Indiana Jones est devenu un algorithme
11 novembre 2021
Il est étourdissant d’imaginer tous les vestiges matériels de l’existence humaine depuis ses plus lointaines origines qui sont ensevelis dans notre planète, et tous ceux qui ne sont toujours pas découverts. Chaque jour, de nouvelles découvertes surgissent et nous ressuscitent l’histoire de ces individus disparus depuis longtemps et qui ont laissé quelque chose d’eux-mêmes pour nous. C’est le travail de l’archéologie, qui est une science assez récente et n’est devenue réellement scientifique qu’ à partir du XIXème siècle, et même du XXème. En France c’est une loi de 1941, validée en 1945, qui a créé les services des Monuments Historiques. C’est en 1964 que sera créé le service de la recherche archéologique et des antiquités, qui deviendra le « Bureau des fouilles » (1966), puis la sous-direction de l’archéologie de la Direction du Patrimoine (1982), puis la sous-direction de l’archéologie du Ministère de la Culture (2010). L’archéologie est bien encapsulée dans les services, sous-directions et Directions des Ministères et de la machine d’Etat.
Mais à l’origine, les ancêtres des archéologues modernes, c’étaient les pilleurs de tombes, nombreux parmi les colonisateurs européens qui aimaient remplir les vitrines de leurs cabinets de travail de statues et de bijoux anciens subtilisés. Puis l’archéologie est devenue une discipline de plus en plus scientifique. Et depuis une décennie environ, on constate un mouvement des Etats visant à rapatrier les objets étrangers mal acquis dans leurs pays d’origine, comme récemment (le 9 novembre) l’acte de transfert de propriété de 26 œuvres restituées par la France au Bénin.
Le dernier numéro de l’édition française de « National Geographic » consacre un dossier spécial à cette « épopée de l’archéologie – 100 grandes découvertes qui éclairent l’histoire du monde ». De quoi parcourir toute l’histoire de l’humanité à travers ces vestiges.
Parmi ces découvertes, la plus ancienne correspond à des empreintes de pieds découvertes en Tanzanie, en 1978, à Laetoli, dans des cendres volcaniques, datées de 3,7 millions d’années. Ces empreintes seraient la preuve de la marche debout de ceux qui les ont laissées, même s’il y a des discussions pour savoir si ce sont celles d’ancêtres humains, ou celles de grands singes qui étaient capables de se déplacer en bipédie, sans certitude sur la distance ni sur le délai.
Celle aussi de ces deux randonneurs dans les Alpes, à la frontière entre l’Italie et l’Autriche, en 1991, qui découvrent un corps momifié dépassant de la glace, et qui correspond à un être humain âgé de 5300 ans. On l’appellera « Ötzi », du nom de la vallée de l’Ötzal, proche du lieu de sa mort. C’est le plus ancien être humain intact jamais découvert à ce jour. On a même pu reconstituer ce à quoi il devait ressembler, et identifier qu’il avait mangé du bouquetin, accompagné de petit épeautre et d’un peu de fougères avant de mourir.
Et aujourd’hui, grâce aux progrès scientifiques, et aux techniques avancées, on peut en apprendre encore plus. Ce qui avait auparavant peu de valeurs, comme des graines brûlées, des excréments, des résidus au fond d’un pot, nous révèle aujourd’hui des secrets sur ce que les hommes mangeaient, avec qui ils faisaient commerce, et où ils ont vécu.
La mer n’est plus non plus impénétrable, et les plongeurs, à l’aide de nouveaux outils technologiques, ont accès à des épaves de navires marchands datant de temps anciens, ou à celle du Titanic qui n’a pas encore révélé toutes ses richesses, et peuvent aussi explorer les fresques des grottes comme la grotte Cosquer, qui, aujourd’hui, avec le réchauffement climatique et la montée des eaux en Méditerranée, commencent à être menacées, et font l’objet de nouvelles recherches pour y effectuer des cartographies au laser 3D, permettant de cartographier la cavité de la grotte avec une résolution de 0,1 mm.
Et puis l’Intelligence Artificielle vient aussi révolutionner le travail de nos archéologues d’aujourd’hui et permet de découvrir de nouveaux scoops sur notre histoire.
Des chercheurs de l’Université de Groningen ont ainsi, en avril 2021, révélé que les manuscrits de la Mer Morte ont été écrits par deux scribes différents, grâce aux algorithmes de l’intelligence artificielle qui ont analysé les manuscrits et identifié de minuscules variations de traits d’encre.
C’est aussi l’intelligence artificielle qui permet aujourd’hui de reconstituer les cranes et squelettes issus de fouilles, grâce à l’apprentissage profond et ce que l’on appelle les réseaux de neurones à convolution (CNN) pour l’analyse des images.
Des chercheurs israéliens se sont aussi servis d’algorithmes de traitement automatique du langage (NLP – Natural Langage Processing) pour restaurer des écrits babyloniens sur des tablettes d’argile en identifiant les mots manquants sur les parties endommagées.
L’intelligence artificielle va-t-elle remplacer Indiana Jones ? Ou Indiana Jones devenir un archéologue augmenté ?
Allons- nous tous être augmentés comme lui dans nos entreprises ?
L'archéologie nous ouvre peut-être la voie.
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