La gentillesse n'est pas la sollicitude
12 mars 2017
Vous en connaissez comme moi de ces personnes qui se disent gentilles parce qu'elles veulent tout le temps se mêler des affaires des autres en pensant ainsi les aider. Quand c'est à vous-même qu'elles s'en prennent, on les trouve un peu intrusives parfois (souvent), et on a envie de leur dire "mais je ne t'ai rien demandé !". Ce qui ne suffirait pas à les freiner, car elles sont sont convaincues de mieux savoir que moi-même ce dont j'ai besoin (de leurs sages conseils en l’occurrence).
Je découvre en lisant l'ouvrage d' Emmanuel Jaffelin, "Petit éloge de la gentillesse", que cette forme de "gentillesse" n'est justement pas de la vraie gentillesse, mais de la sollicitude.
Pour comprendre la différence, il raconte une anecdote où il s'est emparé du bras d'un aveugle qui attendait au feu rouge pour l'aider à traverser la rue. Et l'aveugle lui a répliqué : " Non, merci. Je connais le chemin". Il attendait juste le signal sonore qui l'autorisait à traverser.
Car la sollicitude n'est pas la gentillesse. Elle se situe au-delà de la gentillesse. Elle est selon la formule d'Emmanuel Jaffelin, " un effort poisseux à vouloir rendre service sous l'emprise d'une pulsion". C'est en fait un "excès d'altruisme".
La sollicitude, c'est celle d'Amélie Poulain qui fait le forcing pour faire le bonheur de son quartier.
Inversement ce qui caractérise la gentillesse, c'est de rendre service sur la base d'une sollicitation, et non d'une sollicitude.
Il faut que quelqu'un me demande quelque chose pour que je puisse exercer ma gentillesse. Ce n'est pas le désir obsessionnel de faire le bonheur des autres mais être dans une situation qui me permet de rendre service.
La gentillesse consiste à rendre service à quelqu'un qui me le demande vraiment, de manière plus ou moins explicite. Mais surtout explicite dans un milieu professionnel.
Et donc pour être gentil, et l'être à bon escient, la qualité première est l'écoute et la capacité à entrer dans un vrai dialogue avec autrui.
C'est pourquoi les gentils sont ceux qui savent nouer ces dialogues, Qui écoutent avant de parler et d'essayer de convaincre.
En étant ce gentil, je suis un gentilhomme, héros du quotidien.
Car en étant ce gentil qui rend un service à autrui, je m'échappe de moi-même, je me "déleste de moi-même", Cette attitude me permet de rentrer dans un dialogue qui ne veut pas imposer à l'autre mon propre avis, mais accepter de m'en "délester".
Ainsi, être "gentil" ce n'est pas être faible devant l'autre, mais au contraire être dans dans une morale du service et du dialogue vrai.
De quoi réconcilier la gentillesse et la coopération. Et aussi la performance de nos organisations.
Envie d'essayer?
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