Previous month:
décembre 2022
Next month:
février 2023

Réussir, et après?

SuccesDans l’entreprise, surtout les grandes, mais aussi les autres, la réussite consiste à gravir les échelons, à être nommé à des postes de plus en plus élevés dans la hiérarchie, toujours pyramidale, de l’entreprise. Certains salariés passent leur vie à ce jeu, jusqu’à atteindre les sommets, et à se demander ensuite ce qu’ils vont faire de leur vie.

Mais cette « réussite » acquise échelon par échelon, c’est aussi le meilleur moyen d’ancrer des croyances qui peuvent, justement, empêcher d’aller plus loin. C’est le sujet du livre, et la spécialité de la pratique professionnelle de Marshall Goldsmith, expert coach en leaders qui ont réussi, pour les aider à aller plus loin, ce qu’il appelle « de la réussite à l’excellence ». Et il permet de comprendre pourquoi certains n’arriveront jamais à se sortir de cette « réussite » sans capacité à aller au-delà. Parce qu'il le dit dans le titre le l'édition originale en anglais : " What got you here won't get you there".

Ces croyances sont au nombre de quatre, et il est facile de les observer tous les jours dans les comportements autour de nous, ou en nous-mêmes, si nous sommes concernés par cette griserie de la réussite.

Première croyance : J’ai réussi

Comment ne pas croire que la réussite n’est due qu’à l’habileté et au talent de celui qui a réussi. D’où leur croyance intime qu’il possède les talents et habiletés qui en font un gagnant qui va continuer à gagner. Cela se remarque facilement dans les histoires qu’il aime bien raconter : celles de ses réussites, des contrats qu’il a gagnés, de grandes réalisations. Même lorsqu’il nous parle des réussites collectives d’une équipe, il garde cette conviction que sa contribution était quand même plus significative que ne pourraient le laisser entendre les faits.

Cette croyance n’est pas si négative ; elle peut nous donner envie de prendre des risques, d’entreprendre. Mais elle peut aussi être un obstacle lorsqu’elle conduit certains à se comparer systématiquement aux autres en, comme le dit Marshall Goldsmith, « faisant pencher la balance en leur faveur ».

Deuxième croyance : Je peux réussir

C’est la conséquence logique de la croyance précédente.

« C’est une autre façon de dire : Je suis certain que je peux réussir ».

C’est la manie des gens qui ont connu le succès de croire qu’ils ont en eux la capacité de toujours réussir, que grâce à leurs talents ou leurs ressources intellectuelles, ils peuvent toujours faire basculer une situation en leur faveur. Leur croyance, c’est que le succès est un « gain » résultant de leur habileté, même lorsque ce n’est pas le cas, et qu’il y a toujours un lien entre ce qu’ils ont accompli et la position qu’ils occupent, même si rien ne démontre ce lien.

L’erreur dans ce type de croyance c’est «Je réussis. J’adopte tel comportement. Donc je réussis à cause de ce comportement ! ». Alors que c’est peut-être l’inverse : ils réussissent parfois en dépit de ce comportement. Pas facile, alors, de les faire changer de comportement.

Troisième croyance : Je réussirai

« C’est une façon de dire : J’ai la motivation qu’il faut pour réussir ».

« Si j’ai réussi fait référence au passé, et je peux réussir au présent, alors je réussirai fait référence à l’avenir ».

C’est cet optimisme inébranlable qui persuade que le succès est un dû à celui qui a réussi.

Mais le revers de la médaille, c’est de mettre la pression sur ses collaborateurs, en leur faisant faire des promesses, ou fixer des objectifs, que même les plus dévoués n’arriveront pas à tenir. Cette attitude systématique peut même aller jusqu’à un surmenage des effectifs, et une équipe qui s’affaiblit, obtenant de moins en moins de résultats.

Quatrième croyance : Je choisis de réussir

C’est la croyance qui fait croire aux gens qui réussissent que ce qu’ils font résulte d’un choix personnel.

