Faut-il réinventer la réinvention de l'entreprise?
16 août 2014
J'avais laissé de côté le dernier livre d' Eric Albert paru au début de cette année : " Partager le pouvoir, c'est possible - Réinventer l'entreprise ?", que jj'ai donc ouvert ce mois d'août.
Eric Albert est psychiatre et dirigeant fondateur de l'IFAS, Institut d'action sur le stress. Son job, c'est consultant et coach pour le stress.
Alors, forcément il voit du stress partout. Je crois que c'est le mot qui revient le plus souvent dans son ouvrage : les salariés sont stressés, le capitalisme, ça ne marche plus, trop de stress, l'entreprise, elle est "mortifère" (sic)...Stressant ! A croire qu'il veut faire de chacun de ses lecteurs un de ses futurs clients.
Le livre est bien fait : il alterne les chapitres où l'auteur décrit le malheur des entreprises et des stressés dans le modèle dit "classique", et les chapitres où il reprend des exemples ( pour la plupart, on a déjà lu ça ailleurs, rien de trés nouveau) d'entreprises qui ont mis en place d'autres modèles. Le message est clair : faites comme eux, car le modèle "classique" est foutu.
Il n'est pas le premier à vouloir nous inciter à réinventer l'entreprise; il fait suite à des auteurs connus, qu'il pompe même un petit peu. C'est ce qui déçoit dans ce livre : on n'y apprend rien de nouveau; c'est un bon condensé de la pensée ambiante, celle qui prône un leadership un peu moraliste : la confiance dans les autres, la suppression des hiérarchies, le collectif d'abord qui prime sur la performance individuelle, la prise en compte des trois finalités, économique, sociétale et environnementale. Les américains ont trouvé le mot pour ça, " servant leadership", le leadership qui s'intéresse aux autres. La plupart des cas cités comme des modèles de "réinvention" de l'entreprise sont connus depuis une dizaine d'années. Pas beaucoup de scoops.Ni d'incursions dans les modèles des entreprises d'aujourd'hui, notamment les start up qui cassent les modèles.
Alors on y retrouve l'entreprise FAVI, PME sous-traitante dans le secteur de l'automobile, 80 M€ de CA en 2012, dont le dirigeant Jean-François Zobrist s'est rendu célèbre en pronant un modèle de management fondé sur la confiance et l'autonomie. Il a lâché la Direction en 2008, mais continue à faire le tour des conférences et tables-rondes ( il suffit de chercher son nom sur You Tube pour y trouver le best of de ses vidéos...). Mais Eric Albert est aussi aller chercher des bons "clients" de ce genre de démonstration : GoreTex et ...Google; toujours les mêmes. Ces entreprises présentées comme les modèles du bon vivre et de l'autonomie. Il reparle de cette histoire du temps libre de 20% chez Google pour que les employés développent des projets personnels ( oubliant de signaler que cette pratique a été supprimée chez Google depuis plus d'un an...à moins qu'il ne soit pas au courant).
Autre sujet : l'actionnariat salarié. Là, Eric Albert va chercher ESSILOR et son modèle d'actionnariat; en puisant dans les mémoires de son ex-dirigeant Xavier Fontanet, il nous présente, rapidement, cette entreprise où " les salariés constituent donc les premiers actionnaires du groupe et tout est organisé pour qu'ils considèrent l'entreprise comme la leur".
On passe ensuite aux entreprises familiales, celles qui ne sont pas seulement un " actif rentable, mais un prolongement affectif et identitaire de la famille. Cet investissement affectif donne à l'entreprise une tout autre valeur".
Bon ça, ce sont les chapitres impairs.C'est génial !
Avec les chapitres pairs, on change de monde...un vrai train fantôme. C'est tellement horrible que dans ces chapitres, les affreuses entreprises dont l'auteur nous parle n'ont pas de nom. Mais les titres des chapitres suffisent à nous faire peur : " L'entreprise mortifère", " Recherche motivation, désespérément", " La tyrannie du reporting", " Stresser et décevoir", ' Prends l'oseille et tire-toi", Managers au bord de la crise de nerfs", et bien sûr " l'entreprise dans l'impasse", qui nous permet de frémir au contact de ces entreprises qui "étouffent sous les contradictions qu'elles n'arrivent pas à résoudre".
Dans ces entreprises anonymes, forcément les managers sont des sales cons,les dirigeants des traîtres ou des impuissants, les actionnaires des rats avides,...on connait la chanson...
Ce balancement entre l'enfer anonyme des chapitres pairs, et les bisounours des chapitres impairs où tout le monde est heureux dans des entreprises formidables, m'a un peu gêné.
Eric Albert nous avertit que cela ne changera pas aussi facilement. Car les résistances sont là : " On sous estime toujours l'inconfort de celui auquel on impose le chagement. Dès lors s'installe un autre type de confrontation entre ceux qui, au sommet, voient avec inquiétude le monde évoluer et mesurent la nécessité de s'y adapter, et ceux qui, à la base, vivent ces évolutions comme une agression qui les remet sans cesse en cause".
Alors, il nous livre son conseil : les trois conditions pour que le changement réussisse...On retient notre souffle :
1. Qu'il donne du sens au travail quotidien, c'est à dire qu'il soit rapproché d'une finalité dans laquelle le collaborateur se retrouve,
2. Que l'entreprise ait développé une vraie culture du chagement,
3. Savoir ce que l'on ne change pas.
Admettons.....Rien de trés nouveau sous le soleil.
Et si on réinventait la réinvention de l'entreprise ?
Eric Albert nous y encourage d'ailleurs, car son livre ne donne pas de solutions toutes faites. IL décrit quelques exemples, il charge (un peu trop à mon goût) les entreprises "destructrices" et le capitalisme "finissant " ( un peu vite...).
Mais il nous passe la main pour écrire la suite dans nos propres entreprises :
" Les pistes sont innombrables, et beaucoup restent à réinventer".
Chiche?
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