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Les histoires d’amour qui finissent...en algorithmes, en général

ReligieuseMieux connaître les clients, mieux les gérer, mieux les convaincre, c’est une vieille histoire. On appelle ça le Marketing, ou la Relation Client.

Celui qui s’y connaissait, qui excellait dans cet art, c’était historiquement le vendeur, le bon vendeur qui connait les besoins du client avant que celui-ci les exprime, grâce à son sens psychologique, son sens du commerce, et à son baratin convaincant. Et ce bon vendeur gardait bien secret tous les petits trucs du client, les petits détails personnels qui montrent qu’on le connait bien et qu’on se rappelle de lui. Cela marche encore avec la pâtissière et le boucher du quartier. Cela ressemble à une histoire d’amour. Pour les autres on est passé à autre chose : c’est l’ordinateur qui fait le boulot. Et là, ça change.

Dans les années 80, une éternité, ce fut la grande époque des bases clients, des statistiques, de la segmentation des clients. Et les années 90, tous les consultants un peu anciens s’en souviennent, furent les années des systèmes CRM. Les Rolls Royce de la relation clients s’appelaient Vantive, ou Siebel, deux entreprises qui ont totalement disparues aujourd’hui. Avec ces systèmes, la masse des clients devenaient un sujet d’analyses inépuisable et créait de nouveaux métiers comme celui de gestionnaire de la base clients, ou de data miner. Et pour mieux gérer tout ça, les cabinets de consultants multipliaient les missions de « Relation clients », devenu « capital client » pour faire encore plus riche, et installer tous ces outils merveilleux.

Et tout a de nouveau changé dans les années 2000 avec un nouvel ami, internet, et ses cousins favoris, les réseaux sociaux. Là, on n’est carrément plus dans la gentille pâtissière qui connait les péchés mignons des clients, et leurs penchants pour les religieuses au chocolat. On passe à une forme plus agressive, le mot est faible. Les analystes, se sentant des âmes de prévisionnistes, vont alors se ruer sur des données inédites : le nombre de clics, le surf d’un site à l’autre, le nombre de pages consultées, l’achat en ligne, les cookies, l’adresse email, et les images, vidéos, et textes postés sur les réseaux sociaux. Et voilà de nouveaux métiers, outils  et expertises qui apparaissent alors : l’emailing dans nos boîtes mail, le « retargeting » pour suivre et solliciter un prospect que l’on va traquer sur tous les sites qu’il va consulter (à force de voir l’aspirateur sans sac partout, il va peut-être finir par l’acheter, le bougre), mais aussi le « Web Analytics », pour suivre la performance d’une opération digitale, le « Real Time Bidding », pour proposer en temps réel les publicités adaptées à chaque internaute par un système de vente aux enchères. Avec les smartphones et l’internet mobile, la coupe est pleine, avec plein de données supplémentaires pour les experts du e-marketing (bienvenu au club !).

Doucement, mais sûrement, nous voilà entrés dans une nouvelle phase, on est en plein dedans : les mégadonnées (le Big Data pour les fanas des mots en anglais). Car il faut maintenant réfléchir à la meilleure manière de recueillir, stocker et analyser ces masses de données hétérogènes et non structurées, avec des images, des vidéos et des textes. D’où les nouveaux dispositifs de Big Data qui se sont développés, les orfèvres étant bien sûr Google et Facebook. L’excellence, c’est d’être capable de traiter les plus gros volumes possibles, mais aussi très vite. D’où les architectures complexes pour stocker les données sur le Cloud. Et le fin du fin est alors l’introduction d’algorithmes et d’Intelligence Artificielle, pour faire faire à la machine toutes les prévisions et traquer encore mieux, sans intervention humaine (ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage). On appelle ça le marketing de l’attractivité. C’est le cas des services de vidéos par abonnement, où l’algorithme détermine les titres à proposer pour lesquels l’abonné sera le plus appétant. Et ce marketing de l’attractivité va aussi permettre de proposer des offres personnalisées à chacun. De quoi donner un gros coup de vieux aux CRM d’hier. Tout est à revoir. Les propositions vont se faire en push (tu as aimé le film A, tu devrais aimer le film B), mais aussi en pull, en réagissant à une action du client sur le site internet. Caractéristique de la tendance : la baisse du prix, et la disparition de pas mal de métiers et experts du marketing d’hier. L’Intelligence Artificielle a fait naître l’ultra-personnalisation de la relation client.