Le risque, ici, est ce qu’on appelle la « dissonance cognitive » et que Marshall Goldsmith décrit ainsi :

«  C’est l’écart entre ce que nous croyons dans notre esprit et ce que nous vivons ou voyons dans la réalité. Plus nous voulons croire que quelque chose est vrai, moins il est probable que nous acceptions de croire que le contraire est vrai, même lorsque tout prouve que nous avons tort ».

On comprend, à lire Marshall Goldsmith, que ces quatre croyances cumulées peuvent faire de nous une personne moyennement, voire pas du tout, appréciée de ses collaborateurs et de son entourage.

Et comme ces croyances sont bien ancrées, il est très difficile d’en faire changer. D’où cette grande difficulté de passer de la réussite à l’excellence, c’est-à-dire de devenir un leader entraînant pour les autres, capable de développer l’intelligence collective et la puissance des équipes.

Marshall Goldsmith a recensé les vingt habitudes, les mauvaises habitudes, qui sont celles des gens qui ont réussi, et qui les empêchent d’aller plus loin. Toutes ces habitudes ne sont pas réunies dans une même personne, et certaines sont moins néfastes que les autres, tout est question de dosage. Mais toutes concernent des problèmes interpersonnels qui peuvent être agaçants en milieu professionnel, et peuvent ruiner notre réputation. Ce sont tous ces problèmes qui, malgré la « réussite », empêchent d’être admirés et aimés, et peuvent décourager les autres. Ce sont les habitudes qui rendent bien solitaires ces personnes qui ont réussi, et se retrouvent entourés de collaborateurs et relations qui ne les supportent pas.

Toutes ces habitudes tournent autour de l’information et de l’émotion.

L’information : celle que l’on garde pour soi, ou le genre de remarques pour doucher les propositions des autres, comme « ça ne marchera pas », « je le savais déjà », commencer ses phrases systématiquement par « Non », « Mais » ou « Cependant », vouloir toujours en rajouter (« c’est une bonne idée, mais ce serait mieux si tu… »). Toutes ces habitudes qui, nous croyant plus intelligent que tout le monde, nous font toujours en rajouter et répondre, pour étaler notre intelligence. Nous pouvons croire que cela permet d’éduquer les autres, de les inspirer, alors que cela provoque au contraire les frustrations et le découragement.

L’émotion : ce sont ces habitudes qui nous font mettre en colère un peu trop souvent, qui nous font omettre d’exprimer notre reconnaissance ou de dire simplement « Merci », qui nous font revendiquer des honneurs que nous ne méritons pas vraiment, qui nous font refuser d’exprimer des regrets.

Les conseils de Marshall Goldsmith pour se sortir de ces habitudes ont l’air simples : Il suffit, avant de s’exprimer, et lorsque nous partageons de l’information ou de l’émotion, de nous demander si elle est appropriée et si elle est bien dosée.

A tous ceux qui ont réussi, et qui traînent ces mauvaises habitudes, parfois même sans s’en rendre compte, qui les empêchent d’aller plus loin, l’auteur adresse un message d’espoir :

« Vous êtes ici.

Vous pouvez choisir votre destination.

Le voyage commence maintenant. »


Fabuleux !

LoupPeut-on encore faire la différence entre montrer et démontrer ?

Démontrer, c’est le propre de la rigueur scientifique, des argumentaires et de l’analyse des causes et des effets, comme un théorème.

Montrer, cela relève plus du « storytelling », des histoires que l’on raconte pour faire savoir ce que l’on pense, sans rien démontrer du tout. C’est le domaine de la fable.

C’est d’ailleurs comme ça que commence la fable de La Fontaine, « le loup et l’agneau » :

« La raison du plus fort est toujours la meilleure :

Nous l’allons montrer tout à l’heure ».

Montrer, et non démontrer. Car cette fable est une histoire, une fiction, et c’est en montrant les images de cette fable que l’on va faire savoir que la raison du plus fort est toujours la meilleure.

Cet exemple est cité par le philosophe Jacques Derrida dans son séminaire à l’EHESS de 2001 que l’on peut aujourd’hui lire en intégralité, consacré à la souveraineté.

