La pépiniériste et l'intelligence artificielle
18 juin 2023
Sophie de Menthon recevait pour une conférence-déjeuner des membres d’ETHIC, au cercle de l’Interallié, Laurent Alexandre. Enarque, chirurgien , fondateur de Doctissimo, il est surtout connu aujourd’hui pour ses livres et conférences dédiés à l’intelligence artificielle.
Il vient de faire paraître un nouvel opus de circonstance, « La guerre des intelligences à l’heure de ChatGPT ». Son message à l’assistance de ce déjeuner, conforme à son style provocateur, est simple et direct : Si vous ne vous mettez pas à ChatGPT et à l’Intelligence Artificielle dès ce soir, il ne faudra pas longtemps avant que vous ne serviez plus à rien. Dans cette assistance, comprenant de nombreux entrepreneurs et dirigeants plutôt seniors, ça fait mouche. Même Sophie de Menthon a dû dire, comme un aveu, «oui, oui, moi aussi je vais m’y mettre ».
Derrière la provocation, Laurent Alexandre met le projecteur sur un sujet qui nous concerne tous, et concerne toutes les entreprises : les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle ont pénétré notre monde et nos façons de vivre, et ne vont plus nous lâcher. La guerre des intelligences, c’est celle entre les cerveaux des machines et les cerveaux des humains. Fabriquer une intelligence humaine avec l’éducation, l’école, les études, prend un temps fou et coûte cher (avec des ratés, tout le monde n’arrivant pas aux mêmes niveaux), alors que fabriquer une intelligence artificielle, avec de bons programmeurs, un bon jeu de données, et les bons outils, se fait aujourd’hui très rapidement, et progresse chaque jour pour être toujours plus performant et plus intelligent. Sans parler de la différence de rémunération entre celui qui développe les intelligences artificielles et le prof du collège ou du lycée.
Alors, nous devons nous habituer très vite à cohabiter et co-construire aves l’intelligence artificielle et ChatGPT 4.
Mais voilà, les dirigeants ont aussi parfois du mal à imaginer comment s’y prendre, voire en ont peur. Ma voisine lors de cette conférence, dirigeante d'entreprise pépiniériste, me le disait : « Mais moi, je ne vois pas bien ce que l’intelligence artificielle peut vraiment m’apporter « .
Cet échange avec Laurent Alexandre, dans le style « Dépêchez-vous, sinon... », était utile (Merci Ethic, Merci Sophie), et le nombre de participants montrait bien que ça intéresse beaucoup de monde. Intéressant de constater aussi que nombreux ne sont pas très familiers du sujet, ni des implications concrètes pour eux. Et puis il ne suffit pas de les haranguer, il va falloir aussi convaincre, et aller un peu plus loin que la lecture du livre de Laurent Alexandre (qui a l’avantage d’être très accessible, pas du tout technique, mais avec l’inconvénient de ne pas donner toutes les réponses aux questions de ma voisine pépiniériste, qui risque de rester sur sa faim).
Alors comment devons-nous nous y prendre pour acquérir ce que Tsedal Neeley, un professeur d’Harvard, appelle un « digital mindset » ?
Ce qui bloque certains, c’est cette peur diffuse que ces technologies vont faire remplacer les hommes par les machines, et, comme le répète Laurent Alexandre, inspiré par Yuval Noah Harari et « Homo Deus », séparer la société entre les dieux et les plus nombreux, les « inutiles ». Ce qu’il appelle le vrai « grand remplacement », celui du grand remplacement cognitif de l’homme par l’IA.
Ce n’est pas ce que croit Laurent Alexandre, qui voit plutôt un scénario optimiste où l’homme va maîtriser ces technologies et saura collaborer avec elles. Reste à bosser, et pas que les jeunes.
Ce qui va bouger, et bouge déjà, avec les technologies, et qui est nécessaire pour avoir le « digital mindset » concerne trois domaines selon Tsedal Neeley :
- La collaboration entre les hommes et entre les hommes et les machines. De nouvelles formes de collaboration sont à inventer et à mettre en œuvre. Ce qu’on appelle l’intelligence collective va devoir inviter un nouveau participant, la machine et l’IA.
- Le traitement des données : comment exploiter les données, les collecter, les trier et leur faire dire les prévisions et analyses, voilà un champ entier de progrès et d’idées ( même pour les pépiniéristes) ;
- Le changement : changer, transformer, améliorer, les projets ne manquent pas. Mais les technologies nous permettent d’aller plus vite, d’expérimenter, d’essayer et de recommencer ; toutes ces nouvelles façons font partie du « digital mindset ».
Dans les entreprises, le risque pour les dirigeants est de laisser les initiatives à leurs collaborateurs et de rester « au-dessus de la mêlée ». De quoi freiner les impulsions.
Au contraire, la première initiative est d’abord de se frotter aux nouvelles technologies personnellement, en allant directement au contact. Se prendre une journée en comité de direction, pour imaginer les impacts des technologies sur les métiers de l’entreprise, et échanger, entre générations, avec des start-up et entrepreneurs qui savent nager et inventer dans ce nouveau monde, ainsi que quelques experts bien choisis, voilà de quoi s’ouvrir et inventer des futurs inspirants.
Autre approche : imaginer les scénarios du futur dans un monde de technologies exponentielles et y tester notre stratégie, comme un tunnel pour tester la résistance d’un avion.
La plupart des dirigeants ont bien progressé avec les confinements, en découvrant comment utiliser Teams ou Zoom, dont ils n’avaient jamais entendu parlé, et qui sont devenus des habitudes courantes.
Avoir le « digital mindset » c’est continuer à apprendre et à expérimenter, régulièrement, dans un monde des données qui sont de plus en plus nombreuses à notre disposition.
Même les pépiniéristes…
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