Capacités dynamiques
25 juillet 2013
Qu'est-ce qui fait qu'une entreprise est performante? Et comment faire pour la rendre encore plus performante?
Eternelle question qui a fait, fait, et fera sûrement encore longtemps vivre les consultants, et torturera les dirigeants.
Dans les années 80, le truc c'était les forces de la compétition, les fameuses "cinq forces" de Porter ( barrières à l'entrée, menaces de substitution, pouvoir des acheteurs, pouvoir des fournisseurs, compétition entre les acteurs). Ce qui compte, c'est l'environnement dans lequel la firme évolue; pour la rendre performante, il faut analyser les cinq forces, et trouver le bon positionnement gagnant. La stratégie est une affaire de choix : où veut-on jouer pour gagner? Les maestros de cette démarche sont les firmes bien connues de "conseil en stratégie".
Dans les années 90, une autre approche s'est développée, basée, elle, sur les ressources. Ce qui rend un entreprise performante, selon cette théorie, n'est pas seulement les choix de positionnement stratégique, mais les ressources qu'elle possède et qu'elle assemble. C'est en se dotant d'une compétence qui est vraiment distinctive que la firme va gagner et être performante. D'où tous les consultants en "performance" qui ont proliféré. Avec tous les trucs sur les "best practices", les schémas d'organisation, les "process reengeneering", et ces fameux "benchmark". tout un business inépuisable : dis-moi, consultant, que dois-je faire encore, qu'est ce que je dois changer pour être encore meilleur? C'est comme la reine de Blanche-Neige devant son miroir.
Cette théorie basée sur les ressources a aussi un nom chic, qui la rend ecore plus désirable (peut-être), c'est le terme de "capacités dynamiques". Je l'ai découvert récemment, en l'entendant de la bouche d'un dirigeant qui me disait s'en inspirer beaucoup. Alors j'ai cherché à en savoir un peu plus.
Je découvre ainsi que cette histoire de "capacités dynamiques" revient trés fort, notamment quand on parle d'innovation : l'entreprise est vue comme un lieu d'apprentissage par expérience, d'acquisitions de nouvelles compétences, de transformation des compétences actuelles, qui permettent justement l'innovation. Et celles qui ont du mal à innover sont alors celles qui ont laissé vieillir leurs "capacités dynamiques" qui, de fait, ne sont plus si dynamiques que ça.
Partant de l'hypothèse qu'il y a un lien entre capacités dynamiques et avantage concurrentiel, on peut créer de belles histoires.
Prenons l'idée, pour une entreprise, de pénéter un nouveau marché, de diversifier.
L'approche par les forces de la compétition va conseiller de s'y prendre ainsi : (1) choisir son marché en fonction de son degré d'attractivité; (2) choisir une stratégie d'entrée en fonction de ce que l'on va imaginer de la stratégie des autres compétiteurs; (3) si on n'a pas les actifs nécessaires pour exécuter cette stratégie d'entrée, les acquérir, d'une façon ou d'une autre. Dans cette vision, acquérir des compétences, des modes opératoires, des ressources n'apparaît pas comme particulièrement compliqué; tout peut s'acheter, non ?
Pour celui qui s'inspire de la thèse des "capacités dynamiques", c'est tout le contraire : les capacités que possède l'entreprise, et celles qu'elles ne possèdent pas, constituent une caractéristique forte de son identité; on n'en change pas aussi facilement que ça. La plupart des entreprises ne savent pas trés bien comment acquérir trés vite des compétences qu'elles ne possèdent pas, ou qu'elles maîtrisent mal.
Sans parler des actifs qu'il est quasiment impossible d'acquérir, par exemple une bonne réputation, ou un savoir-faire reconnu.
C'est pourquoi celui qui s'appuie sur les "capacités dynamiques" va répondre au même problème de façon complètement différente : (1) Identifier d'abord les ressources uniques de l'entreprise; (2) décider dans quels marchés ces ressources peuvent être les plus utiles et le mieux rentabilisées; (3) décider si le profit obtenu de cette nouvelle utilisation des ressources uniques sera le meilleur si (a) l'entreprise intègre elle-même ce nouveau marché; (b) l'entreprise vend le produit intermédiaire de cette utilisation à d'autres entreprises; (c) l'entreprise cède ces ressources pas complètement utilisées à d'autres entreprises.
Cette approche apporte un éclairage complètement différent aux stratégies d'intégration et de diversification. Avant de rechercher dans de nouveaux marchés où on ne connaît rien la solution aux problèmes rencontrés dans les marchés couverts actuellement par l'entreprise, et en déclin, l'approche par les "capacités dynamiques" oblige à d'abord se poser la question de ce que l'on est capable de faire avec nos actifs actuels.
Et surtout, elle permet de prendre conscience que l'acquisition et l'entretien du bon portefeuille de compétences et de ressources est clé pour assurer ce futur : comment l'entreprise apprend-t-elle? Comment développe-t-elle les talents? Quels sont ses actifs immatériels et invisibles les plus précieux?
Autre capacité à développer : la capacité à coordonner et redéployer, à assembler différemment, des compétences internes et externes, dans un environnement qui change tout le temps ( c'est pour ça précisément que l'on dit que ces capacités sont dynamiques !).
Cela vaut pour les entreprises, mais aussi pour les individus : se poser la question de ses propres capacités dynamiques, c'est aussi une façon de mieux savoir où sont nos chances de réussite.
Bonne introspection, souvent négligée, pour ceux, que je rencontre parfois, qui cherchent à tout prix à "monter une boîte", le nez collé sur les business plans et les études de marché, sans être aller regarder quelle lumière intèrieure ils allaient mobiliser pour atteindre le succès. Résultat, pour les entreprises comme pour les apprentis entrepreneurs, une course mal engagée.
C'est pourquoi apprendre comment intégrer, construire et reconfigurer des compétences externes et internes pour s'adapter trés vite à un environnement changeant est clé pour être- soi-même ou l'entreprise - innovants.
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