ce soir Scilla Boross, soprano hongroise (photo ci-dessus), dont nous attendions tous l'interprétation du célèbre air "Casta Diva", invocation à la lune pour exprimer son désenchantement en clair-obscur. Norma, femme engagée, qui aprés s'être engagée pour Pollione, va s'engager pour son honneur, et se livrera au bûcher. On pourrait chercher ce qu'il y a de Sicile dans ce Bellini, et cette héroïne. Dominique Fernandez, dans un ouvrage sur ses promenades en Sicile, s'y essaie : il voit dans le destin de toutes les héroïnes de Bellini, qui les conduit à une sorte de folie, la représentation du destin de la Sicile; Ces femmes éperdues seraient l'image de la Sicile éternellement spoliée, bafouée, villipendée. La folie des héroïnes belliniennes, ce serait aussi la folie des insulaires de l'île qui vivent avec "une pathétique intensité" les contradictions de la Sicile et la succession de désastres qui constituent son histoire, et en viennent à perdre l'esprit.La protestation impuissante de Norma, femme trahie, serait aussi celle de la Sicile...Peut-être...

NormapalermoLe rôle d'Adalgisa était tenu par une mezzo soprano italienne, brune à la ville, Annalisa Stroppa; mais blonde dans le rôle...et trés applaudie.

Qu'allions-nous ramener de la Sicile avec nous pour revenir chez PMP, et servir nos clients ? Nous avons partagé nos réponses : Du soleil, la mer, de l'entraide, de la sérénité, une envie de préserver les diversités, et nos diversités à nous qui font l'identité de PMP, et la façon différente, peut-être, dont nous concevons notre métier de consultant.

Nous nous sentions lumineux et beaux (notre galerie de selfies était impressionnante); Nous avions envie d"élan, de simplicité, de cohésion, de générosité. Un moment de joie.

Peut-être la Sicile nous aura-t-elle appris que l'identité, pour une communauté, une entreprise, cela ne vient pas du "haut", comme une "Unité" uniforme imposée ou formulée par les chefs, à laquelle il faut se plier, mais que l'identité se construit en assemblant les identités de chacun, comme une mosaïque sur le sol ou les murs de la chapelle palatine ou la cathédrale de Monreale : les questions identitaires de la collectivité, de l'entreprise, se nourissent des questions identitaires de chacun individuellement; ce que je veux faire, ce que je veux être, maintenant, demain ou à plus long terme, c'est ce qui fera l'identité de l'organisation où je suis.

Il est vain de demander à l'entreprise d'être différente de ma nature intérieure et de celle de mes collègues, comme si elle devait répondre à ma place à mes questions identitaires personnelles, car elle n'en est que l'expression projetée.

.Développer et renforcer l'identité d'une collectivité, d'une organisation, c'est d'abord laisser la place à, et accepter, l'expression des identités individuelles, et leur éclosion. Et non les étouffer dans une identité imposée et uniforme.

A chacun d'oser révéler sa Sicile intérieure. Et en acceptant ces différences, cette diversité, nous construisons l'harmonie et le noyau commun, précisément fondé sur ces valeurs de générosité, d'accueil, de respect

Pour ce message un grand merci à la Sicile, à Palerme, et à nos belles rencontres.


Faut-il se mettre au "Big" ?

GrippeC'est devenu le nouveau mot pour faire du business, raconter des histoires, vendre des rêves de croissance et de nouveaux "business models".

Cela devrait faire trembler les firmes installées, et offrir des opportunités fantastiques à des nouveaux entrants plus malins, qui cherchent la rupture.

C'est le "Big Data". On parle même de "dataification" du monde.

 Le terme désigne tout simplement la collecte, l'exploration et l'analyse de grandes masses de données : des chiffres, bien sûr, mais aussi des textes, des images, des vidéos...et encore des gênes, des étoiles..;

Cela permet de rêver - ou de cauchemarder - à un paramètrage de nos existences et à une augmentation de nos capacités de prédiction dans tous les domaines : prévoir la localisation des individus, le traffic routier, les épidémies, les incendies.

Mais c'est aussi prévoir les comportements des consommateurs, les produits qui vont se vendre, et les autres, identifier les personnes les plus intéressantes pour les assureurs ( celles qui n'auront pas d'accidents, qui resteront en bonne santé, celles qu'on appelle "les bons profils"). 

De plus, avec l'amélioration des performances des systèmes, et la baisse des coûts de collecte et de traitement - les données sont la plupart du temps facile d'accés et gratuites - ces "Big data" ne sont pas réservées aux grosses boîtes ou aux agences d'espionnage; tout le monde, même la plus petite start-up, y a accès.  D'ailleurs les consultants et experts sont tous en train de persuader de nombreux acteurs de l'économie que leurs données, en grande masse, qui dorment chez eux, sont des pépites pour améliorer leurs diagnostics, leurs ciblages, leurs actions marketing. Tout y passe : la recherche thérapeuthique pour les industries pharmaceutiques, comme les publicités sur le web, l'estimation des primes d'assurances, mais aussi la prévention de la délinquance pour la police.

