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Penser à plusieurs

CollectifVaut-il mieux penser seul ou à plusieurs? 

L'intelligence collective, ce "fourmi management" dont j'avais déjà parlé ICI, j'y reviens cette semaine en en parlant avec un expert convaincu des systèmes prédictifs, style "wisdom of crowds". Avec l'idée que l'activité de plusieurs et l'échange des idées est préférable, et surtout plus efficace, pour prévoir le futur, que la réflexion d'un seul.

C'était le thème du dossier de "Philosophie Magazine" de septembre dernier. Jean-Luc Marion est le philosophe choisi pour nous parler de "penser tout seul". Beau challenge. Et jean-Luc Marion y va fort :

" Penser à plusieurs-voilà une illusion, et même une dangereuse illusion. On peut, certes, débattre et discuter, mais pas produire de la pesnée à plusieurs". "A plusieurs, en fait, on ne pense plus, puisqu'on commence par trop admettre, sans remettre rien en cause. ".

Il remet en cause ces séances de "brainstorming" ( on n'ose pas dire thinking). Dans ces séances ce dont il s'agit de débattre reste très marginal par rapport à ce que tout le monde a déjà implicitement admis. " En un sens, la discussion ne commence que quand  il n'est déjà plus requis de penser, mais qu'il s'agit de simplement de rendre explicite ce dont tout le monde convenait déjà.".

Pour lui, " Penser réclame un retrait. C'est uniquement si je me retiens de répéter ce que dit tout le monde, si je laisse les choses apparaître, et donc si je m'extrais du cours du monde, que je peux tenter de dire quelque chose qui ne peut être dit que par moi". 

Mais la question est aussi de savoir quelle est la pensée la plus efficace.

Cédric Villani, mathématicien élu à l'Académie des Sciences en 2013, apporte une autre vision.

" La science en général, et les mathématiques en particulier, sont une discipline beaucoup plus collective que l'art et la philosophie. La plupart des écrits de recherche en mathématiques sont à deux ou trois auteurs. Ceci vaut dans la plupart des sciences. C'est un énorme changement par rapport à ce qui se passait il y a un siècle, où les articles écrits en solo étaient encore majoritaires. Ces pratiques collectives se sont mises en place pour des raisons d'efficacité. Les scientifiques d'aujourd'hui sont beaucoup plus spécialisés, mais ils ont des connaissances beaucoup moins étendue que leurs devanciers. Mais, du coup, ils sont aussi plus ouverts à des expérimentations collectives.".

Le collectif, l'intelligence collective : les mathématiciens ont pris de l'avance par rapport aux philosophes...

Et nous, alors ?


Design Thinking du Moyen Âge à Venise

VeniseXIIILe "Design Thinking" est décrit comme la façon intelligente de concevoir le changement aujourd'hui. Il est une réponse aux besoins humains, grâce à un bon "design". 

Dans son livre sur "Le Moyen Âge de Venise - Des eaux salées au miracle des pierres", Elisabeth Crouzet-Pavan décrit en détail comment cette ville s'est créée et développée pendant cette période, entre le XIIème et le XVème siècle. Ce Moyen Âge où Venise comptait bien plus d'habitants qu'aujourd'hui.

On assite à la création de l'espace par assèchements successifs des marais, et la conquête de nouveaux terrains. Puis la création de l'espace public, avec les voies publiques, sur eau ou terrestres, et les propriétés privées et publiques. Et l'émergence des lieux où les habitants commercent et travaillent, des lieux aussi de la circulation de la vie quotidienne des hommes et des femmes qui y affirment leur "propre culture de l'espace".

Ce qui est marquant, c'est le rôle important de l'autorité publique communale pour ordonner, organiser, et donner du sens.

