Les « revues de performance » annuelles sont-elles dépassées ?
Bureaucratie, es-tu là ?

Comment réussir dans un marché en déclin

DeclinVous aussi vous trouvez que depuis le Covid il y a des choses qui ont changé ?

Mon rendez-vous au siège avec un cadre de l’entreprise cliente a été modifié la veille au soir pour passer en « visio ». Cela semble naturel. Les rendez-vous en présentiel sont devenus une option, réservés à une élite. Plus besoin de s’excuser, c’est comme ça. Ah bon.

Tout le monde s’est habitué à ce format dit « hybride » où l’on est partiellement en télétravail, et partiellement présent dans les bureaux de son entreprise. J’ai l’impression que le format « deux jours maximum en télétravail / le reste présent au bureau » est devenu une norme, avec des exceptions et des tolérances pour faire plus (plus de télétravail).

Mais comme le bruissement d’une aile de papillon peut provoquer un tsunami ailleurs sur la planète, ces petits changements dans nos modes de vie en entreprise provoquent aussi des ruptures et remises en cause dans certaines entreprises.

Elior, entreprise de restauration collective (oui, nos cantines d’entreprises) connaît ainsi une baisse d’activité de 30% les vendredis dans ses cantines (car, étonnamment, le jour de télétravail, c’est souvent le vendredi). Au point de revoir ses contrats et de dénoncer ceux qui sont inférieurs à 200 couverts. 

Mais même ceux qui viennent au bureau ont changé leurs habitudes. Elsa Dicharry et Martine Robert faisaient remarque, dans un article des Echos en septembre, que, « lorsqu’ils se déplacent sur leur lieu de travail, les salariés aiment retrouver leurs collègues à la pause de la mi-journée, mais dans un lieu qui ne soit pas seulement fonctionnel-, ou, peut-être plus souvent qu’avant, dans un restaurant à l’extérieur, ce qui valorise les bureaux installés dans des quartiers centraux ». Revenir travailler au bureau, c’est devenu comme une visite exceptionnelle où l’on soigne le confort. Le sandwich avalé en quinze minutes devant l’ordinateur, c’est plutôt pour le télétravail. Au bureau, c’est comme une « sortie ». Et donc « la cantine à l’ancienne en sous-sol, ce n’est plus possible », selon un gestionnaire de bureaux, dans le même article. Il faut trouver des aménagements avec une offre de restauration rapide dans des lieux plus petits de type café. C’est pourquoi Elior s’est cassé la tête pour inventer autre chose, une offre de repas type bistrot livré sur site, baptisé « Chaud Bouillant »

Mais cela a aussi permis à des nouveaux venus dans la restauration, avec des idées créatives, d'émerger ou de se développer. C’est le cas de mon ami Mickaël, créateur de Foodles, "la cantine en mieux" (bien trouvé), que j'ai vu naître bien avant le covid. C'est aussi le cas de Serenest ( la restauration d’entreprises fait maison), qui joue sur la qualité de l’offre, et une capacité revendiquée (« agile ») à s’adapter plus rapidement aux demandes des clients, même si, pour le moment, leur pénétration du marché reste limitée, mais ça progresse doucement, comme la longue traîne. 

Mais, attention, il n’y a pas que dans les repas au bureau que les choses ont changé. Avec le télétravail et les confinements, il y a un secteur qui a perdu 40% de son chiffre d’affaires en 2020 et 30% en 2021 : le secteur des pressings. Et dans certaines grandes agglomérations, où l’activité dépend fortement des travailleurs, c’est même, tenez-vous bien, 50 à 95% du chiffre d’affaires qui a disparu. Lamia Barbot nous racontait tout ça dans Les Echos en septembre. Alors que, rappelez-vous, les pressings étaient considérés comme essentiels et sont restés ouverts pendant les confinements, mais sans aucune activité. Selon la fédération française des pressings et blanchisseries, les commerces de pressing étaient 10.000 en France dans les années 2000, puis 4.000 en 2019, et maintenant 3.000 aujourd’hui. Ce qui a rétrécie le marché, c’est bien sûr aussi la mode vestimentaire : avant, on avait le costume pour les hommes, et le tailleur pour les femmes, que l’on nettoyait au pressing. Maintenant on porte jeans, t-shirts et sweats, en télétravail et même au bureau, que l’on lave en machine à domicile ou à la laverie.

Alors, là aussi, de nouveaux entrants entrepreneurs arrivent. On pense notamment aux pressings internet à domicile. Ils sont légion ( Lavoir Moderne, WashR, Cowash, myGeorges, ZePressing, Hublo). Pas facile d’être rentable car pour faire tourner ces pressings, il faut deux livraisons, une pour récupérer le linge, et une pour le rapporter. Alors il faut encore inventer des astuces. C’est le cas de Hublo, créé par Stéphane Cohen, ingénieur diplômé de l’Insa Lyon, en 2020.

Hublo est une société à missions, qui propose un service de pressing à domicile en complément de trois boutiques physiques parisiennes dans lesquelles est traité le linge récolté.

Voilà deux bons exemples de marchés qui se transforment et même rétrécissent, et où des entrepreneurs inventifs et créatifs arrivent à s’immiscer et à réussir.

Une leçon pour les entrepreneurs qui croient que seuls les marchés en forte croissance sont valables, à condition de les identifier. Ces niches qui profitent des disruptions et des changements d’habitudes post-covid sont aussi de bons terrains. A condition d’y être malins et agiles.

Avis aux créatifs entrepreneurs.

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