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Symboles romans


Romanart2La notion de symbole, en français moderne,  a plusieurs mots en latin, ayant tous des significations différentes, et expréssément distingués au XIIème siècle, époque de l'art roman : signum, figura, exezmplum, memoria, similitudo, autant de nuances qui étaient connues à l'époque, et oubliées de nos jours.

Dans son ouvrage sur les "figures romanes", dont j'ai déjà parlé ICI, Michel Pastoureau explore cette symbolique romane, qui permet d'interpréter les sculptures, les figures, que l'on trouve dans les édifices de l'époque.

La symbolique romane est construite sur un mode dit "analogique", c'est à dire que c'est la ressemblance entre deux sujets, deux mots, deux noms, qui fait le lien symbolique.

Ainsi pour les arbres : le noyer est considéré comme maléfique car le mot latin est nux, qui signifie nuire, nocere. C'est pourquoi il ne faut pas s'endormir sous un noyer, ni tailler dans ce bois une statue du Christ.

Même chose pour le pommier, dont le nom, pas de chance, est malus, qui évoque le mal; c'est d'ailleurs pour ça que son fruit est devenu le fruit défendu en Occident.

Autre sujet de symboles, les nombres. Au XIIème siècle les nombres expriment aussi des qualités, et pas seulement des quantités.

Ainsi, les nombres impairs sont plus sacrés que les nombres pairs. Ne pouvant être divisés par deux, et restant impairs quand on leur ajoute un nombre pair, les nombres impairs vont symboliser la perfection, ce qui est incorruptible, la pureté, l"éternité.

Inversement les nombres pairs sont divisibles, et donc moins purs, et vont symboliser les hommes, la terre, le monde créé, donc imparfait. Ils représentent parfois le mal, la mort.  C'est pourquoi dans les sculptures et figures, les méchants vont par deux, ou quatre, alors que les bons vont par trois.

Chaque nombre a ses significations. Le Un indivisible, c'est Dieu. Deux, c'est le symbole de la comparaison, de l'opposition. Trois, c'est la Trinité, le nombre par excellence, il représente les choses spirituelles. Le nombre Quatre est celui qui, addtionné à Trois, donne Sept; Saint Augustin considère que Trois représente l'âme, l'esprit, et Quatre le corps, la matière. Additionnés, ils représentent l'union de l'âme et du corps. C'est pourquoi ici-bas on va par tois, alors que dans l'au-delà on va par quatre. 

Sept, c'est le nombre sacré, la perfection. Les sept jours de la Création, les sept sacrements, les sept vertus cardinales...Huit (Sept + Un) c'est le nombre du recommencement, du renouveau.

Neuf, c'est le nombre du Ciel et des anges (trois fois la Trinité). Douze, c'est le nombre pair gentil, l'exception, le nombre de la plénitude. Les douze tribus d'Israël, les douze apôtres, les douze signes du zodiaque...C'est le nombre de la vie quotidienne et des échanges où tout se compte par douze (on n'a pas encore inventé le système décimal).

Voilà de quoi s'amuser pour décrypter les figures des églises romanes, les sculptures.

Mais cette symbolique des nombres est-elle vraiment oubliée de nos jours, dans nos pratiques, dans nos affaires? Pas si sûr; comment ne pas s'empêcher, nous aussi, de rechercher dans les nombres que nous avons sous les yeux, dans l'observation des choses autour de nous, des interprétations, des lectures de signes invisibles?

Le symbole correspond au fait de rassembler deux morceaux d'un objet, chaque moitié complétant l'autre. La première moitié est celle du monde réel et matériel; la seconde moitié, l'interprétation, celle du monde immatériel.

Avec le symbole, nous réconcilions le matériel et l'Immatériel.

Joli programme, non ?


Attention à l'attention

 

BibliothequeOn connait ces bibliothèques, que nous avons peut-être fréquentées pendant nos années d’étudiant : le silence y règne, chacun est concentré sur ses lectures et ses études ; pas de discussions, pas de téléphone qui sonne. Ce sont des lieux d’attention, peut-être les derniers qu’il nous reste.

Car aujourd'hui, l'attention est de plus en plus difficile à maintenir, dirait-on : Le smartphone, avec les mails, facebook les sms, fait partie des instruments qui détournent notre attention de la conversation avec un tiers, de l'écoute dans une réunion. Les américains ont inventé un mot pour ça, "pizzled", mélange de "puzzled" (dérouté) et "pissed" (désinteréssé, pour rester poli); Cela consiste à se lancer dans une conversation sur mon smartphone pendant que tu me parles en face de moi: : je me sens "pizzled". Cette attitude était une exception, plutôt mal perçue; aujourd'hui, c'est de plus en plus la norme, en tous lieux, en toutes occasions.

Autres occasions où notre attention est menacée : les mails. On les survole trés vite, sautant d' "objet" en "objet"; on les parcourt plutôt qu'on les lit. Idem les informations sur le web; on passe vite d'un mot à l'autre, d'une ligne à l'autre. Idem dans les open space de nos bureaux : les conversations se mélangent; on écoute un peu tout; ou on écoute de la musique; ou bien on met des boules Quies..Signe que l'attention devient de plus en plus difficile.

