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Quitter, est-ce déserter?

FuiteJ'ai eu peur....

Une table voisine dans un restaurant, un couple (légitime? ou non ?), plus trés jeune, une bonne bouteille de vin; genre gourmets. Ils trouvent utile de me dire en quittant la table qu'ils vont quitter la France, c'était genre leur dernier repas en France ( ça m'a fait tout d'un coup penser au suicide de Stefan Zweig au Brésil - voir ICI).en 1942. Je ne sais pas trop quoi leur répondre, je n'ai pas envie de discuter...Cela me met mal à l'aise.

Autre lieu, celui des Matins HEC; nous recevons Geoffroy Roux de Bézieux, que j'avais accueilli au collège des Bernardins pour parler des entrepreneurs, ICI. Pour lui, ceux qui partent, il les comprend; mais ce sont des "déserteurs" ; lui, il choisit plutôt de combattre, de s'engager, c'est comme ça qu'il explique son envie de devenir le Président du MEDEF.

Et puis, pour en rajouter, je parle avec un jeune; il a à peine plus de dix-huit ans; il est déjà convaincu : à quoi bon rester en France, la croissance et la richesse dans le monde ne sont plus en France, et surtout pas pour lui; lui, il veut aller à Singapour, ou en Corée...Même les diplômes français ne l'excitent pas car qui connait l'ENA, HEC ou l'X en-dehors de France?

Cruauté de ces rencontres; et aussi ce sentiment que l'on est en train de changer d'époque et sûrement de civilisation...Et pourquoi cette désertion, cette perte de confiance, pour la France. Comme une Ombre, voir ICI.

Nous ne nous  apercevons pas complètement de ce changement, surtout ceux qui ne voyagent pas.

Forcément, on se demande si il faut résister ou déserter.

Et ce choix redonne de la noblesse à ceux qui s'engagent.

Alors?


Jugaad et le vélo de Kanak Das

Lidee-geniale-L-1J'avais déjà évoqué l'année dernière ce concept de "l'innovation frugale", à travers une communication du CEO de Siemens, Peter Löscher, parlant de leur programme SMART ( ( Simple, Maintenance-friendly, Affordable, Reliable, Timely to market).

C'est devenu le sujet d'un livre d'auteurs indiens, Navi Radjou, Jaideep Prabhu et Simone Ahuja, dont la version française paraît ce mois-ci aux Editions Diateino : "L'innovation Jugaad".

C'était hier soir la séance de lancement du livre, en présence de Navi Radjou, et de témoins de la mise en pratique du concept à la SNCF, chez SIEMENS et chez AIR LIQUIDE.

Jugaad, cela veut dire en hindi quelque chose comme "débrouillardise", on dirait en français "Système D" (mais Jugaad, ça fait plus exotique c'est sûr).

Le constat des auteurs, c'est que les démarches d'innovation structurée qui ont fait le succès des entreprises occidentales au XXème siècle, et des consultants qui les ont accompagnées, ne sont plus suffisantes dans le monde du XXIème siècle.

Ce qu'ils reprochent aux démarches structurées :

- trop chères (les budgets de R&D colossaux (les 1000 premières entreprises dans le monde, majoritairement occidentales, en termes de dépenses de R&D, ont dépensé en 2011 603 milliards de dollars...Pour quel retour, disent les auteurs? );

- trop rigides : les processus de type "Six Sigma", les techniques de gestion pour réduire les incertitudes et les dérives, tout ça a conduit à rendre les entreprises réfractaires au risque dans les processus d'innovation;

- trop élitistes : l'innovation confinée dans les Directions de la R&D, les systèmes Top-Down, tout ça est menacé par les démarches d'open innovation, les échanges entre pairs, les réseaux sociaux.

Le Jugaad, c'est l'inverse : on cherche à retrouver l'esprit du bricoleur, de la start-up, de l'entrepreneur: on essaye vite et avec peu de moyens, on cherche les idées à la marge, on fait mieux avec moins,...on est frugal.

Navi Radjou nous a rappelé les six principes derrière cette innovation Jugaad (ce sont des principes, et non une méthodologie reproductible, car si on voulait les traduire en process, ce serait précisément l'inverse du Jugaad, et on perdrait les bénéfices) :

1. Rechercher des opportunités dans l'adversité : ne jamais se décourager, tirer profit de l'adversité pour avancer,

2. Faire plus avec moins : plutôt que de tout refaire dans nos projets, partir de l'existant, dépenser moins, pour créer plus de valeur pour le client (car le Jugaad, ce n'est pas le low cost),

3. Penser et agir de manière flexible : adopter les modes de pensée non linéaires,

4. Viser la simplicité : le plus compliqué,

5. Intégrer les marges et les exclus : plutôt que de ne cibler que les clients mainstream, aller chercher les clients marginaux ou mal servis, pour innover pour eux,

6. Suivre son coeur : l'intuition redevient une valeur de l'innovation.

Tous ces principes ont l'air triviaux. Les auteurs sont allés chercher de nombreux exemples et anecdotes dans les journaux et en Inde, pour illustrer, chapitre aprés chapitre, ces principes.Ce sont comme des contes de fées.

