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La tortue, même Ninja, ne gagne pas toujours dans l'innovation


TortueNinjaC'est une entreprise née il y a 140 ans ! Un de leaders, avec un slogan qui en dit long : " Leading Innovation". 

Et Plouf !

Cette entreprise c'est une star du Japon, Toshiba. Et voilà qu'elle annonce une prévision de déficit pour l'exercice 2015-2016 (l'exercice finit en mars 2016) une perte de 550 milliards de yens (ça fait 4,16 milliards d'euros), pour un chiffre d'affaires de 6,6 milliards de yens.

Toshiba, c'est l'entreprise qui a lancé le premier portable grand public en ...1985. 

Ce qui lui arrive c'est ce qui arrive à beaucoup d'entreprises japonaises : la compétition par les prix, et même par l'innovation, de firmes de Corée du Sud ( Samsung, LG), notamment sur le marché des téléviseurs à écran plat. L'histoire est bien racontée par Sarah Belouezzane dans un article récent du Monde. Cette compétition aurait pû être combattue; mais avant que Toshiba ait eu le temps de réagir voilà qu'arrivent...les chinois (pour les téléviseurs) et les taïwanais (pour les PC). Et puis enfin coup de grâce, un autre phénomène, arrivé lui d'Occident : les smartphones, l'Iphone d'Apple. 

Pendant ce temps là, les autres firmes japonaises d'électronique grand public, Sony, Hitachi, Panasonic, ont connues les mêmes difficultés mais ont entamé des restructurations lourdes ces dernières années.

Toshiba, lui, a eu une autre idée : dissimuler les problèmes en trafiquant les comptes. en surestimant de 1,1 milliards d'euros les résultats des divisions Grand Public. Trois PDG successifs sont mêlés à l'affaire qui fait scandale au Japon. D'autant que Toshiba était considéré comme un "modèle de gouvernance" dont il se vantait,et qui avait été récompensé par des prix pour cela. 

Ce que nous apprend cette histoire c'est que ne pas aller assez vite dans l'innovation pour rester devant les compétiteurs peut nous faire chuter très fort et très bas. 

Toshiba doit réagir en catastrophe : les dirigeants démissionnent. L'entreprise a annoncé qu'elle va supprimer plus de 10.000 postes (sur les 198.000 que compte le Groupe), dans les Divisions Grand Public surtout. Elle a aussi annoncé la sortie de l'électronique Grand Public, et vendre cette Division. Elle va se recentrer sur l'activité professionnelle (imagerie médicale, nucléaire). 

Et puis il y a un Plan, forcément, avec un joli nom : Revitalization Action Plan. Il contient notamment un plan pour "réformer la culture Corporate", avec des "Executive Management seminars" et des "Employee awareness surveys". La batterie habituelle de trucs, les mêmes au Japon comme ailleurs, dont on n'est pas sûr que ça va suffire à reprendre la tête dans la course.

Alors que l'action a déjà chuté de 40% depuis avril 2015, il est temps de retrouver la confiance des investisseurs. Autant tout essayer.

Mais, peut-on rattraper le temps perdu, celui dont on dit qu'il ne se rattrape jamais?

La tortue ne gagne pas toujours, surtout quand on parle d'innovation ! Et même si elle est japonaise comme une tortue Ninja.


Pourquoi les meilleurs peuvent-ils tout rater ?

AirbusA380Pour rechercher des sauts de performance, des actions de progrès, on va chercher des "benchmarks", des exemples d'entreprises qui ont réussi et excellent dans une fonction. 

Mais on peut aussi s'inspirer de ceux qui ont raté ou failli rater.

En séminaire avec une équipe Projet d'ingénieurs de haut niveau, qui a du mal à fonctionner de façon suffisamment fluide, encombrée de process et de reporting budgétaire, j'évoque un cas exemplaire : celui de l'Airbus A380.

Vous vous souvenez peut-être de cet excellence technologique d'Airbus. 

C'est en février 1999 que naît Aérospatiale-Matra par privatisation de l'Aérospatiale. Le but : développer de nouveaux programmes d'avions avec des capitaux publics et privés, offrant une plus grande capacité d'investissement. Ainsi est créée EADS en 2000, avec un principe de parité franco-allemande. Mais en pratique ce sont les allemands qui vont prendre le leadership, en mettant des allemands ex DASA aux postes clés de management. Louis Gallois, un français, prend néanmoins la tête du Groupe EADS. 