Cela en devient maladif pour certains, qui n'arrivent plus à se concentrer sur quoi que ce soit, se sentent pris d'un besoin de passer tout le temps d'une chose à l'autre, de se précipiter sur leur mails dès qu'ils arrivent; à passer d'une information à l'autre. Comme si l'avalanche d'informations, d'outils d'accès à la connaissance, aux savoirs, avaient appauvri notre capacité d'attention et de concentration.

Sommes-nous vraiment en danger?

C'est le sujet du dernier livre de Daniel Goleman, auteur célèbre pour ses essais sur l'intelligence émotionnelle. Là, il s'attaque à ce sujet de l'attention pour nous alerter : le secret du leadership et de la performance, c'est précisément cette capacité d'attention, cette capacité à être présent, vraiment présent, dans chaque situation, et non à zapper tout le temps d'une chose à l'autre. Son livre s"appelle "Focus". 

Son but est de nous apprendre à repérer les sources de distraction, à les maîtriser, à nous guérir, et à prendre exemple sur ceux qui sont les meillleurs sur cette qualité d'attention.

Il distingue notamment les distractions sensorielles : mon oreille me gratte pendant que je suis en train de rédiger ce post de mon blog; et les distractions émotionnelles : pendant que je lis mes mails, j'entend mon nom prononcé derrière moi, et ne peux m'empêcher de tendre l'oreille, en oubliant ce mail, pour écouter. 

Ce sont les distractions émotionnelles qui sont les plus perturbantes; les études montrent que les athlètes qui connaissent l'anxiété, n'obtiennent pas de bonnes performances, quelles que soient les causes de cette anxiété.

Cette capacité à rester concentré sur un but, et d'ignorer le reste, c'est le contraire du surfing sur internet; c'est s'absorber dans une lecture (Goleman parle de "deep reading") pour comprendre et surtout apprendre. Si on se déconcentre en permanence, on n'apprend rien, on oublie tout trés vite. C'est le contraire de la méditation. Goleman parle alors de "deep thinking", l'inverse de twitter.

Bon, on n 'aborde pas ce livre sans appréhension; comme le sentiment que, si on ne lit pas avec attention et concentration, le professeur Goleman va nous réprimander, comme si il nous prenait en flagrant délit...

Au moins, on aura été prévenu.

Alors, un peu d'attention à l'attention pour Goleman.


Figure

FigureromaneJ'avais déjà parlé ici de la photographie, reconnue officiellement comme un des Beaux-Arts seulement en 2006.

Je découvre aujourd'hui que la sculpture est un terme qui n'a existé en France qu'à partir du XVIème siècle, et restera longtemps un terme savant. Alors que les sculptures existent depuis plus longtemps, notamment dans l'art roman, sur les cathédrales et églises.

C'est qu'à l'époque romane, c'est à dire au XIème et XIIème siècle, pour qualifier les sculptures sur pierre ou sur bois, le latin utilise le mot "image" et "figure" (figurae).. L'artisan qui sculpte ces "images" n'est pas un sculpteur, mais un "tailleur". 

Je lis cela dans un merveilleux ouvrage de Frank Horvat, photographe, et Michel Pastoureau, historien de la couleur (!) sur justement les "figures romanes".Ces figures sculptées sur les chapiteaux, dans des endroits souvent innaccessibles à l'oeil nu, sont reproduites dans toute leur beauté dans ce livre.

Frank Horvat, le photographe, avoue dans l'introduction qu'il a d'abord été attiré par une "naiveté" des artistes romans, dont il s'est mis à douter aprés avoir lu le texte de Michel Pastoureau qui accompagne le livre. Car l'église romane est vraiment ce "temple de l'image".

D'autant que ce terme d' "image" fait référence, non seulement aux images physiques ou plastiques (sculptées, peintes, dessinées), mais aussi aux images et figures mentales, celle qui proviennent des rêves ou des visions.

Si un moine a fait un rêve sur le diable, ou le christ, il peut en faire le récit à son abbé qui, pour en conserver la mémoire, va demander à un tailleur de le sculpter dans la pierre, sur un des chapiteaux du cloître. C'est pourquoi on ne comprend pas toujours ce qui est représenté dans ces "figures". Il nous manque les rêves et les histoires. De là à considérer que ces "figures" sont des traces de la psychanalyse des moines, on n'est pas loin.

Ce livre est donc une occasion de réfléchir à notre regard : photographier de près les sculptures, c'est les découvrir, les voir, autrement. Imaginer que ces figures sont les images mentales des moines, c'est imaginer que l'on peut comprendre leur inconscient. Porter le regard sur ces figures, c'est comprendre que la vérité n'existe que par notre regard, chacun a la sienne.


Quoi de nouveau dans la ruche ?

AbeillesInnover aujourd'hui : on pense qux produits, aux tecxhnologies, aux business models...

Oui, tout cela est important.

Mais faire marcher les organisations et les écosystèmes, c'est aussi une affaire de personnes, de relations humaines, de management...

L'innovation managériale est-elle l'innovation la plus pérenne pour mettre en oeuvre les ruptures qui feront la différence?

C'est le sujet de ma chronique du mois sur "Envie d'entreprendre", à retrouver ICI.

Car dans la ruche, les abeilles comptent autant que le miel.

Bonne dégustation !