Faut-il payer des primes pour rendre innovants ?
14 décembre 2022
Tout le monde en est convaincu, pour développer nos affaires, il faut innover. En 2022, ce qui a fait le buzz, c’est le Metaverse, ce nouvel univers virtuel, où les marques ont commencé à y faire leur marketing, et le public à découvrir le concept. J’ai lu ici que la recherche sur internet du mot « metaverse » a augmenté en 2021, déjà, de 7.200% ( !!).
Cela donne envie d’aller tester ce nouveau marketing, le metaverse étant une opportunité pour innover et expérimenter.
Mais pour innover, il nous faut des innovateurs, et on rêve d’en embaucher et d’en avoir de nombreux.
Quand on est dans le monde des fonctionnaires et de l’Etat, la solution pour innover a de quoi nous souffler : Le Ministère de l’Education Nationale l’a trouvé en proposant une « prime à l’innovation ». Il est prévu de présenter ce « dispositif » aux syndicats en janvier.
Cela promet. L’idée géniale est de « rémunérer les enseignants qui s’investiront dans les projets pédagogiques financés dans le cadre du fonds d’innovation pédagogique (FIP) », qui a été voulu par Emmanuel Macron lui-même. Cette prime va servir à « reconnaître le temps passé sur les projets ». Et ce seront des projets qui vont « transformer l’école ». Et pour cela, la prime sera de 250 à 1.500 euros par année scolaire. Qui décidera qui a droit ou non à la prime ? Les recteurs. Elle concernera tous les personnels des écoles, collèges et lycées, mais pas les personnels d’encadrement (donc rien de collectif mais une attribution individuelle personne par personne).
Réaction des syndicats, et aussi de ces « personnels d’encadrement » : au mieux scepticisme, au pire, rejet total.
Ce que n’aiment pas les syndicats c’est ce qu’ils considèrent comme une « mise en concurrence des enseignants », ou même une tentative, par le Ministère, « d’acheter des enseignants ».
Ça a l’air bien parti cette affaire.
Autre critique de bon sens : mais à quoi ça sert de chercher et de passer du temps à ces innovations pédagogiques par le haut ? « L’innovation pédagogique n’a pas en soi de valeur supérieure à la non-innovation, il relève de la liberté pédagogique de chaque enseignant de choisir les méthodes qui lui paraissent les plus adaptées ». De là à considérer que c’est le terrain, ceux qui sont au plus près des élèves, les clients de ces dispositifs, et non les recteurs du haut de leur tour de contrôle, qui sont les plus à même d’imaginer et d’innover. Avec aussi la crainte, ou le doute, que ces personnels enseignants ne soient pas trop favorables à l’innovation, considérant que nos bonnes vieilles méthodes ne sont pas si mal que ça. Mais si le personnel de proximité n’aime pas l’innovation, à qui la faute ?
Cette affaire est une parfaite illustration de l’opposition classique entre une vision verticale, avec attribution de « primes » individuelles, et une vision qui encourage le collectif et les initiatives des managers de proximité. Nos entreprises s’en sont convaincues depuis longtemps. L’innovation est maintenant appropriée de manière collective, et à partir de l’expression des idées et propositions venant des collaborateurs au contact des clients. Certaines offrent même du temps « libre » aux collaborateurs pour y développer des projets personnels en marge de leurs activités normales.
Pourquoi l’Etat est-il toujours en retard ?
Il serait peut-être nécessaire de mettre un peu d’innovation dans les méthodes, là aussi, non ?
A suivre ce dispositif qui promet. La première question sur la table : C’est quoi un « enseignant qui innove » ?
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