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Slow Data

Phoundit1Avec la grande vague du Big Data, toute la littérature qui nous promet que ce sont les analyses de données en grand volume qui vont révolutionner nos entreprises et nos business models, il fallait bien que quelques-uns se distinguent en pronant l'inverse : c'est comme ça que l'on parle du "Slow Data".

Aujourd'hui, les données, les moyens de communication, on n'en manque pas; par contre on se sent toujours souvent incapables de prédire le futur, ou d'imaginer ce qui va nous arriver.

Avec les Big Data, on améliore l'efficacité des systèmes, et on a tendance à augmenter la consommation. Anthony M. Townsend, dans son livre sur les "smart cities", cite le cas des nouvelles technologies qui permettent de réduire le coût des ressources telles que l'électricité : les nouveaux appareils consomment ainsi moins d'électricité; mais la conséquence la plus fréquente, c'est une augmentation de la consommation d'électricité, au travers d'autres usages, et d'autres appareils, qui sont devenus moins coûteux. Même chose pour la voiture et les embouteillages : si on trouve les moyens de réduire les embouteillages, par exemple en élargissant les routes, ou en en créant de nouvelles, cela pousse de nouveaux automobilistes à prendre la voiture, et ainsi les embouteillages reprennent, en plus grand...

Les "slow data", ce sont les données qui nous feront changer de comportements, et non consommer toujours de plus en plus avec de plus en plus de productivité. 

Anthony M.Townsend cite ainsi le cas des systèmes pour gérer les objets perdus (et retrouvés). Avec les Big Data, on imagine bien le truc : les objets tous repérés avec une puce, et un système informatique qui permet de les retrouver quand on les a perdus. Un grande base de données avec tous les objets, et des outils de recherche trés au point. Voila la réponse du Big Data : c'est plutôt cher à mettre en place, pas sûr que ça marche complètement car il faudra arriver à monter le système pour mettre les puces sur les objets, etc...

Le Slow Data, c'est une solution toute différente. Anthony M.Townsend évoque la société PhoundItAu lieu de demander à la machine de faire le boulot, cette société imagine de faire confiance....aux hommes, aux citoyens. PhoundIt est une application qui permet de de déclarer un objet que l'on a trouvé (ou perdu), et utilise l'API de Foursquare pour mettre en relation ceux qui ont trouvé et ceux qui ont perdu. 

Le genre d'application qui va compter sur l'altruisme, le désir d'entraide, la collaboration entre les citoyens, les bons sentiments quoi...

Là où le Big Data nous aide à être plus efficace, à ne pas perdre de temps, à tout optimiser, le "slow data" c'est ce qui parle à notre âme, qui nous aide à avoir les comportements qui changeront le monde et permettront aux hommes de mieux collaborer ensemble.

Forcément il y a un peu de rêve enchanté dans ces idées de "slow data". La vidéo de PhoundIt est un bon témoignage.

 

Mais il suffit peut-être d'être quelques-uns à y croire pour en convaincre de nouveaux, etc...

Le premier qui commence montrera le chemin pour les autres.


Qui dirige le Digital ?

Digital11Une question en ce moment pour les entreprises, leurs dirigeants, les consultants : le Digital, qui doit s'en occuper dans l'entreprise?

Amusant de poser la question au PDG lui-même, celui qui aime parler avec certitude, qui n'exprime aucun doute.

Expérience pour moi cette semaine avec deux d'entre-eux.

Le premier, appelons-le Antoine : Pour moi le Digital, c'est un moyen,, un outil; c'est débile de créer une Direction Digitale dans l'entreprise; il faut que tous les métiers s'en occupent, que chacun s'approprie ces outils, et les déploient dans leurs fonctions. Jamais je ne créerai une Direction du Digital.

J'eesaye de challenger Antoine, mais il n'en démord pas : c'est lui qui a tout compris...Ah bon.

