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Hybrides

Seat-600-seatVous pensez que le capitalisme, c'est synonime de standardisation du monde, de tout ramener au fric, avec des produits laids, interchangeables, la consommation de masse, bref que le capitalisme c'est la déchéance esthétique et l'enlaidissement du monde ?

Et bien lisez, comme moi,  le dernier livre de Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, " L'esthétisation du monde - Vivre à l'âge du capitalisme artiste" pour vous persuader du contraire.C'est une saga étonnante qui nous aide à décripter notre monde actuel.

Les auteus veulent démontrer que le capitalisme, depuis déjà plus d'un siècle, mais avec une accélération depuis les années 80, s'est approprié une dimension esthétique, mettant en scène tout un univers esthétique, créant des produits, des services, intégrant l'art et le "look" dans l'univers consumériste. Le Design a envahi tous les produits, et est devenu une composante quasi incontournable pour vendre et développer les marchés.Ce que les auteurs appellent le "capitalisme transesthétique".

Un élément caractéristique de ce capitalisme transesthétique, bien relaté par les auteurs : le rôle du design.

Le design aujourd'hui, ce n'es plus seulement les meubles et les voitures, il est partout, dans les brosses à dent, les objets du quotidien; on fait même des stickers pour décorer les poubelles de nos immeubles façon bambou ou tour Eiffel. Même les services deviennent "design" : les consultants les plus branchés adoptent le "design thinking".

Les objets design aujourd'hui mélangent les styles, mêlent fonctionnalités et "tendances" de la mode. Tel ce canapé "Seat 600" du studio Bel & Bel ( photo en tête ce ce post) qui est fabriqué à partir de la carosserie avant de la Seat classique, avec un haut-parleur, des clignotants, des phares. Avec le design les objets deviennent des objets "hybrides". Tout se mélange : Karl Lagerfeld fait des collections pour H&M, Cartier lance une gamme de montres avec un bracelet en plastique.

Ces hybridations ont un but : faire du commerce en surprenant le consommateur "blasé" qui a tout vu, qui ne fait plus la différence entre les produits. C'est pourquoi ce mélange des univers hétérogènes, des styles, est une stratégie efficace, bien intégrée par le capitalisme moderne.

Nous sommes dans le temps des hybrides.

Car ce phénomène d'hybridation ne se limite pas qu'au design. on mélange les genres dans la mode ( chic de porter une veste à fils d'or avec un jean tout troué, non ?), dans la musique, le théâtre, la danse...on a plein d'exemples en tête.

La cuisine s'y met aussi : mélanges asiatiques et méditerranéens, cuisine fusion, etc..

On mélange aussi à la télévision les philosophes et les chanteurs de variétés, les politiques et la mode, plus c'est innatendu et provoquant, plus ça marche.

Alors, si on est dans ce temps des hybrides, on pourrait se demander ( ce que les auteurs ne font pas) si dans nos entreprises et le management, il n'y aurait pas aussi le temps des hybrides, des brassages improbables, des mélanges de styles. Certaines entreprises le cultivent. D'autres en sont restées aux vieux systèmes.

Alors, prêts pour l'hybridation ? Et si c'était la clé de l'innovation et du développement ?

 


Histoires de passés

VoyagesHasard ou nécessité, chacun de nous est assigné à une place dans le temps, maintenant, et dans l'espace, ici, avec le loisir d'aller et venir dans celui-ci.

De tous temps, les hommes ont cherché à aller voir ce qui se passait ailleurs, dans l'espace, et aillaurs dans le temps, le passé, mais aussi le futur.

De tous temps, effectivement, comme nous permet de l'évoquer un article de Lucien Jerphagnon ( historien et philosophe) dans le recueil récemment paru, " Connais-toi toi-même", dont j'ai déjà parlé.

Dans l'espace, on pense aux récits de voyages, réels ou imaginaires, depuis Ulysse, et aussi à Marco Polo, et Tintin, et Jules Verne.

En ce qui concerne le temps, la relation a évolué...avec le temps.

Dans l'Antiquité, on s'intéresse au passé lointain, et même au "commencement". Et l'on va consigner les faits et gestes des chefs de guerre, des rois, des fondateurs. Lucien Jerphagnon évoque des noms connus, Thucydide, César, Tie-Live, Tacite, tous historiens du passé.

Au moyen âge, on sera toujours dans la tradition, le respect de ce qui s'est dit une fois, de la parole des morts.

La Renaissance, c'est Montaigne, qui ne quitte pas Plutarque, permettant de prtiquer " par le moyen des histoires, ces grandes âmes des meilleurs siècles".

Puis, changement de style avec le Siècle des Lumières : le passé, c'est l'obscurantisme, il faut s'en détacher pour courir vers le progrès. Du passé, il faut faire "table rase".

Mais c'est Renan qui écrit dans ses "souvenirs de jeunesse" : " Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous sommes, est l'aboutissement d'un travail séculaire".

Alors, l'histoire revient; on s'y intéresse de nouveau, autrement. On ne va plus seulement s'intéresser aux rois et aux puissants, mais aux gens ordinaires, aux petites histoires. Et on a aussi les romans historiques, les films historiques,...L'Histoire partout, on s'y intéresse.

Pourtant, nous fait remarquer Lucien Jerphagnon, est-ce que tout cela ne sombre pas aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation, dans une vision du monde "partout pareil" ( on a tout à la télé chaque soir, et sur internet chaque seconde). Et concernant le temps, on relativise tout : ; toutes les époques se valent..

