Montrer notre travail
23 mai 2024
On connaît ces dirigeants et managers qui pensent que moins on en dit aux employés sur l’entreprise et les affaires, mieux c’est. Il suffit de leur raconter de belles histoires en ayant l’air important, faisant sentir que l’on sait, mais sans trop en dire. C’est le syndrome du magicien d’Oz dont j’ai déjà parlé ICI, et qui sévit encore aujourd’hui dans certaines entreprises.
Et puis, il y a ceux qui sont convaincus de la vertu de la transparence.
C’est le cas de Seth Godin, auteur prolifique de nombreux livres dits de « management », toujours bien présentés et illustrés, avec des titres qui claquent (en bon spécialiste de Marketing).
Le dernier traduit ne faillit pas à sa réputation : « Qu’est-il arrivé au management ? Un nouveau manifeste pour les équipes ».
En 144 petits textes l’auteur nous délivre ses conseils pour mettre en œuvre ce qu’il appelle les « compétences réelles », c’est-à-dire les real skills, terme qu’il préfère à soft skills, qui pourrait laisser entendre que ce sont des compétences accessoires, alors qu’elles lui semblent essentielles dans le monde des entreprises aujourd’hui (et ne pourront pas tout de suite être remplacées par l’intelligence artificielle).
Et justement, au numéro 87, on trouve cette recommandation : « Montrer notre travail ».
Avec cette anecdote sur les fondateurs de Hewlett-Packard (que j’avais déjà évoqués ICI) :
« Pendant les deux décennies mythiques au cours desquelles Hewlett-Packard est passé de deux hommes dans un garage à un grand leader technologique, le protocole standard était le suivant : laissez votre travail et vos carnets ouverts sur votre bureau lorsque vous partez le soir ».
Montrer son travail, ce n’est pas forcément laisser ses carnets ouverts sur le bureau (remplacés aujourd’hui par nos ordinateurs), c’est aussi expliquer comment se prennent les décisions, pourquoi on a fait tel ou tel choix, et pas un autre. C’est rendre visible nos intentions, nos méthodes, nos critères objectifs d’évaluation et de mesure (et non d’en rester pour les promotions ou les choix d’investissements, par exemple, à la « tête du client », ou au secret de délibérations anonymes). Ce qui compte, ce n'est pas notre opinion, mais la façon, le comment nous travaillons.
Comme l’indique Seth Godin, cette habitude de transparence est aussi une façon d’offrir notre travail à l’amélioration : grâce aux retours des collaborateurs et de nos pairs, nous recevons des conseils et suggestions d’amélioration qui vont aider à être encore meilleurs, et à soigner notre réputation.
Un chiffre cité par l’auteur pour nous en convaincre, si nécessaire : Lorsqu’on demande aux gens, où qu’ils soient dans le monde, « En quoi cette organisation pourrait-elle être différente ? », plus de 90% des personnes interrogées suggèrent des améliorations.
Une formule le résume bien : « Si vous construisez quelque chose, pourquoi ne pas saisir l’occasion de l’améliorer ? »
Bien différent de ces « Monsieur Je sais tout » qui donnent des leçons à tout le monde ,en n’écoutant personne, et qui sapent le moral ou attirent l’agressivité de tous, même sans s’en apercevoir, ne comprenant même pas pourquoi tant de gens leur en veulent alors qu’ils sont convaincus de détenir la vérité et le savoir d’un magicien d’Oz. C’est souvent au contraire le signe d’une faiblesse que l’on cache en faisant l’important. Enfermés dans une conviction qu'ils se sont forgé de leur excellence, ils ne songent plus qu'à faire la leçon, cette obsession se trahissant à leur voix ou à leur attitude.
Lire Seth Godin et ses 144 conseils ne suffira peut-être pas à convaincre les plus irréductibles, mais cela ne peut pas faire de mal d’essayer.
En montrant notre travail, nous l’améliorons. « Non pas en partageant notre opinion, ni en exerçant notre statut au sein de la hiérarchie, mais en proposant des moyens de perfectionner objectivement le travail existant. C’est ainsi que les chaînes d’amélioration progressives se mettent en place et perdurent ».
Au travail !