Les rois de la publicité s’en sont déjà aperçus et bougent à toute vitesse dans ce que Le Monde appelait hier « le troisième âge de la publicité » : Publicis a annoncé cette semaine l’acquisition du spécialiste américain de l’analyse des données de comportement des consommateurs, Epsilon, pour 4 milliards de dollars. Le XXème siècle était celui des réclames, des affiches, des spots radios et télés, avec des agences de plus en plus grosses et puissantes, concevant des campagnes mondiales ; Publicis en était un des rois. Cela a failli continuer pour lui avec l’acquisition envisagée de son principal concurrent américain, Omnicom, en 2013. Heureusement que ça a raté, car tout s’est retourné depuis, et c’est avec Epsilon que le meilleur mariage se fait (encore une histoire d’amour). Il ne s’agit plus de faire de la publicité sur le web, mais de changer complètement de modèle. On ne vend plus la même voiture à la masse, mais chaque voiture à un individu. Les Google et Facebook parlent directement aux clients en fonction de leurs comportements, et les champions de l’algorithme, comme Accenture, fournissent les traitements en amont. Publicis va avoir à trouver sa place dans ce nouveau jeu.

Et pour remplacer le petit sourire de ma pâtissière qui connaît mes péchés mignons, maintenant on a « Bibi ».

Vous ne connaissez pas « Bibi » ?

C’est le nouveau programme de fidélité de Franprix, dont parlait Les Echos lundi. On y accède par l’application smartphone de l’enseigne. « Bibi » connaît tout de nos goûts et de nos envies grâce à l’historique de nos achats mais aussi des données que nous laissons sur le web avec les cookies. Avec tout ça, Franprix envoie à chacun des offres personnalisées et des « pop up » qui s’affichent dans l’application. Si vous regardez des poussettes, Bibi vous envoie des produits pour bébé. Et si  vous n’êtes pas intéressé, l’Intelligence Artificielle va vite corriger, et Bibi ne recommencera plus. Avec Bibi, la fidélisation va loin : le simple fait d’aller dans un magasin ou un site donne droit à des points de fidélité, même si vous n’achetez rien. Il nous propose aussi des réductions et des offres ailleurs que dans les magasins Franprix, comme des places de cinéma par exemple. Franprix a même prévu d’utiliser bientôt Bibi comme moyen de paiement.

Oui, même la fidélité n’est plus ce qu’elle était. Les Echos citaient, dans le même numéro de Lundi, la création par Casino de RelevanC : cette filiale agglomère les données des 4,5 millions de porteurs de cartes de toutes les entités du Groupe ( Casino, Monoprix, Franprix, Cdiscount, Sarenza, etc.), et vend les analyses aux industriels. Elle propose ainsi un dispositif promotionnel clé en mains aux marques. La start up UntieNots, créée en 2016 par deux analystes, organise, elle, des « challenges fidélité » : ses algorithmes analysent les achats du porteur de carte, et, selon ses habitudes et goûts, va lui proposer des « deals » liés à une marque ou une gamme de produits. Le client choisit parmi ces « deals » ce qui l’intéresse. Si en un mois ou deux il achète des produits de série proposée, son compte est crédité d’un nombre d’euros en proportion. Les enseignes déterminent elles-mêmes la taille de l’enveloppe de remises, et mettent les marques à contribution. C’est le « troisième âge des politiques de fidélité », comme le titre Philippe Bertrand dans Les Echos.