Toute la difficulté de ce management va apparaître avec le programme de l'A380. 

L'A380 est une prouesse technologique, ce qui fait d'ailleurs un peu peur aux ingénieurs qui ont encore le souvenir de la performance technologique d'un précédent , le Concorde, à l'origine de pertes abyssales dans l'exploitation. 

L'A380 est un avion trés gros porteur, pouvant accueillir 600 passagers, et 150 tonnes de fret. C'est l'avion le plus silencieux de sa catégorie. Il consomme 20% de carburant en moins que l'A330, car plus léger. Il permet de voler à 900 km/h et a un rayon de 15.400 kms, permettant de relier New-York à Hong-Kong sans escale.

La gestion de projet dans l'aéronautique, et notamment chez Airbus, est considérée comme exemplaire pour toutes les industries. L'aéronautique, c'est du sérieux.

Le budget d'investissement de départ est de 8 milliards d'euros. On finira à ....18 Mds d'€. 

Car cette prouesse d'ingénieurs a failli ne jamais aboutir.

La production est partagée entre les sites industriels allemands, à Hambourg, et français, à Toulouse. Toulouse a en charge l'assemblage, et les allemands vont réclamer des tâches plus "nobles" dans l'affaire, et notamment le câblage électrique. C'est un morceau délicat, un vrai challenge : L'A380 est composé de trois millions de pièces détachées. Leur câblage est délicat : Alors qu'il fallait 18 kms de câbles pour un A320, il en faut 350 kms pour un A380. 

Or, l'usine de Hambourg rencontre des difficultés dans cette production, mais n'en parle pas (fierté?). Elle cache ces difficultés. L'humain, les petites jalousies, viennent mettre des grains de sable dans la superbe machine. 

Une autre des causes des problèmes est aussi que les deux sites n'utilisent pas les mêmes systèmes informatiques, ce qui crée des problèmes d'intégration, qui vont être décisifs. Et puis les ifertés nationales vont aussi contribuer à des manifestations de "nationalisme industriel" qui vont fragiliser la coopération des équipes françaises et allemandes. 

Au point que les deux équipes en viennent à s'étriper; chacune accuse l'autre.

Sentant les difficultés et les retards de l'usine de Hambourg, une équipe d'ingénieurs de Toulouse décide de se rendre sur place pour observer les méthodes de câblage des allemands. A son arrivée, on leur interdit de monter dans l'avion, les syndicats se mobilisent pour les bloquer. Les membres de l'équipe vont donc rentrer à Toulouse sans avoir réussi à remplir leur mission.

Le verdict, c'est quand la cabine arrive de Hambourg à Toulouse pour l'assemblage final, en 2006 : Les câbles sont trop courts pour pouvoir être raccordés avec les autres parties de l'avion. Stupeur !

C'est le désarroi. Un nouveau patron de programme est nommé en catastrophe, Rüdiger Fuchs, en juin 2006.

De nombreuses décisions sont prises : harmonisation des systèmes informatiques, envoi d'une équipe commando de 2000 compagnons allemands à Toulouse pour câbler à la main les seize premiers avions concernés, pour essayer de rattraper les retards. Les cadences sont aussi augmentées à Hambourg, pour réduire le délai d'attente des clients.

A partir de 2007, la sérénité revient. Après avoir imaginé de rapatrier toute la production à Toulouse, la Direction réorganise les deux sites. Hambourg reprend confiance. Les avions vont enfin être livrés progressivement.

Mais, comme le dira le management du Groupe à cette époque : " On n'est pas passés loin de la catastrophe ! ".

Ce genre d'histoire nous aide à réfléchir dans d'autres circonstances, et peut aider nos équipes Projet à comprendre avant qu'il ne soit trop tard ce qui les empêche de réussir, et pourrait les mener à l'échec assuré.

Quand tout est prévu, quand les process sont là, quand les experts sont en place, qu'est-ce-qui peut tout faire rater ? Les jalousies, les incompréhensions, le manque de confiance, d'écoute, de respect. Autant de facteurs humains qui peuvent, si on les néglige, nous faire " pas passer loin de la catastrophe".

Voilà un bon thème pour un séminaire d'équipe Projet.

Comment remettre de l'humain pour réussir?

 


Risquer la confiance

RisquePour inspirer confiance à ses clients, il faut faire le dos rond, être toujours d'accord avec lui, le servir...

Euh, vraiment ? C'est de la confiance ou de la servilité?