A propos  de l'aménagement des rives du marché du Rialto au XIVème siècle, Elisabeth Crouzet-Pavan indique : 

" En quête d'une ville idéale, d'un centre marchand ordonné pour l'utilité générale, propre à favoriser les affaires et l'enrichissement, l'action publique se veut aussi oeuvre d'harmonie et de beauté. Comme sur la rive de San Marco, les nécessités esthétiques déterminent la politique urbaine et ses choix. En ces années, il revient aussi au marché du Rialto de servir l'honneur de la commune vénitienne en participant à la mise en représentation de la ville. (...). La rationalité de l'action publique n'est donc pas seulement le fait de la montée en puissance d'une structure. Elle est aussi le fait d'une recherche esthétique. Légitimée par la quête, plus sacrale encore que politique, d'une ville idéale, l'action publique se veut aussi oeuvre d'harmonie et de beauté".

Ainsi l'action communale vient profondément transformer l'espace et les infrastructures. Elle vient lutter contre le désordre des lieux au marché du Rialto. Cette île concentre au XIIIème siècle les marchés de gros et de détail, les échoppes et ateliers de produits divers. L'autorité publique va lutter contre le désordre des lieux de déchargement, des lieux de stockage. Dans les premières décennies du XIVème siècle, les rives, passées sous tutelle publique, la commune entreprend de de faire décharger les marchandises sur des portions de quais spécialisés. Cela permet aussi de percevoir les taxes de douane. La commune,grâce aux recettes de location des rives, va garantir l'entretien et le curage régulier des eaux.

Autre exemple de "Design Thinking" par l'autorité communale : l'aménagement de la Merceria, rue terrestre aui part de la place San Marco. En fouillant les règlements de police urbaine de l'époque, Elisabeth Crouzet-Pavan montre combien l'intervention de l'autorité publique adopte une vision "globale" du changement. En 1269, un premier "programme" décide du pavage des rues, et vise à faire disparaître les débordements, bancs, portiques, ou balcons, et leur avancée sur la rue, qui est limitée par règlement. En 1272 ce programme est repris, en plus hardi encore. Le Grand Conseil de Venise élit en 1340 cinq Sages, avec pour Mission de veiller à la destruction des auvents qui subsistent dans la Merceria, et d'exiger partout l'adjonction de gouttières. 

"L'axe de la Merceria, dans un souci unitaire, est donc une fois encore envisagé dans sa totalité; les différentes phases des travaux sont liées. Il s'agit d'imposer, au centre de la cité, des équipements identiques, une régularité, un ordre. La solidité, la beauté du patrimoine immobilier privé doivent souligner, dans la principale rue marchande de Venise, la richesse et la puissance urbaines. Le confort de la circulation assuré, la conservation des maisons et boutiques garanties, le décor citadin acquiert une plus grande dignité. Au lieu par excellence du passage, Venise se donne à voir. Dans ce soin porté au plus central de l'étendue bâtie, la commune exprime sa perception, graduellement plus consciente et rigoureuse, de la forme et de l'identité de la ville qu'elle gouverne. Contre l'émiettement des droits et les abus des particuliers, les règlements de police urbaine décrivent le succès progressif d'une autorité de décision. Parfois inopérante, infléchie par des compromis plus ou moins nets, retardée par des obstacles, une gestion de l'organisme urbain se met toute fois en place".

Sens du global, sens de l'esthétique, autorité de décision, oeuvre d'harmonie et de beauté : la construction de Venise au Moyen Âge comme modèle pour le Design Thinking des transformations d'aujourd'hui ? Et pas seulement urbaines.


Remplacer par pièces détachées : NON !

AudacieuxVous les connaissez ces personnes, comme dans une secte : tant que ça marche on change pas; on va juste remplacer les pièces détachées qui semblent vraiment défectueuses. Le malheur a contaminé nos entreprises. Au lieu de tout changer on améliore...

Souhaitons que l'on ait plus d'audacieux en 2016.

C'est le sujet de ma chronique, la première de 2016, sur "Envie d'entreprendre" ICI.

Soyez vous aussi audacieux...

Et bonne année 2016; pleine de joies et de réussites.

Mon blog repart pour une année grâce à vous... c'est déjà la dixième année...ouh la la .