Avec le troisième âge des Data, de la publicité, et de la fidélité, les histoires d’amour de ma pâtissière ont fini en algorithmes.

A moins de retourner rue du Croissant ...

 


Allo 4.0

QuatrezeroL'industrie va-t-elle être dépassée par les entreprises technologiques ?

Une crainte s'est développée que les industriels soient grignotés par les géants de l'internet qui développent les nouvelles technologies, et s'apprêtent à transformer, par exemple, l'industrie automobile dans sa mutation vers les voitures électriques, connectées et autonomes. Car finalement, une automobile de demain, n'est-ce pas plutôt un software avec des roues ?

Et c'est ainsi qu'est né ce concept de l' "industrie 4.0". Avec un leader, l'Allemagne. Car l'Allemagne, c'est historiquement l'image du leadership industriel, de la machine-outil, des industries mécaniques. Cette "industrie 4.0" c'est cette idée de construire un nouvel imaginaire industriel dans une société qui est entrée dans le monde numérique, ce que certains appellent déjà la quatrième révolution industrielle. 

L'industrie 4.0, c'est aussi une ambition technologique qui consiste à produire des petites séries à  des coûts équivalents à ceux de la production de masse. 

Pour comprendre le concept, et pourquoi l'Allemagne s'y est investie, le livre de Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, paru à la Documentation Française, " Industrie 4.0 - Les défis de la transformation numérique du modèle industriel allemand" est un bon guide. 

Ce qui a motivé le développement de l’industrie 4.0 c'est à la fois un rêve technologique et la peur de menaces qui pourraient faire vaciller le leadership allemand. C'est ainsi que l'Allemagne va donner un caractère offensif à une politique construite dans un premier temps comme une base défensive. 

L'industrie 4.0 c'est celle qui passe de l'approche de "Lean Production" , caractérisée par la production "just in time", l'orientation process et l'organisation des équipes, vers la "smart factory", qui permet la production individualisée et l'utilisation de la réalité augmentée.

Ce qui change dans la compréhension des clients, c'est de passer des sources traditionnelles que sont les processus de veille ou les remontées du réseau commercial, à un traitement des données d'usage transmises par les produits et équipements vendus. C'est ainsi que l'on va capter de nouvelles sources de valeur liées aux données d'usage. C'est cette association des capteurs (hardware) et des logiciels qui fait l'Industrie 4.0.

Ce qui fait repenser  leur modèle d'affaires  aux industriels c'est de savoir si demain les constructeurs automobiles tireront l'essentiel de leurs revenus de la vente de véhicules ou de leur location et de l'exploitation de services associés.

C'est ainsi que se construisent des écosystèmes en "open innovation" pour créer les nouvelles chaines de valeur industrielles. Les partenariats se multiplient : Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, citant une étude du ministère fédéral de l'Economie et de l'Energie, indiquent que, à l'horizon de cinq ans (l'étude date de 2015), les entreprises de plus de 500 salariés envisagent en moyenne de coopérer avec 12 nouveaux partenaires dans le cadre de l'industrie 4.0. Pour les entreprises de moins de 500 salariés, ce nombre représente près du triple. A un horizon de 10 ans, les entreprises de plus de 500 salariés auraient 23 nouveaux partenaires, celles de moins de 500 salariés, 74 nouveaux partenaires.

Mais cette avance industrielle allemande, malgré ces développements,  commence à fléchir. C'était dans "Le Monde" cette semaine (4 avril) :L'industrie allemande doute de son modèle. C'est Angela Merkel qui a prononcé dans son discours à la foire de Hanovre la veille de l'ouverture ( 1er avril), " Je ne suis pas certaine que nous soyons suffisamment armés pour être compétitifs au niveau mondial". 

Le futur, c'est l'électrique, et donc la question des batteries, que les allemands ont délaissé au profit du diesel qui était considéré comme le moteur économe. Mais aujourd'hui il est frappé d'opprobre; il faut se concentrer sur l'électrique. 