Peut-être que la vraie confiance, c'est de prendre des risques, de créer une vraie relation de respect.

C'est le sujet de ma chronique sur "Envie d'Entreprendre" de ce mois.

Vous la trouverez ICI.

Prenez le risque de la confiance....


Les oreilles de la girafe

GirafeMarshall Rosenberg, psychologue américain, père de la Communication Non Violente (CNV), utilise deux figures animales pour nous faire comprendre le concept d'empathie, et comprendre les deux plans où nous pouvons mettre notre attention : la girafe et le chacal.

La girafe représente le langage du cœur. C'est l'animal terrestre qui a proportionnellement le plus gros cœur, ce qui lui donne l'image de la bienveillance. Son long cou lui donne aussi le recul, et élève sa vision. Ses grandes oreilles lui permettent de mieux écouter. Voilà tout le symbole de l'empathie et de la bienveillance.

Le chacal, lui, est l'animal qui a mauvaise réputation. Il est de nature opportuniste, et devient volontiers charognard. Lui aussi a de grandes oreilles pour entendre, mais il symbolise la communication des personnes qui sont d'abord occupées par la satisfaction de leurs seuls besoins propres. Elles entendent, comme on le dit, "ce qu'elles ont envie d'entendre".

Ces deux animaux symbolisent alors deux postures très différentes dans notre façon d'écouter l'autre.

Quand elle tourne ses oreilles vers l'autre, la girafe perçoit alors le malaise de l'autre, et va se concentrer sur ses sentiments et ses besoins. C'est justement l'attitude empathique, qui est cette capacité de s'identifier à l'autre, de comprendre sa souffrance, d'accueillir les émotions qui l'habite, sans pour autant ressentir soi-même la douleur. C'est une attitude détachée qui permet de rester relié à l'autre sans prendre part à sa douleur (ce qui serait alors de la compassion).Cette compréhension manifestée par la girafe est empreinte de bienveillance, d'écoute, d'ouverture. Exemple de paroles : "As tu besoin d'aide?".

Le chacal procède différemment : en tournant ses oreilles vers l'autre, il se sent agressé, exprime de la colère. Le chacal va plutôt se défendre des paroles de l'autre qui ne servent pas ses besoins propres, par des accusations, des menaces, des mensonges, des tentatives de dévalorisation. Exemple de paroles d'un chacal : " Comment puis-je travailler avec toi et te faire confiance? Tu n'es même pas capable de tenir tes engagements !". 

Ce qui nous rend chacal, c'est l'expression de jugements et de croyances. Nous restons sur la pensée, en nous coupant de l'écoute des besoins. C'est cet animal qui symbolise un être coupé de ses besoins, qui a du mal à établir un lien entre sa tête et le centre de ses émotions. Ne comprenant pas ses propres émotions, il n'écoute pas plus les émotions et besoins de l'autre, et va donc souvent se montrer maladroit dans ses expressions, parfois malgré lui d'ailleurs.

Ce qui nous rend girafe, c'est de nous relier aux sentiments et aux besoins, les nôtres d'abord, et donc ceux de l'autre. C'est se dégager de la tête pour écouter le langage du cœur et des tripes. C'est se mettre en état d'accueillir l'autre. Cela se fait aussi en se détachant des croyances figées. 

C'est difficile car, quand nous écoutons quelqu'un nous sommes forcément confrontés au monde de ses croyances. On entend " Personne ne s'intéresse à mon travail". Et ces convictions viennent renforcer les nôtres, et nous mettent en risque de nous entraîner dans le jeu " Qui a tort? Qui a raison?". Pour se faire girafe, et non chacal, c'est à ce moment que l'on va quitter les croyances pour parler des besoins. 

Ces besoins sont des besoins universels, qui peuvent concerner : le besoin de prendre soin de ce qui vit (eau, nourriture, santé), le besoin de sécurité (amour, paix, respect), le besoin d'authenticité (prendre ses responsabilités, ouverture), le besoin de compassion (chaleur, humanité), le besoin de justice (égalité, équité), le besoin d'appartenance (échange, partage, reconnaissance), le besoin d'autonomie (créativité, liberté), le besoin de sens (beauté, harmonie, spiritualité).

Pour être à l'écoute des besoins, et ne pas s'enfermer et se perdre dans la guerre des croyances, un secret : utilisons nos oreilles de girafe !

Un message plus que jamais d'actualité, non?