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Bachi Bouzouk !

Mémoire du futur

VueLa formule est, paraît-il, du neurobilogiste suédois David Ingvar : il existe dans notre cerveau une "mémoire du futur"qui est constituée de toutes les situations probables dans l'avenir, et qui construit ainsi des modèles pour pour des futurs possibles, rêvés ou espérés en utilisant tout ce qui est stocké dans nos mémoires à court, moyen et long terme.

Mais cette mémoire du futur, c'est aussi celle qui nous empêche de vraiment voir le futur, et nous rend au contraire aveugle à ce qui n'est pas déjà dans notre mémoire.

Arie de Geus (auteur futuriste célèbre, ayant participé à la création des scénarios chez Shell) raconte l'histoire imaginaire, pour illustrer le concept, d'un sauvage préhistorique qui serait transporté dans notre monde moderne, et reviendrait raconter ce qu'il a vu à ses congénères : il raconterait que ce qu'il a vu de plus extraordinaire est une brouette remplie de bananes comme il n'est pas possible d'en transporter dans la société préhistorique où il vit. Par contre, il n'aura rien remarqué des voitures, des gratte-ciels, de tout ce qui est trop éloigné de sa "mémoire du futur".

C'est le même phénomène qui nous empêche d'imaginer ce qui est déjà dans nos plans, ou notre conception du monde et de l'environnement, et fait de nous des aveugles du futur : nous n'arrêtons pas d'imaginer les futurs, les scénarios de demain, mais en reproduisant ce que nous avons stocké dans nos mémoires.

C'est pourquoi, pour être capable de sortir de ce piège, il est nécessaire d'entretenir cette "mémoire du futur", de la nourrir en permanence de rencontres nouvelles et diversifiées, de voyages, d'expériences,..

C'est le but de l'ouvrage de Peter Schwartz, "The art of the long view".

Il y raconte notamment, pour mieux nous donner envie d'en sortir, des expériences de "planification stratégique" calamiteuses avec des gens dont la "mémoire du futur" est trop restreinte.

Il a ainsi mener un atelier avec des fonctionnaires des Transports au gouvernement fédéral de Washington, sur une question du type : Que se passerait-il si on ne construisait pas assez d'autoroutes et de transports publics? Les participants, tous trés honorables, genre sénateurs et experts, se sont révélés incapables de trouver des réponses, trouvant que cela était non plausible, impossible; ils avaint tout prévu, tous les problèmes avaient une solution et ils la trouveraient.

Il est facile d'identifier autour de nous des personnes et des managers et dirigeants atteints de cette atrophie de leur "mémoire du futur", non ? Même, si l'on voulait être un peu provocateur, parmi nos élites politiques.

Pour ne pas tomber dans cette maladie, Peter Schwartz propose un entraînement qu'il dit pratiquer lui-même depuis vingt ans : toujours imaginer des histoires du futur les plus débiles et improbables, optimistes ou pessimistes, face aux choix par rapport au futur. Cela concerne les sujets professionnels, les sujets d'organisation ou de stratégie de nos entreprises, mais aussi, pourquoi pas, la vie quotidienne, l'amour, la vie, la santé,...

Entretenir sa "mémoire du futur" c'est faire comme avec les enfants, se raconter des histoires.Cela vaut pour soi-même mais aussi collectivement (quand on se retrouve dans ses réunions sur le plan stratégique entouré d'atrophiés de la mémoire du futur). Il s'agit de permettre de conduire des "conversations stratégiques".

Un des éléments clés c'est, avant de se projeter dans les futurs, de bien regarder le présent et le passé : Où sommes-nous maintenant? Comment avons-nous réagi au changement dans le passé? Comment avons-nous anticipé et réagi aux modes, aux tendances d'hier? Quand est-ce qu'on s'est bien débrouillés, et quand avons-nous été surpris? D'où est venue cette surprise? On se raconte les histoires du passé, pour chauffer sa mémoire; et alors on pourra commencer à la nourrir avec le présent: s'intéresser aux tendances, aux modes, aux changements, de maintenant. Peut-être avec un autre oeil; peut-être même qu'on va s'apercevoir d'une tendance qui était en train d'échapper à notre vigilance.

Et alors, on va pouvoir, fort d'une "mémoire du futur" bien rechargée, exercer nos talents de futuriste.

C'est cool le futur, non?

Je vais repérer les brouettes avec des bananes pour m'entraîner...

Commentaires

Nicolas

Original comme sujet, cette histoire de la mémoire du futur !
Pour s'entraîner, c'est une autre paire de manche. L'humour et la dérision peuvent aider !

Abdelhamid NIATI

Très intéressant et surprenant. cette mémoire du futur permettrait, dans le cadre professionnel, d'éviter bien des déconvenues en imaginant le plus délirant ! Un gain de temps considérable !

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