Le courage d'Aristote
09 novembre 2014
Un auteur surprend dans cette rentrée. Ce n'est pas un nouveau venu, ni un auteur de best sellers; il est au contraire depuis longtemps dans le domaine public...
Il s'agit d'Aristote, dont Flammarion publie une nouvelle traduction des oeuvres complètes dans de nouvelles traductions, sous la direction de Pierre Pellegrin. Le magazine "Philosophie" de novembre y trouve l'occasion de consacrer un dossier au courage.
Pour Aristote, le courage est un juste milieu entre la lâcheté (un excès de crainte) et la témérité (un excès de confiance). Mais le courage n'est pas pour autant, comme le signale Alexandre Jollien dans un des articles, quelque chose de tiède. Le courage est au contraire un sommet à conquérir; le courageux est celui qui prend des risques, mais "calculés". Autre enseignement d'Aristote : le courage, ce n'est pas inné, cela s'apprend. Et chacun a son propre courage, sa vertu; la vertu de mon voisin n'est pas la mienne. Et c'est dans l'action, au quotidien, que se manifeste le courage.
Cette conception du "quotidien" nous interpelle. Dans nos entreprises, dans la société aujourd'hui, il semble que le courage est assimilé d'abord à l'exploit, l'exceptionnel, l'extraordinaire. On valorise celui qui accomplit ces exploits, qui gagne la compétition; d'où ces métaphores avec le monde sportif que j'ai évoqué ICI. Cela, c'est le courage de celui qui fait le malin, qui s'impose par ses actes de gloire, qui en met plein la vue aux autres.
Ce que nous rappelle Aristote, et Alexandre Jollien,, c'est précisément l'inverse : le courage dont on a besoin pour vivre au quotidien, celui dont on a besoin pour habiter parfois la banalité. Ce courage dont on a besoin pour s'inventer chaque jour, renaître et avancer avec les forces disponibles.C'est ce courage de rompre avec la routine mécanique, de toujours chercher autre chose, de sortir des habitudes qui nous enferment, et bloquent nos capacités d'innovation.
Ce courage du quotidien débouche en fait sur une forme d'altruisme et de générosité particulière.
C'est d'accepter d'être libre qui demande du courage, de se forger sa personnalité, de résister à la pression sociale, de ne pas être le petit mouton qui fait comme les autres.Cette générosité est exigeante.
Pour avancer et combattre ces craintes d'être différent, pour aller contre soi, pour désobéir à ses caprices, il nous faut ce courage d'Aristote. Cela nécessite de fuir toute lâcheté, y compris envers soi même.
Le courage d'Aristote, c'est aussi de maintenir un cap, de tenir bon dans la durée.
Une citation de Jules Renard :
" Il est plus difficile d'être un honnête homme huit jours qu'un héros un quart d'heure".
Pour Aristote, ne sont courageux ni celui qui est sans peur, ni celui qui affronte le danger par plaisir, mais celui qui craint ce que la raison commande de craindre et affronte ce qu'elle commande d'affronter, si bien que le sujet se comporte de la manière qui convient au citoyen libre et vertueux qu'il est.
Le courage, comme une vertu permanente et source d'innovation, voilà de quoi inspirer les managers et leaders d'aujourd'hui, à la (re?) lecture d'Aristote, notamment l'Ethique à Eudème sur le courage.
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