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La formule du bonheur

BonheurSix grandes illusions entravent notre capacité à comprendre le monde, et nous font prendre la vie comme une lutte. Alors qu'il suffirait de voir clair dans ces illusions pour que notre vision se dégage et le bonheur nous arrive.

Bigre !

Celui qui nous parle ainsi, c'est Mo Gawdat, dans son livre "La formule de bonheur - Des résolutions pour être heureux". Un best-seller.

Mo Gawdat est un spécialiste de l'Intelligence Artificielle, devenu chief business officer chez Google. Il vient d'en démissionner, pour se consacrer à sa "mission" de prosélyte du bonheur, et d'en convaincre un milliard d'humains, grâce au mouvement qu'il a créé, " onebillionhappy"

Des millions de gens sont devenus fans; l'auteur fait des formations sur sa "méthode" dans de nombreuses entreprises (Google, mais aussi Mastercard, Salesforce).

La méthode tient en trois chiffres : 6 - 7 - 5 : 6 grandes illusions qui sèment la confusion dans notre esprit et  dont il faut se débarrasser ( les pensées, l'ego, la connaissance, le temps, le contrôle, la peur), 7, les sept "angles morts" qui leurrent notre jugement sur la réalité de l'existence (les souvenirs, les étiquettes, les émotions, les filtres, les suppositions, les prédictions, l'exagération); 5, les cinq grandes vérités auxquelles il nous faut se raccrocher ( le présent, le changement, l'amour, la mort, le dessein).

Et la formule du bonheur est, comme une équation d'ingénieur, l'écart entre votre perception de la vie et vos attentes. Et si vous ne trouvez pas le bonheur, c'est à cause d'une mauvaise perception de la vie telle qu'elle est. 

Tout ça a l'air un peu nunuche, genre "New Age". Et il faut résister pour entrer dans le livre.

On y trouve alors des bons principes qui peuvent aussi aider à débrouiller des situations personnelles ou professionnelles (Mo Gawdat ne fait pas la différence).

 Prenez celle des illusions que Mo appelle "le contrôle".

Qui n'a pas envie de sentir qu'il a les choses sous contrôle ? Préparer une intervention, une réunion, une décision, on aime bien se dire "j'ai tout prévu, c'est bon !". Le contrôle est un besoin instinctif. Pourtant nous ne pouvons empêcher les événements imprévisibles de survenir, comme des cygnes noirs (tels que Nassim Nicholas Taieb en parle dans son livre " Le cygne noir : la puissance de l'imprévisible"). En fait l'illusion, c'est de croire que le contrôle existe; quoi que l'on fasse ou prépare, le conseil de Mo, c'est que "le contrôle est une illusion". Et le bonheur ne vient pas d'une illusion de contrôle, mais de "notre capacité à appréhender la réalité en nous basant sur des faits et pas sur des illusions". Car il n'y a, selon la méthode de Mo, que deux choses que nous contrôlons : nos actions et notre attitude.

Et pour cela, la pratique que nous transmet Mo, c'est "l'acceptation engagée". Car ce qui produit les résultats, ce n'est pas l'attente de la réussite, mais les actions appliquées. l'"acceptation engagée", c'est s'efforcer d'agir de mon mieux, à chaque instant, dans toutes les situations, et d'accepter ce qui arrive. Et si je rate la cible, j'en tire les leçons, et je réessaye comme si rien n'avait été perdu. Je ne peux pas forcer le client à acheter mon service, mais je fais de mon mieux, sans exercer ni attendre un contrôle total. Voilà pour les actions.

Mais il y a aussi l'attitude, notamment face aux imprévus et aux problèmes. Souvent, quand les choses changent ou que l'imprévu arrive, on va essayer d'exercer plus de contrôle. Erreur ! Il vaut mieux observer la situation avec un regard neuf et ouvert, et utiliser la nouvelle situation en notre faveur. Comme Jim Lovell, l'astronaute joué par Tom Hanks, dans " Apollo 13" avec sa célèbre répartie : " Houston, we have a problem". Alors que la situation est grave (désespérée?), il a l'air de seulement remarquer qu'il a un pneu crevé. Et en analysant la situation avec calme, ils vont finir par revenir sur Terre. 