C'est l'histoire, par exemple, de Kanak Das, qui se rend à son travail à vélo dans le nord de l'Inde, et rencontre de nombreuses bosses et nombreux nids de poule sur la route, et il a mal au dos.il avance lentement. Comme il ne peut pas refaire toutes les routes (ça, c'est l'innovation de ceux qui claquent du fric), il imagine autre chose en se posant la question " est-ce que je peux trouver un moyen de rendre mon vélo plus rapide sur ces routes défoncées?".  il trouve la réponse en modifiant son vélo pour que, chaque fois que la roue avant heurte une bosse, un amortisseur comprime l'énergie et la libère dans la roue arrière. Et voilà comment transformer les bosses en énergie de propulsion. Voilà le Jugaad !

Toutes ces anecdotes se ressemblent : Mister "Indian Nobody" a des problèmes...et il trouve l'idée géniale qui donne la réponse. Un coup le vélo, un coup l'incubateur de bébé (pour garder au chaud les prématurés), un coup le frigo sans électricité...A chaque fois, c'est génial, ça coûte pas cher, c'est super efficace...

Là ou le concept est prenant, c'est que ce ne sont pas seulement ces individus géo-trouvetout qui l'incarnent, mais que de grandes entreprises s'en emparent et font une véritable révolution culturelle.

Stéphanie Dommange, Directrice à la SNCF, nous a expliqué en riant combien rien n'était vraiment frugal à la SNCF : beaucoup de monde, des projets trés chers qui n'en finissent pas, n'aboutissent pas, la bureaucratie...Et comment elle (et d'autres) ont décidé de prendre les problèmes autrement, de poser les questions décadrantes (c'est le talent des dirigeants à développer selon elle, et elle nous a confié que Guillaume était un expert pour ça), pour devenir Jugaad. Ainsi pour régler les problèmes des gens dans les trains qui ont des problèmes 'audition, on n'a pas mis des panneaux d'affichage mais on a inventé un système de SMS envoyés par les contrôleurs sur les smartphones des passagers. Voilà , c'est Jugaad ! Voir la vidéo de Stéphanie ICI.

Pour Siemens et Air Liquide, le jugaad, ça consiste en fait à adapter les produits, ou plutôt en concevoir d'autres, qui soient en phase avec les marchés émergents. Renault développe également un projet mêlant l'ingéniérie française et l'ingéniérie japonaise avec l'état d'esprit de l'Inde, pour développer une voiture pour le marché indien. Jugaad, encore !

Cela avait l'air merveilleux cette Jugaad Attitude.

Navi Radjou nous a quand même prévenu contre une trop forte "Jugaadisation" : il ne s'agit pas pour lui de jeter les méthodes structurées et le Six Sigma pour se transformer en bricoleurs, mais de trouver le jeu subtil entre les moments où il faut du Jugaad, et les moments où il faut du structuré. Il emploie l'image du marteau et du tournevis : Pour régler les problèmes dans les entreprises, il ne faut pas un seul outil ( comme ceux qui croient, parce qu'ils n'ont qu'un marteau, que tous les problèmes ont la forme d'un clou). Des fois il faut le marteau, et des fois le tournevis.

En fait le secret pour bien faire, c'est ...le leadership. Il ne faut plus seulement être "smart", mais aussi "wise" (sage). "From smart to wise",...tiens, c'est justement le titre du prochain livre de Navi, à paraître en anglais ce mois-ci..

Être Jugaad n'empêche pas d'être malin....


Halo Halo

FeuJ'avais déjà parlé de cet "effet Halo', ainsi dénommé par Phil Rosenzweig. Cela m'avait valu un petit échange de commentaires avec un journaliste en plein effet Halo inconsciemment.

De quoi s'agit-il ?

Cela consiste à rechercher a posteriori les origines d'un phénomène (succès, échec, écvènement) dans des critères, ou des causes, qui sont justement choisis, de manière sélective, pour expliquer le phénomène.

 On connaît ce phénomène dans nos entreprises, où l'on cherche toujours les critères qui ont fait réussir, pour ensuite en faire des causes pour les succés futurs ( cette fameuse obsession du benchmark où l'on recherche les meilleures pratiques pour les copier et obtenir, croît-on, les mêmes succés que ceux que l'on copie). C'est ça, l'effet Halo, et Phil Rosenzweig en parle pour nous dire de nous en méfier. C'est une illusion.

