Dunning et Kruger
25 février 2020
C'est un effet désastreux sur la prise de décision et le choix des décideurs dans nos entreprises. Je le retrouve analysé avec pertinence dans le dernier livre de mon ami Olivier Zara, " L'excellence décisionnelle". On l'appelle l'effet Dunning-Kruger. Et le plus grave, c'est que beaucoup en sont atteints, et se repassent le virus (c'est de circonstance).
Alors, c'est quoi l'effet Dunning-Kruger ?
Cela fait référence aux travaux de deux chercheurs du département de psychologie de la Cornell University, David Dunning et Justin Kruger, en 1999, à partir d'études de sujets occidentaux. Ces deux chercheurs ont ainsi émis les hypothèses suivantes :
- une personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence,
- une personne incompétente ne parvient pas à reconnaître la compétence de ceux qui la possèdent véritablement,
- une personne incompétente ne parvient pas à se rendre compte de son degré d'incompétence,
- si un entraînement de cette personne amène une amélioration significative de sa compétence, elle pourra alors reconnaître et accepter ses lacunes antérieures.
En clair, cet effet est un biais cognitif qui va amener les personnes les moins compétentes à surestimer, par excès de confiance, leurs compétences, et inversement les personnes les plus compétentes à les sous-estimer. On comprend l'histoire que cela va créer dans l'entreprise, ou dans d'autres milieux, comme la politique par exemple : les mauvais vont se croire bons, et les bons se croire mauvais. C'est ce qui permet à des incompétents de postuler et de se battre pour accéder aux postes de décideurs, et aux talentueux, c'est à dire ceux qui seraient les plus adaptés au poste, de ne pas oser postuler, s'en croyant incapables. La suite logique, on le comprend, c'est le principe de Peter, qui permet la prise de pouvoir par les plus incompétents.
C'est ce phénomène d'excès de confiance qui conduit à l'effet Dunning-Kruger, la personne incompétente ne parvenant pas à se rendre compte de son niveau d'incompétence, ni d'ailleurs à reconnaître la compétence de ceux qui possèdent effectivement cette compétence qui leur manque.
Evidemment avec un tel biais dans les cerveaux des managers et des dirigeants, on aboutit de perpétuelles surestimations de soi, sous-estimation des concurrents, accumulation des angles morts qui empêchent de voir la réalité des situations, excès d'optimisme sur les capacités à atteindre les objectifs que l'on s'est fixés et que l'on n'atteint jamais. En ne distinguant pas ce qui dépend de nous vraiment, et ce qui dépend aussi de l'environnement, on va oublier les facteurs externes et les mouvements des concurrents (ou même des clients qui changent leurs besoins et comportements), et donc perdre pied au moment de l'exécution des décisions.
Un autre effet va être de ne jamais se sentir en mauvaise posture face aux échecs et problèmes rencontrés, mais au contraire, fiers de notre croyance en une compétence extraordinaire, faire toujours et toujours plus de la même chose.
Mais peut-on réduire ce mauvais effet Dunning-Kruger qui semble bien menaçant ? Olivier Zara nous suggère d'en appeler à l'intelligence collective, faisant le pari, reprenant une citation de James Surowiecki (auteur référent sur la "sagesse des foules"), que "Lorsqu'un groupe de personnes se réunit, les biais s'annulent et les savoirs s'accumulent". Encore faut-il que le décideur sache écouter et, comme les commandants de bord dans les avions en cas d'incident (et tel qu'énoncé dans les règles de sécurité aérienne), parle en dernier dans les débats. Et à condition aussi qu'il y ait une diversité suffisante de profils autour de la table de décision.
Pas si simple si on a affaire à un comité de Direction où tous les profils sont les mêmes, et où les points de vue divergents n'osent jamais s'exprimer, de peur de passer pour des imbéciles.
Faire connaissance avec Dunning et Kruger, voilà peut-être de quoi nous alerter sur ces biais qui se transmettent et se démultiplient sans qu'on les maîtrise.
Elle peut aussi être remplacé et/ou cumulé avec la loi de parkinson jusqu'à un certain niveau de hiérarchie...
Rédigé par : Romeo Alexandre | 26 février 2020 à 01:04