La leçon, pleine de sagesse, est simple : " Nous recevons tous des cartes  - certaines sont bonnes, d'autres sont mauvaises. Si vous vous focalisez sur les mauvaises, vous rejetterez la faute sur le jeu. Utilisez les bonnes cartes et les choses s'arrangeront : votre main change et vous avancez".

" Tout finira bien. Si ça ne va toujours pas bien, c'est que ce n'est pas fini".

Cela a l'air facile finalement de trouver la formule du bonheur.

Enfin, presque facile.

Tout est dans l'exécution maintenant. 


Dans le monde des machines, on manque d'humains pour conduire les machines

PiloteavionOn nous le dit, dans le monde des machines, on va avoir de moins en moins besoin d'humains, du moins des humains aux postes que nous connaissons aujourd'hui.

Et pourtant...

Un article du Monde de ce mardi 17 juillet vient nous informer d'un problème dans le monde du transport aérien : on va manquer de pilotes ! Les deux avionneurs Airbus et Boeing sont pourtant tout heureux d'annoncer que d'ici 2037, les compagnies aériennes vont avoir besoin de 37.400 avions neufs. D'ici vingt ans la flotte mondiale aura doublée, et représentera 48.000 avions. Et le problème maintenant, c'est : Où trouver les pilotes pour commander ces 48.000 avions en 2037 ? C'est Airbus qui a évalué le besoin de 540.000 nouveaux pilotes à cette date. L'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale) évalue même le besoin pour 2036 à 620.000 navigants, pour transporter 7,8 milliards de passagers par an. C'est ainsi que les compagnies américaines sont en train d'essayer de faire revenir leurs pilotes partis pour pour les rémunérations meilleures des compagnies chinoises et du Golfe. En augmentant leurs rémunérations. C'est ainsi que delta, toujours selon cet article du Monde, a prévu d'augmenter les salaires de ses pilotes de 25% à 30%. Et face à la pénurie de navigants dans le Golfe, dès aujourd'hui, certains avions dans le Golfe doivent rester au sol. Aux Etats-Unis, on envisage de décaler l'âge de départ en retraite des pilotes de 65 à 67 ans. 

 Autre histoire révélée par Les Echos jeudi 19 juillet, les entreprises de travaux publics  sont forcées de décaler les réfections de chaussées prévues pendant l'été. La cause : on manque de bitume. Mais pourquoi manque-t-on de bitume ? Certains disent que c'est dû aux mouvements sociaux qui ont bloqué les raffineries. Mais en fait, la principale cause c'est ...la pénurie de chauffeurs de poids lourds ayant un permis de transport de produits dangereux, et qui sont nécessaires pour transporter le bitume à chaud des raffineries aux chantiers. En plus, avec les grèves de la SNCF, le trafic s'est reporté sur le transport par route. Et, autre phénomène, alors qu'avant, avec le service militaire, les jeunes passaient le permis gratuitement, maintenant ils sont moins nombreux à payer pour passer ce permis poids lourds. Conclusion: les camions restent au garage. 

On découvre combien les travaux d'infrastructure et les transports ont besoin, malgré toutes les machines, de main d'oeuvre pour conduire les avions et les camions.

Bon, on va attendre pour avoir les avions et les véhicules autonomes; mais pour le moment c'est le manque de pilotes et de chauffeurs qui pose problème.

Le vieux monde n'est pas tout à fait mort encore...


Changer de paradigme pour être acteur du futur : regards croisés de PDG et de philosophe économiste

FutursensJe recevais cette semaine, dans le cadre des conférences de PMP au collège des Bernardins, Jean-Bernard Levy, PDG d'EDF, et Olivier Babeau, économiste que l'on qualifie de "libéral", même si il n'aime pas ce qualificatif, et Président fondateur de l'Institut Sapiens, qui appelle à manifester pour un "second humanisme". Il est aussi diplômé de troisième cycle de philosophie.