Cette tendance à montrer avec des histoires, c’est ce qui fait aujourd’hui, bien après les observations de Derrida, les succès de ces prestations d’éloquence, conférences TED, paroles d’influenceurs, posts divers sur les réseaux sociaux (Derrida parlait, lui, plutôt des chaines de télé, mais ça, c’était avant), au point que certains préfèrent se former ( ?)avec ces histoires et ces images fabuleuses plutôt que sur les bancs de l’école et de l’Université. Les jeunes générations sont les plus vulnérables à ces penchants. Les analogies (c’est « comme » ou « comme si ») et métaphores servent de décor à n’importe quel discours, et à toutes manipulations. Avec des « comme » et des « comme si », on peut faire dire n’importe quoi. Et c’est là le danger potentiel. 

Citons Jacques Derrida dans l’explication de ce concept de « fable » :

«Comme son nom latin l’indique, une fable est toujours et avant tout une parole - for, fari, c’est parler, dire, célébrer, chanter, prédire, et fabula, c’est d’abord un propos, une parole familière, une conversation, puis un récit mythique, sans savoir historique, une légende, parfois une pièce de théâtre, en tout cas une fiction qui prétend nous apprendre quelque chose, une fiction supposée donner à savoir, une fiction supposée faire savoir, faire savoir au double sens : 1) au sens de porter un savoir à la connaissance de l’autre, informer l’autre, faire part à l’autre, <faire> connaître à l’autre, et 2)au sens de « faire » savoir, c’est-à-dire de donner l’impression de savoir, faire l’effet du savoir, ressembler à du savoir là où il n’y en a pas nécessairement : dans ce dernier cas du « faire savoir », faire effet de savoir, le savoir est un prétendu savoir, un faux savoir, un simulacre de savoir, un masque de savoir ».

Le danger que perçoit Derrida concerne la politique, et  c’est de se demander ce qui se passerait si « le discours politique, voire l’action politique qui se soude à lui, et qui en est indissociable étaient constitués, voire institués par du fabuleux, par cette sorte de simulacre narratif, par la convention de quelque « comme si » historique, par cette modalité fictive de « raconter des histoires » qu’on appelle fabuleuse ou fabulaire, qui suppose donner à savoir là où on ne sait pas, qui affecte ou affiche frauduleusement le « faire savoir » et qui administre, à même l’œuvre ou le hors-d’œuvre de quelque récit, une leçon de morale, une « moralité » ? Hypothèse selon laquelle la logique et la rhétorique politiques, voire politiciennes, seraient toujours, de part en part, la mise en œuvre d’une fable, une stratégie pour donner du sens et du crédit à une fable, à une affabulation – donc à une histoire indissociable d’une moralité mettant en scène des vivants, animaux ou humains, une histoire soi-disant instructive, informatrice, pédagogique, édifiante, une histoire fictive, montée, artificielle, voire inventée de toutes pièces, mais destinée à enseigner, à apprendre, à « faire savoir », à faire part d’un savoir, à porter à la connaissance ».

Il est évident que si cette pratique de la fable et du fabuleux se développe, cela donne une nouvelle couleur aux discours politiques. A titre d’exemple, Derrida (nous sommes en 2001) cite cette image des avions éventrant les Twin Towers le 11 septembre 2001, qui a été reproduite et diffusée dans le monde entier, se demandant quel aurait été le sens de cette opération s’il n’y avait pas eu ces images. Probablement, comme on le voit pour d’autres catastrophes ou évènements dont on n’a pas d’images aussi impressionnantes immédiatement (les accidents de la route pendant les week-end fériés, les morts du sida en Afrique, les ouragans – même si on a, justement, grâce aux médias, de plus en plus d’images, mais dont l’impact est réduit quand elles viennent de contrées lointaines), cela n’aurait pas eu le même effet. Et ce sont justement le faire-savoir et le savoir-faire du faire-savoir, des deux côtés de l’agression, les agresseurs et les victimes, qui sont à l’œuvre, et de manière organisée. Ce sont « le déploiement et la logique des effets de l’image, de ce faire-savoir, de ce prétendu faire-savoir, de ces « informations » qui ont permis l’impact.

