Hybrides
22 juin 2013
Vous pensez que le capitalisme, c'est synonime de standardisation du monde, de tout ramener au fric, avec des produits laids, interchangeables, la consommation de masse, bref que le capitalisme c'est la déchéance esthétique et l'enlaidissement du monde ?
Et bien lisez, comme moi, le dernier livre de Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, " L'esthétisation du monde - Vivre à l'âge du capitalisme artiste" pour vous persuader du contraire.C'est une saga étonnante qui nous aide à décripter notre monde actuel.
Les auteus veulent démontrer que le capitalisme, depuis déjà plus d'un siècle, mais avec une accélération depuis les années 80, s'est approprié une dimension esthétique, mettant en scène tout un univers esthétique, créant des produits, des services, intégrant l'art et le "look" dans l'univers consumériste. Le Design a envahi tous les produits, et est devenu une composante quasi incontournable pour vendre et développer les marchés.Ce que les auteurs appellent le "capitalisme transesthétique".
Un élément caractéristique de ce capitalisme transesthétique, bien relaté par les auteurs : le rôle du design.
Le design aujourd'hui, ce n'es plus seulement les meubles et les voitures, il est partout, dans les brosses à dent, les objets du quotidien; on fait même des stickers pour décorer les poubelles de nos immeubles façon bambou ou tour Eiffel. Même les services deviennent "design" : les consultants les plus branchés adoptent le "design thinking".
Les objets design aujourd'hui mélangent les styles, mêlent fonctionnalités et "tendances" de la mode. Tel ce canapé "Seat 600" du studio Bel & Bel ( photo en tête ce ce post) qui est fabriqué à partir de la carosserie avant de la Seat classique, avec un haut-parleur, des clignotants, des phares. Avec le design les objets deviennent des objets "hybrides". Tout se mélange : Karl Lagerfeld fait des collections pour H&M, Cartier lance une gamme de montres avec un bracelet en plastique.
Ces hybridations ont un but : faire du commerce en surprenant le consommateur "blasé" qui a tout vu, qui ne fait plus la différence entre les produits. C'est pourquoi ce mélange des univers hétérogènes, des styles, est une stratégie efficace, bien intégrée par le capitalisme moderne.
Nous sommes dans le temps des hybrides.
Car ce phénomène d'hybridation ne se limite pas qu'au design. on mélange les genres dans la mode ( chic de porter une veste à fils d'or avec un jean tout troué, non ?), dans la musique, le théâtre, la danse...on a plein d'exemples en tête.
La cuisine s'y met aussi : mélanges asiatiques et méditerranéens, cuisine fusion, etc..
On mélange aussi à la télévision les philosophes et les chanteurs de variétés, les politiques et la mode, plus c'est innatendu et provoquant, plus ça marche.
Alors, si on est dans ce temps des hybrides, on pourrait se demander ( ce que les auteurs ne font pas) si dans nos entreprises et le management, il n'y aurait pas aussi le temps des hybrides, des brassages improbables, des mélanges de styles. Certaines entreprises le cultivent. D'autres en sont restées aux vieux systèmes.
Alors, prêts pour l'hybridation ? Et si c'était la clé de l'innovation et du développement ?
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