La Covid-19 nous a-t-elle rendus meilleurs ?
La fatigue du trop

Collective spirit ?

Champagne111Si l’on en croit « The Economist », qui publie un numéro spécial passionnant sur « Le monde en 2021 », nos dirigeants vont devoir résoudre trois dilemmes en 2021,de nature géographique. Et cela nous pose de bonnes questions.

Quels sont donc ces trois dilemmes géographiques ?

Premier dilemme : Où va-t-on produire nos produits ?

On a bien compris que le manque d’autonomie et de sécurité des entreprises sur leurs approvisionnements a été révélé par la crise du Covid, et que nombreuses sont celles qui ont envie de s’attaquer à ce problème. Certains commencent à parler de « déglobalisation », sûrement un peu trop vite, car les chaînes d’approvisionnements et la localisation des sites de production ne vont pas être transformées aussi simplement, et l’on cherchera toujours à rester plus rapide, plus fiable, plus flexible. De quoi peser les décisions qui vont devoir être prises.

Deuxième dilemme géographique, lui aussi révélé par la crise de 2020 : Où les consommateurs vont-ils avoir envie d’acheter ?

On a bien vu que le e-commerce s’est fortement développé, et que les distributeurs on-line en bien profité, et pas seulement Amazon. Une plateforme comme Shopify est aussi, par exemple, une réponse pour créer du e-commerce de proximité, et permettre à des petits commerçants de s’y mettre et de créer leur boutique en ligne. Reste que dans les zones et marchés où l’infrastructure pour la livraison n’est pas de bonne qualité les consommateurs préfèreront aussi revenir à l’achat en magasin.

Le troisième dilemme géographique est peut-être le plus délicat à traiter, car c’est pour certains une vraie révolution : Où les employés vont-ils vouloir travailler ? Et comment ? 

On l’a vu, contraint ou forcé, le télétravail est devenu une habitude pour de nombreux employés et de nombreuses entreprises. Certains s’y sont tellement bien habitués qu’ils aimeraient bien que ça continue, même si ce n’est pas forcément tous les jours. D’autres en ont marre et attendent de revenir au bureau normalement avec impatience. Mais, en tout état de cause, cela va obliger à réfléchir à de nouveaux modes d’organisation du travail pour contenter tout le monde. Cela va peut-être contribuer à supprimer les bureaucraties excessives, les petits chefs qui veulent tout contrôler en étant sur le dos des collaborateurs, et à permettre de faire naître de nouvelles idées.

Mais cela va aussi être source de problèmes, par exemple pour les managers et dirigeants qui seront moins bons pour communiquer de manière électronique que en étant présents physiquement avec leurs collaborateurs. Certains chercheurs imaginent aussi que ces pratiques de télétravail pourraient encourager le développement des silos dans les entreprises, voire enraciner le pouvoir des élites. Les employés les plus jeunes s’en trouveraient plus isolés, et perdraient, ou ont déjà perdu, les possibilités de socialisation et de contacts avec leurs collègues et managers. Dans ces nouvelles configurations de travail, le risque de perdre les talents dans les entreprises qui ne sauront pas bien gérer la transition va peut-être augmenter. Et l’on peut alors anticiper une nouvelle guerre des talents entre les compétiteurs et entreprises.

Au-delà de cette histoire de talents, un sujet pour les entreprises en 2021, toujours selon The Economist, va être le travail en équipe. Car à force de développer le travail à la maison en télétravail, le travail en équipe a été bien perturbé, mais on s’est quand même débrouillé : avec l’habitude accumulée du travail avec nos collègues, on a réussi à s’en sortir, car on se connaissait bien, les employés étaient familiers de leurs rôles, et habitués au rythme naturel de l’organisation. On a gardé les mêmes « meetings », juste en les passant en « Zoom » ou « Teams ». Pour discuter entre les réunions, avec son équipe, on avait WhatsApp et Slack. Donc, ça marche pas si mal finalement ?

Oui, mais à force, de nouveaux problèmes apparaissent.

Comment intégrer les nouveaux venus dans l’entreprise, et ceux qui ont changé de poste ? De nouvelles méthodes de travail sont à inventer pour ça et on ne pourra pas tout régler avec une connexion vidéo.

Autre problème : avec ces modes de travail, on perd la chance de pouvoir discuter avec un collègue qui n’est pas dans notre équipe de travail. Ce sont pourtant ces moments et rencontres fortuites, genre à la machine à café ou dans les couloirs, qui font le lien entre tous les collaborateurs. On en a moins l’occasion quand on travaille de chez soi devant son écran. Avec ce cloisonnement, les commerciaux risquent d’avoir moins d’occasions de rencontrer et de discuter avec les responsables de production et des produits, par exemple.

C’est pourquoi un de nos thèmes en 2021 va peut-être être de faire revivre et développer ce que The Economist appelle le « collective spirit ». Une solution, c’est de pouvoir faire revenir au bureau les collaborateurs un ou deux jours par semaine minimum. Mais il va falloir aussi prévoir les rencontres entre les équipes, en transversal, et pas seulement avec les équipes hiérarchiques, y compris à distance. De nouveaux types de réunions et rencontres, et des formats nouveaux aussi, vont être à inventer. Certaines entreprises ont déjà mis en place des « Zoom drinks », et envoient même du vin ou des canettes de bière à leurs employés à domicile pour participer à ces évènements (cool, ça ; on a les noms de ces entreprises ?). D’autres prévoient des karaokés et des chasses au trésor, où les employés doivent chercher des objets dans leur propre domicile. Autre idée, faire des sondages réguliers auprès des employés pour mesurer leur moral.

Tout ça a l’air bien sympa, et les idées ne manquent pas finalement. Mais il reste un risque qu’il va falloir traiter aussi : le risque de créer une entreprise à deux cultures entre ceux qui seront à l’aise avec ces nouveaux modes de travail, et ceux, par exemple les travailleurs occasionnels et prestataires, qui en seront exclus. Une différence aussi entre ceux qui connaissent bien l’entreprise et ses codes, les anciens, et tous les nouveaux, les plus jeunes, qui vont galérer pour s’y retrouver et se faire des amis et relations. Pour ceux-là les chasses au trésor et les canettes de bière à la maison ne vont peut-être pas être suffisantes.

Alors, comment allons-nous revivifier cet esprit collectif dans l’entreprise 2021 ?

Voilà un bon thème de débat pour démarrer l’année. Et trouver les idées qui feront la différence. 

Avec du champagne plutôt que des canettes de bière, peut-être, non ?

Bonne année ! 

Commentaires

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.