Pour généraliser, on pourrait, comme Derrida le fait dans ce séminaire, voir dans ces exercices de « faire-savoir » un moyen politique de « savoir faire peur », cette peur qui est selon Hobbes dans Léviathan, la passion politique par excellence, le ressort de la politique, et qu’il définit comme « la seule chose qui, dans l’humanité de l’homme, motive l’obéissance à la loi, la non-infraction à la loi et la conservation des lois ». Et Derrida d’y insister : « la souveraineté fait peur, et la peur fait le souverain ».

N'est-il pas d’actualité d’évoquer ces fables du faire-savoir, et l’exercice de la souveraineté par la peur hobbesienne, à l’heure où nos souverains communiquent sur la réforme des retraites « inévitable », à l’heure où n’importe quel changement ou transformation est présenté comme une « nécessité vitale » pour mieux en faire passer les effets, et susciter l'obéissance.

Et nous rappeler la fin de la fable du loup et de l’agneau :

Là-dessus, au fond des forêts
            Le loup l'emporte et puis le mange,
            Sans autre forme de procès.


Metaverse et Web 3 : Un monde sans Etats ?

MetaverseAAAJe recevais cette semaine Sébastien Borget, fondateur de The SandBox, et Diana Filippova, auteur de « Techno Pouvoir », pour débattre ,lors de la conférence de PMP au collège des Bernardins, sur le sujet du Web 3 et de l’avenir du Metaverse. L’occasion de les interroger sur le pouvoir et l’avenir de ces technologies.

Un moment passionnant.

Tous deux sont de la même génération, celle (la dernière) qui a connu l’ancien monde sans ces technologies, et le nouveau monde en train de naître, celui de jeux vidéo et des réseaux sociaux, mais avec des parcours différents. Les suivants sont nés directement avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. _DSC4646

_DSC4742Sébastien, c’est le« geek », fan de jeux vidéo, avec une envie : celle de pouvoir créer lui-même des jeux vidéo. Et c’est cette pulsion qui a fait naître The SandBox, devenu une plateforme de créateurs de jeux, mais aussi, avec la monétisation grâce à la Blockchain, une plateforme d’échanges et une marketplace, pour créer des expériences au-delà des jeux, mais toujours gamifiées, qui a attiré plus de 400 marques. Ces marques qui ont du mal à comprendre la génération des « digital natives », qui représentent aujourd’hui plus de la moitié de la population sur terre.


_DSC4672Diana, elle, a été interpellée par ce que l’on a appelé la pensée « techno critique », et a voulu comprendre, dans ce livre « Techno Pouvoir », les causes qui nous déterminent, par la technologie, pour nous permettre justement de ne pas nous laisser déterminer, ou asservir, par les technologies.

Ce qui rend aujourd’hui le Metaverse, et The SandBox, attractif pour les marques, c’est l’opportunité Marketing de recréer le lien avec les nouvelles générations, tout en gardant le contrôle des données. Les plateformes et réseaux avaient réussi à faire venir les marques, mais ces marques perdaient le contrôle des données, qu’elles devaient racheter aux plateformes. Avec le Metaverse, nouvel espace 3D virtuel, elles peuvent créer de nouvelles expériences plus sociales, et permettre aux utilisateurs de cocréer ces expériences, tout en gardant la propriété des données. Le succès est déjà là : là où le temps d'attention dédié au visionnage d'un seul contenu sur les réseaux et plateformes est de deux à vingt secondes, le temps passé dans les expériences du Metaverse est plutôt de trente minutes à une heure trente.

