L’opposition entre l’avenir et le passé est absurde
20 juillet 2019
Pour certains, le passé, c’est ce qui nous empêche de voir l’avenir, c’est le diable qui nous ne permet pas de vivre bien dans le présent.
Oui, mais pour d’autres, selon la citation du philosophe américain Georges Santayana (1863-1952), « Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le revivre ».
Pour l’entreprise, le passé, qu’on oublie parfois, souvent, c’est une façon de ne pas perdre ses racines. Je lis dans le récit en style journal intime d’un coach, la remarque suivante sur le passé : « Ce qu’il manque aux entreprises, c’est un sens historique, qui transforme un projet en destin, et pas seulement en propagande de la communication externe ».
Cela me fait penser à ces dirigeants d’entreprises, épris de formules toutes faites pour expliquer qu’ils vont « transformer l’entreprise », apporter et faire éclore le changement que leurs prédécesseurs n’ont pas su, ou pas voulu, conduire. (Car le changement, ça se conduit, comme une voiture, il suffit de bien tenir le volant).
Et puis, il en reste quelques-uns, ceux que je préfère, qui ont, effectivement, l'ambition de « transformer un projet en destin ». J’aime bien la formule.
Et cela me renvoie à un autre auteur : Simone Weil (1909-1943), philosophe chrétienne, agrégée de philosophie en 1931, ouvrière chez Renault en 1934-1935, qui travailla à Londres pour le général de Gaulle. Elle est l’auteur de ce texte plein de sens, « L’enracinement – Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain ». C'est son dernier ouvrage, considéré comme son testament spirituel.
Un passage connu en est cité par Mathieu Laine, dans son ouvrage « Il faut sauver le monde libre » dont j’ai déjà parlé ICI. Il en parle à propos des valeurs au cœur de l’identité du monde libre, qui sont comme notre héritage d’hommes libres.
Alors, cette citation ?
« L’opposition entre l’avenir et le passé est absurde. L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien ; c’est nous qui, pour le construire, devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y a rien de plus vital que le passé ».
C’est comme cela, en nous nourrissant de cette vitalité du passé, que se cultive ce qui nous unit dans une entreprise, dans une société. En intégrant ce que Mathieu Laine appelle « le primat de nos piliers fondateurs », nous aidons à repousser les fantasmes et les peurs.
Voilà de quoi se souvenir du passé dans nos entreprises. Et se forger un destin.
Et lire ou relire Simone Weil.
Un vrai défi, dans ce monde où la plupart des dirigeants ne lisent plus, où nous vivons dans l'économie de la vitesse et des PowerPoint.
L'été, c'est un bon moment pour ce genre de pause, non ?
D'autant plus vrai si on se souvient de G.Orwell, «Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé.»
Rédigé par : MP | 29 juillet 2019 à 15:32