Les oreilles de la girafe
05 décembre 2015
Marshall Rosenberg, psychologue américain, père de la Communication Non Violente (CNV), utilise deux figures animales pour nous faire comprendre le concept d'empathie, et comprendre les deux plans où nous pouvons mettre notre attention : la girafe et le chacal.
La girafe représente le langage du cœur. C'est l'animal terrestre qui a proportionnellement le plus gros cœur, ce qui lui donne l'image de la bienveillance. Son long cou lui donne aussi le recul, et élève sa vision. Ses grandes oreilles lui permettent de mieux écouter. Voilà tout le symbole de l'empathie et de la bienveillance.
Le chacal, lui, est l'animal qui a mauvaise réputation. Il est de nature opportuniste, et devient volontiers charognard. Lui aussi a de grandes oreilles pour entendre, mais il symbolise la communication des personnes qui sont d'abord occupées par la satisfaction de leurs seuls besoins propres. Elles entendent, comme on le dit, "ce qu'elles ont envie d'entendre".
Ces deux animaux symbolisent alors deux postures très différentes dans notre façon d'écouter l'autre.
Quand elle tourne ses oreilles vers l'autre, la girafe perçoit alors le malaise de l'autre, et va se concentrer sur ses sentiments et ses besoins. C'est justement l'attitude empathique, qui est cette capacité de s'identifier à l'autre, de comprendre sa souffrance, d'accueillir les émotions qui l'habite, sans pour autant ressentir soi-même la douleur. C'est une attitude détachée qui permet de rester relié à l'autre sans prendre part à sa douleur (ce qui serait alors de la compassion).Cette compréhension manifestée par la girafe est empreinte de bienveillance, d'écoute, d'ouverture. Exemple de paroles : "As tu besoin d'aide?".
Le chacal procède différemment : en tournant ses oreilles vers l'autre, il se sent agressé, exprime de la colère. Le chacal va plutôt se défendre des paroles de l'autre qui ne servent pas ses besoins propres, par des accusations, des menaces, des mensonges, des tentatives de dévalorisation. Exemple de paroles d'un chacal : " Comment puis-je travailler avec toi et te faire confiance? Tu n'es même pas capable de tenir tes engagements !".
Ce qui nous rend chacal, c'est l'expression de jugements et de croyances. Nous restons sur la pensée, en nous coupant de l'écoute des besoins. C'est cet animal qui symbolise un être coupé de ses besoins, qui a du mal à établir un lien entre sa tête et le centre de ses émotions. Ne comprenant pas ses propres émotions, il n'écoute pas plus les émotions et besoins de l'autre, et va donc souvent se montrer maladroit dans ses expressions, parfois malgré lui d'ailleurs.
Ce qui nous rend girafe, c'est de nous relier aux sentiments et aux besoins, les nôtres d'abord, et donc ceux de l'autre. C'est se dégager de la tête pour écouter le langage du cœur et des tripes. C'est se mettre en état d'accueillir l'autre. Cela se fait aussi en se détachant des croyances figées.
C'est difficile car, quand nous écoutons quelqu'un nous sommes forcément confrontés au monde de ses croyances. On entend " Personne ne s'intéresse à mon travail". Et ces convictions viennent renforcer les nôtres, et nous mettent en risque de nous entraîner dans le jeu " Qui a tort? Qui a raison?". Pour se faire girafe, et non chacal, c'est à ce moment que l'on va quitter les croyances pour parler des besoins.
Ces besoins sont des besoins universels, qui peuvent concerner : le besoin de prendre soin de ce qui vit (eau, nourriture, santé), le besoin de sécurité (amour, paix, respect), le besoin d'authenticité (prendre ses responsabilités, ouverture), le besoin de compassion (chaleur, humanité), le besoin de justice (égalité, équité), le besoin d'appartenance (échange, partage, reconnaissance), le besoin d'autonomie (créativité, liberté), le besoin de sens (beauté, harmonie, spiritualité).
Pour être à l'écoute des besoins, et ne pas s'enfermer et se perdre dans la guerre des croyances, un secret : utilisons nos oreilles de girafe !
Un message plus que jamais d'actualité, non?
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