Le deuxième, appelons-le Michel,exprime, avec autant de conviction, l'opinion inverse : Tous les métiers sont concernés par la révolution, la transformation digitale. Ils doivent tous s'y mettre. Mais ils ne se rendent pas compte de l'urgence; les vieux modèles, les habitudes, les empêchent d'aller vite et de créer les ruptures. Les hommes du Marketing et du commerce sont bien conscients que le canal web B to C pourrait tout changer, mais ils ont tellement pris l'habitude de vendre leurs produits via des réseaux d'agences, qui constituent l'essentiel du chiffre d'affaires, qu'ils s'en occupent quand ils ont le temps. Alors, il faut un Directeur du Digital; on se demande même si notre Groupe ne va pas créer une Business Unit spécialement dédiée au Digital, pour transformer l'entreprise, transformer nos process clients, et plus vite que nos concurrents. C'est une certitude; si on ne donne pas un signal fort, avec un Directeur qui incarne la révoluition Digitale, on sera en retard.

J'essaye de dire à Michel que peut-être le Digital n'est qu'un outil, et ne peux pas être une Direction autonome. Michel a la réponse : ceux qui disent ça n'ont pas compris l'ampleur du changement qui s'annonce, qui est déjà en marche...

Antoine et Michel ne se rencontreront sûrement pas; chacun est dans ses certitudes.

Rendez-vous dans pas longtemps pour voir lequel des deux aura eu la meilleure vision.

Pas de réponse évidente car, au-delà de la vision et de la décision, il reste l'épreuve de l'éxécution.

Et là, la question pour Antoine et Michel, une fois nommé, ou pas nommé, ce fameux "Directeur du Digital"...c'est : on fait quoi maintenant ?

Le monde de l'entreprise est un vrai dessin animé...


Pourquoi casse-t-on les organisations?

Les organisations en ce Oeufcassemoment, ça casse et ça recasse.

On cherche la meilleure, celle qui va être efficace, qui va correspondre aux besoins des clients, et même les anticiper. Et aussi celle où les relations et interactions sont les plus fluides possibles.

Alors ces changements, ça se passe comment?

C'est le sujet de ma chronique sur "Envie d'Entreprendre" de ce mois. C'est ICI.

Ne cassez rien, allez-y direct !


Comment sera le travail en 2030 ?

FutureofworkO

On le sait : les prévisions sont toujours difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir (merci Pierre Dac). Cela ne décourage pas pour autant les prospectivistes.

La prospective, d'ailleurs, ne consiste pas à "prévoir" le futur mais à imaginer, à partir de tendances plus ou moins déjà perceptibles dans le présent, des combinaisons de facteurs, des scénarios plausibles, qui nous aident à réfléchir et à préparer l'avenir dans un environnement incertain

.C'est toute la démarche d'une étude récente sur le futur du travail, à horizon 2030, conduite pour l'Angleterre, par un institut de prospective (Z-Punkt), l'Université de South-Wales, et une organisation publique UKCES (UK Commission for Employment and Skills).On trouve tout ICI (la version ppt, la version résumée, et, pour les courageux, le rapport complet).

On peut facilement transposer ces éléments de l'Angleterre à d'autres pays européens, comme la France, car les tendances étudiées et mises en évidence sont tout aussi présentes, avec peut-être des variantes, sur notre territoire. Et puis, l'emploi, le travail, c'est d'ailleurs une des tendances, ne seront plus à considérer seulement pays par pays mais à l'échelle de l'Europe, voire du monde.

Une fois parcouru les hypothèses et scénarios, une chose au moins paraît certaine : pour les employeurs et les entreprises, la capacité à attirer et à conserver des talents de classe mondiale va être un facteur de plus en plus important de différenciation sur les marchés mondiaux.

Il est intéressant de parcourir, pour s'en convaincre, les treize tendances que les chercheurs ont analysées, regroupées en cinq types.

Tendances sociétales individuelles

1. Changement démographique : En Angleterre la population de 65 ans et plus va augmenter de 42% d'ici 2030, alors que la population des 16-24 ans ne va, elle, augmenter que de 3%. Les lieux de travail dans les entreprises vont naturellement devenir plus multi-générationnelles; quatre générations vont travailler en même temps.

2. Augmentation de la diversité : le rôle des femmes sur le marché du travail va continuer à s'accroître en nombre et en importance dans les hiérarchies.Les 2/3 de la croissance des jobs de haut niveau seront occupés par des femmes. Même phénomène sur l'immigration : les migtrations en Angleterre contribueront à plus de 10% de la croissance nette de la population.

3. Incertitude des revenus : Les salaires et revenus ont de fortes chances de baisser, avec de plus en plus d'inégalités. Les prévisions indiquent que la part de la richesse nationale captée par les 0,1% les plus riches va passer de 5% à 14% d'ici 2030 (toujours en Angleterre, mais les autres feront-ils différemment?).

