L'effet cobra
Dunning et Kruger

Esprit, es-tu là ?

ReveriesPour certains, c'est une méthodologie, un truc de consultants, une démarche. Le mot est devenu un attrape-tout. Tout le monde s'en revendique, même sans trop savoir de quoi il s'agit exactement.

Mais pour les purs, c'est d'abord un état d'esprit.

Alors, c'est quoi le "design thinking" ? 

Facile de trouver de quoi s'informer. Sur Google, on tombe sur 4.950.000 résultats ! Dont le premier, " Le design thinking est terminé", Ah, zut !

Mais pour revenir aux sources, rien de tel que de reprendre l'ouvrage de Tim Brown, créateur de l'entreprise IDEO, qui a développé le "Design Thinking" et ses applications, " L'esprit Design", qui est ressorti en 2019 dans une nouvelle édition "enrichie et actualisée". 

Cet état d'esprit, c'est celui de savoir " convertir un besoin en demande". Car demander de quoi a besoin le client ne permet pas de recueillir le vrai besoin. On attribue à Henry Ford la citation suivante : " Si j'avais demandé à mes clients ce qu'ils voulaient, ils auraient répondu " Un cheval plus rapide"."

Ce n'est pas non plus avec l'analyse des données, même en grande quantité (oui, le "Big Data"), que l'on trouvera la réponse, car l'analyse des données va nous informer sur les comportements passés, et peut-être permettre de les corréler pour deviner les comportements futurs en continuité avec ceux d'hier, mais pas sur les  "disruptions" et innovations qui feront la différence.

Mais alors, "l'esprit design", ça consiste en quoi ?

Cela va consister à comprendre et faire émerger les besoins latents dont peut-être ceux que l'on va étudier ne sont mêmes pas conscients. 

Et pour ça trois ingrédients indissociables font la réussite : l'intuition, l'observation, et l'empathie. Tout le reste relève de la méthodologie; mais sans ces ingrédients, la méthodologie ne marchera pas.

Alors, parcourons ces trois ingrédients avec l'aide de Tim Brown.

L'intuition

C'est elle qui nous pousse à aller observer en dehors de notre quotidien, de ce que nous regardons habituellement, pour découvrir de nouvelles perspectives, de nouveaux environnements. C'est elle qui est guidée par notre curiosité, l'envie de faire de nouvelles rencontres, et de fréquenter des environnements variés, en allant nous confronter à ces petits détails de la vie que l'on pourrait facilement ignorer. 

Le design étant une activité fondamentalement créatrice, c'est cette intuition qui nous dit où aller chercher les inspirations. Si l'on veut chercher des idées novatrices pour des chaussures de femme, pourquoi ne pas aller discuter avec un guide spirituel qui marche pieds nus sur des charbons ardents? Ou avec des femmes possédant plus de 150 paires de chaussures ? L'intuition va nous permettre d'identifier les sources d'inspiration les plus inattendues. C'est ce qui nous fait sortir des analyses chiffrées pour s'autoriser d'aller flâner au feeling, comme un promeneur solitaire en pleine rêverie (Merci Jean-Jacques Rousseau). 

L'observation

Deuxième ingrédient de l'esprit design, savoir observer. C'est "regarder ce que les gens ne font pas et écouter ce qu'ils taisent"

C'est pourquoi dans cette pratique de l'observation, sur le mode "anthropologue", ce n'est pas la quantité, mais la qualité qui compte. Il est bon de se concentrer sur les comportements extraordinaires. En limitant les observations à ceux qui sont au centre de la courbe en cloche, c'est à dire les comportements de la majorité, on risque de n'aboutir qu'à confirmer ce que l'on sait déjà, sans apprendre quelque chose de nouveau et de surprenant. Il faut aller chercher sur les bords. J'avais déjà parlé ici des "déviants positifs", c'est la même idée. Le but est de rencontrer des personnes qui pensent autrement. Si vous vous intéressez aux acheteurs de poupées Barbie, un petit moment avec une collectionneuse qui en possède 1.400 vous apprendra sûrement plein de choses.

L'empathie

Cet ingrédient est majeur. 

Car l'esprit design consiste à traduire les observations en informations et ces informations en produits et services innovants. Cette empathie, cela consiste donc à ne pas considérer les personnes que nous observons comme des rats de laboratoire, mais à carrément "emprunter" la vie des autres pour imaginer des idées neuves. L'empathie nous aide à comprendre comment des individus extravagants s'adaptent au monde, et dans cette approche, un homme de 30 ans n'a pas les mêmes façons qu'une femme de 60 ans. C'est l'empathie qui nous permet de comprendre intuitivement les autres. 

Avec cet "esprit design" nous abandonnons la vision du consommateur comme un objet d'analyse, pour entrer dans une collaboration plus profonde avec le public observé, entre les concepteurs et les consommateurs.

Voilà de quoi s'exercer à ces trois ingrédients pour ne pas perdre l'esprit.

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