Je vous raconte ça car je trouve dans Le Monde de ce week end une nouvelle dénonciation de cet effet Halo par un professeur de sociologie, Gérald Bronner, spécialiste de la sociologie des croyances collectives. Et pour illustrer l'effet en question, il évoque "l'affaire Cahuzac".

Dans cette "affaire", ce qu'il soulève, ce ne sont pas les faits en eux-mêmes, mais l'interprétation, notamment par les médias, les politques, et, par contagion, les citoyens, que l'affaire est une révélation de l'immoralité du politique en général. En mettant les unes à côté des autres des informations choisies dans l'actualité, on ne peut que partager la conclusion que l'on cherche à nous faire avaler : tous pourris !

Selon Gérard Bronner, ce sont la disponibilité et la massification de l'information, notamment grâce à internet, qui permettent de faire tous les assemblages possibles de laisser imaginer que toutes ces informations sont liées, qu'il y a derrière ça une sorte de complot, ou l'oeuvre d'une corruption générale du politique,et quelqu'un de secret qui tient toutes les ficelles de l'ensemble. Et voilà comment nous tombons victimes de ce désordre psychologique qu'est "l'effet halo".

 Tiens, un bon exemple le tweet de christine Boutin récemment, une merveille d'effet Halo :

" Mariage gay? Tout s'explique! Le trésorier de François Hollande, qui aurait des comptes aux îles Caïman, est aussi le directeur du magazine Têtu".

Tout s'explique, rien du tout...mais on voit bien où elle veut en venir...

Ainsi, cet "effet" a tendance, pour ceux qui en sont victimes (la plupart d'entre nous selon Gérald), à leur faire considérer que l'attitude de suspicion, d'accusation, de défiance, sont des manifestations de notre intelligence, de notre "esprit critique", et non de notre délire. D'où tous ces "donneurs d'alertes" qui se répandent dans les médias pour nous "avertir", nous "prévenir" de tout un tas de menaces parfois complètement débiles, mais qui sont parfois mieux crues que des paroles d'experts ou scientifiques que l'on n'écoute pas (car, forcément, ils sont dans le complot, et il vaut mieux s'en méfier) : on nous alerte contre l'air que l'on respire, contre ce que nous mangeons, contre la science, contre les versions officielles d'évènements dont on nous "cache" la vraie version (le 11 septembre par exemple).

Avec tout cela, on assiste à un embouteillage des craintes, qui nous tombent dessus chaque jour, en temps réel, sur internet, sur Twitter, dans les réseaux sociaux, alors que le temps pour démentir, pour avoir la vérité scientifique ou la réponse judiciaire, est, lui, trop long.Comme le rearque gérald Bronner :

" Les arguments du soupçon sont beaucoup plus aisés à produire et rapides à diffuser que ceux qui permettent de renouer le fil d'une confiance si nécessaire à la vie démocratique".

Il reprend ces arguments dans l'ouvrage qu'il vient de sortir, au titre éloquent : " La démocratie des crédules". 

La thèse est que l'avalanche d'informations qui s'abat sur nous au quotidien nous donne l'impression d'une complication galopante et angoissante de notre monde.Au point que personne, même de façon superficielle, ne peut apréhender l'ensemble des sujets. On doit donc choisir et porter notre confiance vers ceux qui nous expliquent les informations que nous ne pouvons nous-mêmes pas connaître ou comprendre sur le fond. Et cela nous rend plus vulnérables pour écouter ceux qui voient des complots partout.Au point d'oublier le "cimetière des suspicions infondées", et ne retenir que celles qui sont justifiées et touchent leur cible.

D'où le danger, par exemple, avec l' "affaire Cahuzac", de donner trop d'importance à ceux qui veulent l'instrumentaliser pour poursuivre leur oeuvre de description du monde avec l'imagination du pire et du "complot", et en font un peu trop.

Ces phénomènes ne sont probablement pas réservés aux médias et aux sujets politiques.

Le déluge informationnel peut nous rendre paranos, et endormir notre vigilance.

Alors quand on nous parle, qu'on nous informe, qu'on nous explique les complots,peut-être est-il parfois nécessaire de prendre un peu de hauteur : Non, mais Halo, quoi?


Le marketing, poison d'avril ?

MarketingUn bon marketing c'est quoi ?

A force de convaincre des gens qui n'en ont n'ont pas les moyens à acheter ce dont ils n'ont pas besoin, est-on sûr de bien relancer la croissance?

A moins de revenir aux origines du marketing, justement...

C'est le sujet de ma chronique sur "Envie d'entreprendre" ce mois-ci.

Allez-y pour voir...Oui, bon, c'est du marketing, ça aussi, forcément...