4. Désir plus fort d'un meilleur équilibre vie professionnelle - vie personnelle : Cela se traduit par une demande de plus de flexibilité dans le travail. Flexibilité sur les horaires, le lieu de travail, les tâches. Cette possibilité de flexibilité va peser de plus en plus sur le choix d'un lieu de travail et d'un employeur.

5. Changement de l'environnement de travail : Les organisations des entreprises pourront être défaites et reconstruites rapidement. Les collaborations seront de plus en plus importantes, ainsi que les interactions entre collaborateurs. Le travail à distance se développera. Les jobs seront flexibles, avec les horaires flexibles, le télétravail.

Tendances dans lesTechnologies et l' Innovation

6. Convergence entre les technologies et les expertises : La frontière entre les disciplines va disparaître. L'informatique, les sciences de la vie, les sciences naturelles vont converger pour créer de nouveaux business models, avec des robots qui vont occuper des tâches aujourd'hui faites par des humains. 

7. Développement des Technologies de l'Information et de la Communication, et avènement du Big Data : Les performances vont continuer en termes de miniaturisation, de puissance de calcul, nanotechnologies. Les données seront de plus en plus nombreuses; les analyses des Big Data vont aussi changer les modèles.

8. Digitalisation de la production : Les process de production vont se transformer par la digitalisation; l'échange en temps réel de données entre les machines, les équipements, les objets connectés, et les en-cours de production, les systèmes de production et les usines vont devenir de plus en plus autonomes et automatisés. La décentralisation des process de production complexes sera une réalité gra^ce à de nouvelles techniques comme les imprimantes 3D.

Tendances du Business et de l'économie

9. Changement des perspectives économiques : Du fait de la globalisation et des changements technologiques l'économie et le système financier vont encore augmenter en complexité. Face à la volatilité des prix des matières premières, les entreprises devront plus que jamais pouvoir rendre leurs activités et chaînes de valeur de plus en plus résilientes, et s'habituer à l'incertitude.

10. Transfert vers l'Asie : Le poids économique du monde va basculer vers l'Asie, là où seront les croissances économiques les plus fortes, et les opportunités d'investissement les plus rentables. D'ici 10 ans, 40% des jeunes diplômés de l'OCDE seront en cHine et en Inde, alors que ceux de l'Europe et des Etats-Unis n'en représenteront que le quart.

11. Nouveaux ecosystèmes Business : Les entreprises vont devenir de plus en plus des "chefs d'orchestre de réseaux". Leurs capacités à connecter les expertises et les ressources, où qu'elles soient, seront plus importantes que les ressources qu'elles posséderont en propre dans l'entreprise elle-même. La plupart des innovations viendront de coopérations entre partenaires , à l'extérieur de l'organisation.

Tendances sur les ressources et l'environnement

12. Rareté des ressources naturelles et dégradation des écosystèmes : Le développement débouche sur un accroissement de la demande de ressources naturelles et de matières premières. On va donc avoir une volatilité des prix, et une recherche de solutions alternatives, qui vont bousculer les modèles d'entreprises.La surexploitation des ressources naturelles va augmenter les coûts d'extraction et de dégradation des écosystèmes.

Tendances politiques et règlementaires

13. Décroissance de l'action publique : les finances publiques étant limitées, et raréfiées, l'action publique va diminuer; moins de subventions, moins de redistribution, etc...Les actions privées et individuelles vont ainsi prendre plus d'importance. L'investissement dans le capital humain va être privé, y compris dans l'Education, de plus en plus.

Ces tendances, on les connaît toutes; on les a là, aujourd'hui, sous les yeux. Il n'est pas difficile d'imaginer combien elles vont impacter, à des degrés variables, toutes nos entreprises et le marché du travail, et pas seulement en Angleterre.

Et pourtant, combien d'entreprises, petites ou grands groupes, imaginent encore que le futur, c'est un peu plus de la même chose qu'aujourd'hui? C'est difficile d'imaginer les ruptures; et il est toujours trop tard pour réagir quand elles arrivent.

Alors, pas besoin d'attendre 2030, au contraire, pour être prospectiviste : c'est maintenant que les transformations se préparent et s'anticipent. Et il y a de quoi faire....