Comment protéger la vie privée à l’ère de l’IA ?
29 mai 2025
La vie privée est-elle menacée par l’intelligence artificielle ?
Même pour les plus ardents défenseurs des progrès apportés par l’IA, la question se pose.
Les deux invités de ma prochaine conférence avec 4ème Révolution, Carlo d’Asaro Biondo et Monique Canto-Sperber, abordent chacun le sujet, avec des prismes différents, dans leurs livres.
Monique Canto-Sperber, dans son livre « La liberté cherchant son peuple », en philosophe, part de la liberté, celle dont parle John Stuart Mill (« De la liberté », 1859) pour qui chacun est « libre de tracer le plan de sa vie suivant son caractère, d’agir à sa guise et de risquer toutes les conséquences qui en résulteront, et cela sans être empêché par ses semblables tant qu’il ne leur nuit pas, même si ces derniers trouvaient sa conduite insensée, perverse et mauvaise ».
Mais ce qui menace la vie privée, ou du moins ce qui suscite l’inquiétude, c’est bien sûr aujourd’hui tous les systèmes de ciblage des individus, de traçage, de surveillance des comportements et des préférences, par des acteurs privés. Cela se développe aussi, via les réseaux sociaux, par cette propension des usagers à dévoiler une part importante de leur vie privée, leurs convictions, leurs relations, leur vie intime, au point que, en contrepartie, la curiosité nous amène à croire que les informations les plus intimes sur la vie des autres doivent être accessibles, ce que Monique Canto-Sperber appelle la « liberté assiégée ».
On en arriverait à une société du voyeurisme, où le désir de garder des parts de sa vie secrètes deviendrait suspect, et serait à dénoncer.
Mais alors, Monique Canto-Sperber pose la question : « Est-il encore possible de soustraire des aspects de sa vie intime à la curiosité des autres quand l’incitation à tout dire de soi est à la base du fonctionnement des réseaux sociaux, et que les moyens technologiques d’aujourd’hui font qu’il est difficile d’empêcher la diffusion d’une information à un large public ? ».
On en est aujourd’hui au point où le droit de la personne à ne révéler d’elle-même que ce qu’elle souhaite est devenue une illusion. On se rappelle les images impliquant Benjamin Griveaux, échangées avec une jeune femme par vidéo, rendues publiques par un ami russe de cette jeune femme, qui avaient contraint Benjamin Griveaux à abandonner sa candidature à la mairie de Paris. Cet ami russe a été condamné à 6 mois de prison ferme (aménageable), et la jeune femme à 6 mois avec sursis, plus des amendes, mais le mal était fait.
Carlo d’Asaro Biondo aborde le même sujet dans son livre, « L’humanité face à l’IA – Le combat du siècle », à partir du phénomène du cyberharcèlement, comme le « revenge porn » (vengeance pornographique) qui, à partir de piratage de comptes photo, ou avec des images ou vidéos générées par l’intelligence artificielle, donne lieu à du chantage ou à des vengeances, ou à un usage dans une procédure de divorce, par exemple.
Pour sanctionner ce phénomène, il n’existe pas de législation homogène en Europe, et Carlo d’Asaro Biondo considèrent que les législations qui existent (en France et en Italie) et pénalisent ces actes ne suffisent pas. Il cite, lui aussi, pour preuve, la même affaire Griveaux.
Alors, que faire ?
La réponse de Carlo, c’est l’éducation et…la technologie : « La législation ne peut pas plus, à elle seule, gagner le combat contre le cyberharcèlement. L’éducation à l’usage de la technologie et aux risques de notre époque connectée s’impose désormais comme le devoir de tout parent ou adulte envers les plus jeunes. Tout le monde doit comprendre les dangers de l’usage du cloud pour ses photos et informations personnelles et l’importance de l’authentification multifactorielle (mot de passe sur portable + code sur téléphone, biométrie – « Face ID » - + code sur téléphone ou PC…) ».
Mais même ces mesures de protection technologique de l’identité ne seront pas suffisantes, tout en étant indispensables. Ce qu’il espère, c’est « une révolution culturelle intime et sociale » : « Il faut apprendre à ne partager que ce qui est utile et redonner de la valeur aux traces numériques que nous souhaitons laisser. Il nous faudra rendre ses lettres de noblesse à la réserve, trouver des moyens d’expression et de réalisation de soi, qui ne se résument pas au nombre de followers ou de like que l’on parvient à attirer ».
Monique Canto-Sperber, voit une réponse dans le libéralisme : « Le libéralisme a un avantage et une exigence que peu de mouvements politiques placent au premier plan de leur programme : le respect de leur liberté sur les questions de vie privée, d’opinions et de choix, et la volonté de faire en sorte que les politiques publiques préservent pour les individus concernés des possibilités de choix, des marges de liberté ».
Sanctions, législation, technologie, éducation, libéralisme ?
Qui nous sauvera pour protéger notre vie privée ?
Suite du débat à la conférence où Carlo d’Asaro Biondo et Monique Canto-Sperber seront présents pour débattre avec nous le 16 juin.
Un rendez-vous à ne pas manquer.
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