Attention à l'attention
16 novembre 2013
On connait ces bibliothèques, que nous avons peut-être fréquentées pendant nos années d’étudiant : le silence y règne, chacun est concentré sur ses lectures et ses études ; pas de discussions, pas de téléphone qui sonne. Ce sont des lieux d’attention, peut-être les derniers qu’il nous reste.
Car aujourd'hui, l'attention est de plus en plus difficile à maintenir, dirait-on : Le smartphone, avec les mails, facebook les sms, fait partie des instruments qui détournent notre attention de la conversation avec un tiers, de l'écoute dans une réunion. Les américains ont inventé un mot pour ça, "pizzled", mélange de "puzzled" (dérouté) et "pissed" (désinteréssé, pour rester poli); Cela consiste à se lancer dans une conversation sur mon smartphone pendant que tu me parles en face de moi: : je me sens "pizzled". Cette attitude était une exception, plutôt mal perçue; aujourd'hui, c'est de plus en plus la norme, en tous lieux, en toutes occasions.
Autres occasions où notre attention est menacée : les mails. On les survole trés vite, sautant d' "objet" en "objet"; on les parcourt plutôt qu'on les lit. Idem les informations sur le web; on passe vite d'un mot à l'autre, d'une ligne à l'autre. Idem dans les open space de nos bureaux : les conversations se mélangent; on écoute un peu tout; ou on écoute de la musique; ou bien on met des boules Quies..Signe que l'attention devient de plus en plus difficile.
Cela en devient maladif pour certains, qui n'arrivent plus à se concentrer sur quoi que ce soit, se sentent pris d'un besoin de passer tout le temps d'une chose à l'autre, de se précipiter sur leur mails dès qu'ils arrivent; à passer d'une information à l'autre. Comme si l'avalanche d'informations, d'outils d'accès à la connaissance, aux savoirs, avaient appauvri notre capacité d'attention et de concentration.
Sommes-nous vraiment en danger?
C'est le sujet du dernier livre de Daniel Goleman, auteur célèbre pour ses essais sur l'intelligence émotionnelle. Là, il s'attaque à ce sujet de l'attention pour nous alerter : le secret du leadership et de la performance, c'est précisément cette capacité d'attention, cette capacité à être présent, vraiment présent, dans chaque situation, et non à zapper tout le temps d'une chose à l'autre. Son livre s"appelle "Focus".
Son but est de nous apprendre à repérer les sources de distraction, à les maîtriser, à nous guérir, et à prendre exemple sur ceux qui sont les meillleurs sur cette qualité d'attention.
Il distingue notamment les distractions sensorielles : mon oreille me gratte pendant que je suis en train de rédiger ce post de mon blog; et les distractions émotionnelles : pendant que je lis mes mails, j'entend mon nom prononcé derrière moi, et ne peux m'empêcher de tendre l'oreille, en oubliant ce mail, pour écouter.
Ce sont les distractions émotionnelles qui sont les plus perturbantes; les études montrent que les athlètes qui connaissent l'anxiété, n'obtiennent pas de bonnes performances, quelles que soient les causes de cette anxiété.
Cette capacité à rester concentré sur un but, et d'ignorer le reste, c'est le contraire du surfing sur internet; c'est s'absorber dans une lecture (Goleman parle de "deep reading") pour comprendre et surtout apprendre. Si on se déconcentre en permanence, on n'apprend rien, on oublie tout trés vite. C'est le contraire de la méditation. Goleman parle alors de "deep thinking", l'inverse de twitter.
Bon, on n 'aborde pas ce livre sans appréhension; comme le sentiment que, si on ne lit pas avec attention et concentration, le professeur Goleman va nous réprimander, comme si il nous prenait en flagrant délit...
Au moins, on aura été prévenu.
Alors, un peu d'attention à l'attention pour Goleman.
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