Faut-il plus de données pour mieux manager ?
25 février 2014
Ces histoires de "Big Data" dont on nous parle en ce moment laissent une question sans réponse évidente : est-ce que le fait de pouvoir traiter et analyser des données de plus en plus nombreuses va nous permettre de meiux manager nos entreprises, nos équipes, et de de mieux satisfaire nos clients ?
Car jusqu'à maintenant, avant que l'on ne puisse faire des calculs sur un grand nombre de données, on s'est débrouillé.
Face à un problème, à une question, on est plutôt habitué à travailler à partir d'un échantillon de données, de questionnaires auprès d'une population réduite, mais bien choisie, pour faire les extrapolations qui vont donner les réponses.
Quand on cherche les tendances de vote pour les élections, on fait des sondages. Quand on veut vérifier la conformité d'un processus, d'une chaîne de production, on fait des tests sur échantillon. Et on maîtrise ainsi une marge d'erreur. Les statisticiens sont là pour nous fournir les bonnes métriques.
Si je veux connaître les comportements des utilisateurs de smartphones, j'envoie des enquêteurs pour en interroger, là encore, un échantillon. Et avec ça, je vais piloter le lancement de mes services, je vais faire des prévisions sur les consommations, le potentiel du marché.
Alors, le Big Data, ça va changer quoi ?
En fait, cela va tout changer. Et pour comprendre l'ampleur de la transformation, deux auteurs Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukler, sont les bienvenus avec leur ouvrage " Big Data, A revolution that will transform how we live, work and think". Un Must.
Car c'est vrai que nous nous sommes habitués à travailler avec peu de données pour résoudre nos problèmes. Prenez le recensement de la population : interroger toutes les personnes une par une, ça coûte cher; ce genre de campagne n'a plus lieu que tous les 3 ou 5 ans, parfois moins fréquemment. Le reste du temps, on estime, on extrapole.Et les modèles mathématiques des sondages nous enseignent que, à partir d'une taille d'échantillon donnée, si on ajoute le nombre de données, on apporte de moins en moins de précision. Et cette utilisation des échantillons, elle nous permet de manager pratiquement tous nos process dans nos entreprises..
Alors, ces marchands de Big Data, est-ce qu'ils ne seraient pas en train de nous balader et d'essayer de nous vendre des trucs inutiles, histoire de fourguer leurs programmes et gestionnaires de big big bases de données, que l'on moulinera comme des fous pour n'en tirer aucune décision vraiment différente de management?
Ce serait un jugement un peu rapide. Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukler font remarquer que la technique des échantillonnages fait faire de grosses erreurs lorsque l'on cherche à analyser de plus en plus de sous-catégories au sein d'une population.Et, à l'heure où les comportements sont de moins en moins homogènes, où les sous-catégories, de plus en plus fines, de distinguent, cela devient un vrai problème. Cette "ménagère de moins de 50 ans" qui faisait le bonheur des publicitaires, elle disparaît; les comportements se différencient, d'autres critères de segmentation existent.
En fait, certains métiers, et pas seulement les sondeurs, vont être bousculés par ce phénomène des Big Data : le fait que les données peuvent être collectées et traitées en grand nombre va aussi impacter les sciences sociales. Les experts vont perdre le monopole d'explication des phénomènes sociaux. Les analyses de big data à grande échelle vont se substituer aux consultations et enquêtes de ces "spécialistes" du passé.
On passe en fait d'un monde où l'on recherchait les causes des phénomènes et situations en allant chercher l'avis des experts en hypothèses, à un monde où les analyses de données vont mettre en évidence des liens et corrélations, où le jeu des données va construire des prévisions, sans revenir aux causes.
Pour Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier, on aura toujours l'usage, bien sûr, des échantillons, mais ces usages vont diminuer au profit des analyses par les données en grands volumes.
L'usage nous dira si cette prédiction ( établie grâce aux big data?) se réalise....