C'est la stratégie de Volkswagen : 70 modèles électriques sortiront des lignes de montage du Groupe d'ici dix ans. Alors il faut accélérer.

La conception "industrie 4.0" suppose de concevoir l'entreprise comme un monde ouvert où les flux d'échanges avec le client et de la recherche, les interactions avec les réseaux d'entreprises issues de différentes filières gagnent en intensité.   

L'industrie 4.0 ne correspond pas à un simple élargissement du lean manufacturing. Elle propose une autre manière d'organiser le temps et l'espace de production et de travail. 

Car le changement est brutal : les allemands, les industriels, toussent. Bosch est ainsi de ceux qui ont critiqué la stratégie annoncée par Volkswagen lors de la conférence annuelle du groupe le 14 mars, annonçant cette accélération vers le tout-électrique, et qui prévoit jusqu'à 7000 emplois liés au moteur thermique qui pourraient être supprimés. Bosch veut aussi défendre son indépendance technologique, et refuse d'abandonner le diesel, qu'il veut au contraire continuer à développer (on le comprend quand on sait que 50.000 de ses salariés, dont 15.000 en Allemagne, travaillent sur cette motorisation). 

Autre révolution 4.0 dans l'industrie, la 5G : un dispositif qui permet de mesurer les pièces et de contrôler la qualité en transmettant les données de mesure avec un temps de latence de moins de 10 millisecondes, a été présenté la semaine dernière à la foire de Hanovre (le plus grand salon industriel du monde, avec 6.500 exposants). La 5G, c'est la révolution dans la communication entre les machines, et une nouvelle avancée pour l'usine intelligente et connectée. La 5G va être l'occasion de connecter un nombre beaucoup plus important de machines entre elles. Elle écarte aussi le risque d'interférences que pose le wifi, aujourd'hui utilisé. Les Echos rapportaient le 5 avril que l'Allemagne avait réservé une partie de ses fréquences 5G pour les industriels, au grand dam des opérateurs télécoms. Les industriels vont ainsi pouvoir opérer leurs propres réseaux dans leurs usines. Ces installations 5G locales seront ainsi le moyen pour les industriels de ne pas dépendre du futur réseau national construit par les opérateurs, et de continuer à contrôler leurs données. Pendant ce temps là, en France, les industriels ne se sont pas manifestés face à la demande de l'Arcep qui n'a pas encore fixé les règles de l'attribution des fréquences. Et, à l'Est, c'est en Corée du Sud qu'a été lancé mercredi dernier une offre 5G par les trois opérateurs locaux, faisant ainsi de la Corée du Sud le pionnier mondial du secteur. 

Usine connectée, machines connectées, nouvelles coopérations pour l'innovation entre le monde des télécoms, des industriels de l'automobile et autres, partenariats en croissance exponentielle; La course ne fait que commencer, mais on dirait que les gagnants de demain ne seront pas forcément ceux d'hier.

De quoi réveiller les retardataires, non? 

 


L'âge des chasseurs

AigleroyalDans le nouveau monde entrepreneurial, ce sont les personnes mobiles, qui changent souvent de job et de lieu de résidence, qui inventent et créent des boîtes, qui se développent le plus. 

Elles sont très différentes de celles qui se sont développées lors de la période des grands groupes, des emplois à vie, du lieu de résidence que l'on ne quitte pas (on aime trop son confort et ses voisins). 

Ces nouveaux profils du monde entrepreneurial, ce sont les chasseurs.

Comment chassent-ils? 

Et comment les entreprises vont-elles attirer de tels clients ?

Sûrement avec un peu plus d'imagination et de créativité.

C'est le sujet de ma chronique du mois sur Envie d'Entreprendre".

C'est ICI.

Alors, pour connaître ce nouveau monde, n'attendez pas d'être dépassé.