Pourtant, cet "espace temps" conditionne notre présence de soi à soi, et, notre "vision du monde". Ce "monde" n'est pas une "identité identique" que l'on regarderait différemment au cours des siècles, et que l'on connaîtrait un jour. Non, ce monde avec un grand M n'existe pas. Les visions changent avec l'espace et avec le temps. C'est pourquoi Lucien Jerphagnon nous invite à retrouver les historiens grecs et romains ( c'est son truc assuremment) pour, comme eux, " puiser des enseignements dans l'histoire". Ce sont ces hommes cultivés qui se diront "citoyens du monde".

Puiser dans le passé, et s'intéresser aux historiens de tous les temps, c'est aller chercher sa "présence au monde".

citons Lucien Jerphagnon :

" Dès les temps lointains, on cherchait dans la coïncidence avec le passé révolu quelque chose comme une intensification de sa présence au monde. L'étude de l'Antiquité avait commencé..dès l'Antiquité. A nous d'en prolonger la course et d'entrer ainsi, sinon dans l'Histoire, du moins dans l'histoire de l'Histoire".

Entrer dans l'histoire de l'Histoire, pour intensifier sa présence au monde : sage programme... 

 


Au-delà de tout

ETRE111En parcourant le recueil d'articles de Lucien Jerphagnon, disparu en 2011, " Connais-toi toi-même", je découvre sa passion pour deux auteurs : Saint-Augustin et Plotin. Plotin que je ne connaissais pas trés bien.

C'est un auteur de l'antiquité grecque, qui a écrit une seule oeuvre, " Les Ennéades", suite de courts traités, rédigés de 254 à 270 après JC. Et cette découverte donne envie...

Ce que nous apporte Plotin, c'est une vision du monde particulière, qui prolonge celle de Platon et Aristote. Cette vision du monde est fondée sur trois principes : l'Un, l'intelligence et l'Âme.

Ainsi Plotin nous invite à passer de l'Un à l'intelligence et à l'Âme, comme une progression qui nous fait, Lucien Jerphagnon le reformule ainsi, " renoncer à la complaisance gourmande pour les séductions du sensible", et qui élève notre âme vers " loin au-dessus de son premier système de jugement, qui l'impliquait si étroitement dans tout ce avec quoi elle traitait". C'est alors que " les arbres ne lui cachent plus la forêt".

C'est ainsi que l'on passe " au-delà de tout".

Cette progression conduit vers un absolu d'unité, nous élevant vers une vision du monde nouvelle et transformée.

Lucien Jerphagnon nous invite alors à retrouver cette "expérience" dans d'autres auteurs, pour mieux nous faire sentir ce sentiment. Par exemple Charles Lapicque, peintre et auteur peu connu, mais dont la citation est inspirante :

" Chacun s'est senti à certains moments, je pense, frappé de l'irréalité des choses, sans qu'aucune cause apparente puisse être découverte à cette sensation. Pour ma part, combien de fois ne m'est-il pas arrivé, au cours d'une navigation mouvementée, de sentir en un instant s'effondrer la solidité du monde. Brusquement la côte lointaine ensoleillée, les vagues qui déferlaient contre la coque, le bateau lui-même, tout bondissant qu'il était et se couchant sous les rafales, tout cela me paraissait une illusion sur le point de s'évanouir, et dont assez étrangement il me semblait même souhaiter l'évanouissement. A vrai dire il eût été plus satisfaisant que toutes ces choses fussent anéanties et moi avec, puisqu'aussi bien ni leur poids, ni leur vitesse, ni leur couleur, ni même leur indéniable beauté, n'étaient capables de leur conférer l'existence, non plus que me la donner à moi-même. Et je croyais entendre une voix qui me disait : Que viens-tu faire ici ? comme si je m'étais engagé dans une aventure absurde, celle de naviguer, bien sûr, mais derrière elle et plus profondément, celle de vivre".

Ces expériences sont celles qui nous permettent d'atteindre " à la source de l'Être". Plotin est celui qui nous apporte cette sensibilité à ce que Lucien Jerphagnon appelle " la figure de ce monde", ou encore "l'imparfaite perfection de ce qui passe et ne fait que passer", et nous permet de former notre liberté, notre monde intérieur qui semble procéder d'un "au-delà de l'être".

Ce besoin de monde intérieur, cette capacité à entendre cette voix qui nous dit "Que viens-tu faire ici ?", voilà sûrement une qualité à cultiver pour forger notre propre vision du monde, et naviguer dans nos vies quotidiennes, professionnelles et personnelles.

De quoi donner envie, pour suivre l'inspiration de Lucien Jerphagnon, de lire ou relire "Les Ennéades" de Plotin.

Ce que nous apprend Plotin, c'est à savoir ....vivre.


Réussir à la française

Conseil-AdminLe monde des grands Groupes français, c'est celui des fleurons de notre industrie, les histoires de conquête et de fierté nationale.

Mais c'est aussi un monde d'intrigues, de mélanges entre la politique et le business, de services entre "amis", ce que l'on pourrait appeler la "réussite à la française".

C'est le sujet de ma chronique sur "Envie d'Entreprendre" ce mois-ci, à propos d'un livre sévère sur l'un des représentants de ces "réussites".

Il suffit d'y aller direct pour réussir.