Le thème, c'était " A quoi sert la concurrence pour le management ?", mais surtout l'occasion d'écouter le témoignage d'un dirigeant qui est venu pour "accélérer la transformation d'EDF".

Car, paradoxalement, à son arrivée en 2014, Jean-Bernard Levy n'a pu que constater que, alors que l'ouverture à la concurrence existait depuis plus de 20 ans pour les entreprises, et depuis plus de 10 ans pour les particuliers, elle n'avait pas donné véritablement le "coup de fouet" que l'on aurait pu espérer, et qui avait été constaté, par exemple, lors de l'ouverture du secteur des Télécoms. 

Alors il s'est attelé à "donner envie à chacun, grâce à la concurrence, de se sublimer", envie de réaliser des projets, des rêves. 

Et pour ça, deux clés : décentraliser, et donner les moyens de l'innovation au niveau local. Ainsi, le budget de R&D, qui représente 600 Millions d'euros, est aux 2/3 dans les mains des Métiers, qui en pilotent l'utilisation, et 1/3 au Corporate. 

Première étape : fixer un cap (c'est son plan stratégique "Cap 2030"), et ouvrir la maison, qui avait le culte du secret, pour développer le dialogue. Il revient tout heureux d'une session de COMEX filmé et casté pour tous les salariés, pendant deux heures et demi, étape ultime d'un échange dans toute l'entreprise, " Parlons Energie", où 20.000 collaborateurs ont participé. Pour bien montrer que la démarche était décentralisée, il est allé lui-même "dans la banlieue de Clermont-Ferrand" pour participer aux réunions.

Mais pour donner cet élan, il a été nécessaire de "changer de paradigme" ("pour utiliser un mot qui ne veut rien dire" a-t-il ajouté) : Ce n'est pas la part de marché qui va être le vecteur, car justement la concurrence va plutôt faire baisser naturellement la part de marché d'EDF sur ses marchés. Il faut trouver une nouvelle fierté. Ce qui va aider, c'est le numérique, pour faciliter par exemple le commercial; C'est aussi l'investissement dans les énergies renouvelables, le plan sur le solaire. Ce déplacement de paradigme, cela lui semble une orientation majeure à passer. Et puis décentraliser, ce n'est pas une histoire d'organisation, comme il nous l'a dit, mais d'abord "un état d'esprit". Il veut aussi sortir le Groupe d'une vie en silos, et faire travailler de façon transverse.

Il a enfin structuré son plan, pour le COMEX, autour d'un nombre limité de "priorités stratégiques", car il a trouvé à son arrivée une situation où les projets locaux étaient souvent spectaculaires, mais où la vision de synthèse était insuffisante. Au passage, il a aussi rajeuni le COMEX ("c'est moi le plus âgé" note-t-il avec un petit sourire). 

On a aussi bien senti, à son sourire, qu'il a bien aimé réduire les effectifs (pas autant, vu le contexte, que dans d'autres Groupes industriels qu'il cite en exemple), réduire les dépenses (il nous explique que la formation ne se juge pas au montant des dépenses par rapport à la masse salariale, mais à la qualité de la formation. Et donc il a réduit les dépenses de formation). Là aussi il y a changement de paradigme. En 2016, quand les prix de marché ont chuté et que les parts de marché ont sensiblement chuté, il n'a accordé aucune augmentation de salaire générale, du jamais vu depuis la Libération. Il insiste, on sent qu'il en est fier : "Pas un fifrelin n'a été donné". Cette période est passée, et maintenant il faut redonner confiance dans l'avenir de l'entreprise, qui avait baissé aussi dans cette période de tourmente.

Avec Olivier Babeau, on est est passé à une autre vision de la transformation : Pour lui, ce qui attend les entreprises aujourd'hui, c'est de devenir les coachs de la transformation des hommes vers un second humanisme. Bigre ! C'est quoi ça? 

Il nous explique que nous sommes maintenant dans une société d'hyper-choix, qui nous conduit à ne plus savoir choisir en fait; et donc à une hyper standardisation. Nous regardons les mêmes films, avons les mêmes désirs, et il est de plus en plus difficile d'y résister. Avec internet, alors que l'on trouve tout sur Google en deux clics, on perd en capacités cognitives, on ne prend plus la peine de se souvenir. Et on lit sur internet sans se rappeler de qu'on a lu. Alors que dans la société d'hier les machines étaient qu service de l'homme, pour leur éviter de se fatiguer, aujourd'hui ce sont les hommes qui sont au service des machines.

