Seniors aux commandes
15 septembre 2024
Quand on parle des seniors, il y a un poste où les seniors ont la côte et s’accrochent, c’est celui de patron.
En mai 2024, l’assemblée générale de l’entreprise de conseil informatique aux 58.000 salariés, Sopra Steria, a repoussé la limite d’âge du président de 89 ans à 95 ans, permettant ainsi au président Pierre Pasquier, 89 ans, fondateur du Groupe Sopra en 1968 (fusionné avec Steria en 2015) de rester président.
C’est encore en-dessous de Warren Buffet, 94 ans, toujours président de son Groupe Berkshire Hathaway.
Le Monde indiquait, dans un reportage sur la place des seniors, la semaine dernière, que 27,6% des dirigeants de PME et ETI françaises avaient à leur tête, en 2024, un dirigeant de plus de 60 ans. Pour les dirigeants de grandes entreprises françaises, l’âge moyen est de 57 ans (il était à 55 il y a deux ans).
Au moment où l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies viennent transformer les entreprises, on pourrait se dire que c’est un inconvénient, en faisant l’hypothèse que les seniors ne sont pas capables de suivre la cadence. Mais ce n’est pas si certain. La recherche académique a déjà montré que l’appétit au risque et à l’innovation diminue effectivement à mesure que le PDG vieillit, mais, à l’inverse, les jeunes loups auront plus tendance à investir davantage et à être plus innovants, et, en sens inverse, la probabilité qu’ils « plantent » l’entreprise est plus élevée.
Alors l’expérience, celle que l’on suppose chez les plus seniors, devient une valeur sûre pour apporter la mesure et le recul face à un monde de plus en plus complexe, selon les chasseurs de tête interrogés par Le Monde dans ce reportage.
Et puis, ce que ne dit pas Le Monde, c’est que le dirigeant n’est pas tout seul non plus, même dans les PME. Et la bonne dose d’intergénérationnel apporte aussi les échanges et l’intelligence collective de l’ensemble. A condition de ne pas trop se figer dans les postures de préjugés (oui, les vieux sont des vieux cons, et les jeunes sont des imbéciles qui ne veulent pas travailler, on connaît, non ?).
Une autre pratique, c’est de découpler les postes de président et de directeur général : le directeur général, le jeune (enfin, pas forcément si jeune) qui prend les initiatives audacieuses, et le président qui incarne la sagesse.
Ce que nous dit aussi le reportage du Monde, c’est que les vieux vont être de plus en plus nombreux dans notre société. La durée de vie s’allonge, et on fait de moins en moins de bébés. Le pire, c’est le Japon : en dix ans, il a perdu en moyenne chaque année 1% de sa population âgée de 16 à 65 ans. Au point que la société japonaise Oji Holdings a annoncé récemment qu’elle cessait de fabriquer des couches pour bébé, et va se concentrer sur le marché nettement plus porteur des couches pour adultes. De même, le Japon a réduit la vitesse des escalators de 15%, par une loi, pour faciliter la vie des personnes âgées.
En France, on en prend le chemin. En 2024, plus d’un habitant sur cinq (21,5%), soit 14,7 millions de personnes, a plus de 65 ans. Et le nombre de naissances a été de 678.000 en 2023, soit 20% de moins qu’en 2010.
Alors l’impact sur les dépenses publiques est connu : les retraites représentent aujourd’hui un quart des dépenses publiques en France. La santé et l’invalidité pèsent, elles, un peu plus d’un cinquième. Et cela, logiquement, au détriment de l’éducation qui ne reçoit que 9% des dépenses. En 1981, la France comptait 5 millions de retraités, aujourd’hui c’est 17 millions, et la prévision pour 2050 est 23 millions.
Alors, cela influence aussi les choix politiques : alors que les salariés, en moyenne, ont vu leur rémunération augmenter moins vite que les prix, le gouvernement français a choisi d’augmenter les retraites de 5,3% pour compenser l’inflation (soit 14 millions d’euros). Car les politiques savent bien que les plus âgés vont deux fois plus aux urnes que les jeunes. Et donc le système français fait une redistribution intergénérationnelle à l’envers.
Est-ce à dire que dans notre pays les seniors sont les rois ?
Pas si sûr sur le marché du travail, où dans les entreprises, encore aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de préférence pour les vieux, à part les patrons.
On a le temps de voir la suite. On estime que les centenaires en France seront 200.000 en 2070 (contre 30.000 aujourd’hui).
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