Halo Halo
07 avril 2013
J'avais déjà parlé de cet "effet Halo', ainsi dénommé par Phil Rosenzweig. Cela m'avait valu un petit échange de commentaires avec un journaliste en plein effet Halo inconsciemment.
De quoi s'agit-il ?
Cela consiste à rechercher a posteriori les origines d'un phénomène (succès, échec, écvènement) dans des critères, ou des causes, qui sont justement choisis, de manière sélective, pour expliquer le phénomène.
On connaît ce phénomène dans nos entreprises, où l'on cherche toujours les critères qui ont fait réussir, pour ensuite en faire des causes pour les succés futurs ( cette fameuse obsession du benchmark où l'on recherche les meilleures pratiques pour les copier et obtenir, croît-on, les mêmes succés que ceux que l'on copie). C'est ça, l'effet Halo, et Phil Rosenzweig en parle pour nous dire de nous en méfier. C'est une illusion.
Je vous raconte ça car je trouve dans Le Monde de ce week end une nouvelle dénonciation de cet effet Halo par un professeur de sociologie, Gérald Bronner, spécialiste de la sociologie des croyances collectives. Et pour illustrer l'effet en question, il évoque "l'affaire Cahuzac".
Dans cette "affaire", ce qu'il soulève, ce ne sont pas les faits en eux-mêmes, mais l'interprétation, notamment par les médias, les politques, et, par contagion, les citoyens, que l'affaire est une révélation de l'immoralité du politique en général. En mettant les unes à côté des autres des informations choisies dans l'actualité, on ne peut que partager la conclusion que l'on cherche à nous faire avaler : tous pourris !
Selon Gérard Bronner, ce sont la disponibilité et la massification de l'information, notamment grâce à internet, qui permettent de faire tous les assemblages possibles de laisser imaginer que toutes ces informations sont liées, qu'il y a derrière ça une sorte de complot, ou l'oeuvre d'une corruption générale du politique,et quelqu'un de secret qui tient toutes les ficelles de l'ensemble. Et voilà comment nous tombons victimes de ce désordre psychologique qu'est "l'effet halo".
Tiens, un bon exemple le tweet de christine Boutin récemment, une merveille d'effet Halo :
" Mariage gay? Tout s'explique! Le trésorier de François Hollande, qui aurait des comptes aux îles Caïman, est aussi le directeur du magazine Têtu".
Tout s'explique, rien du tout...mais on voit bien où elle veut en venir...
Ainsi, cet "effet" a tendance, pour ceux qui en sont victimes (la plupart d'entre nous selon Gérald), à leur faire considérer que l'attitude de suspicion, d'accusation, de défiance, sont des manifestations de notre intelligence, de notre "esprit critique", et non de notre délire. D'où tous ces "donneurs d'alertes" qui se répandent dans les médias pour nous "avertir", nous "prévenir" de tout un tas de menaces parfois complètement débiles, mais qui sont parfois mieux crues que des paroles d'experts ou scientifiques que l'on n'écoute pas (car, forcément, ils sont dans le complot, et il vaut mieux s'en méfier) : on nous alerte contre l'air que l'on respire, contre ce que nous mangeons, contre la science, contre les versions officielles d'évènements dont on nous "cache" la vraie version (le 11 septembre par exemple).
Avec tout cela, on assiste à un embouteillage des craintes, qui nous tombent dessus chaque jour, en temps réel, sur internet, sur Twitter, dans les réseaux sociaux, alors que le temps pour démentir, pour avoir la vérité scientifique ou la réponse judiciaire, est, lui, trop long.Comme le rearque gérald Bronner :
" Les arguments du soupçon sont beaucoup plus aisés à produire et rapides à diffuser que ceux qui permettent de renouer le fil d'une confiance si nécessaire à la vie démocratique".
Il reprend ces arguments dans l'ouvrage qu'il vient de sortir, au titre éloquent : " La démocratie des crédules".
La thèse est que l'avalanche d'informations qui s'abat sur nous au quotidien nous donne l'impression d'une complication galopante et angoissante de notre monde.Au point que personne, même de façon superficielle, ne peut apréhender l'ensemble des sujets. On doit donc choisir et porter notre confiance vers ceux qui nous expliquent les informations que nous ne pouvons nous-mêmes pas connaître ou comprendre sur le fond. Et cela nous rend plus vulnérables pour écouter ceux qui voient des complots partout.Au point d'oublier le "cimetière des suspicions infondées", et ne retenir que celles qui sont justifiées et touchent leur cible.
D'où le danger, par exemple, avec l' "affaire Cahuzac", de donner trop d'importance à ceux qui veulent l'instrumentaliser pour poursuivre leur oeuvre de description du monde avec l'imagination du pire et du "complot", et en font un peu trop.
Ces phénomènes ne sont probablement pas réservés aux médias et aux sujets politiques.
Le déluge informationnel peut nous rendre paranos, et endormir notre vigilance.
Alors quand on nous parle, qu'on nous informe, qu'on nous explique les complots,peut-être est-il parfois nécessaire de prendre un peu de hauteur : Non, mais Halo, quoi?
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