Les Etats ont bien compris le potentiel : les Etats-Unis ont annoncé un programme de recherche en 2012 "Recherche et développement big data", doté de 146 M€. En France la Commission Innovation 2030, avec Anne Lauvergeon, en a fait un des sept "défis d'avenir".

Deux questions restent apparemment encore incertaines : Comment va-t-on utiliser ces données? Et qui va les utiliser?

Comment utiliser ces données?

Trois propriétés des ces systèmes de Big data viennent perturber les informaticiens et les mathématiciens : le volume, la vitesse, et la diversité.

Le volume pose le problème de la capacité à faire des calculs sur des monstres de données, et aussi celui de la capacité à gérer une base de données géante. Google a pris de l'avance pour apporter les réponses, et populariser de nouvelles méthodes de développement comme Mapreduce, et Hadoop. Ces sujets de technologies et d'infrastructures sont, selon François Bourdoncle, CEO d'Exalead et copilote du plan Big Data en France, d'ore et déjà bien lancés.

Ce qui va contituer la prochaine vague, ce sont les solutions pour bien utiliser ces données. Et c'est là que l'on parle de vitesse et de diversité : La vitesse c'est ce qui permet de faire des mises à jour fréquentes des données comme les mots clés sur les pages web, ou les consultations des produits sur les sites marchands*; là encore, de nouvelles approches mathématiques sont nécessaires.

Quant à la diversité, cela concerne ce que l'on récolte sur un utilisateur : son nom, son âge, son adresse, la liste des sites web qu'il a visités, les commentaires qu'il a laissé, ses "like" sur facebook (il y en a trois millions par minute sur le réseau facebook), des photos, des vidéos,...Là encore les traitements sont plus compliqués. D'autant que ces données sont laissées sur des des smartphones, des tablesttes, des ordinateurs, et bientôt sur des objets connectés de toutes sortes. Impossible de rappatrier toutes les données en un seul endroit, - trop coûteux. On va alors développer des systèmes pour permettre aux "capteurs" de "bavarder entre eux pour diffuser des résultats partiels de voisin à voisin jusqu'au résultat final" ( comme indiqué dans un article du Monde de david Larousserie, paru fin janvier).

Autre problème : beaucoup de données , beaucoup de variables, de "connaissances" pour chaque individu, et qui changent tout le temps : de quoi perturber toutes les méthodes des sondeurs. C'est le phénomène du "fléau de la dimension".

Sur tous ces sujets, la Recherche est en cours. On ne sait pas encore tout. D'où cette nouvelle discipline porteuse de développement, qu'on appelle la "science des données". Des opportunités pour tous les informaticiens et mathématiciens.Ces talents deviennent de plus en plus précieux, sinon les entreprises qui possèdent toutes ces "big data" se trouveront perdues et ne sauront pas comment réellement les exploiter.

Qui va utiliser ces Big Data?

C'est un deuxième enjeu. 

Certains prédisent que l'accés aux données, de plus en plus facile et gratuitement, va permettre à de nouveaux acteurs de désintermédier en partie les acteurs historiques et de capter ainsi une partie de plus en plus importante de la valeur et des clients. Grâce à la connaissance de plus en plus fine de chaque client, il est possible de croiser les données personnelles des clients, Santé, habitation, habitudes,..et ainsi de proposer des produits d'assurance et d'assistance aux clients les "meilleurs", en laissant les personnes à problèmes aux compagnies classiques et historiques. De nouveaux acteurs pourront alors se glisser dans cette relation client, comme "front office". Avec comme conséquence le détournement des clients "bons profils". On peut alors imaginer le développement de ces plateformes "désintermédiées" dans de nombreux secteurs, y compris dans les services professionnels et le Consulting, comme Youmeo.

Ce phénomène ouvre des perspectives intéressantes et importantes. A chacun, grand Groupe, entreprise nouvelle, startup, de trouver les meilleures voies pour se lancer.

Mais certains sont aussi, déjà, en train de crier au loup, comme Pierre Bellanger, qui vient de publier "la souveraineté numérique". Pour lui, nous sommes en danger : nos données privées et personnelles sont mangées et exploitées gratuitement par les géants américains, qui créent de la valeur avec, et nous les revendent avec cette valeur. Pour lui, cela constitue un pillage inadmissible. Il faut créer une protection, des sortes de "droits d'auteur" sur les données privées et personnelles. Il faut, pour lui, se dépêcher de réguler de protéger la "propriété" des données; à commencer par rappatrier les serveurs en Europe, au lieu de les laisser aux Etats Unis.Pour lui, c'est simple, en laissant exporter nos données brutes, que nous réimportons sous forme de services, nous perdons le coeur de notre valeur ajoutée, le coeur de nos emplois, le coeur de nos services.

Bon alors, le Big : est-ce que ça va nous transformer, permettre aux entrepreneurs d'émerger, aux mathématiciens d'inventer, ou bien nous toucher au coeur?

Sûrement un peu de tout ça. Tout dépend de ce que nous en ferons.

Mais on ne peut pas s'en désintéresser : ouvrons un chantier "Que faire avec les Big Data?" dans toutes  nos entreprises.