Le Metaverse, et The SandBox, c’est aussi l’émergence d’une « Creator Economy », qui permet aux créateurs d’être rémunérés pour les contenus et le trafic qu’ils apportent, avec une redistribution de valeur plus équitable que sur les plateformes traditionnelles. Sébastien Borget nous a rappelé que, avec 10 millions de vues sur Tik Tok, vous gagnez 20 dollars, alors que quand vous êtes sur Roblox (un autre Metaverse) et que vous avez le jeu le plus populaire, avec des centaines de millions d’utilisateurs, vous gagnez vingt millions de dollars par an. Le but de The SandBox est de redistribuer 95% de la valeur apportée aux créateurs eux-mêmes, et de la redistribuer immédiatement grâce à la technologie Blockchain. On retrouve les principes de l'économie collaborative et circulaire, représentée par Oui Share (dont Diana Filippova a été un porte parole). Et cette économie crée aussi de nouveaux emplois, tels des organisateurs d’évènements, des organisateurs de conférences, des DJs, des guide touristiques, des agents immobiliers virtuels.

Avec ces nouveaux mondes virtuels qui se développent, avec nos avatars, qui nous permettent de vivre plusieurs personnalités, dans une vision très libertarienne du monde, on s’est demandé ce qui allait en assurer la régulation. Comment éviter que les avatars s’entretuent, volent ou arnaquent dans ce monde ? Y-a-t-il besoin d’une police, et laquelle ?

Diana Filippova évoque Hobbes et le Léviathan pour rappeler que toute communauté, physique autant que virtuelle, a tendance à créer ses propres instances de contrôle par elle-même. On peut imaginer d’être dans un monde « d’anarchie virtuelle » (toujours moins dangereuse qu’une anarchie dans le monde réel), ou dans un univers très contrôlé. Ce sont les individus qui apporteront la réponse.

Dans The SandBox, le monde est régulé par un code de bonne conduite, et une modération. Dans un jeu dont l’objet est la guerre et l’élimination des autres, comme Fortnite, les règles ne seront pas les mêmes que dans The SandBox, qui a un objet social qui ne permet pas ces comportements.

Là où l’on pourrait craindre que ces espaces virtuels soient appropriés par des régimes autoritaires ou des complotistes (Ainsi Roblox a été suspecté d’héberger des groupuscules politiques extrémistes), Sébastien Borget cite aussi l’utilisation de ces nouveaux mondes pour une expression positive comme par exemple VistaVerse, qui s’est installée sur The SandBox pour créer un espace pour manifester pacifiquement pour différentes causes sociétales.

Tout cela en est encore au début, et les questions juridiques sur le droit applicable dans ces monde virtuels fait déjà l’objet de débats et de propositions par différentes instances ou groupes de réflexion (comme Meta Circle ou France Meta). Comme toujours, les Etats sont toujours un peu en retard sur les pratiques quand on parle de nouvelles technologies. Pour l’instant, comme l’a fait remarquer Diana Filippova, « c’est le no man’s land ».

Avec ces communautés qui se développent dans ces espaces virtuels, sans espaces géographiques délimités comme dans le monde physique, on pourrait se demander si on aura encore besoin d’Etats, et pour faire quoi. Le monde des metaverses et du Web 3 revendique déjà son existence propre, et la reconnaissance de la propriété des actifs et crypto actifs propres à ce monde.

Une lettre ouverte signée par cinq acteurs du Web 3, dont Sébastien Borget, a été adressée cette semaine à Bruno Le Maire pour revendiquer le soutien. La lettre se termine par :

«   Les entreprises du secteur ont su se rendre attractives auprès des investisseurs privés. Elles n’ont pas besoin de subvention. Ce qu’il leur faut c’est un mouvement ambitieux qui bénéficiera à l’ensemble des citoyens en mettant à leur disposition ces technologies dans leur quotidien. ».

Peut-être que le Metaverse ne sera pas un monde sans Etats, mais, sûrement avec des acteurs qui vont rebattre les cartes, et une puissance publique qui va devoir, elle aussi, s’adapter.

On a tous compris que ce nouveau monde est déjà là, et que chacun va devoir aussi s’y adapter, et en première ligne les nouvelles générations de créateurs.

