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Destins patagons : Allen Gardiner

GrottesGardinerDans le sud de la Patagonie, les grottes Gardiner doivent leur nom à un missionnaire anglican du XIXème Siècle.

Encore un héros dont l'histoire est édifiante.

Dans les années 1800, les missionnaires vers la Patagonie étaient légion. Leur but : évangéliser les populations "indiennes" locales. 

Le capitaine Allen Gardiner a servi pendant plusieurs années dans la Marine Royale anglaise. Et puis, en 1834, à la mort de sa femme, il décide de quitter pour se consacrer à la parole de Dieu. Et il entreprend une croisière à travers le monde. Il devient un des fondateurs de la Société Missionnaire de la Patagonie.

En 1850, il met le cap sur sur l'Amérique du Sud avec six compagnons, à bord du voilier Ocean Queen. C'est ainsi qu'ils mouillent dans la baie Banner, de l'île Picton, en décembre 1850, et le bateau repart, laissant ces missionnaires.

Ils rencontrent sur place les indigènes de l'ethnie Yamana, qui vont se montrer de plus en plus belliqueux. C'est ainsi que les missionnaires en arrivent à s'échapper vers l'Est, et arrivent à Puerto Espanol. Puis après une forte tempête, ils trouvent refuge dans une caverne, et retournent à Banner, où ils avaient enterré leurs provisions avant de bouger. Là, ils veulent laisser un signe de leur présence, dans le cas où un bateau viendrait dans les parages. Ils enterrent des bouteilles avec des messages, demandant secours et spécifiant l'endroit où ils se trouvent. Ils plantent un pieu avec une planche sur laquelle ils peignent l'inscription :

Dig Below (Creusez là-dessous)

Go to Spaniard Harbour (Allez au Port des Espagnols)

March

1851

Et ils retournent à Puerto Espanol. Les provisions deviennent de plus en plus rares. Dans le plus grand calme, les missionnaires consacrent leur temps à écrire leur journal, consignant leurs pensées et leurs dernières phrases avant leur dernier souffle. Ces journaux ont été retrouvés. Le dernier à mourir sera Allen Gardiner. Ses dernières lignes sont :

" 5 septembre, vendredi.- Grandes et merveilleuses sont les grâces de l'amour de mon bon Dieu. Il m'a maintenu jusqu'à présent et quatre jours durant, sans nourriture corporelle, sans souffrance aucune de faim ni de soif".

C'est seulement le 22 octobre 1851 que les marins du John Davidson, bateau de renfort apportant des approvisionnements, découvriront le spectacle. 

D'autres missionnaires prendront la suite de Allen Gardiner; mais bientôt l'ethnie Yamana va disparaître, comme toutes les ethnies locales de la Terre de Feu. L'influence des Européens sur les indigènes n'aura apporté que des maladies.

Démonstration, encore, que les meilleures intentions peuvent parfois apporter les pires catastrophes.

( J'ai trouvé cette histoire dans " Sentiers de Feu, Récit d'une expédition au bout du monde" - Federico Ezequiel Gargiulo).


Destins de Patagonie

BeaglePour le voyageur en Patagonie (j'en reviens), les lieux ont des noms anglais qui évoquent notamment les navigateurs et découvreurs d'il y a à peine deux siècles arrivés ici en voiliers.

Forcément, ça donne envie d'aller rechercher (du moins c'est mon cas) l'histoire de ces sortes de héros; et de découvrir de drôles d'histoires. 

Ces pionniers sont un peu comme des entrepreneurs face à l'inconnu, il y a des bons moments, des joies, et aussi des découragements, et même des drames.

Je découvre ainsi l'histoire du HMS Beagle, qui donne son nom au Canal Beagle (il sera ainsi nommé lors de de l'expédition du Beagle), que l'on parcourt aujourd'hui en bateau de croisière. Et notamment le destin des capitaines Stokes et FitzRoy.

Le premier voyage part de Plymouth le 22 mai 1826, sous le commandement du  capitaine Pringle Stokes. L'expédition va découvrir les difficultés de la navigation en Terre de Feu dans le détroit de Magellan. Le paysage est immense et monotone. En juin 1828, le Beagle arrive à Port Famine (c'est le nom que lui a donné le navigateur Cavendish, qui y découvre les rares survivants d'une expédition de colonisation précédente).  

Le capitaine Strokes lors de cette arrivée à port Famine, note dans son journal : 

" Rien ne pourrait être plus triste que le paysage autour de nous".

Devant le paysage, il se met à déprimer. C'est ainsi que le 1er août le capitaine Strokes prend un pistolet dans sa cabine, le porte à sa tête, et tire. Le coup n'est pas fatal, mais le médecin ne parviendra pas à le sauver; il meurt le 12 août 1828.

Le capitaine qui lui succède est Robert FitzRoy, jeune aristocrate de 23 ans, qui entreprend le deuxième voyage du Beagle, du 27 décembre 1831 au 2 octobre 1836. Pour ce deuxième voyage, le capitaine FitzRoy, par peur de déprimer lui aussi comme le capitaine Strokes, cherche un compagnon de voyage avec un niveau intellectuel suffisant pour qu'il puisse discuter avec lui. C'est ainsi qu'il embarque avec un jeune étudiant en théologie et naturaliste, Charles Darwin. Il décrira la faune et la flore, et les personnes rencontrées, dans son livre sur ce voyage. Et il en tirera ensuite son analyse sur "l'origine  des espèces". 

Après son retour de cette expédition, le capitaine FitzRoy, cinq ans après, ce capitaine qui avait été embauché comme capitaine suite au suicide du capitaine, va lui aussi être victime de dépression. Le dimanche 30 avril 1865 il entre dans son dressing juste avant huit heures, prend un rasoir, et se tranche la gorge.

Drôles d'aventures; on croirait le livret d'un opéra, une tragédie,  ou un drame shakespearien.

Ces histoires rendent encore plus captivante la traversée de ces lieux, presque deux cents ans après.

NOTA : Je trouve toutes ces histoires dans le livre de Chris Moss - " Patagonia, a cultural history".