Dans le monde de l'hyper-choix, le risque est fort d'abdiquer son humanité au profit des machines qui feront tout à notre place. Et donc l'entreprise a pour nouvelle mission de permettre aux humains de rester des humains (car maintenant on va devoir "choisir d'être un homme"), et de permettre aux collaborateurs d'être des accompagnateurs de l'intérêt à long terme de leurs clients. Pour que l'avenir ait besoin de nous.

Nos deux invités se sont retrouvés sur un concept plus d'actualité que jamais : la quête de sens.

C'est une attente forte dans la société, pour nous tous, et pour les collaborateurs dans l'entreprise.

Jean-Bernard Levy nous a rappelé combien chez EDF, le sens de "l'intérêt général" (qui n'a rien à voir avec le fait d'avoir un actionnaire public; car il est un libéral qui croit à l'intérêt général) est resté fort. Le système de péréquation tarifaire (on paye le même prix partout) est un pilier fort, et les ouvriers d'EDF et d'ENEDIS font tout pour faire les réparations en tension, sans couper le courant pour les villages alentours.

Parler du sens, c'est parler des valeurs. Et pour Olivier Babeau, à l'heure on l'on vit dans une société de moins en moins relativiste, et plein de dogmatismes, la valeur qu'il appelle, en bon libéral, c'est la valeur de tolérance. Comment accueillir tout le monde en ayant une tolérance réciproque ?

Le sens c'est une façon active d'être au monde, de ne pas demander ce que le futur pourra faire pour nous, mais ce que nous pouvons faire pour le futur. Qu'allons-nous faire de toutes ces technologies? 

L'enjeu est finalement de devenir acteur de la création de sens dans l'entreprise et dans la société.

Tout un programme pour un PDG et pour chacun.


La mise en cohérence qui nous conduit à l'impasse

Momie" Les forces de la mise en cohérence et de la bêtise marchent de conserve pour conduire notre civilisation à une impasse".

Celui qui tape dur comme ça, c'est Olivier Babeau, dont j'ai déjà parlé, dans son livre "Éloge de l'hypocrisie".

Ce sur quoi il tape ainsi, c'est cet "esprit de cohérence", celui qui refuse de s'embarrasser de l’ambiguïté, on doit tout dire au premier degré. 

Celles qui ont été le meilleur produit de cette volonté de "mise en cohérence", ce sont bien sûr les grandes dictatures, qui voulaient mettre en cohérence totale l'ensemble de la société. 

C'est ainsi que pour le communisme, il s'agit pour le pouvoir centralisé tout puissant de faire le bien des individus en dépit et souvent contre eux. C'est toujours au nom du "bien commun" ou de "l'intérêt général" que les libertés sont supprimées, les dissidents écartés. 

Et après cette mise en cohérence ce qui apparaît c'est une " idéologie de l'égalité". Celle qui se refuse à hiérarchiser les cultures et les œuvres d'art. Celle du "tout se vaut". 

C'est ainsi que Olivier Babeau dénonce un "nouveau puritanisme" , une "morale égalitariste confite dans une autocélébration perpétuelle", comme une "momification de la société". 

Car notre société devient celle de "l’hyper-surveillance", le problème étant dans la manière dont ces observations sont faites, " Le piège, c'est le devoir de cohérence, l'accord de sa vie privée et de sa vie publique, l'impossibilité de contourner la règle. La cohérence obligatoire- dont la conformité obligatoire est un volet- va mettre le monde devant ses contradictions, pour les obliger à les supprimer".

C'est ainsi que nous arrivons à un nouveau totalitarisme, celui de "l'enfermement dans le conformisme lénifiant de la grande fête égalitariste". 

La conclusion pour Olivier Babeau est une incitation positive : battons-nous pour notre liberté !

un bon conseil à suivre, non ?