Un nouveau chemin avec un soufflé au fromage
12 juillet 2020
C’était il y a longtemps, dans l’ancien monde. Quand on parlait du futur, qu’on était Premier Ministre, et qu’on s’appelait Jean-Pierre Raffarin, on parlait de la route : elle était droite mais la pente était forte ; c’était en juillet 2002.
Aujourd’hui, ce n’est plus la route que l’on emprunte, mais un nouveau concept : le chemin.
C’est le nouveau Buzzword d’Emmanuel Macron, qui a proposé un « nouveau chemin ». C’est sûr, ça a ce petit côté écolo et campagnard qui est bien dans l’air du temps. Et certains prévoient déjà que cette histoire de chemin va se propager, jusqu’à atteindre peut-être aussi nos entreprises. Avalanche de « nouveaux chemins » dans les plans stratégiques, les plans de retournement, les programmes d’action post-covid.
Pourtant, il ne semble pas si facile d’apercevoir le bon chemin dans un environnement qui est toujours associé à l’incertain. On connaît les acronymes qui pourraient nous dissuader de trop « planifier » : VUCA ( Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambuguity), mais aussi TUNA ( Turbulent, Uncertain, Novel, Ambiguous).
Alors, penser qu’il faille aujourd’hui, dans ce « chemin », se lancer dans un exercice, avec un Commissariat ad hoc, de planification, voilà ce que Jean-Marc Daniel, économiste et professeur, qualifie dans L’Opinion du 10 juillet, d’« idée loufoque » : « L’idée qu’il faut maîtriser l’avenir par la technostructure a été totalement démentie et détruite par l’histoire ».
Cette notion de Plan correspond à cette période des années 50, une autre époque. Un commissaire qui l’a incarné, c’est Jean Monnet. Jean-Marc Daniel nous rappelle qu’il raconte dans ses Mémoires qu’à son arrivée au poste, il a pris deux décisions : « il a fait décrocher le portrait de l’ancien ministre de la IIIème République Jules Méline, symbole du retour au protectionnisme que lui rejetait. Et il a embauché un cuisinier, considérant qu’à ce poste il était important d’organiser des déjeuners pour créer du lien ». L’histoire retiendra qu’il aimait y servir des soufflés au fromage.
Mais alors, si l’on veut quand même s’en sortir dans ce monde incertain et prendre les bons chemins, que faire ? La dernière livraison de Harvard Business Review (juillet-août 2020), consacre un dossier au sujet « Comment émerger d’une crise ». J.Peter Scoblic, consultant dirigeant de « Event Horizon Strategies »,consacre un article à la question « Learning from the future » afin de construire des stratégies robustes dans des temps de profonde incertitude (ça tombe bien !). Il y vend l’approche par la prospective stratégique et le « Scenario Planning », qui permet, par cette méthode des scénarios, de naviguer dans l’incertitude en anticipant les futurs possibles, et en simulant, pour chaque scenario du futur, ce qu’il faudrait faire maintenant qui permettrait de s’en sortir au mieux dans ce scenario futur.
Dans cette vision, on ne va pas dire que l’on se prépare pour le futur, mais que l’on va le faire. Les moments d’incertitude sont ceux des entrepreneurs, de ceux qui identifient les réelles opportunités qui vont apporter les avantages compétitifs grâce à de bons choix stratégiques.
Cela suppose de ne pas se laisser dominer par la tyrannie du présent et d’investir dans l’imagination.
Pour y réussir, les comportements solitaires de celui qui pense s’en sortir tout seul sont voués à l’échec. Ce sont les coopérations, les équipes, ceux qui ont des réseaux ouverts et vastes, qui vont s’en sortir le mieux. C’est le bon moment pour créer les rencontres et les discussions stratégiques.
Et pourquoi pas, finalement, avec un bon soufflé au fromage.
Même si la pente est forte.
Commentaires