(photos : Serge Loyauté Peduzzi


Coups de gueule

FEUAALa colère n’a pas bonne réputation. Il en est une nouvelle victime, mise en évidence par Le Figaro de lundi 9/01 sous la plume de François-Xavier Bourmaud.

Lui, c’est bien sûr Emmanuel Macron, qui, dans la salle des fêtes de l’Elysée, à l’occasion d’une réception avec les boulangers pour la galette, a eu un petit moment de colère (pas vraiment une grosse colère quand même) en proférant : « Moi, j’en ai ras le bol des numéros verts dans tous les sens ». Une colère plus dans les mots que dans le ton de la voix qui est resté raisonnable.

Mais c’est l’occasion pour François-Xavier Bourmaud de rappeler que, en ce moment, Emmanuel Macron se met souvent en colère en Conseil des Ministres, le journaliste appelle ça « la stratégie de la colère ». Il cite anonymement un membre du gouvernement qui parle de « Conseil des ministres format « coup de gueule ».

Pour François-Xavier Bourmaud, c’est une manière de dire qu’il y a peut-être des ratés dans l’action du gouvernement, mais qu’il n’en est pas le coupable. Les coupables, ce sont ces ministres. Il cite une anecdote : Lors du Conseil des ministres de rentrée, Emmanuel Macron pousse un nouveau « coup de gueule » : « Mettez-vous du côté des gens ! Arrêtez de raisonner en moyennes ». Mais voilà que Bruno Le Maire déclare deux jours plus tard, en rendant compte des discussions avec les fournisseurs d’énergie, « Ils ont accepté de garantir à toutes les TPE qu’elles ne paieront pas plus de 280 euros le MWh en moyenne en 2023 ». Aïe ! Comme le remarque perfidement le journaliste, « Il n’avait pas dû bien écouter le chef de l’Etat », pour en conclure que, « le problème avec les coups de gueule, c’est qu’à force de se répéter, on finit par ne plus les entendre ».

Pourtant, on dit aussi qu’il y a des colères saines, et qu’il vaut mieux un bon « coup de gueule » que de garder sa rancœur pour soi sans la manifester, ou, pire, d'éviter tout débat pour fuir le conflit.

François-Xavier Bourmaud a quand même trouvé un conseiller du Président satisfait (ou un peu lèche-bottes) : «S’il y a parfois des coups de gueule, le président agit surtout en chef d’équipe ».

Et même un ministre (toujours en off) : « Il a raison de s’énerver. Cela montre qu’il n’est pas déconnecté, qu’il n’a pas la tête à autre chose que de réussir son mandat ».

L’experte qui intervient souvent sur le sujet, c’est Sophie Galabru, qui est l’auteur de « Le visage de nos colères ». Elle est encore interrogée ICI et ICI.

Pour elle, « refouler sa colère au profit de la docilité et du silence mène à une violence bien plus grande, parfois jusqu’au burn-out ».

Dans un monde du business où « le management est devenu une injonction à la joie », cette défense de la colère et des coups de gueule tranche un peu. Car, en général, la colère est plutôt accusée d’être négative et dangereuse, et même de parasiter l’énergie et la cohésion d’un groupe managé par la colère. Et ce serait plutôt la joie qui favoriserait la créativité et la productivité. Alors que Sophie Galabru considère que la colère nourrit aussi la créativité et l’énergie. La violence n’est pas dans la colère, mais dans une tentative qui voudrait essayer « d’étouffer le débat, de retirer à l’autre la chance de s’exprimer ».

Pour l’auteur, il y a des bonnes et des mauvaises colères. La mauvaise, c’est celle qui bascule dans l’agressivité. La bonne, c’est celle qui favorise la pluralité des points de vue, l’écoute de l’autre, et le conflit d’idées saines.

Avec la réforme des retraites et tous ceux qui n’ont pas l’air d’en vouloir, on va pouvoir tester, probablement, l’expression des coups de gueule et des colères « saines », ou pas.

Cette histoire de colère saine, cela rappelle aussi cette sortie lors d’un débat :