Figure
09 novembre 2013
J'avais déjà parlé ici de la photographie, reconnue officiellement comme un des Beaux-Arts seulement en 2006.
Je découvre aujourd'hui que la sculpture est un terme qui n'a existé en France qu'à partir du XVIème siècle, et restera longtemps un terme savant. Alors que les sculptures existent depuis plus longtemps, notamment dans l'art roman, sur les cathédrales et églises.
C'est qu'à l'époque romane, c'est à dire au XIème et XIIème siècle, pour qualifier les sculptures sur pierre ou sur bois, le latin utilise le mot "image" et "figure" (figurae).. L'artisan qui sculpte ces "images" n'est pas un sculpteur, mais un "tailleur".
Je lis cela dans un merveilleux ouvrage de Frank Horvat, photographe, et Michel Pastoureau, historien de la couleur (!) sur justement les "figures romanes".Ces figures sculptées sur les chapiteaux, dans des endroits souvent innaccessibles à l'oeil nu, sont reproduites dans toute leur beauté dans ce livre.
Frank Horvat, le photographe, avoue dans l'introduction qu'il a d'abord été attiré par une "naiveté" des artistes romans, dont il s'est mis à douter aprés avoir lu le texte de Michel Pastoureau qui accompagne le livre. Car l'église romane est vraiment ce "temple de l'image".
D'autant que ce terme d' "image" fait référence, non seulement aux images physiques ou plastiques (sculptées, peintes, dessinées), mais aussi aux images et figures mentales, celle qui proviennent des rêves ou des visions.
Si un moine a fait un rêve sur le diable, ou le christ, il peut en faire le récit à son abbé qui, pour en conserver la mémoire, va demander à un tailleur de le sculpter dans la pierre, sur un des chapiteaux du cloître. C'est pourquoi on ne comprend pas toujours ce qui est représenté dans ces "figures". Il nous manque les rêves et les histoires. De là à considérer que ces "figures" sont des traces de la psychanalyse des moines, on n'est pas loin.
Ce livre est donc une occasion de réfléchir à notre regard : photographier de près les sculptures, c'est les découvrir, les voir, autrement. Imaginer que ces figures sont les images mentales des moines, c'est imaginer que l'on peut comprendre leur inconscient. Porter le regard sur ces figures, c'est comprendre que la vérité n'existe que par notre regard, chacun a la sienne.
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