Sommes-nous de plus en plus cons ?
20 juin 2022
Sommes-nous de moins en moins créatifs et capables de raisonner ? Ou, plus vulgairement, de plus en plus cons.
C’est ce que deux études à partir de data et de tests en laboratoires tentent de démontrer.
Une étude de scientifiques de Stanford et Columbia, relatée par la revue scientifique « Nature » et reprise dans la presse au cours des derniers mois, dont Les Echos , a mesuré en laboratoire (620 participants) puis en entreprise (1.490 salariés) dans cinq pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie du sud-Est, la capacité d’idéation de populations test en comparant ceux qui travaillent en télétravail et visioconférence, et ceux qui travaillent physiquement dans des espaces de bureaux. Ils en déduisent que tout ce qui se passe en visioconférence inhibe la production d’idées créatives. Ils expliquent le phénomène par la différence de nature des échanges selon que l’on est en physique ou en visioconférence. En visioconférence, les participants passent plus de temps à regarder à l’écran leurs partenaires, et donc moins de temps à regarder leur environnement. Tout cela mesuré scientifiquement à partir des data sur les mouvements des yeux. Or, c’est ce divertissement en regardant autour et dans l’environnement qui à la source de la créativité. Et donc, en enlevant ce côté divertissement et inattendu, l’écran empêche ces idées créatives d’émerger. Des expériences conduites dans les deux groupes démontrent que les groupes physiquement présents ont une meilleure « performance d’idéation », c’est-à-dire qu’ils produisent plus d’idées nouvelles.
Bon, les écrans de zoom et Teams nous ont rendus moins créatifs.
Mais, c’est depuis encore plus longtemps que nous serions devenus moins capables de raisonner.
C’est une autre recherche qui nous le dit.
C’est une équipe de scientifiques des universités néerlandaises et américaines de Wageningue et de l’Indiana qui a entrepris d’utiliser des millions de livres en anglais et en espagnol couvrant la période de 1850 à 2019, numérisés et rendus accessibles par l’application linguistique de Google Ngram Viewer, pour comparer la fréquence d’utilisation de mots relevant de la rationalité ( comme « déterminer », « donnée », « analyse », ou « système ») avec la fréquence d’utilisation de mots plutôt liés à l’intuition et à l’expérience humaine ( comme « ressentir », « croire », « imaginer » ou « sagesse »). Le Monde relatait aussi cette étude en juin.
En menant une analyse en composantes principales avec ces données, ils ont observé que, alors que, de 1850 à 1980, l’utilisation des mots liés à la rationalité étaient en hausse, et celle des mots liés à l’intuition en baisse, c’est l’inverse qui se produit de 1980 à aujourd’hui : l’utilisation des mots liés à la rationalité est en baisse et celle des mots liés à l’intuition est en hausse.
Ils en concluent que nos sociétés sont de plus en plus dans des attitudes d’émotions, plutôt que de rationalité, ce que l’on appelle aujourd’hui la « post-vérité », c’est-à-dire, selon le dictionnaire, ce « concept selon lequel nous serions entrés dans une période appelée ère de la post-vérité où l’opinion personnelle, l’idéologie, l’émotion, l’emportent sur la réalité ».
Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs sont allés analyser les mêmes mots dans les articles du New York Times : même constat.
Donc, on préfère croire à n’importe quoi, de manière intuitive, plutôt qu’à la rationalité et à la vérité scientifique, et on est de moins en moins créatifs à cause des écrans et des visioconférences.
Pourra-t-on encore soigner cette connerie qui semble nous frapper ?
Reste à trouver un docteur par trop con pour nous en guérir.