Tu ne peux pas faire tout seul
26 janvier 2025
Si l’on parle de leader, on invoquera sa vision, sa détermination, on comparera à des chefs célèbres, dans l’Etat ou l’armée, à Napoléon par exemple.
Et c’est vrai que l’on peut avoir l’impression que certains dirigeants se prennent un peu pour Napoléon, ce qui les rapproche du profil des fous (Les hôpitaux psychiatriques sont parait il peuplés de patients convaincus d’être Napoléon).
Mais voilà, aujourd’hui, le leadership, c’est aussi l’attention portée aux employés et aux collaborateurs.
Se trouver dans une réunion de managers qui bavardent en attendant qu’elle commence ; et puis le chef arrive ; silence dans la salle, les regards braqués sur ce chef, qui va prendre la parole ; ces visages de soumission, voire de peur rentrée, voilà une expérience qui en dit long sur le style de management. Le chef a l’air content de lui. Les plus jeunes ont l’air d’automates, les plus anciens aux regards de chiens battus habitués à être de bons soumis font un peu pitié. Mais comment marche donc cette entreprise ?
Quand ça craque vraiment, on parlera même, médecine du travail en appui, de « management toxique » ou de « harcèlement ».
Le Figaro rapporte cette semaine que c’est le cas de la préfète déléguée à l’égalité des chances à la préfecture de Gironde (c’est quoi ce poste ?), qui est visée par un rapport de la médecine du travail pour son « management toxique » causant un « risque suicidaire élevé » chez ses collaborateurs.
L’affaire n’est pas close et l’intéressée, forcément, s’en défend, et dit qu’elle a « toujours porté la plus grande attention à ses équipes ».
En fait, développer son leadership en se gardant de ce risque n’est pas toujours évident. Et on apprend plutôt sur le tas, par essais et erreurs, même si certains sont plus doués que d’autres. Et ça concerne tous les dirigeants, même avec une petite équipe. C’est le dilemme dans certaines start-ups aussi, qui voient augmenter les effectifs très vite, avec des dirigeants entrepreneurs concentrés sur la stratégie et le développement et qui ne savent pas comment manager ces collaborateurs, certains les considérant même comme des contrats de travail sur pattes, qui n’ont rien à dire.
Il y a déjà quelques années, deux chercheurs, James M. Kouzes et Barry Z. Posner, ont publié plusieurs ouvrages sur ce qu’ils appellent les « règles du leadership ». Elles méritent toujours d’être lues et relues.
Parmi celles-ci, justement : « Tu ne peux pas faire tout seul ».
Ils ont observé, comme d’autres, que la relation avec les subordonnés était un des critères essentiels de la réussite et de la performance. C’est aussi ce qu’a étudié Daniel Goleman à propos de ce qu’il appelle « l’intelligence émotionnelle ». D’autres, plus proches de la psychanalyse, parleront de « lien libidinal ».
Mais alors, on fait comment, messieurs Kouzes et Posner. Cela a l’air simple en fait :
« Pour établir un lien humain, il faut une écoute exceptionnelle. Vous devez comprendre le point de vue des autres, et cette capacité s'est avérée être la différence la plus flagrante entre les dirigeants qui réussissent et ceux qui échouent ».
Le secret est de passer le temps avec les employés, directement sur le terrain, avec intimité, familiarité, empathie, être comme en « résonance » avec eux.
Mais de quoi leur parler ?
Les auteurs considèrent que, parmi les sujets de discussion ouverts, ceux concernant le futur sont les plus porteurs de motivation et de sens. Car, en étant sur le terrain des opérations, on fonctionne plutôt dans le présent et les objectifs à court ou même très court terme. Alors que le dirigeant a une obligation de se préoccuper du futur aussi, de ce qui pourrait arriver, des scénarios qui peuvent advenir, et de comment s’y préparer. Ce que les employés attendent, ce n’est pas que le chef déroule sa vision, mais comment leurs propres rêves peuvent se réaliser, et se représenter eux-mêmes dans ces visions et scénarios du futur. La vision et le futur ne sont pas un monologue du chef, mais l’occasion de conversations dans toute l’entreprise. C’est tout le bénéfice des exercices de scénario planning que de nombreux dirigeants pratiquent et déploient régulièrement (et ils sont de plus en plus nombreux à le faire), et dont j’ai déjà parlé ICI.
Pour l’employé, le bon leader, c’est aussi celui qui lui donne le sentiment qu’il va le rendre meilleur. C’est comme cela que l’on se souvient des managers qui nous ont ainsi aidé dans notre parcours professionnel.
Il y a une scène connue dans le film « Pour le pire et pour le meilleur » de James L. Brookes (1997), avec Jack Nicholson, dans un restaurant, à propos d’un compliment, qui montre bien ce sentiment.
A visionner pour s’en convaincre :