L'important et l'insignifiant : histoire de merle
Le pavillon du parc

Cette réalité-là, c'était le rêve...

JouissezKundera, en 1973, obtient le prix Médicis Etranger avec ce roman : " La vie est ailleurs". 

On est toujours en Tchécoslovaquie, et toujours autour de la Révolution de 1948. Et toujours avec le communisme en action sous nos yeux.

Et encore ce regard critique, cynique, sur cette révolution, et comment elle a instrumentalisé la poésie. Le héros de ce roman est justement un "poète", qui se laisse convaincre par le communisme, car ...la vie est ailleurs; il suffit d'y croire. A Prague en 1948, comme en Mai 68 à Paris, comme Rimbaud à la Commune de Paris...Et la description de Kundera apporte cette distance qui nous fait douter...de ces nouveaux maîtres du monde.

" La vie est ailleurs, avaient écrit les étudiants sur les murs de la Sorbonne. Oui, il le sait bien, c'est justement pourquoi il quitte Londres pour l'Irlande où le peuple s'est révolté. Il s'appelle Percy Bysshe Shelley, il a vingt ans, il est poète et il emporte avec lui des centaines de tracts et de proclamations qui doivent lui servir de sauf-conduits pour entrer dans la vie réelle. Parce que la vie réelle est ailleurs. Les étudiants arrachent les pavés de la chaussée, renversent des voitures, construisent des barricades; leur irruption dans le monde est belle et bruyante , éclairée par les flammes et saluée par les explosions de grenades lacrymogènes. Combien plus douloureux fut le sort de Rimbaud qui rêvait aux barricades de la Commune de Paris et qui ne put jamais y aller depuis Charleville. Mais en 1968, des milliers de Rimbaud ont leurs propres barricades derrière lesquelles ils se dressent et refusent tout compromis avec les anciens maîtres du monde. L'émancipation de l'homme sera totale ou ne sera pas.

Mais à un kilomètre de là, sur l'autre rive de la Seine, les anciens maîtres du monde continuent de vivre leur vie et le vacarme du Quartier Latin leur parvient comme une chose lointaine. Le rêve est réalité, écrivaient les étudiants sur le mur, mais il semble que ce soit plutôt le contraire qui est vrai : cette réalité-là (les barricades, les arbres coupés, les drapeaux rouges), c'était le rêve."

Et ce regard sur la "jeunesse" :

" La révolution et la jeunesse forment un couple. Qu'est-ce que la révolution peut promettre à des adultes? Aux uns la disgrâce, aux autres ses faveurs. Mais ces faveurs-là ne valent pas grand chose, car elles ne concernent que la moitié la plus misérable de la vie et elles apportent, avec les avantages, l'incertitude, une épuisante activité et le bouleversement des habitudes.

La jeunesse a plus de chance : elle n'est pas accablée par la faute, et la révolution peut l'admettre toute entière sous sa protection. L'incertitude des époques révolutionnaires est pour la jeunesse un avantage, car c'est le monde des pères qui est précipité dans l'incertitude. Oh ! Comme il est beau d'entrer dans l'âge adulte quand les remparts du monde adulte s'écroulent ! ".

Cette incertitude des époques révolutionnaires, comment en tire-t-on avantage aujourd'hui, pendant que les remparts du monde adulte s'écroulent, et que le bouleversement des habitudes s'accompagne d'une épuisante activité ? Toute époque est révolutionnaire finalement...Et se nourrit de ce besoin d'un rêve que l'on croit réalité.

Avec des mots et des histoires simples, Kundera en dit plus qu'il n'en a l' air.

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