Toque
15 août 2015
C'est l'été de ma lecture de Kundera; La supercherie du stalinisme mise à nue, toujours en toile de fond de ces romans.
Après "La plaisanterie", j'en suis à " Le livre du rire et de l'oubli" (1978, 1985), écrit dix ans après son roman précédent, " La valse aux adieux". Cela se passe encore en Tchécoslovaquie, en Bohème et à Prague.
Cela commence par une anecdote...fatidique.
" En février 1948, le dirigeant communiste Klement Gottwald se mit au balcon d'un palais baroque de Prague pour haranguer les centaines de milliers de citoyens massés sur la place de la Vieille Ville. Ce fut un grand tournant dans l'histoire de la Bohème. Un moment fatidique.
Gottwald était flanqué de ses camarades, et à côté de lui, tout près, se tenait Clementis. Il neigeait, il faisait froid, et Gottwald était nu-tête. Clementis, plein de sollicitude, a enlevé sa toque de fourrure et l'a posée sur la tête de Gottwald.
La section de propagande a reproduit à des centaines de milliers d'exemplaires la photographie du balcon d'où Gottwald, coiffé d'une toque de fourrure et entouré de ses camarades, parle au peuple.C'est sur ce balcon qu'a commencé l'histoire de la Bohème communiste. Tous les enfants connaissent cette photographie pour l'avoir vue sur les affiches, dans les manuels ou dans les musées.
Quatre ans plus tard, Clementis fut accusé de trahison et pendu. La section de propagande le fit immédiatement disparaître de l'Histoire et, bien entendu, de toutes les photographies. Depuis, Gottwald est seul sur le balcon. Là où il y avait Clementis, il n'y a plus que le mur vide du palais. De Clementis, il n'est resté que la toque de fourrure sur la tête de Gottwald".
La photographie, outil de dissimulation de la mémoire et d'influence.
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