J'ai laissé l'histoire de Sam et Jackie dans mon précédent post, tiré du livre "Fierce conversations" de Susan Scott, une sorte de manuel d'auto-coaching. Il est illustratif du message que nous transmet susan dans ses ouvrages.
Sam, c'est ce boss préoccupé par le comportement de Jackie, qui a l'air de ne pas être trés bien accepté par son équipe. Il va lui parler. Pour dire quoi ?
Susan Scott met le doigt sur toutes les erreurs possibles.
Erreur 1 : " Bonjour Jackie, ça va le boulot ?" ; Le genre d'intro l'air de pas y toucher. On commence cool, pour arriver au sujet un peu plus tard. ERREUR : La pauvre Jackie va tout de suite se mettre sur la défensive, et suspecter les intentions de Sam. Donc ça démarre mal.
Erreur 2 : " Jackie, je trouve que tu te débrouilles bien dans le job, tu as l'air de de t'y être mise facilement, ..."; juste le temps d'arriver à "MAIS..." : là encore, on tourne autour du pot, on n'est pas clair, on mélange la crème pour mieux enrober les reproches et le coup de couteau.
Erreur 3 : On prévoit tout le script à l'avance : alors, je vais lui dire ça, et si elle répond ça, je dirai ça, etc...On a tout prévu pour lui en mettre plein la tête...Ouh, là ! ça va être chaud la conversation. Catastrophe annoncée, surtout si cela ne se passe pas comme prévu.
Erreur 4 : Je vais lui rentrer dedans tout de suite, en élevant la voix, lui faire bien comprendre qu'elle déconne complètement. J'ai toutes les munitions. Là encore, on imagine la suite, et le comportement de Jackie humiliée.
Bon, alors, on fait quoi ?
Susan Scott insiste particulièrement sur les soixante premières secondes. Et fournit les étapes à suivre pas à pas : présenter votre position clairement et succintement, illustrer votre position en partageant ce qu'il y a derrère, avec des exemples, inviter à partager votre point de vue, demander quelle est la vision de l'autre et explorer activement leur point de vue.
Tout est question d'écoute de l'autre, de respect. Tout cela est trés pédagogique. On pourrait même se dire : ouais, mais c'est le genre de truc qui ne marchera pas avec Pauline ou Robert, deux personnages auxquels on pense en vrai, et avec lesquels on n'arrive justement pas à avoir ce genre de "fierce conversation", où toute confrontation d'idées ou de points de vue nous semble d'avance vouée à l'échec; alors on se dit " Merci Susan; mais avec un cas pareil, vaut mieux pas essayer; ça ne marchera pas : Pauline est trop ceci, et Robert pas assez cela. J'aimerais bien vous y voir, vous, si vous connaissiez ces deux-là !". Tous ces conseils, ça paraît trop bien...
C'est justement là que nous emène Susan Scott : car ces hésitations, cette peur que nous inspire cette fameuse Pauline et ce sacré Robert, qui fait qu'on trouve inutile d'engager la moindre conversation sérieuse avec eux, préférant laisser courir la situation et les incompréhensions, ne font que démontrer une seule chose :
"Toutes les conversations sont des conversations avec moi-même, et parfois elles impliquent d'autres personnes."
Toutes ces discussions franches et directes que l'on pense que l'autre ne pourra pas supporter, ou qu'il ne comprendra pas, ce sont ces discussions avec moi-même que je n'ose pas aborder; ce sont mes valeurs, mes engagements. Toutes ces erreurs et maladresses que je commets, je les commets d'abord pour moi, par manque de courage, par peur. Cet abruti de Robert qui n'est pas capable de comprendre, c'est "mon" Robert à moi, cette "folle" de Pauline qui ne comprend rien à rien, c'est "ma" Pauline.
Ces conversations, qui visent à ce que quelque chose change, ce sont d'abord des conversations où celui qui va changer en premier, c'est moi, en allant justement ouvrir cette conversation ( comme Sam avec Jackie); seul moyen franc et direct d'espérer faire changer la situation. Le choix est finalement clair : de bonnes raisons de ne pas ouvrir la conversation, ou bien des résultats et le changement.
Oui, ce dont nous parle ce "manuel" de Susan Scott, ce sont de nos conversations avec nous-même. De ce qui fait nos valeurs, notre intégrité, ce que l'on tolère pour soi, et ce que l'on ne tolère pas; Où je vais?, pourquoi j'y vais? Avec qui ? Comment irai-je?
De quoi aborder nos futures conversations, les "fierce conversations", avec un nouveau regard. Et d'oser ouvrir ces conversations que l'on a toujours évitées, pour de bonnes raisons.
Et d'avoir une conversation comme une promenade dans un champs de fleurs....